Justice, témoignage et cerveau Bayésien.

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En 1983, le chercheur canadien Geoffrey Hinton avait suggéré que le cerveau prenait des décisions basées sur les incertitudes du monde extérieur. Ultérieurement d'autres chercheurs avaient envisagé la possibilité que le cerveau puisse représenter ses connaissances sur le monde en terme de probabilités. Une distance dans l'espace, ainsi, ne serait pas estimée par un nombre unique mais par une série de valeurs dont certaines apparaissent plus probables que les autres. L'expérimentation, c'est-à-dire les nouveaux messages reçus des sens, obligerait à modifier (actualiser) ces valeurs en temps réel. On emploie le terme de cerveau bayésien parce que Thomas Bayes avait réalisé une méthode permettant de calculer comment évolue la probabilité d'un évènement au reçu de nouvelles informations le concernant.

Le fait que le cerveau fasse en permanence des prédictions sur le mode bayésien concernant aussi bien les événements extérieurs que les modifications de ses propres états internes n'est plus discuté aujourd'hui.

Nous ne percevons donc pas la réalité telle qu'elle est, mais l'interprétons en fonction d'aprioris Bayésiens liés à notre histoire personnelle et à nos apprentissages.
En présence d'un percept ambigue, le cerveau ne va donc pas percevoir la réalité, mais une interprétation fonction de ses aprioris.

La question se pose donc :

- Quelle peut-être la valeur du témoignage si face à un fait ambigue, le cerveau effectue un choix bayésien ?

- Ne tendra-t-il pas à percevoir ce qui lui semblait le plus probable, plutôt que la réalité elle-même. ?

- Le témoin peut donc se tromper tout en étant de bonne foi ?

Cordialement,
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[invite6754323456711]

Nous ne percevons donc pas la réalité telle qu'elle est

Qu'est-ce qui nous laisse croire que nous pourrions atteindre (nous humains), ce que nous désignons par ce "qui est" ou plutôt au conditionnel ce "qui serait" ?

Qu'est-ce qui pourrait bien être ? Nos chosifications, réification, les relations/interactions entre entités que nous conceptualisons, nos perceptions vécu/qualia, ... ?

Pour Poincaré les mathématiques (très largement utilisé pour parler de la physique) n'étudient pas des objets, mais des relations entre objets. Il leur est indifférent de remplacer ces objets par d'autre pourvu que les relations ne changent pas. La matière ne lui importe pas, la forme seule les intéresse.


Patrick

[Les Terres Bleues]

Bonjour Ouroboros,

Le fait que le cerveau fasse en permanence des prédictions sur le mode bayésien concernant aussi bien les évènements extérieurs que les modifications de ses propres états internes n’est plus discuté aujourd’hui.

Nous ne percevons donc pas la réalité telle qu’elle est, mais l’interprétons en fonction d’aprioris Bayésiens liés à notre histoire personnelle et à nos apprentissages.
En présence d’un percept ambigue, le cerveau ne va donc pas percevoir la réalité, mais une interprétation fonction de ses aprioris.

« La réalité telle qu’elle est » est un concept qui relève du pur fantasme.
Nous ne disposons que de représentations de la réalité.
La réalité, elle, n’a toujours été, n’est et ne sera toujours que relative à une observation.

On peut juste affirmer que « ceci existe face (ou relativement ou par rapport) à cela, face à celui-ci ou à celui-là ».

Quelle peut-être la valeur du témoignage si face à un fait ambigue, le cerveau effectue un choix bayésien ?

Une valeur relative. Pas plus mais pas moins.

Ne tendra-t-il pas à percevoir ce qui lui semblait le plus probable, plutôt que la réalité elle-même. ?

C’est exactement ça.
Avant même toute conscientisation, le cerveau élimine ce qui lui paraît invraisemblable.

Le témoin peut donc se tromper tout en étant de bonne foi ?

Oui.

[Amanuensis]

- Ne tendra-t-il pas à percevoir ce qui lui semblait le plus probable, plutôt que la réalité elle-même. ?

Dans le contexte, "bayésien" réfère à la réévaluation bayésienne. Donc justement à la prise en compte de ce qui est perçu pour modifier les fonctions d'évaluation de la vraisemblance.

Pas vraiment percevoir ce qui semble le plus vraisemblable. C'est plutôt dire que la perception procède par différence entre ce qui est attendu comme le plus vraisemblable et ce que les sens indiquent effectivement.

Le danger pour les témoignages n'est pas la réévaluation bayésienne, mais plutôt les cas où ce qui est attendu comme le plus vraisemblable colle avec ce qu'indiquent les sens, mais se trouve être une illusion. Cas de certaines illusions d'optique par exemple.

Plutôt que la réévaluation bayésienne, ce qui importe pour les témoignages est simplement l'analyse choisissant au maximum de vraisemblance, aspect du cerveau qui est plus large (et "précède") la notion de réévaluation bayésienne (qui elle n'est qu'une version sophistiquée de l'induction, et permet la prise en compte de la "réalité", ou plutôt des indications de nos sens).

[A voir en vidéo sur Futura]