La certitude
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La certitude



  1. #1
    invite2ca586bb

    La certitude


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    Je lis donc tellement de choses sur ces différents forums, tellement de grandes déclarations sur "ce qui est" et "ce qui n'est pas", ce qui est certain, ce qui est vrai, et ce qui relève de la croyance et autres, j'aimerais bien proposer un vrai débat sur la question.

    Quelle est le statut de la connaissance scientifique selon vous, vs la connaissance ordinaire (dans lequel nous incluerons donc les croyances et le reste) ?
    La science affirme-t-elle des choses vraies ? des choses certaines ?

    Je rappelle que ma position personnelle est plutôt issue de l'épistémologie poppérienne, à savoir : Ce qui différencie la connaissance scientifique de la connaissance ordinaire, c'est que la première énonce des hypothèses réfutables tandis que la seconde énonce des vérités.

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  2. #2
    invitea20bed5c

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par actae
    Je lis donc tellement de choses sur ces différents forums, tellement de grandes déclarations sur "ce qui est" et "ce qui n'est pas", ce qui est certain, ce qui est vrai, et ce qui relève de la croyance et autres, j'aimerais bien proposer un vrai débat sur la question.

    Quelle est le statut de la connaissance scientifique selon vous, vs la connaissance ordinaire (dans lequel nous incluerons donc les croyances et le reste) ?
    La science affirme-t-elle des choses vraies ? des choses certaines ?

    Je rappelle que ma position personnelle est plutôt issue de l'épistémologie poppérienne, à savoir : Ce qui différencie la connaissance scientifique de la connaissance ordinaire, c'est que la première énonce des hypothèses réfutables tandis que la seconde énonce des vérités.
    Bonjour,
    la position du scientifique est de dire "voici ma théorie du moment", il ne parlera jamais de vérité.
    A ma connaissance seuls certains mystiques parlent de vérité. Mais ils ont atteint cette vérité par l'illumination (perception non duale des choses), qui est une voie interne, cette vérité leur est donc propre.
    Mais alors pourquoi décrivent-ils tous la même chose et que ces descriptions coïncident avec la physique moderne ? (voir "le tao de la physique", écrit par un docteur en physique ayant enseigné à Berkeley : Fritjof Capra).
    Cordialement,
    Gil

  3. #3
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Bonsoir,

    Ma position est proche de celle décrite par Borel, je crois, mais sûrement aussi par d'autres. A savoir la certitude absolue n'existe pas, ce mot n'est qu'une manière de parler de probabilités très proches de 1, mais non égale à 1.

    Les seuls savoirs intéressants sont ceux qui permettent de prendre des décisions, ce qui inclut les savoirs scientifiques comme les savoirs qui permettent de prédire certaines conséquences des différentes alternatives qui se présentent lors d'un choix.

    Une manière de définir une certitude est l'ampleur du pari que l'on accepte de prendre sur ce savoir, sur ces prédictions. En gros est une certitude un savoir sur les prédictions duquel on est prêt à prendre le pari le plus élevé possible, sa vie par exemple, celle de ses enfants, etc. Cela paraît grandiloquent, mais on fait de tels paris en permanence, ce qui montre (avec cette définition) qu'on a plein de certitudes.

    Lorsqu'on marche on a la certitude que le sol ne va pas s'écrouler sous nos pieds par exemple. On mange tous les jours en se basant sur la certitude qu'il n'y a pas de cyanure dans la nourriture. Etc, etc.

    Remarquons que cette approche reste Popperienne, avec une nuance amusante: si la théorie se révèle fausse (si elle est réfutée), alors on en meurt, ou plus généralement on perd l'enjeu maximum que l'on a parié...

    L'avantage de cette approche probabiliste est qu'elle permet d'entrée ce continuum entre certitude "maximum" (sur laquelle on est près à risquer l'enjeu maximum) et des certitudes "moindres".

    L'approche Popperienne est plus limitée dans ce domaine. Dire qu'une théorie est "vraie" si elle propose des prédictions réfutables (qui permettent un test en oui ou non), n'est pas très satisfaisant comme certitude, surtout que le passé montre qu'un nombre important de théories se sont révélées fausses!

    Cordialement,

  4. #4
    invite441ba8b9

    Re : La certitude

    La sciences n'affirme pas des choses vraies puisque ce n'est pas son but... Elle déduit seulement des relations entre phénomènes observés empiriquement et expérimentalement... Pour l'étude de la "vérité" (de la cohérence), on serait plutot dans le domaine de la logique.

    GFD.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    Moi je suis bien d'accord, mais encore une fois, je m'étonne sincèrement du nombre de posts où je lis exactement le contraire.


    Citation Envoyé par mmy
    Bonsoir,

    Les seuls savoirs intéressants sont ceux qui permettent de prendre des décisions, ce qui inclut les savoirs scientifiques comme les savoirs qui permettent de prédire certaines conséquences des différentes alternatives qui se présentent lors d'un choix.

    Une manière de définir une certitude est l'ampleur du pari que l'on accepte de prendre sur ce savoir, sur ces prédictions. En gros est une certitude un savoir sur les prédictions duquel on est prêt à prendre le pari le plus élevé possible, sa vie par exemple, celle de ses enfants, etc. Cela paraît grandiloquent, mais on fait de tels paris en permanence, ce qui montre (avec cette définition) qu'on a plein de certitudes.

    Lorsqu'on marche on a la certitude que le sol ne va pas s'écrouler sous nos pieds par exemple. On mange tous les jours en se basant sur la certitude qu'il n'y a pas de cyanure dans la nourriture. Etc, etc.
    L'avantage de cette approche probabiliste est qu'elle permet d'entrée ce continuum entre certitude "maximum" (sur laquelle on est près à risquer l'enjeu maximum) et des certitudes "moindres".

    L'approche Popperienne est plus limitée dans ce domaine. Dire qu'une théorie est "vraie" si elle propose des prédictions réfutables (qui permettent un test en oui ou non), n'est pas très satisfaisant comme certitude, surtout que le passé montre qu'un nombre important de théories se sont révélées fausses!

    Cordialement,
    Bonsoir

    C'est effectivement tout le problème que pose l'épistémologie poppérienne.

    Alors est-ce que je me trompe si je comprends que pour toi, les certitudes sont intuitives ? Est-ce que c'est le cas de toutes les connaissances ? Tu différencies quand même connaissances communes, "immediates", et savoir scientifique. Sur quelle bases ?

    De manière associée : Tu sembles donc considérer qu'il n'y a qu'une différence de degrés entre connaissance scientifique et connaissance commune. L'une est simplement plus probable qu'une autre. Mais alors qui fixe le degré ?
    Par exemple, si je dis : Il y a 98% de chances pour que le sol ne s'effondre pas sous mes pieds. C'est un pari raisonnable.
    Cela veut-il dire que je peux affirmer : Il y a 97% de chances pour que Dieu existe (c'est-à-dire un peu moins) ? Et est-ce que cela en fait un savoir scientifique ?

    BBFaifa, je parle de la vérité révélée, par exemple. Du simple fait de croire à ce en quoi on croit.

  7. #6
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par GottferDamnt
    La sciences n'affirme pas des choses vraies puisque ce n'est pas son but... Elle déduit seulement des relations entre phénomènes observés empiriquement et expérimentalement... Pour l'étude de la "vérité" (de la cohérence), on serait plutot dans le domaine de la logique.
    Bonsoir,

    Je ne comprends pas. Tu n'inclus pas la logique dans les sciences? Tu n'inclus pas les maths dans les sciences? Tu n'inclus pas la logique dans les maths? Tu penses que l'on peut faire des sciences sans maths?

    Par ailleurs, en quoi dans la vie courante quelque chose de "vrai" est plus utile que les prédictions bien établies que permet la connaissance des relations entre phénomènes... qui d'après toi ne sont pas vraies?

    Et enfin, peux-tu me citer une chose vraie qui n'est pas une relation entre phénomènes observés empririquement et expérimentalement?

    Cordialement,

  8. #7
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par actae
    Alors est-ce que je me trompe si je comprends que pour toi, les certitudes sont intuitives ? Est-ce que c'est le cas de toutes les connaissances ? Tu différencies quand même connaissances communes, "immediates", et savoir scientifique. Sur quelle bases ?
    Pour la première question, le mot "intuitif" n'est pas clair pour moi dans ce contexte.

    Pour l'autre, je ne fais aucune différence entre connaissances communes et scientifiques, dans la mesure où on limite connaissances communes à celles qui permettent les prédictions.

    De manière associée : Tu sembles donc considérer qu'il n'y a qu'une différence de degrés entre connaissance scientifique et connaissance commune. L'une est simplement plus probable qu'une autre. Mais alors qui fixe le degré ?
    Le degré est fixé par l'enjeu qu'on est capable de mettre sur la prédiction. De nombreuses connaissances communes peuvent être de nature scientifique sans être l'objet de livres ou de thèses. Quand je prends un oeuf le rapport entre la perception de l'oeil et le mouvement du bras et de la main est très précis, ainsi que la force à appliquer. Cela reste difficile à faire avec une machine, c'est à dire par l'application de connaissances scientifiques!

    Par exemple, si je dis : Il y a 98% de chances pour que le sol ne s'effondre pas sous mes pieds. C'est un pari raisonnable.
    Certainement pas raisonnable! Dans la vie courante, on fait ce pari avec une incertitude certainement bien meilleure que du 10-9 ou même 10-12. Combien de personnes dans le monde, combien de pas en avant faits chaque année par toutes ces personnes, et combien de cas où le sol n'a pas eu le comportement escompté?

    Cela veut-il dire que je peux affirmer : Il y a 97% de chances pour que Dieu existe (c'est-à-dire un peu moins) ? Et est-ce que cela en fait un savoir scientifique ?
    Quel pari fais-tu réellement sur ce savoir? As-tu jamais pris une décision où tu as risqué ta vie sur ce savoir?

    BBFaifa, je parle de la vérité révélée, par exemple. Du simple fait de croire à ce en quoi on croit.
    Je fais très attention de parler de savoirs permettant de faire des prédictions. Ce n'est pas l'ensemble du savoir. En d'autres termes, on prend des décisions sur d'autres données que les savoirs permettant des prédictions. L'autre partie est composée des savoirs qui permettent de juger, de comparer. En effet, une fois estimées les conséquences prédites de différentes alternatives, il reste à les classer, dire lesquelles de ces conséquences sont préférables, et rien dans les savoirs scientifiques ne le permet. Il faut des critères de jugement, des notions de bien et de mal, si on veut. Je pense raisonnable de considérer qu'il puisse y avoir des vérités révélées dans ce domaine.

    Cordialement,
    Dernière modification par invité576543 ; 19/12/2005 à 20h20.

  9. #8
    invite441ba8b9

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par mmy
    B
    Je ne comprends pas. Tu n'inclus pas la logique dans les sciences? Tu n'inclus pas les maths dans les sciences? Tu n'inclus pas la logique dans les maths? Tu penses que l'on peut faire des sciences sans maths?
    ... Tu confonds tout... Les sciences utilisent la logique mais ce n'est pas DE LA logique ! La logique est un outil utilisé par les scientifiques pour éviter toute erreur d'interprétation... mais là où se situe la différence est que le scientifique limite sa logique à ce qu'il peut expérimenter/observer.

    Et enfin, peux-tu me citer une chose vraie qui n'est pas une relation entre phénomènes observés empririquement et expérimentalement?
    L'interprétation de Copenhague par exemple en mécanique quantique qui admet sans démonstration et seulement par l'observation le postulat de réduction du paquet d'ondes en défaveur de la thèse d'Everett qui me semble bien plus logique.

    Par ailleurs, en quoi dans la vie courante quelque chose de "vrai" est plus utile que les prédictions bien établies que permet la connaissance des relations entre phénomènes... qui d'après toi ne sont pas vraies?
    Rien bien sûr mais il ne faut pas oublier qu'une interprétation incorrecte est souvent liée à des prédictions érronées.

    GFD.

  10. #9
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par GottferDamnt
    L'interprétation de Copenhague par exemple en mécanique quantique qui admet sans démonstration et seulement par l'observation le postulat de réduction du paquet d'ondes en défaveur de la thèse d'Everett qui me semble bien plus logique.
    Je ne vois pas ce qui est "vrai" là-dedans. Ce ne sont que des spéculations, d'un côté comme de l'autre. Et l'emploi du mot "logique" à la fin ajoute à ma confusion...

    Cordialement,

  11. #10
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    C'est une approche intéressante, première fois que j'y suis confronté. Je comprends que son intéret premier est d'éviter le problème de l'induction, c'est bien cela ?


    Citation Envoyé par mmy
    Le degré est fixé par l'enjeu qu'on est capable de mettre sur la prédiction. De nombreuses connaissances communes peuvent être de nature scientifique sans être l'objet de livres ou de thèses. Quand je prends un oeuf le rapport entre la perception de l'oeil et le mouvement du bras et de la main est très précis, ainsi que la force à appliquer. Cela reste difficile à faire avec une machine, c'est à dire par l'application de connaissances scientifiques!
    Oui, donc là, je comprends en effet que ces connaissances ne sont pas intuitives.
    Mais quel est alors le procès d'acquisition de ces connaissances ?


    Citation Envoyé par mmy

    Je fais très attention de parler de savoirs permettant de faire des prédictions. Ce n'est pas l'ensemble du savoir. En d'autres termes, on prend des décisions sur d'autres données que les savoirs permettant des prédictions. L'autre partie est composée des savoirs qui permettent de juger, de comparer. En effet, une fois estimées les conséquences prédites de différentes alternatives, il reste à les classer, dire lesquelles de ces conséquences sont préférables, et rien dans les savoirs scientifiques ne le permet. Il faut des critères de jugement, des notions de bien et de mal, si on veut. Je pense raisonnable de considérer qu'il puisse y avoir des vérités révélées dans ce domaine.
    Alors, j'essaie de comprendre et je reformule.
    A chaque pas, se met en place un petit moulinage sur des données déjà engrammées et disponibles. Le moulinage consiste en le calcul d'une proba qui entraine la détermination d'une action. La réussite ou l'échec de l'action est emmagasinée à son tour comme nouvelle donnée disponible.

    Il me semble alors que, dasn cette explication, tu dis autre chose qu'ici :

    Citation Envoyé par mmy
    "Quel pari fais-tu réellement sur ce savoir? As-tu jamais pris une décision où tu as risqué ta vie sur ce savoir?"
    Je n'avais pas l'impression que dans le procès "commun" que tu définissais se jouait la mort à chaque instant. Et d'ailleurs, je ne vois pas empiriquement comment ce serait possible.
    Ainsi, puisque que dans ton modèle, il n'y a pas de distinction entre croyance et connaissance scientifique, le raisonnement ne peut être que réversible : Si "croire en Dieu" est une question de vie ou de mort, "ne pas croire en Dieu" devrait l'être aussi.
    Or, même à admettre que croire en Dieu est chargé ontologiquement, "ne pas croire en Dieu", empiriquement, n'est pas une question de vie ou de mort.

    Manifestement, il y a des choses en lesquelles on croit, il y a des choses qu'on sait -ou qu'on ne sait pas !- sans que pour cela, ce soit une question de vie ou de mort. Non ?

  12. #11
    GillesH38a

    Re : La certitude

    Bonjour a tous

    il faut reconnaitre que les théories epistémologiques sont souvent une "idéalisation" de la connaissance par rapport à la réalité vécue par les scientifiques. Par exemple la "falsifiabilité " de Popper s'est avérée en fait n'être jamais mise en pratique, conduisant Kuhn a développer son modèle des "paradigmes". Mais en fait la réalité des "théories" est très mouvante.
    D'une certaine manière, on est CERTAIN que toutes les théories scientifiques sont fausses, puisqu'on n'a pas la théorie "ultime". L'exemple de la MecaQ est clair : on n'a que des "interprétations", dont aucune n'est logiquement fermée.
    En réalité, on utilise la plupart du temps des théories dont on sait très bien qu'elles sont fausses, parce qu'on connaît des théories meilleures, mais plus compliquées : exemple méca newtonienne vs RG, hydrodynamique vs mécanique statistique...Mais en fait le fait de savoir qu'une théorie meilleure est "approximativement " vraie permet d'avoir une très grande confiance dans l'erreur qu'on commet avec une théorie approchée. Ainsi, on sait que la Meca Newtonienne est fausse, mais on est pratiquement certain (j'ai même envie de dire absolument certain si cela avait un sens) que ses erreurs de depasseront pas des termes en (rg/r) ou rg est le rayon de Schwarzschild du corps. On accepte de ne pas savoir ce qu'il se passe a l'interieur d'un trou noir, mais on maitrise bien le lancement des satellites!

    donc je rejoins mmy, avec une nuance: on ne parie pas sur la vérité de la théorie, mais sur la validité de la borne supérieure de l'erreur qu'on commet (qui existe certainement).

    Cordialement

    Gilles

  13. #12
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par actae
    C'est une approche intéressante, première fois que j'y suis confronté. Je comprends que son intéret premier est d'éviter le problème de l'induction, c'est bien cela ?
    Pas vraiment. Le savoir "prédictif" est entièrement basé sur l'induction, à mon sens. Mais l'induction ne peut pas donner de certitudes absolues, il n'y a pas de contradiction. La confiance que l'on a dans les savoirs est une confiance dans la régularité de l'univers, et cela se traduit dans une confiance dans les savoirs obtenus par induction. D'un point de vue probabiliste, la confiance dans l'induction est basé sur le "savoir" (lui-même obtenu par induction ) que l'échantillonage du passé est représentatif du futur.

    Je ne sais pas trop quel est mon intérêt premier! Pour moi, les notions de connaissance, de savoir, de moral, d'éthique, sont toutes des facettes d'une notion à laquelle toutes se ramènent, la notion d'action et par ce biais à celle de la décision, du choix. Le savoir désincarné, indépendamment de son usage, n'a aucun intérêt au sens où en discuter ne m'intéresse pas. Et quel est l'usage du savoir si ce n'est la décision et l'action?

    Mais quel est alors le procès d'acquisition de ces connaissances ?
    Voir au-dessus, le savoir prédictif est basé sur l'induction.

    A chaque pas, se met en place un petit moulinage sur des données déjà engrammées et disponibles. Le moulinage consiste en le calcul d'une proba qui entraine la détermination d'une action. La réussite ou l'échec de l'action est emmagasinée à son tour comme nouvelle donnée disponible.
    Ca c'est la description de l'induction pour les connaissances "communes", procédé élaboré un peu mieux dans la démarche scientifique.

    Il me semble alors que, dasn cette explication, tu dis autre chose qu'ici :
    "Quel pari fais-tu réellement sur ce savoir? As-tu jamais pris une décision où tu as risqué ta vie sur ce savoir?
    D'une certaine manière. En fait, je contestais la croyance en Dieu comme un savoir prédictif. Je n'ai pas connaissance que la véracité ou non de ce savoir ait jamais entraîné une erreur de décision au sens où la personne a obtenu comme résultat autre chose qu'escompté. C'est une autre manière de dire que ce n'est pas réfutable au sens Popperien.

    Je n'avais pas l'impression que dans le procès "commun" que tu définissais se jouait la mort à chaque instant. Et d'ailleurs, je ne vois pas empiriquement comment ce serait possible.
    Je ne comprends pas "procès commun". Mais par ailleurs mon approche est bien que nous jouons notre vie en permanence sur notre confiance dans nos savoirs et connaissances. C'est l'intérêt de l'approche. Elle est plus facile à voir en l'inversant: c'est quand on a pas de certitude que l'on a conscience des risques que l'on prend. La contraposée est que si on a pas conscience du risque, c'est que l'on a une certitude!


    Ainsi, puisque que dans ton modèle, il n'y a pas de distinction entre croyance et connaissance scientifique
    Je ne crois pas avoir écrit cela! Je n'ai jamais parlé de croyance, ce mot ne viens pas facilement sous ma plume, j'ai du mal à le comprendre donc à l'employer.

    Manifestement, il y a des choses en lesquelles on croit, il y a des choses qu'on sait -ou qu'on ne sait pas !- sans que pour cela, ce soit une question de vie ou de mort. Non ?
    Pas sûr justement. Ce que je dis, c'est que le vrai test de la notion de "savoir avec certitude" c'est quand c'est une question de vie ou de mort. Un savoir sur lequel on engage un pari moindre est un savoir dont la certitude que l'on en a n'est pas démontré à plus que la valeur du pari!

    On engage sa vie ou sa mort en permanence sur une partie de son savoir prédictif, mais l'intégralité du savoir prédictif n'est pas impliqué dans des questions de vie ou de mort. Je peux calculer les positions des satellites de Jupiter, mais pour le moment je ne pense pas avoir pris sur ce savoir une décision qui ait jamais engagé grand chose... Il y des choses auxquelles on peut "croire" sans risque, si c'est cela que tu veux dire. Mais à mon sens ce ne sont pas des vraies certitudes, ou au minimum des certitudes non testées en tant que telles...

    Enfin, le mot croyance me semble surtout utilisé dans le domaine des savoirs liés aux buts, domaine différent de celui des savoirs prédictifs. Dans le domaine non prédictif, la notion de certitude ne peut pas être celle que je décris pour les savoirs prédictifs. A mon sens, l'existence de Dieu n'est pas dans le domaine des savoirs prédictifs, mais dans l'autre.

    Cordialement,

  14. #13
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par gillesh38
    donc je rejoins mmy, avec une nuance: on ne parie pas sur la vérité de la théorie, mais sur la validité de la borne supérieure de l'erreur qu'on commet (qui existe certainement).
    Bonsoir,

    Mais le savoir sur la borne supérieure de l'erreur est aussi un savoir prédictif, c'est à dire qui intervient dans la prise de décision. Je ne vois pas trop pourquoi faire une différence qualitative.

    La méca Newtonienne est peu sûre au sens où se baser dessus peut amener des prédictions incorrectes et la réalisation d'un risque, mais la méca Newtonienne modifiée par l'ajout d'une borne supérieure à l'erreur (ajout qui est en fait le résultat d'une autre théorie!) est d'une plus grande certitude toujours au sens pratique que j'utilise. A mon sens, les deux théories (avec où sans connaissance de la borne) sont deux théories différentes, et elles ont un degré de certitude différent. Ou encore, la connaissance de la borne est susceptible de changer certaines décisions... Cela me suffit pour y voir deux théories distinctes.

    Cordialement,

  15. #14
    invite481583a6

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par mmy

    Le degré est fixé par l'enjeu qu'on est capable de mettre sur la prédiction.
    Les personnes souffrant de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) mettent (bien involontairement) un enjeu maximum sur les prédictions, ce qu'il fait qu'elles vérifient plusieurs fois une chose dont elles sont certaines.
    Si la personne souffrant de TOC vérifie plusieurs fois qu'une porte est fermée sans pouvoir s'arrêter, ce n'est pas parceque elle n'est pas sûre que la porte soit fermée, mais que l'enjeu qu'elle y associe est complétement démesuré au point de prendre le pas sur la certitude.

  16. #15
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    J'aime bien cette approche, je crois bien en effet y retrouver l'épistémologie poppérienne, avec l'hypothèse générale et la méthode des essais et des erreurs, qui fait progresser vers la certitude (pour ne pas dire la vérité). Mais elle nécessite visiblement d'être clarifiée sur le statut différencié de la connaissance commune et de la connaissance scientifique.
    Tu disais d'abord ne faire aucune distinction, et j'ai maintenant l'impression que tu renommes "connaissance scientifique" par "savoir prédictif".

    Citation Envoyé par mmy
    D'un point de vue probabiliste, la confiance dans l'induction est basé sur le "savoir" (lui-même obtenu par induction )
    Oui c'est tautologique. Mais pourquoi pas. Ca permet en effet, non pas de se passer du principe de l'induction, mais d'éviter le problème lié au principe de l'induction.


    Citation Envoyé par mmy
    D'une certaine manière. En fait, je contestais la croyance en Dieu comme un savoir prédictif. Je n'ai pas connaissance que la véracité ou non de ce savoir ait jamais entraîné une erreur de décision au sens où la personne a obtenu comme résultat autre chose qu'escompté. C'est une autre manière de dire que ce n'est pas réfutable au sens Popperien.
    Pas d'accord. Il me semble tout à fait possible de dire dans ton modèle : X fait le pari que Dieu existe, et que celui-ci l'aime, et il accomplit alors telle action.
    S'il se trouve récompensé, sa croyance en Dieu -ou peut-être sa connaissance probabiliste de l'existence de Dieu ?- en sera raffermie.

    Ici, tu peux considérer que je détourne ton modèle. Mais je crois pouvoir me permettre de le faire parce que :

    Citation Envoyé par mmy

    1) Pas sûr justement. Ce que je dis, c'est que le vrai test de la notion de "savoir avec certitude" c'est quand c'est une question de vie ou de mort. Un savoir sur lequel on engage un pari moindre est un savoir dont la certitude que l'on en a n'est pas démontré à plus que la valeur du pari!

    2) La contraposée est que si on a pas conscience du risque, c'est que l'on a une certitude!

    3) On engage sa vie ou sa mort en permanence sur une partie de son savoir prédictif, mais l'intégralité du savoir prédictif n'est pas impliqué dans des questions de vie ou de mort. Je peux calculer les positions des satellites de Jupiter, mais pour le moment je ne pense pas avoir pris sur ce savoir une décision qui ait jamais engagé grand chose... Il y des choses auxquelles on peut "croire" sans risque, si c'est cela que tu veux dire. Mais à mon sens ce ne sont pas des vraies certitudes, ou au minimum des certitudes non testées en tant que telles...


    Ces trois énoncés me paraissent contradictoires en l'état.
    Selon 1) et 2) la connaissance sans enjeu (potentiellement sujette à un pari non-risqué) est ce qu'on peut appeler une certitude.
    Selon 3) la connaissance sans enjeu (potentiellement sujette à un pari non-risqué) n'est pas une vraie certitude.

    A mon avis, cette contradiction est liée à la nécessité de mieux définir les rapports entre connaissance commune et scientifique.
    D'après ce que je comprends de tes explications, je pense par exemple que tu pourrais dire en 3) : "Je peux calculer les positions des satellites de Jupiter mais pour le moment, je ne pense pas avoir jamais pris sur ce savoir une position qui engage grand-chose. Par conséquent, je sais donner les positions des satellites de Jupiter, j'ai la certitude de les retrouver chaque fois que je me penche sur la question."

    Me trompai-je ?

  17. #16
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    Nope. A la relecture, ca m'apparait pas meilleur. Il faudrait alors comprendre que le calcul des positions des satellites de Jupiter constitue une connaissance commune et non scientifique...

  18. #17
    invite5d273677

    Re : La certitude



    pour garder l'exemple de la théorie newtonienne et de la RG, je ne dirai pas que la théorie newtonienne est fausse et l'autre vraie. Elles ont des domaines de validité différents, et la frontière qui les sépare est identifiée par la méthode expérimentale (encore que dans cet exemple, mal choisi, l'une, la RG, est une théorie englobante de l'autre, la newtonienne).
    Or pour délimiter le domaine de validité d'une théorie il faut bien éprouver celle-ci jusqu'à ce qu'elle rencontre des conditions où elle ne s'applique plus. Il ne suffit pas de se contenter de rechercher tout ce qui va dans le sens d'une preuve de la théorie.
    D'ailleurs, une théorie scientifiquement acceptable doit pouvoir énoncer les limites de sa validité et laisser la possibilité d'un protocole expérimental qui la mettrait en défaut.
    C'est un critère de "vérité" au sens scientifique. Ce qui est de la non-vérité, par contre, c'est d'étendre une théorie à un domaine où elle n'est pas valide. Le physicien français Paul Langevin dénonçait cette tendance comme la "force d'expansion d'une théorie".

    Dans ce registre, par exemple, il est de mode aujourd'hui d'étendre les concepts de chaos déterministe, voire d'invoquer la physique quantique, pour justifier certaines approches de l'économie ou des sciences sociales. C'est peut-être "vrai", mais pas convaincant tant que quelqu'un n'a pas établi une théorie consistante à ce sujet et pouvant être mise à l'épreuve expérimentale (le pouvoir de prédiction par exemple). Etendre indûment une théorie à d'autres domaines, c'est s'exposer au réductionisme voire à l'idéologie: car en supprimant toute possibilité de prendre en compte des données relevant d'un autre domaine d'observations et d'expériences, la théorie expansive réduit tout objet à ses seuls principes fondateurs, et ferme la porte à toute nouvelle façon de le comprendre.

    Bien sûr, si deux théories fonctionnent sur des domaines de validité différents, rien n'empêche de chercher à les fusionner dans une théorie commune plus englobante. Ainsi le magnétisme et l'électricité ont été "unifiés" dans la théorie englobante de l'électromagnétisme. Le domaine de validité final est alors au moins égal à l'union des domaines de validité initiaux.
    C'est bien pour cette raison que la mécaQ et la RG pourraient un jour fusionner dans une théorie unitaire, si elle existe. Mais celle-ci ne se fera sans doute pas au prix de l'absorption de l'une par l'autre.

    La certitude là-dedans?

    En science la certitude se limite au domaine de validité du pouvoir de prédiction expérimentale d'une théorie. Donc, quand on énonce une "vérité" scientifique il faut toujours préciser ce domaine de référence, les hypothèses, le cheminement traité par les outils de la théorie, les confirmations expérimentales, mais aussi les faits expérimentaux qui les contredisent et qui marquent ainsi la frontière. C'est moins facile que d'affirmer des tas de choses, hein !!!
    De plus il faut toujours garder en vue que c'est l'expérience qui sert de garde-fou aux théories: sans elle, une théorie peut être poussée jusqu'à son extrême logique, paraître logiquement belle et cohérente, mais du même coup être inapplicable expérimentalement. Le père de la physiologie, Claude Bernard, s'en était déjà rendu compte au XIXe siècle.

    En-dehors des sciences, dans la vie de tous les jours, ou face à des problèmes si complexes et flous qu'il est impossible de théoriser, ou face à des décisions à prendre dans l'urgence et la complexité, ou encore face à ce désir vital de donner du sens à la vie, la démarche ci-dessus n'est pas conduite. Faut-il le regretter, ou bien y a-t-il d'autres voies pour saisir ces réalités si confuses?

    Pour tout cela, il y a:

    - l'intuition, la faculté du système cognitif humain de "prendre des racourcis" pour traiter des situations incertaines. C'est une donnée biologique qui prend ses racines dans l'évolution et les outils de survie biologique, comme le souligne le neurobiologiste Antonio Damasio.

    - la croyance, quel qu'en soit le domaine ou le niveau: ce qui est l'objet d'une croyance attend ou non une démonstration, une confirmation ultérieure, mais en attendant on croit pour pouvoir agir. Si la croyance attend une preuve, donc si elle laisse la place au doute du moment, alors elle reste assez proche de la démarche scientifique. Celle-ci en effet n'écarte pas une attitude de croyance lorsque, pour chercher une explication, on pose d'abord des hypothèses. Mais elle le fait de manière contrôlée et guidée par la méthode expérimentale, et si la preuve est négative, il faut abandonner ces convictions de départ "comme on jette un vieux bistouri" (Claude Bernard). Le scientifique n'a pas vocation à s'attacher à ce type de croyances, hormis celle fondamentale de la pérennité des principes rationnels. Dans le cas contraire on devient un idéologue.
    Maintenant, si la croyance n'attend pas de preuve ou d'infirmation ultérieure on a affaire à un acte de foi...

    - le désir vital de donner du sens à la vie, ai-je dit. C'est un moteur, une motivation de l'action, voire de la connaissance. Si la démarche scientifique indique comment aller et comment vont les choses, elle n'est pas perçue par tout le monde comme pouvant dire pourquoi y aller, pourquoi agir. Pour beaucoup, il faut trouver cette raison d'agir, d'exister, dans une "pulsion" qui accompagne le désir de vivre. Sous des formes aussi variées qu'il peut y avoir d'individus ou de groupes d'individus: sociales, culturelles, religieuses, philosophiques, émotionnelles, etc. Ce pluralisme dans l'expression du désir de vivre, d'exister, de compter pour et avec les autres, à mon avis, est sous-tendu par une donnée unitaire biologique de survie.
    Cela n'enlève rien à l'intérêt, voire la noblesse, de toutes ces choses qui font la vie, ne m'accusez pas de réductionisme! Car si au départ la survie était - peut-être - une affaire purement biologique, biochimique même, elle inclut maintenant l'histoire et les créations sociales, culturelles ou scientifiques de l'homme et qui font maintenant partie intégrante du monde que cherche à comprendre la science. Pas plus que notre univers actuel perdrait de l'intérêt parce qu'au départ il n'était qu'une bouillie de rayonnement, notre genre humain ne perd d'intérêt lorsqu'on se réfère aux processus formidables qui lui ont permis d'apparaître, de créer, d'imaginer, de sentir, et même de se transcender. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas au centre du cosmos qu'il n'est pas digne d'intérêt: il est digne d'intérêt parce qu'il cherche à le comprendre et à y créer des choses. Il fait partie, lui et sa création, de ce cosmos qui n'a pas encore révélé tout son potentiel de création, dans les phénomènes les plus "humbles" comme dans les plus "grandioses".

    Toutes ces pluralités dans la façon de percevoir le monde et d'y agir méritent d'être dans le champ de la connaissance scientifique, non pour les dénaturer ou les réduire, mais pour les accompagner dans un devoir de vigilance que les unes ne s'imposent pas aux autres, et que chaque individu les vive sans avoir à les imposer à l'autre. En somme, un outil d'accompagnement de la démocratie et de la tolérance pour que la liberté d'opinion des uns ne devienne pas un enfer pour les autres. Science et vigilance disait encore Paul Langevin...
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  19. #18
    invite87654345678
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par mmy
    Et enfin, peux-tu me citer une chose vraie qui n'est pas une relation entre phénomènes observés empririquement et expérimentalement?
    Bonjour

    La ronde des saisons. Elle existe, on la constate, on la vit, on subit ses effet, et elle n'a pas besoin d'être définie expérimentalement.
    La vie depuis la naissance jusqu'à la mort, qui se renouvèle sans cesse.
    Comme tu le demandais, je ne parle pas du pourquoi ni du comment. Je cite des choses vraies que l'on constate de manière empirique et qui n'ont pas besoin d'être prouvées expérimentalement.
    Maintenant, à moins de croire que tout cela n'est que mis en forme par l'esprit (des tchulpas)... rien n'est certain.

  20. #19
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par actae
    Mais elle nécessite visiblement d'être clarifiée sur le statut différencié de la connaissance commune et de la connaissance scientifique.
    Tu disais d'abord ne faire aucune distinction, et j'ai maintenant l'impression que tu renommes "connaissance scientifique" par "savoir prédictif".
    A mon avis, cette contradiction est liée à la nécessité de mieux définir les rapports entre connaissance commune et scientifique.
    Il faudrait alors comprendre que le calcul des positions des satellites de Jupiter constitue une connaissance commune et non scientifique...
    Bonjour,

    Je vais me concentrer sur le point de la notion de prédiction, le reste étant difficile à discuter sans clarifier cela.

    Je ne fais pas de distinction entre connaissance commune et scientifique. Dans la discussion, c'est toi qui cherches à la faire, ou à la chercher dans ce que j'écris, alors que je ne l'aborde pas. Ce serait plus simple si tu expliquais la différence que tu vois entre ces deux termes!

    La distinction que je cherche à faire est d'un autre ordre, ou du moins je le pense.

    Je pars du principe qu'un savoir, une connaissance, une science, est quelque chose qui sert, qui est utilisé. Il y a différents usages de ces choses, dont la possibilité de frimer, d'épater les autres, de gagner à des jeux télévisés ou à trivial pursuit. Mais l'usage fondamental, le seul qui m'intéresse vraiment dans une discussion où on parle de certitude, est l'usage d'un savoir dans une prise de décision portant sur une action.

    Nous prenons des décisions portant sur une action des millions de fois par jour, tous autant que nous sommes. Mêmes les actes qui paraissent les plus triviaux comme mettre un pas devant l'autre ou tourner la tête pour voir quelque chose ou taper sur un clavier pour entrer le mot acte font l'objet de décisions, et ces décisions sont basées sur des connaissances.

    Un acte a un but. Un but conscient ou non, mais un but. La décision liée à un acte est un choix entre différents futurs évalués par rapport aux buts. Choisir un futur plutôt qu'un autre demande différentes étapes: faire une liste des possibilités d'acte, la liste des options; prédire les conséquences de chaque option; comparer les différents futurs obtenus selon certains critères que j'appelle "buts"; et prendre la meilleure option selon ce critère. Les deux premières, la liste du possible et la prédiction des conséquences, demandent un certain savoir, certaines connaissances, une certaine science.

    J'appelle savoir prédictif ces savoirs, connaissances, sciences, qui permettent de lister les options et de prévoir plus ou moins précisément les conséquences d'un acte (y inclus des connaissances probabilistes, qui correspondent à des choix avec prise de risque).

    Dans ce cadre, le fait de savoir que pour aller d'une pièce à une autre est possible en passant par la porte et plus difficile en essayant d'aller tout droit en traversant un mur est de la même nature que le fait de savoir quel interrupteur utiliser pour allumer telle lampe ou comment travailler des morceaux de bois pour faire un assemblage solide, ou que les connaissances nécessaires pour calculer la trajectoire de satellites pour faire du positionnement par GPS, ou que celles en méca Q pour mettre au point une horloge atomique d'une précision de 10-12.

    Dans tous les cas des connaissances sont utilisées pour faire un choix suivi d'action. Ce sont des savoirs prédictifs, qu'ils soient innés, communs, techniques, scientifiques, ou se qu'on voudra.

    Ces connaissances ont en commun d'avoir été acquises par induction (y compris celles innées!). Elles ont en commun qu'elles puissent être soumises au critère de Popper (du seul fait d'être utilisées pour faire des prédictions testables).

    Il y a d'autres connaissances que les connaissances prédictives. Elles sont liées, dans le processus de décision que je décris au-dessus, aux autres étapes. Elles permettent de comparer, de trier les options, de donner une valeur à chaque option analysée sur la base des conséquences prédites. Ce sont ces connaissances qui en définitive permettent le choix. Le savoir prédictif est la base d'un choix rationnel (au sens d'être analysé aussi loin que possible, par opposition à un choix spontané, pour lequel l'analyse n'a été faite que partiellement), mais ne permet PAS à lui seul le choix. (Le parallèle avec la MQ m'a frappé depuis longtemps: l'équation d'évolution est un savoir prédictif, mais ne permet pas à lui seul de déterminer ce qui se passe effectivement...) Les connaissances que j'appelle personnellement faute de mieux "morales" permettent le choix; elles sont, à mon idée, liées à la notion de but, de finalité, de sens de la vie et de l'existence. Ces connaissances ne peuvent pas être soumises au critère de Popper; il n'y a pas de tests dans le futur permettant de dire que le choix était "vrai" ou "faux" (on dit "bon" ou "mauvais", et ce n'est pas la même chose). Seules les connaissances prédictives peuvent être testées ainsi.

    Si un choix est considéré erroné a posteriori, c'est soit parce les connaissances morales ont été modifiées entre temps (notion de rédemption), soit plus couramment parce que la prédiction est réfutée. Une prédiction est réfutée en gros dans deux cas (difficilement extricables en fait), une prise de risque qui se réalise (aucune prédiction n'est une certitude absolue) et la mise en oeuvre de connaissances erronées (réfutées de fait) ou incomplètes ("si j'avais su..."). (Notons au passage que les autres prédictions, celles correspondant aux alternatives non choisies, ne sont pas sujet ni à confirmation ni à réfutation par le processus...)

    La notion de certitude basée sur la notion d'enjeu ne s'applique, comme le critère de Popper, qu'aux connaissances prédictives, d'où l'importance pour moi de la distinction. L'enjeu est la différence dans l'obtention des buts entre l'option choisie et la "deuxième meilleure". Cet enjeu est plus ou moins quantifiable. Cela permet de "mesurer" la certitude que l'on a dans les connaissances prédictives mises en oeuvre dans la prédiction de l'option choisie et dans la prédiction de la "deuxième meilleure".

    Pour chaque personne il y a une classification des enjeux (ce classement fait partie des connaissances "morales", pas des connaissances prédictives). Il y a des enjeux maximaux, typiquement de vie ou de mort. Pas seulement dans des cas spectaculairement tel (chirurgien, alpiniste, pompier, ... et autres sujets inépuisables pour les films...), mais aussi dans des cas parfaitement triviaux.

    Borel propose de considérer que ce qui approche le plus la notion de certitude pour les savoirs prédictifs sont les connaissances dans lesquelles on a suffisamment confiance pour y jouer les enjeux maximaux.

    Or chaque choix parmi les millions que l'on fait journellement a un enjeu. Souvent faible, mais aussi souvent maximal. Tous les jours on joue sa vie et sa mort sur des certitudes au sens proposé. Comme les certitudes qui restent sont celles permettant les bons choix, les échecs sont par définition rarissimes (processus Darwinien!), c'est peut-être ce qui fait que nous n'ayons pas conscience de l'enjeu: la notion même de certitude, de savoir dans lequel nous avons une pleine confiance, nous fait prendre des décisions sans considérer qu'il y a prise de risque. Alors qu'une connaissance prédictive moins "certaine", est perçue comme amenant à une décision avec prise de risque.

    Pour résumer, la distinction entre "connaissance morale" et "connaissance prédictive" est nécessaire pour définir la notion de certitude par la notion d'enjeu dans une décision parce que cela ne s'applique QUE aux connaissances prédictives. C'est lié au critère de Popper d'une certaine manière, mais je ne sais pas si c'est la même distinction que connaissance commune ou scientifique. Les connaissances scientifiques sont, pour moi, des connaissances prédictives uniquement (contraposée: aucune connaissance morale n'est scientifique). Si savoir quel interrupteur utiliser (tout à fait soumis au critère de Popper!) est une connaissance commune, alors ce n'est pas la même distinction. Si "connaissance commune" est la même chose que connaissance "morale", comme "il faut préserver la biodiversité", ou "il faut garantir le futur de l'espèce humaine", ou tout autre "il faut", "ceci est bien" ou "ceci est mal", alors la distinction est la même.

    Cordialement,

  21. #20
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Au passage, une référence: curieusement, un livre que je conseillerais est un "Que sais-je?", un des rares de cette collection que je mets au rang de référence! "Probablité et Certitude", d'Emile Borel. Ce tout petit opuscule écrit tard dans sa vie correspond à ce qu'il dit lui-même dans son introduction "à une étape importante de [sa] pensée". Il introduit la notion de certitude après tout une vie à réfléchir sur les probablités, et son approche m'a pas mal marqué...

    Je précise que ce que défend Borel est l'équivalence entre probablité extrèmement proche de 1 et certitude. La notion d'enjeu que je présente n'est pas présentée de manière aussi directe par Borel dans cet opuscule. Elle est "ambiante", par différentes petites phrases.

    Sa thèse principale, qui nous ramène à la question initiale, est qu'il est acceptable de parler de certitude dans les connaissances scientifiques plutôt que de "haute probabilité" quand la probabilité est extrèmement proche de 1. En d'autres termes, et c'est je pense valable pour beaucoup d'affirmations présentées comme des certitudes dans des messages sur FS, il est acceptable de ne pas prendre des précautions oratoires lourdes et complexes quand la personne qui émet l'affirmation estime que la probabilité qu'elle soit fausse est infinitésimalement proche de 1.

    Cordialement,

  22. #21
    invite5d273677

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par mmy
    Mais l'usage fondamental, le seul qui m'intéresse vraiment dans une discussion où on parle de certitude, est l'usage d'un savoir dans une prise de décision portant sur une action.
    (...)
    Un acte a un but. Un but conscient ou non, mais un but. La décision liée à un acte est un choix entre différents futurs évalués par rapport aux buts. Choisir un futur plutôt qu'un autre demande différentes étapes (...) la liste du possible et la prédiction des conséquences, demandent un certain savoir, certaines connaissances, une certaine science.

    J'appelle savoir prédictif ces savoirs, connaissances, sciences, qui permettent de lister les options et de prévoir plus ou moins précisément les conséquences d'un acte (y inclus des connaissances probabilistes, qui correspondent à des choix avec prise de risque).

    Dans tous les cas des connaissances sont utilisées pour faire un choix suivi d'action. Ce sont des savoirs prédictifs, qu'ils soient innés, communs, techniques, scientifiques, ou se qu'on voudra.
    (...)
    Ces connaissances ont en commun d'avoir été acquises par induction (y compris celles innées!). Elles ont en commun qu'elles puissent être soumises au critère de Popper (du seul fait d'être utilisées pour faire des prédictions testables).

    Il y a d'autres connaissances que les connaissances prédictives. Elles sont liées, dans le processus de décision que je décris au-dessus, aux autres étapes. Elles permettent de comparer, de trier les options, de donner une valeur à chaque option analysée sur la base des conséquences prédites. Ce sont ces connaissances qui en définitive permettent le choix. Le savoir prédictif est la base d'un choix rationnel (...), mais ne permet PAS à lui seul le choix. (...) Les connaissances que j'appelle personnellement faute de mieux "morales" permettent le choix; elles sont, à mon idée, liées à la notion de but, de finalité, de sens de la vie et de l'existence. Ces connaissances ne peuvent pas être soumises au critère de Popper; il n'y a pas de tests dans le futur permettant de dire que le choix était "vrai" ou "faux" (on dit "bon" ou "mauvais", et ce n'est pas la même chose). Seules les connaissances prédictives peuvent être testées ainsi.
    (...)
    La notion de certitude basée sur la notion d'enjeu ne s'applique, comme le critère de Popper, qu'aux connaissances prédictives, d'où l'importance pour moi de la distinction.
    (...)
    Pour chaque personne il y a une classification des enjeux (ce classement fait partie des connaissances "morales", pas des connaissances prédictives). Il y a des enjeux maximaux, typiquement de vie ou de mort.
    Pour ma part je trouve ton analyse excellente!

    Il faut en effet distinguer ce qui relève de la connaissance scientifique, obligatoirement soumis au Principe d'Objectivité et au critère de réfutabilité de K. Popper, du savoir que tu qualifie de "moral" (continuons d'adopter cette appellation pour simplifier...). Et tu as raison de souligner que:

    - le savoir scientifique est fondé sur un but de décision, d'action basé sur l'évaluation des conséquences. De ce point de vue, il semble que tu rejoignes l'hypothèse d'intentionalité du philosophe Edmond Husserl disant que notre perception du monde est orientée par nos intentions d'y agir (et la science est un outil élaboré de perception du monde),

    - la connaissance "morale" est située à un autre niveau, plus en amont de la seule perception fût-elle déjà abstraite: elle est liée, comme je l'avais dit dans mon précédent post, au "pourquoi", à la motivation d'agir. Cette composante fait partie de l'arsenal cognitif de l'être humain, enracinée, comme je l'avais suggéré, dans la recherche de la survie biologique au départ.

    Satisfaire un enjeu utilise les outils de la connaissance scientifique, tandis que choisir, donner une valeur à l'enjeu relève de la connaissance "morale". Que chacun puisse bénéficier du droit à choisir son enjeu, dans le respect de celui des autres, pose la question de la liberté, ce qui est un autre sujet.

    Cependant, adopter l'intentionalité dans la connaissance scientifique pourrait laisser penser que:
    - la science puisse avoir un biais subjectif,
    - la connaissance scientifique ne saurait être gratuite ou désintéressée (le seul désir de connaître, la curiosité).

    Mais ce n'est qu'une apparence:

    - par ses critères rationnels (principe d'objectivité, critère de Popper, méthode expérimentale...) la science s'est donnée les moyens de distinguer l'impact du subjectif sur la perception et la connaissance de la nature. D'ailleurs, la physique statistique et la physique quantique, par exemple, sont des théories qui intègrent la part d'ignorance que l'on a sur un système, introduisant par cela deux horizons de la physique au travers des constantes k (de Boltzmann) et h (de Planck), comme le mentionne le physicien Cohen-Tannoudji.

    - même sous son aspect désintéressé, fondé sur la seule curiosité, la connaissance scientifique est du ressort de l'intention: la curiosité (pas celle qui est malsaine!) confère à l'espèce humaine un avantage pour connaître son environnement, s'y adapter, l'adapter, et y trouver des opportunités d'évolution. Ce qui en définitive est un facteur favorable à la survie de l'espèce, survie qui, après avoir été animée par la seule évolution biologique, est maintenant du ressort de l'homme et de sa créativité. La connaissance scientifique produit des choses... scientifiques, mais le choix de cette connaissance est du domaine "moral" (pour reprendre le terme), une "éthique de la connaissance" (Jacques Monod) dans la perspective de la (sur)vie de notre espèce.
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  23. #22
    invité576543
    Invité

    Re : La certitude

    Bonjour,

    Citation Envoyé par FRELE IDEE

    - le savoir scientifique est fondé sur un but de décision, d'action basé sur l'évaluation des conséquences. De ce point de vue, il semble que tu rejoignes l'hypothèse d'intentionalité du philosophe Edmond Husserl disant que notre perception du monde est orientée par nos intentions d'y agir (et la science est un outil élaboré de perception du monde),
    Tout à fait. C'est la vision "utilitariste" de la science. Et ce aussi bien innée qu'acquise. Ce que nous sommes biologiquement, comme résultat de l'évolution, a formé nos instruments de perception (sens et cerveau) dans le sens de l'action, et (à mon idée) rien d'autre. La science acquise et transmise culturellement n'a pas de raison d'être différente (jeu de mot voulu, comme le double entendre n'est pas facile, je le souligne ).

    - la connaissance "morale" est située à un autre niveau, plus en amont de la seule perception fût-elle déjà abstraite: elle est liée, comme je l'avais dit dans mon précédent post, au "pourquoi", à la motivation d'agir. Cette composante fait partie de l'arsenal cognitif de l'être humain, enracinée, comme je l'avais suggéré, dans la recherche de la survie biologique au départ.
    Tout à fait d'accord. L'enracinement mérite une discussion à elle toute seule. Je pense aussi qu'il faut chercher vers la survie. Mais l'objet de la survie est un problème intéressant. L'attribut "biologique" est déjà une restriction à discuter, mais même dans ce cadre, la distinction entre individu, lignée, espèce, ... peut prendre quelques pages...

    Satisfaire un enjeu utilise les outils de la connaissance scientifique, tandis que choisir, donner une valeur à l'enjeu relève de la connaissance "morale". Que chacun puisse bénéficier du droit à choisir son enjeu, dans le respect de celui des autres, pose la question de la liberté, ce qui est un autre sujet.
    Le glissement entre la première (qui est bien ce que je cherche à dire aussi) et la deuxième phrase sur le social et le rapport entre "moral" et groupe (via "les autres"), et l'introduction du mot "respect", est un peu rapide à mon goût. Là encore, beaucoup à discuter!

    Cependant, adopter l'intentionalité dans la connaissance scientifique pourrait (...) mais le choix de cette connaissance est du domaine "moral" (pour reprendre le terme), une "éthique de la connaissance" (Jacques Monod) dans la perspective de la (sur)vie de notre espèce.
    Tout à fait d'accord. Il y a eu une discussion qui n'a malheuseusement pas été bien loin sur cet aspect.

    Cordialement,
    ___________________
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  24. #23
    invite481583a6

    Re : La certitude

    Je suis d'accord sur tout excepté sur un point: je ne suis pas sur que la morale n'ait rien à voir avec la science.
    La morale a avoir avec la notion de justice (par exemple) et la justice est un concept qui existe indépendamment de l'homme, ce n'est pas parceque l'homme est tel qu'il est, a tel impératif de survie dans la nature ou dans le groupe qu'il aurait inventé la justice et la morale.
    Ces deux notions existent en dehors de lui et existaient avant qu'il existe.
    Si on décortique la notion de morale, on y trouvera des principes de logique, donc pas si déconnectés de la science. Mais comme vous l'avez dit, c'est une autre discussion.

  25. #24
    invitea20bed5c

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par gillesh38
    D'une certaine manière, on est CERTAIN que toutes les théories scientifiques sont fausses, puisqu'on n'a pas la théorie "ultime".
    Bonjour Gilles,
    tout à fait d'accord avec ton exemple que l'on peut généraliser en "la seule chose dont je sois certain c'est que je ne sais rien".
    Cordialement,
    Gilles

  26. #25
    invite5d273677

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par Arkor
    Je suis d'accord sur tout excepté sur un point: je ne suis pas sur que la morale n'ait rien à voir avec la science.
    La morale a avoir avec la notion de justice (par exemple) et la justice est un concept qui existe indépendamment de l'homme, ce n'est pas parceque l'homme est tel qu'il est, a tel impératif de survie dans la nature ou dans le groupe qu'il aurait inventé la justice et la morale.
    Ces deux notions existent en dehors de lui et existaient avant qu'il existe.
    Si on décortique la notion de morale, on y trouvera des principes de logique, donc pas si déconnectés de la science. Mais comme vous l'avez dit, c'est une autre discussion.
    Je ne suis pas du tout certain que la justice soit un concept qui existe indépendamment de l'homme. En terme philosophique, tu sembles défendre l'idée d'une existence ontologique de la justice. Ce n'est pas forcément faux, beaucoup de penseurs ont soutenu cela.
    Il existe en effet au moins deux façons de concevoir le Droit sur un plan philosophique:

    - la doctrine idéaliste du droit (ou conception ontologique du droit): elle consiste à croire en l'existence d'une réalité, indépendante de l'esprit humain, dans laquelle préexistent des lois que l'entendement humain peut progressivement découvrir, tout comme on découvre les lois de la nature. Un exemple est la conception de JJ. Rousseau qui part du principe de l'existence d'un Droit Naturel accessible à la raison.

    - la conception positiviste du droit: elle consiste à ne pas s'attacher à la question d'une réalité en soi à laquelle pourrait accéder l'esprit humain, ni même si cela a un sens de l'envisager. Dans cette conception le droit n'est pas 'dicté" par un principe naturel indépendant de l'homme, il répond à une nécessité de consensus, en tenant compte de faits sociaux et économiques, afin de pouvoir vivre et agir en société. Il y a plusieurs positivismes en droit: notamment le positivisme sociologique d'Emile Durkheim (pour lequel le droit résulte des faits sociaux), ou encore le positivisme juridique de l'école de Vienne de Kelsen pour lequel le droit est un produit des Etats, etc, etc...

    Comme toujours, ces deux familles de conceptions, en sciences humaines ou politiques, comme en sciences "exactes", ont leurs parts d'avantages et d'inconvénients ou de risques:
    - pour la conception ontologique du droit, la dérive est qu'au nom d'une "loi naturelle" affirmée comme telle on soit amenés à une certaine intolérance (exemple: interdir l'avortement parce qu'il contredirait un principe de la nature...)
    - pour la conception positiviste du droit, surtout le positivisme juridique, la dérive est qu'il n'y ait plus de barrière à la toute puissance de l'Etat avec des lois arbitraires. Dans ce cas invoquer une limite naturelle peut être une régulation (par exemple le principe naturel de liberté individuelle).

    Ce clivage a une certaine similitude avec celui qui marque les sciences expérimentales et même logico-mathématiques. Citons par exemple l'opposition entre le positivisme de l'Ecole de Copenhague (Max Born, Niels Bohr...) et le réalisme ontologique (Einstein, Louis de Broglie, Schrödinger...) pour l'interprétation de la physique quantique. Mais au final, si ces conceptions peuvent orienter le chercheur dans le choix des hypothèses, leurs résultats sont toujours soumis au contrôle de la méthode expérimentale qui borne leurs domaines de validité. Par contre en sciences humaines, sociales ou économiques la démarche expérimentale est plus difficile (car il est plus difficile d'isoler les systèmes pour les expérimenter) et par conséquent les conceptions fondamentales qui les motivent sont plus à la merci des dérives idéologiques.

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  27. #26
    invite481583a6

    Re : La certitude

    Mais le droit n'est pas la justice. La justice est un concept utilisé par le droit. Et c'est de justice que je parlais.

  28. #27
    invite21348749873
    Invité

    Re : La certitude

    N'oublions pas que, comme tout concept, le concept de "certitude" peut se réduire ,en denière analyse,a la manifestation, d'une activité cerebrale; mais est ce bien certain? Toutes les fois que nous affirmons ou écrivons une proposition, de quoi, finalement sommes nous certains? Que pouvons nous énoncer d'absolument inattaquable? Existe-t-il d'autres façons d'exister et de communiquer?
    Tous les échanges d'information passent par notre propre controle, et nous devons lui faire aveuglément confiance pour pouvoir établir des relations, ou pour valider des observations, ou pour inventer des théories.
    La certitude, finalement, c'est faire confiance à une certaine cohérence dans la répétition des phénomènes dans la vie de tous les jours, rien de plus.
    Etre certain que si on lache une bille de plomb, elle tombe vers le sol, cela ne veut que dire savoir que ,la dernière fois qu'on l'a lachée et les fois précedentes ,elle est tombée; et qu'on n'est pas inquiet, ça sera encore ainsi, cette fois.
    Ce qui est étrange, c'est qu'on puisse avoir cette notion de certitude, alors que par définition, c'est une notion inaccessible pour nous.
    Tout ça est un peu brouillon, j'espère que vous m'en excuserez.

  29. #28
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    'Tendez 'tendez ! Vos interventions sont tout à fait intéressantes, et on devrait effectivement aboutir à l'éthique, mais à mon avis, vous allez trop vite.

    Parce que nous sommes d'accord, mmy, tu ne définissais pas très bien le terme "savoir prédictif". Et à mon avis, il y a toujours confusion -ou dans ton esprit ou dans le mien. Reste sur savoir prédictif si tu veux, mais "pragmatique" et "utilitariste", ça n'est pas synonyme :
    La connaissance comme déterminant de l'action relève d'une pragmatique.
    L'action comme ayant une finalité instrumentale relève de l'utilitarisme.
    Autrement dit, une connaissance peut être pragmatique sans être utilitariste.
    Encore autrement dit, l'action est un moyen, l'instrumentalité de l'utilitariste est une fin.

    Il me semble donc qu'avant de parler d'éthique (la science des fins comme chacun sait) il faudrait d'abord bien définir chacun des termes.

    Et comme je le disais, mmy, à mon humble avis, la confusion perdure entre moyens et fins dans tes définitions : A quoi sert la prédiction, dans ton modèle ? Dans un cas, tu dis qu'il s'agit de tester le réel, en quelque sorte, à chaque pas. Par exemple dans :
    "l'usage d'un savoir dans une prise de décision portant sur une action" ou
    " Dans ce cadre, le fait de savoir que pour aller d'une pièce à une autre est possible en passant par la porte et plus difficile en essayant d'aller tout droit en traversant un mur est de la même nature que le fait de savoir quel interrupteur utiliser pour allumer telle lampe ou comment travailler des morceaux de bois pour faire un assemblage solide"
    Tu parles donc ici de la détermination de l'action.

    Dans un autre cas, comme par exemple dans :
    "Un acte a un but", tu passes à la finalité de l'action.

    Il me semble que toi-même sens la tension, puisque tu inclues :
    "Les connaissances que j'appelle personnellement faute de mieux "morales" permettent le choix; elles sont, à mon idée, liées à la notion de but, de finalité, de sens de la vie et de l'existence. Ces connaissances ne peuvent pas être soumises au critère de Popper; il n'y a pas de tests dans le futur permettant de dire que le choix était "vrai" ou "faux" (on dit "bon" ou "mauvais", et ce n'est pas la même chose). Seules les connaissances prédictives peuvent être testées ainsi."

    J'insiste, et je m'en excuse, mais bien évidemment, je compte aussi que nous arrivions à une vraie discussion sur l'éthique -enfin ! et tu exprimes visiblement la même frustration que moi- mais dans cette perspective, il importe que nosu soyons auparavant au clair sur les notions engagées.
    Parce qu'il est clair que, personnellement, si j'accepte la détermination pragmatique de l'action, je n'accepte pas l'éthique utilitariste -qui à mon humble avis, n'en est pas une, mais nous aurons surement l'occasion d'y revenir.

    En revanche, je crois donc mieux comprendre la distinction que tu fais entre connaissance prédictive et connaissance morale, et je vasi essayer de reformuler :
    Les connaissances prédictives aident à déterminer la possibilité de l'action : puis-je marcher su ce plancher sans crainte ou non ? Si j'appuie sur cet interrupteur, la lumière va-t-elle s'allumer ou non ?)
    Les connaissances morales (ou non-prédictives) aident à déterminer la finalité de l'action (si le plancher ne s'écroule pas sous mon poids, je vais en profiter pour marcher jusquà ma femme et l'embrasser).

    Et effectivement, si c'est bien cela, ca ne recoupe pas exactement connaissance scientifique et connaissance commune. C'est intéressant.


    Toutefois, un autre point m'apparait discutable, je vais essayer de le resumer.

    Je m'interroge sur le statut de l'acquisition de la connaissance dans ton modèle. Je pensais d'abord que la connaissance était intuitive, tu m'as répondu "non" -mais sans me répondre sur l'aspect génétique. J'en suis alors à déduire de ce que tu dis que l'acquisition est empirique.

    Or, l'empirisme pose un problème, celui de l'induction. Quand l'empiriste dit : "Chaque nouvelle expérience du réel constitue pour moi une nouvelle connaissance", le sceptique répond : "Chacune de ces expériences est singulière, et tu ne peux en tirer aucune loi."
    Ton modèle à toi évite ce problème, en se fondant en effet sur la solution de Popper : "Pas de problème, je pars d'une hypothèse générale qui est : Le monde est régulier et est régi par les lois causales de la physique, et à chaque pas, je teste cette hypothèse par la méthode des essais et des erreurs. Comme à chaque fois, j'ai une réponse positive (enfin, très très souvent) ma confiance en la régularité du monde augmente."

    Or, reste toujours la question de l'acquisition de la connaissance. Parce que si la connaissance est empirique et qu'elle est testée à chaque pas, qu'en était-il de la toute première connaissance ?
    Naturellement, c'est un cas théorique, mais considérons-le : J'apprends une information A (dans un livre, par exemple), je la stocke. Et puis vient un jour où je me retrouve confronté à une situation où je dois utiliser la connaissance A. C'est la première fois. La prudence, pour ne pas dire l'instinct de survie, me fera sans doute considérer une faible probabilité de réussite. Or, si la probabilité de réussite est faible, qu'est-ce qui devrait me pousser à réaliser l'action quand même ?
    Mais vis-à-vis de toute connaissance, je serai toujours, au départ, dans cette situation de probabilité faible. Donc il se peut que je ne fasse jamais rien.
    Mais si je ne fais jamais rien, dans cette perspective pragmatique qui est la tienne, je n'apprendrai jamais rien. Et donc, muni d'autant moins de connaissance, je ferai encore moins, etc.etc.


    Mais :
    Ton modèle évite ce nouvel écueil puisqu'il dit : "Non non, je ne démarre jamais de zéro. Je pars toujours d'une hypothèse générale qui est celle de la régularité du monde. C'est elle qui fait que je n'ai pas besoin de faire des paris extrèmement élevés à chaque pas. La plupart du temps, les paris sont très très faibles".

    Mais alors, a quoi servent les paris ? En toute rigueur, à chaque fois que tu te retrouves devant une situation ou ta vie est vraiment en danger, tu ne devrais jamais tenter le pari. S'il s'avère qu'en fait, tu ne fais que très rarement de gros paris -voire jamais ?- si ta vie est rarement en danger, c'est peut-etre justement parce que tu n'as jamais de raisons de la risquer. Pourquoi ? Parce que tu sais, parce que tu as la certitude, que le monde est effectivement régi par les lois régulières de la physique.

    C'est la raison pour laquelle, comme tu le dis, c'est quand justement, tu ne fais aucun pari que tu as une certitude. Parce que par defaut, tu sais que le monde est régi par les lois de la physique.
    C'et donc dans cette hypothèse générale et a priori que se situe la certitude, et les paris ne servent, par défaut, qu'à la vérifier a posteriori.

    Mais :
    Si tel est bien le cas, on en revient à la question du sceptique : Comment peux-tu être certain a priori que le monde est régi par des lois régulières ?


  30. #29
    invite2ca586bb

    Re : La certitude

    Pas eu le temps d'éditer.
    Le passage :

    " Dans ce cadre, le fait de savoir que pour aller d'une pièce à une autre est possible en passant par la porte et plus difficile en essayant d'aller tout droit en traversant un mur est de la même nature que le fait de savoir quel interrupteur utiliser pour allumer telle lampe ou comment travailler des morceaux de bois pour faire un assemblage solide"
    me semble plutôt être un exemple de ton passage subreptice d'une détermination de l'action à une éthique instrumentaliste.
    Non, les deux énoncés ne sont pas de nature équivalente, à mon avis.

  31. #30
    invite481583a6

    Re : La certitude

    Citation Envoyé par actae
    "Les connaissances que j'appelle personnellement faute de mieux "morales" permettent le choix; elles sont, à mon idée, liées à la notion de but, de finalité, de sens de la vie et de l'existence. Ces connaissances ne peuvent pas être soumises au critère de Popper; il n'y a pas de tests dans le futur permettant de dire que le choix était "vrai" ou "faux" (on dit "bon" ou "mauvais", et ce n'est pas la même chose). Seules les connaissances prédictives peuvent être testées ainsi."
    Et pourquoi ne pas dire qu'un choix qualifié de "bon" est un choix qualifiée de "vrai" au sens de Popper, simplement on sous décompose le choix en une multitude de sous choix est chaque sous choix est validé par la proposition de Popper: vrai.
    Ou du moins, suffisamment de sous choix sont validés par la sanction "vrai" de Popper pour dire que le choix est juste.
    Autrement dit, la morale (ou l'éthique, ou la justice) ne serait que du Popper a un niveau plus complexe.

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