Les bactéries peuvent-elles mourir de vieillesse ?

[andretou]

Bonjour à tous
Si on place une bactérie dans un milieu idéal sans prédateurs ni virus et avec toute la nourriture nécessaire, cette bactérie va devenir une colonie de plus en plus nombreuse.
Ma question : avec le temps, cette colonie subit-elle quand même des pertes dues à une mortalité naturelle des bactéries ? Ou non ?
Merci d'avance pour vos réponses
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[minushabens]

les bactéries se reproduisent par division cellulaire depuis des centaines de millions d'années, donc si elles se fatiguent il faut attendre longtemps pour l'observer.

[andretou]

Donc chez les bactéries il n'existe pas d'horloge interne qui siffle la fin de la partie après un certain nombre de duplications contrairement aux cellules de notre corps ?

[Geb]

Bonjour,

Par rapport à la question de départ, je dirais oui. D'ailleurs, le nombres d'études s'intéressant au vieillissement des organismes procaryotes a explosé depuis le début des années 2000.

Il y a un chercheur français qui s'est beaucoup intéressé aux études tentant de démontrer l'inannité de la notion d'immortalité chez les procaryotes.

Ci-après, deux de ses articles, qui ont l'avantage d'être disponibles gratuitement à la lecture :

- Natural selection and immortality (Danchin, 2009)

- Bacteria as computers making computers (Danchin, 2009)

Pour moi, parmi les nombreuses études fascinantes sur la question, les études qui démontrent qu'un micro-organisme a la capacité de séparer les vieilles protéines d'un côté et les nouvelles de l'autre et qu'on peut démontrer que la cellule fille qui hérite principalement des vieilles protéines se reproduit moins vite. Si on ne prend que les lignées qui héritent des vieux composants cellulaires, on observe même que la capacité à se reproduire diminue jusqu'à être stoppée complètement. On a donc une démonstration assez saisissante d'une forme de sénescence, y compris chez les micro-organismes. Voir par exemple ici :

- Aging in Bacteria, Immortality or Not-A Critical Review (Gomez, 2010)

Bacteria were traditionally thought to have a symmetrical binary fission without a clear distinction between soma and germ-line, being thus considered as immortal biological entities. Yet it has been recently described that bacteria also undergo replicative aging (RA). That is, they exhibit finite replicative abilities under good conditions to growth. The apparently initial indistinguishability of sibling cells after cytokinesis is broken. After division, the daughter cell that inherits the “old” pole present in the “mother cell” progressively exhibits a decline in its proliferative capacity with increasing cell pole age. This is a clear hallmark and phenotypic manifestation of a bona fide RA phenomenon in toto. While the exact molecular mechanism(s) underlying to this lost of replicative potential are not yet fully understood, the “old pole cell” is considered as an aging parent that in a repeatedly manner is able to produce rejuvenated offspring which inherit a resetting of the biological clock. [...]

Cordialement.

[A voir en vidéo sur Futura]

[andretou]

Mais en admettant que l'une des deux 2 bactéries-filles se reproduit moins vite et moins bien que l'autre parce qu'elle a hérité des anciennes organites de la bactérie-mère, la proportion de bactéries ayant le même potentiel de reproduction que la bactérie initiale n'est que de 1/2 à la première génération, 1/4 à la deuxième génération, 1/(2ⁿ) à la n-ième génération.
La dégénérescence de l'espèce paraît donc inévitable, or ce n'est pas ce que l'on observe semble-t-il.
Comment expliquer ce paradoxe ?

[Amanuensis]

La dégénérescence de l'espèce paraît donc inévitable, or ce n'est pas ce que l'on observe semble-t-il.
Comment expliquer ce paradoxe ?

Rien n'interdit qu'une bactérie «de deuxième catégorie» ait une de ses filles de meilleure catégorie qu'elle, et ainsi de suite.

[andretou]

Merci Amanuensis, c'est en effet une explication si l'on songe qu'il est possible d'obtenir des cellules souches à partir de cellules âgées !
Les bactéries ont peut-être ce pouvoir de se régénérer spontanément.

[Geb]

Bonjour,

Mais en admettant que l'une des deux 2 bactéries-filles se reproduit moins vite et moins bien que l'autre parce qu'elle a hérité des anciennes organites de la bactérie-mère, la proportion de bactéries ayant le même potentiel de reproduction que la bactérie initiale n'est que de 1/2 à la première génération, 1/4 à la deuxième génération, 1/(2ⁿ) à la n-ième génération.
La dégénérescence de l'espèce paraît donc inévitable, or ce n'est pas ce que l'on observe semble-t-il.
Comment expliquer ce paradoxe ?

Au-delà de la réponse déjà fournie par Amanuensis, j'aimerais attirer ton attention sur le fait que le pouvoir de multiplication d'une seule et unique bactérie dans un milieu favorable est absolument phénoménal. Cela explique aisément selon moi pourquoi on a mis tellement longtemps à observer ce "vieillissement réplicatif" dont il est question, qui n'est observable qu'en laboratoire et en identifiant à chaque génération la cellule fille qui "hérite" du vieil équipement enzymatique. Il est donc possible par ce biais de faire mourir une bactérie de vieillesse, mais dans le milieu naturel, les "vieilles bactéries" sont, en pratique, totalement invisibles dans la masse de bactéries existantes.

Merci Amanuensis, c'est en effet une explication si l'on songe qu'il est possible d'obtenir des cellules souches à partir de cellules âgées !
Les bactéries ont peut-être ce pouvoir de se régénérer spontanément.

À noter qu'il ne s'agit pas vraiment d'une "régénération spontanée". Après tout, les êtres humains aussi sont capables de donner naissance à une progéniture "rajeunie" par rapport à leurs deux parents. Le plus intéressant à mes yeux, c'est justement que cette notion de vieillissement cellulaire puisse être étudié chez certains procaryotes, qu'on pensait jusqu'ici immortels, dans le sens "éternellement jeunes".

Cordialement.