J'ai l'impression que pas mal de gens cherchent des réponses à des questions, mais ne s'interrogent pas sur les questions elles-mêmes.
"Qu'est-ce que le temps ?" ou "Qu'est-ce qu'un ornithorynque ?" peuvent mener au même type de débats interminables où les uns et les autres appuient sur tel ou tel caractère particulier pour renforcer leur opinion sur "ce que c'est que...".
Il y a un bec de canard et ça pond des eux, donc c'est un oiseau, il y a des poils et des pattes pour creuser, donc c'est une taupe.
Ce type de question est parfois résolu par des consensus scientifiques sur la définition des choses. Le clan des ornithorynques-oiseau et celui des ornythorynques-taupes, se mettent d'accord pour spécifier un nouveau genre ni oiseau ni taupe.
Ce sera beaucoup plus difficile pour un concept aussi difficile que le temps.
Que faire pour éviter le combat des opinions qui a tendance à se réduire en affirmations stériles sur les goûts et les couleurs, ou en artifices rhétoriques, en art sophistique où un peu de technique permet d'affirmer une chose et son contraire (exercice dialectique scolaire, thèse/anti-thèse/synthèse) ?
Une méthode : développer les conditions d'énonciations du problème et des opinions, poser le problème plutôt que chercher à le résoudre.
Par exemple, au lieu de "qu'est-ce que le temps ?" se demander :
- comment la thermodynamique en vient à poser le problème du temps comme relevant d'un "principe" (2nd principe de la thermodynamique) ?
- comment la Relativité einsteinienne le pose comme coordonnées de représentation des événements ?
- comment Newton le pose comme "contenant" neutre des événements ?
- comment moi-même est-ce que je le pose, quelles composantes théoriques (postulats, hypothèses etc.) et expérimentale (sensation, mémoire) je fais entrer dans mon problème ?
Dans une réflexion épistémologique, se demander comment on en vient à telle ou telle idée permet d'établir les lignées historiques et logiques des concepts, de les placer de manière positive dans un champ d'idées plutôt que de tenter de détruire l'une (thèse) par l'autre (anti-thèse). A défaut de réussir une synthèse, ce type de questionnement permet l'obtention d'une connaissance factuelle (histoire des idées), un enrichissement de la réflexion (logique des idées) et une précision des contextes (cadre dans lequel un problème a un sens).
Si les sciences résolvent des problèmes, donnent des solutions, à mon sens l'épistémologie pose des problèmes, parfois les dissous en montrant que ce sont de faux-problèmes et plus souvent éclaircit les cadres dans lesquels ils ont un sens favorisant l'inspiration scientifique pour trouver une solution ou un dépassement par la création d'un nouveau cadre (révolution scientifique).
En résumé, éviter "qu'est-ce que", "existe-t-il", "est-il vrai que", "faut-il croire que" et privilégier "comment en vient-on à penser que...", "où est le problème", "d'où vient cette idée".
Soyons positifs, sortons de l'état métaphysique...
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