Le débat entre l'ID et l'evolutionnisme me semble être un excellent exemple d'un point qui me semble être une conséquence de nos discussions épistémologiques, à savoir la question du relativisme.
Je reprends rapidement les débats :
Il est impossible de démontrer qu'une hypothèse scientifique est vraie. On ne peut que démontrer qu'elle est fausse.
En revanche, les croyances sont toujours vraies pour celui qui y croit, et c'est même à cela qu'on reconnait une croyance -ou connaissance commune, peu importe.
Le débat avec mmy -entre autres- montre qu'on est forcé de "faire confiance" au moins en la régularité de l'univers pour agir et vivre. Mais il est impossible d'interpréter cette confiance autrement que comme une croyance ou une intuition pure.
Maintenant, le débat entre l'évolutionniste, disons le scientifique, et le tenant de l'ID, disons le créationniste.
Que dit le scientifique ? "Le créationnisme n'est pas une théorie scientifique, c'est une pure croyance, il n'y a pas le plus petit bout d'un début de démonstration, alors que l'évolutionnisme, on a découvert des faits qui confirment au moins en partie la théorie, c'est donc une vraie théorie scientifique, et c'est elle qui doit être enseignée dans les écoles." Et voila le travail !
Que répond le créationniste ? Pas bête, au lieu de prendre le rôle du croyant, qui le conduirait sur le terrain de son adversaire, il prend le rôle du sceptique : "Ce n'est pas parce que tu as trouvé un ou deux, ou même 100 éléments qui vont dans le sens de ta théorie qu'elle est prouvée. D'ailleurs, il ne te sera jamais possible de la prouver, car il restera toujours un doute quelque part. Et moi, dans ce doute, j'introduis Dieu. Et alors ? C'est une hypothèse qui en vaut une autre." Et voila le travail !
Notez bien le principe de ce débat : C'est le créationniste qui pose la question de la rigueur formelle du raisonnement. Du coup, c'est le scientifique qui adopte le rôle du croyant. Pourquoi ? Parce que l'argumentation du scientifique consiste à défendre une objectivité, une factualité, etc. de la science qu'il est de toutes façons dans l'impossibilité de démontrer ! Par conséquent, le scientifique, de lui-même, fait de la connaissance scientifique une croyance, c'est-à-dire qu'il se place de lui-même sur le terrain de son adversaire qui n'en demandait sans doute pas temps, et qui l'attend gentiment avec sa propre croyance (qu'il est même ainsi en droit de nommer "hypothèse"). Et le débat tourne alors à l'affrontement "hypothèse" contre "hypothèse", croyance contre croyance, c'est-à-dire : Au relativisme.
Résultat, on en arrive aux Etats-Unis à des absurdités du type : Saisissons la justice pour trancher. Et la Justice américaine, qui visiblement sait, elle, rester dans les limites de son domaine, elle répond comme elle peut, cad sur la constitutionalité. Entre parenthèses, manquerait plus que la constitution française soit rédigée différemment que la constitution américaine sur le point visé !
Bref : Si on ne voit pas que tout cela constitue une sacrée défaite pour la science, on est aveugle !
Aussi j'insiste véritablement sur ce point : C'est le scientifique qui fait ici le jeu du relativisme, car c'est lui qui fait de la connaissance scientifique une croyance au même titre que les autres.
Autrement dit, et c'est particulièrement contre-intuitif :
- Vous croyez à l'objectivité de la science, vous pensez que la connaissance scientifique est constituée d'énoncés qui portent sur des faits fondés, prouvés, attestés, vérifiés, certains, etc. en un mot : vrais ? Vous êtes relativiste !
- Vous croyez qu'il n'est jamais possible de déterminer si les énoncés de la science sont vrais ou faux ? Vous n'êtes pas relativiste !
C'est un sacré paradoxe, n'est-ce pas ?
Et pourtant. Empiriquement, est-ce qu'il ne semble pas évident que lorsque je dis à mon interlocuteur que ce je sais est vrai, je ne cherche pas d'abord et avant tout à le convaincre de penser comme moi ? C'est-à-dire qu'alors, je rentre dans une situation de discussion où il s'agit de présenter le meilleur argument afin d'emporter la conviction. Bref, une situation dans laquelle la vérité constitue un moyen, et non plus une finalité.
Pourtant, le scientifique pourrait dire autre chose au créationniste. Il pourrait lui répondre : "Bon, après tout, pourquoi pas, il est possible que tu aies raison. Ou c'est peut-être moi qui ai raison, qui sait. Au fond, je crois que la seule chose certaine qu'on puisse en dire, c'est qu'on en sait rien. Alors continuons à chercher."
Ce à quoi le créationniste répondra forcément : "Mais chercher quoi ? Il n'y a rien à chercher, on sait déjà", révélant ainsi l'origine de sa "connaissance".
Je suis de ceux qui pensent que l'homme est fait pour croire, et qu'on peut croire aussi bien en Dieu qu'en la Science.
Mais il faut bien comprendre qu'à chaque fois qu'on prétend que la science est factuelle et objective et prouvée et vraie, on réagit en croyant, et non plus en scientifique.
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