Cosmologie : rêver ou savoir ?
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Cosmologie : rêver ou savoir ?



  1. #1
    invite309928d4

    Cosmologie : rêver ou savoir ?


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    Bonjour,
    ailleurs vous dites que les Bogdanov ont fait un canular (terme qui me semble impropre), que le défenseur de l'effet Creil n'est pas très sérieux, parmi les cosmologistes marginaux on trouve aussi Jean-Pierre Petit ou Laurent Nottale et de mon côté j'ai du mal à prendre au sérieux un Hawking qui affirme que l'univers est né de rien et je reste songeur face à votre univers multi-connexe qui a le mauvais goût de ne l'être qu'à des échelles qui interdisent l'expérience concrète (dommage qu'on ne puisse remplacer le métro par des multi-connexions spatiales...).

    D'autre part, l'univers est censé être orienté par une énergie dont la nature est mystérieuse et l'essentiel des travaux médiatisés semble concerner surtout des hypothèses mathématiques avec cordes, supercordes, temps imaginaire ou... espace multi-connexe.

    Je caricature mais le fait est qu'à force de découvertes "révolutionnaires" et d'hypothèses "fascinantes", la cosmologie me semble parfois avoir pour objectif de faire de l'audimat ou du best-seller, plutôt que de la science.

    Comme dit Evry Schatzman : "Les citoyens ont certes le droit de rêver, c'est même à mes yeux l'un des attraits majeurs de l'astrophysique que de relancer sans cesse le rêve sur des voies escarpées ; mais ils ont aussi le droit de savoir, et de savoir d'abord où finit le savoir et où commence le rêve !"

    Et donc, selon vous, où s'arrête le savoir et où commence le rêve en cosmologie ?

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  2. #2
    inviteaccfa121

    Re : Cosmologie : rêver ou savoir ?

    Bonsoir

    J'aime bien ce type de questions critiques, car le rôle des vrais "savants" ne consiste pas à jouer à "ceux qui savent" répondre aux questions de "ceux qui ne savent pas", mais à avoir un recul et une réflexion épistémologique sur leur propre pratique et leur propre discipline. Il est clair aussi que sur ce forum, où le temps est limité (surtout pour moi!), la brièveté des réponses à des questions qui demanderaient le plus souvent de longs développements est frustrante, et peut même faire paraitre "arrogantes" certaines réponses...

    Citation Envoyé par bardamu
    Bonjour,
    ailleurs vous dites que les Bogdanov ont fait un canular (terme qui me semble impropre),
    Je ne sais pas si le terme est parfaitement adapté (j'avais hésité avec "supercherie"), mais je le maintiendrais quand même. La raison est que, quand on connait vraiment l'histoire des Bogdanov (et je les connais depuis 25 ans), on ne peut s'empêcher de comparer leurs récentes aventures médiatico-polémiques à la célèbre "affaire Sokal". Vous vous souvenez, il s'agissait là d'un vrai canular, un article bidon envoyé à une revue internationale qui avait accepté l'article, tout ceci pour ridiculiser une certaine façon obscure de théoriser (c'était dans le domaine des sciences humaines). Avec les Bogdanov, on peut penser qu'ils ont voulu ridiculiser l'establishment scientifique, envers lequel ils avaient quelques griefs (ils ont fait la tournée des labos pendant des années avant de trouver quelqu'un qui, ne les connaissant pas, s'est laissé piéger en les acceptant en thèse). Je n'en dis pas plus car ce n'est pas un sujet intéressant ce forum (il est intéressant pour la sociologie des sciences)
    que le défenseur de l'effet Creil n'est pas très sérieux,
    En étant aussi bref dans mon commentaire négatif, j'ai pu paraître arrogant, voire méprisant, ce qui n'est nullement le cas. Mais comprenez que les scientifiques professionnels reçoivent plusieurs fois par semaine des dossiers entiers de scientifiques amateurs (activité fort sympathique en soi) qui prétendent, avec deux poignées d'équations newtoniennes, remettre en cause un siècle de physique fondamentale (relativité, mécanique quantique). Et ils croient que "l'establishment" scientifique est obtus en ne leur répondant pas ou en ne s'intéressant pas à ce qu'ils font. C'est très simple : qu'ils publient leurs théories dans les revues internationales à referee, et leurs articles seront lus, discutés, critiqués ou acceptés! Je ne nie pas qu'il y ait des dérives dans le jugement des "pairs". Personnellement j'avais trouvé lamentable l'attitude de l'establishment médical dans l'affaire de la "mémoire de l'eau" proposée par Jacques Benveniste. Mais dans les sciences dites "dures", les critères de jugement scientifique sont plus objectifs.

    parmi les cosmologistes marginaux on trouve aussi Jean-Pierre Petit ou Laurent Nottale
    Attention, ne mélangeons pas les niveaux! Les Bogdanov sont d'habiles journalistes, vulgarisateurs et hommes d'affaires. L'auteur de l'effet Creil est un enseignant de physique qui n'a pas intégré les théories de la physique moderne. Jean-Pierre Petit est un chercheur professionnel qui a fait du bon travail durant une partie de sa carrière, mais qui, à la suite de circonstances particulières, a "dérapé" en des voies où aucun professionnel sérieux ne peut plus le suivre (le fait que ce sont les extraterrestres qui lui ont dicté ses théories cosmologiques, etc). Laurent Nottale est un brillant chercheur qui développe, quasiment en solitaire, depuis des années, une nouvelle théorie de physique fondamentale qui, étant révolutionnaire, est forcément marginale dans la mesure où, pour l'instant, elle ne convainc presque personne. Donc, pas de confusion des genres!

    et de mon côté j'ai du mal à prendre au sérieux un Hawking qui affirme que l'univers est né de rien
    Je vous approuve dans une certaine mesure, en ce sens que nombre d'affirmations de Hawking (relayées et amplifiées par les médias qui en rajoutent) sont ridicules, et je ne me suis pas privé moi-même de le signaler. Toutefois, ce n'est pas le fait de dire que "l'univers est né de rien" qui est choquant. Certes, le raccourci est abrupt et prête à confusion, mais cela fait allusion au modèle de fluctuation spontanée de l'énergie du vide quantique (le "rien" de Hawking) qui serait à l'origine de notre univers. Et ceci est tout à fait sérieux, même si ce n'est pas encore prouvable expérimentalement.
    et je reste songeur face à votre univers multi-connexe qui a le mauvais goût de ne l'être qu'à des échelles qui interdisent l'expérience concrète
    Là, vous n'êtes pas informé des dernières nouvelles... le modèle d'espace sphérique dodécaédrique que nous avons proposé dans "Nature" fin 2003 repose sur des anomalies observées dans le spectre de puissance des fluctuations de température du rayonnement fossile, et fait une prédiction extrêmement précise, en l'occurrence 6 paires de cercles corrélés en température, dont la détection est accessible aux instruments d'aujourd'hui. C'est donc un modèle prouvable et/ou réfutable. Ceci dit, gardons en mémoire les nombreux modèles tels les trous noirs, les étoiles à neutrons, les neutrinos, les quarks, etc. qui, à l'époque où ils avaent été proposés, avaient le "mauvais goût" d'être inaccessibles à l'expérience, et qui aujourd'hui ont fort bon goût.
    (dommage qu'on ne puisse remplacer le métro par des multi-connexions spatiales...).
    Pour cela il y a les trous de ver...
    D'autre part, l'univers est censé être orienté par une énergie dont la nature est mystérieuse et l'essentiel des travaux médiatisés semble concerner surtout des hypothèses mathématiques avec cordes, supercordes, temps imaginaire ou... espace multi-connexe.

    Je caricature mais le fait est qu'à force de découvertes "révolutionnaires" et d'hypothèses "fascinantes", la cosmologie me semble parfois avoir pour objectif de faire de l'audimat ou du best-seller, plutôt que de la science.
    Vous caricaturez, en effet. Cela dépend de ce que l'on entend par "mystérieux". L'énergie noire est là et bien là (détectée indirectement par ses effets, tout comme les planètes extrasolaires), mais simplement son interprétation théorique fait encore l'objet de débats : s'agit-il d'une énergie constante dans le temps (constante cosmologique) ou variable (quintessence), ou bien d'autre champs (scalaires,etc) venant d'hypothétiques dimensions supplémentaires, etc ? C'est cela, la science qui avance : le débat!
    Ceci dit, il est vrai que les médias mettent toutes leurs billes dans le même sac, celui qui lui paraît le plus spectaculaire. Donc, on parle plus de supercordes que de géométrie non-commutative (tout aussi intéressante), plus de dimensions supplémentaires à l'échelle du millimètre que des expériences récentes invalidant cette hypothèse, etc. (et plus de "l'avant big-bang" des Bogdanov que des univers chiffonnés de Luminet! Enfin, cela dépend de ce que l'on entend par "médias"...)
    Comme dit Evry Schatzman : "Les citoyens ont certes le droit de rêver, c'est même à mes yeux l'un des attraits majeurs de l'astrophysique que de relancer sans cesse le rêve sur des voies escarpées ; mais ils ont aussi le droit de savoir, et de savoir d'abord où finit le savoir et où commence le rêve !"
    Très bien dit, Evry (même s'il fut parfois, à mon avis, un peu trop rationaliste)

    Et donc, selon vous, où s'arrête le savoir et où commence le rêve en cosmologie ?
    Le temps filant, je vous suggère de lire le numéro spécial de Ciel et Espace de septembre sur la cosmologie. Il y a deux articles traitant de cette question intéressante, l'un de Jean-Francois Robredo, l'autre de votre serviteur. Sur mon site web, vous trouverez également en ligne un article que j'ai écrit il y a quelques années dans "Pour la Science", intitulé "le débat cosmologique":
    http://www.luth.obspm.fr/luminet.html

    --
    J.P. Luminet

  3. #3
    invite309928d4

    Re : Cosmologie : rêver ou savoir ?

    Citation Envoyé par J.P. Luminet
    Attention, ne mélangeons pas les niveaux! (...)
    Certes, le raccourci est abrupt et prête à confusion, mais cela fait allusion au modèle de fluctuation spontanée de l'énergie du vide quantique (le "rien" de Hawking) qui serait à l'origine de notre univers. Et ceci est tout à fait sérieux, même si ce n'est pas encore prouvable expérimentalement.
    Bonjour,
    le cas des Bogdanov a été très longuement discuté sur Futura-science ( http://forums.futura-sciences.com/sh...ad.php?t=11899 ) et je crois que le consensus s'est fait pour distinguer entre leurs thèses et l'exploitation médiatique qu'ils en ont fait.
    Au minimum, on peut reconnaitre un résultat mathématique nouveau dans celle de Grichka.
    Parler de "canular" ou de "supercherie" me semble faux pour ce qui concerne leurs thèses même si leur qualité est laissée à l'appréciation du jury. L'usage médiatique et certains passages de leur livre m'ont, par contre, semblé à la limite de l'honnêteté, et je reste poli...

    Concernant Hawking, si ce n'était qu'une mauvaise vulgarisation du vide quantique, ce serait moins grave. Mais il va plus loin ( http://xxx.soton.ac.uk/PS_cache/hep-...09/9409195.pdf ) :
    "Instead, it would quite literally be created out of nothing: not just out of the vacuum but out of absolutely nothing at all because there is nothing outside the universe. p.48"

    Nous avons là deux cas limites : d'un côté des "stars" dans le rôle de scientifiques et de l'autre un scientifique qui joue les stars.
    Las, trois fois hélas, le domaine étant incompréhensible au vulgus pecum, des revues avec referee étant nécessaire pour trier les candidats au génie, et les véritables révolutionnaires étant complètement inconnus du public, il est à craindre que la confusion ne perdure.
    Citation Envoyé par J.P. Luminet
    Là, vous n'êtes pas informé des dernières nouvelles... le modèle d'espace sphérique dodécaédrique que nous avons proposé dans "Nature" fin 2003 repose sur des anomalies
    Pour continuer à rester critique, je dirais que votre modèle ne repose pas sur les anomalies mais qu'il intègre les anomalies. Vous travaillez sur cette hypothèse depuis un temps où aucun argument observationnel ne permettait de vraiment la soutenir ( http://luth2.obspm.fr/~luminet/topo.html ) :
    Il n'est pas facile de vérifier si nous vivons ou non dans un mini-univers. (...) Des études statistiques sur la distribution des amas de galaxies révéleront peut-être la nature "chiffonnée" de l'espace sur une échelle de quelques milliards d'années-lumière.

    La base me semble donc un a priori "finitiste" et la recherche de topologies impliquant l'illusion de l'infini. Vous êtes malheureusement dans mon "coeur de cible" en ce qui concerne la cosmologie : des recherches mathématiques, des simulations et on regarde si ça colle.
    Et donc, si ça marche, c'est champagne, sinon, on essaie un autre modèle. Et certes, le modèle est réfutable, mais n'oublions pas qu'un trait caractéristique des modèles faux est qu'ils sont réfutables et réfutés...
    Le sens physique ne disparaîtrait-il pas au profit du jeu mathématique ?

    Citation Envoyé par J.P. Luminet
    Ceci dit, gardons en mémoire les nombreux modèles tels les trous noirs, les étoiles à neutrons, les neutrinos, les quarks, etc. qui, à l'époque où ils avaent été proposés, avaient le "mauvais goût" d'être inaccessibles à l'expérience, et qui aujourd'hui ont fort bon goût.
    La différence que je vois entre ces objets et un espace multi-connexe, c'est que l'espace multi-connexe implique une propriété de l'espace nouvelle, étrange et dont je ne vois pas l'origine physique. Selon votre modèle, sauf erreur, il y aurait des points de l'espace qui seraient à la fois à ma droite et à ma gauche. Sur le plan de connexion, on se trouverait en même temps à 2 endroits opposés de l'univers. Curieux...
    Ceci dit, que des propriétés nouvelles émergent à grande échelle ne me surprendrait pas outre mesure. Je fais d'ailleurs régulièrement la remarque que les théories cosmologiques considèrent qu'il n'y a pas de propriétés nouvelles à grande échelle allant jusqu'à considérer l'univers comme une particule quantique, comme si le tout se comportait comme la partie.
    Et si on reconnait l'apparition de nouvelles propriétés, on reconnait en même temps que la validité de nos modélisations à partir des théories fondées sur l'expérience à notre échelle est aléatoire. On pourrait ainsi se dire que l'énergie noire manifeste une propriété apparaissant à l'échelle inter-galactique et sans lien avec l'énergie du vide ou autre explication issue de notre expérience.
    Mais peut-être que Laurent Nottale trouvera la solution à ces question d'échelle.
    Citation Envoyé par J.P. Luminet
    plus de dimensions supplémentaires à l'échelle du millimètre que des expériences récentes invalidant cette hypothèse,
    Aïe... les super-cordes seront-elles finalement de la métaphysique ?

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