Bonjour à tous!
Je souhaite partager avec vous les dernières nouvelles de l'experience EDGES et ses premiers résultats, dont certaines interpretations avaient déjà suscité débat quant à leur implication pour l'hypothèse de matière noire froide non-baryonique (article de Barkana ici https://www.nature.com/articles/nature25791.). Pour rappel, EDGES se propose de mesurer le rayonnement à 21 cm de l'hydrogène atomique à des Z supérieurs à 15 afin de tester notre modèle cosmologique standard (LCDM). En effet, pendant cette période de l'histoire de l'univers il est supposé que les étoiles commencent à peine à se former sans que leur activité soit encore suffisante pour ré-ioniser le milieu interstellaire. A des Z au delà d'environ 35 les étoiles ne sont pas encore nées et l'univers est essentiellement constitué d'atomes d'hydrogène qui baigne dans le rayonnement de fond diffus supposément libéré à un z d'environ 1000, lorsque un univers suffisamment refroidis par l'expansion avait enfin permis la formation des premiers atomes. Or, en présence de rayonnement et/ou de manière spontanée les atomes d'hydrogène "transite" leur niveau d'énergie via le mécanisme de "spin-flip" dont la raie est justement à 21 cm. L'étude du rayonnement à ces longueurs d'ondes et à des z élevés permet donc de déduire la difference de temperature entre le CMB et le gaz d'hydrogène atomique, principal constituant de l'univers à cette époque. On peut alors comparer les mesures aux prédictions de nos modèles.
Le verdict est sans appel: le modèle LCDM est bien mis en défaut. L’absorption mesurée est environ 2 fois plus importante que ce qui est en théorie possible dans le cadre du modèle LCDM. De deux choses l'une:
- Soit le CMB est plus chaud à cette époque que ce que ne prévoit la théorie ( ce qui détruirait la théorie du big bang chaud tant les propriétés du CMB sont finement ajustées par les paramètres du modèle cosmologique standard: le CMB ne peut pas être "réchauffé" sans que tout l'édifice ne se casse la figure...)
- Soit là temperature du gaz d'hydrogène est plus froid que prévu. ( la seule option tenable pour que survive notre paradigme cosmologique).
Afin de tenter de réconcilier théorie et experience, Barkana et al. avait postulé un refroidissement du gaz d'hydrogène du fait de ses collisions avec d'hypothétiques particules de matière noire. Cela place une contrainte très forte sur la section efficace de collision des particules de matière noire car il est alors indispensable d'avoir un fort effet de refroidissement du gaz par la matière noire de sorte à reproduire la mesure, effectivement inversement proportionnel à la puissance 4 de la vitesse des particules. Or il semblerait que cette contrainte s’accorde très très mal avec toutes les contraintes obtenues sur la matière noire via toutes les autres expériences réalisées à ce jour. En particulier, un article de follow up ( ici https://arxiv.org/pdf/1803.03091.pdf ) montre que les contraintes de section efficaces contraignent également la masse à des valeurs de l'ordre de 1 GeV comme limite supérieure car au delà la section efficace croit beaucoup trop rapidement avec la vitesse de sorte que la matière noire de refroidi plus, mais chauffe, l'hydrogène gazeux.
L'auteur envisage 3 solutions de sortie à ce problème, dont nous verront que deux d'entre elles sont immédiatement éliminées:
- Les particules de matière noires doivent interagir via d'autres forces que la gravité, c'est l'idée d'une cinquième force et de sa particule médiatrice propre à la matière noire. Or, cette hypothèse est incompatible avec les observations aux échelles des galaxies et des amas ou une matière noire non-collisionelle et interragissant exclusivement via les forces gravitationelles doit être privilégiée pour rendre compte de la physique observée.
- Alternativement, les particules de matière noire peuvent diffuser directement sur les electrons et les protons. Dans ce cas la section efficace devrait être encore plus grande que celle requise dans le cadre de collisions avec les atomes uniquement et les particules devraient une fois de plus interagir via un "photon sombre", ce qui est également écarté par les contraintes expérimentales.
- L'option de la dernière chance pour que survive l'hypothèse de matière noire froide non baryonique semble être la suivante: 1% des particules de matière noire doivent être chargées électriquement, portant une charge de l'ordre de 10^(-10) e et d'une masse de l'ordre de 100 MeV. 99% de la matière noire serait non-chargé et de masse indéterminée. Il existerait donc 2 types de matière noire: l'une chargée et ultra minoritaire, l'autre non et ultra majoritaire.
Ces nouvelles contraintes vont certainement être débattues et cela n'a pas empêché les partisans d'un modèle de gravité modifiée en lieu et place de matière noire froide non baryonique de mettre leur grain de poussière d'étoile dans l'engrenage, comme ici: https://arxiv.org/pdf/1808.02532.pdf. Stacy McGaugh lance une sorte d'ultimatum en bonne et due forme aux théoriciens: faites des prédictions sur les ages sombres et sur l'aube cosmique AVANT que ne soient faites les observations, afin de trancher sur la validité de vos modèles de forme non-ambiguë et non AD-HOC comme cela à été fait depuis près de 50 ans ( problème de l'horizon qui mène a l'inflation, des galaxies à la matière noire et de l'expansion à l'énergie noire etc...). En attendant, il semblerait qu'un modèle plaçant la fraction baryonique à 1 comme le requiert les approches de gravité modifiée, explique bien l'absorption à 21 cm observée. Un ensemble de prédictions supplémentaires sont faites par McGaugh pour les ages sombres, la formation des structures et la masse des neutrinos: Il prédit une absorption de l'ordre de 2 fois celle prédite par LCDM avec les paramètres de Planck pour les ages sombres ( similaire a celle de l'aube cosmique discutée ici). En ce qui concerne les grandes structures, elles apparaissent à z=10 pour les galaxies, z= 3 pour les amas et la toile cosmique au alentour de z=5 du au régime MOND comme limite classique d'une théorie de gravité modifiée plus générale qu'il reste encore à découvrir. LCDM prédit moins de 1% d'étoiles formées à z supérieur à 5 ce qui est de plus en plus problématique au fur et a mesure que des galaxies, des amas et même les copieuses quantité de quasars sont découverts à des red shifts élevés. Enfin, concernant la masse des neutrinos, ils sont fortement contraints dans LCDM, la somme des masses des différentes saveurs ne pouvant dépassé 0.12 eV, alors qu'une masse plus importante serait bienvenue et parfaitement compatible avec de la gravité modifiée. Une mesure expérimentale plaçant la masse des neutrinos au dessus de cette limite falsifierait définitivement LCDM.
Il va donc falloir suivre attentivement les prochains résuktats de EDGES, et des détecteurs similaires, en particulier ceux en mesure de nous renseigner sur les ages sombres afin de corroborer ou bien finalement invalidé nos modèles cosmologiques et physique concurrents. J’espère que cette note à été utile, n'hésitez pas à commenter et à creuser le sujet, il est passionnant!
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