Populations

[invite01949fe8]

Bonjour,

Votre démarche est vraiment intéressante car, comme Schliemman pour Troie, vous avez tout simplement pris au sérieux les éléments donnés par les textes. Les archéologues ont également montré la justesse de la transmission orale dans les îles polynésiennes (ou mélanaisienne, je ne sais plus), ce que nous avons du mal à concevoir dans nos civilisations de l'écrit.

Mais ma question concerne un point que vous n'avez pas abordé dans votre dossier : le mouvement des populations et leurs conséquences.
J'ai également lu quelques théories "psychanalitiques" autour de l'Atlantide, qui relèvent plus des préoccupations de nos sociétés que de l'histoire. Néanmoins il y a un élément qui me trouble. On comprend bien qu'avec une remontée de 135 m du niveau de la mer, les déluges n'ont pas manqué d'avoir lieu. Pourtant cette submersion a eu suffisamment de poids pour s'être transmise sur plus de 10 000 ans. Pourquoi celle-ci, et pas les innombrables autres qui n'ont pas manqué d'avoir lieu ?
Prenons l'hypothèse de populations insulaires équivalentes à celles des rives ibériques et marocaines. Avec la submersion progressive de leurs îles, ces populations se seraient fondues avec celles alentoures sans faire trop de "bruit".
Pour que cet évènement ait réussi à se frayer un passage jusqu'à nous, c'est que les populations insulaires qui ont émigré ont eu un impact fort sur les populations voisines, ce qui suppose qu'ils aient gardé une unité qui ne peut s'expliquer que par un décalage culturel ou technologique, ou plus probablement les deux.

Sans vouloir faire du déterminisme historique, on sait que les populations qui se sont installées dans la lagune de Venise sont devenues par la force des choses des navigateurs et commerçants. Pourquoi ne pas imaginer un scénario similaire : des populations insulaires qui se seraient spécialisées dans la navigation (faire passer les "voyageurs" d'un continent à l'autre) puis le commerce, ce qui les auraient fait se différencier culturellement des populations voisines.

Poussons même plus loin, même si on s'éloigne de ce que l'archélogie peut montrer. On sait que l'agriculture a avant tout été une "révolution" culturelle plutôt que technologique, puisque la sédentarisation l'a précédée. Je ne peux m'empêcher de penser, en lisant votre article, que vos insulaires cadreraient parfaitement avec cette révolution culturelle de la sédentarisation : une sédentarisation logique du fait de la taille des îles et permise par les surplus donnés par le commerce. Commerce qui changera le raport entre l'Homme et la Nature, puisque celle-ci se révèle moins importante, voire antagoniste avec un déluge.

Que pensez-vous de cette hypothèse ? (Excusez-moi d'avoir été un peu long)
-----

[invitee42411f0]

Ce qui est sur, en tout cas, c'est que la restructuration des espaces littoraux et les mouvements de populations ont abouti à ce que l'on appelle la "révolution néolithique". On peut considérer cette révolution comme un changement obligé, contraint et forcé. Le climat change, les littoraux sont noyés, les grand troupeaux d'herbivores de la fin du Paléolithique disparaissent ! Les cultures qui étaient organisées autour de ces chasses spécialisés doivent changer ! Par ailleurs les petit groupes de chasseurs cueilleurs ne disposent plus de l'espace nécessaire pour vivre car ce mode de vie implique un grand espace de circulation comme terrain de chasse. Avec le changement climatique accéléré de la dernière glaciation la vie idyllique des chasseurs cueilleurs est révolue ! (un sociologue américain, Sahlins, a écrit un livre célèbre dont le titre était : "âge de pierre, âge d'abondance" ). Il a fallu s'organiser, se sédentariser, gérer des groupes humains plus importants ce qui a obligé à une organisation étatique et à l'émergence d'une hiérarchie sociale marquée. Jacques Cauvin, un spécialiste de la préhistoire du Moyen Orient voyait dans certains passages de la Bible l'écho de cette transition entre un âge d'or ou l'homme vivait en symbiose avec la nature (l'état des libres chasseurs paléolithiques) vers un état résultat de la malédiction divine : "tu travailleras à la sueur de ton front" (l'état des cultivateurs néolithiques) pourquoi pas !?

Je pense que les changements ne se font que quand on n'a plus le choix , on va jusqu'au bout jusqu'à ce que la situation antérieure ne soit plus tenable. C'est peut être cette situation de changement obligé qui a eu lieu a la fin de la dernière glaciation Il est possible que le repli des populations littorales vers l'intérieur des terres ait été, comme vous le proposez, un facteur important, malheureusement nous n'avons pas d'éléments archéologiques directs pour aller assez loin dans ce genre hypothèses : nous ne pouvons, pour l'instant, pas dépasser le stade des spéculations .

Une petite précision, sur le point de la démarche que vous me prêtez : je ne suis pas, comme Schlieman parti des textes pour trouver l'Atlantide ! Un tas de gens essayent de faire ça depuis 2000 ans sans grand succès ! L'Atlantide n'était pas du tout "ma tasse de thé" ! Je suis parti de la réalité géologique, celle d'une île engloutie devant le Detroit de Gibraltar 11 400 ans avant nous. C'est à ce stade que cela m'a rappelé l'histoire racontée par Platon et que j'ai fait l'hypothèse que cette "Atlantide" (au sens d'une île engloutie) , bien réelle, géologiquement parlant, pouvait avoir un rapport avec l'histoire de Platon dans le Timée.
Si on part des textes on se perd car ils sont très compliqués et il est très difficile d'en démêler les éléments et leur origine probablement disparate.

Les mythes condensent, comme les rêves, un tas d'élément hétéroclites, apparemment incompréhensibles, mais si on les ramène à leurs structures fondamentale (cf. Levi-Strauss) on peut, peut être, y trouver des invariants qui renvoient à un noyau de réalité (comme l'élément déclencheur du rêve) . C'est effectivement ce que montrent les traditions relevées par les ethnologues dans le Pacifique (ou ailleurs) qui montrent qu'il y a bien un noyau de fait réel, transformé et embelli ensuite par l'imagination des narrateurs.