Utilisation de produit chimiques.

[invite0d6a158b]

Bonsoir,

Je suis étudiant en Chimie, et je souhaite toujours en savoir plus en trouvant la réponse a quelques questions.

-Être chimiste est une responsabilité envers soi-même et les autres. L'utilisation du matériel nécessaire est obligatoire bien sur, mais a quel moment y a-t-il un réel risque, tout le temps me direz vous, mais on va pas appeler le centre anti-poison si on se prend un peu de chloroforme sur la main une fois dans sa vie de chimiste. A moins que cela sois répété.

-A l'instar, le temps passant, même avec une infini précaution, on sera souvent en contact direct avec des produits nocifs. Es-ce une vision réaliste des choses?

Merci.
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[moco]

Le monde de la chimie est devenu beaucoup plus prudent en matière d'usage des produits toxiques.
Quand j'ai fait mes études, dans les années 60, on utilisait le benzène et le chloroforme par litres à la fois. On titrait avec de l'arsénite de sodium. On camouflait les métaux lourds en ajoutant du cyanure dans les solutions de calcium à titrer par l'EDTA. L'uranium était un métal dont on étudiait les propriétés analytiques des ions : on précipitait le sodium en ajoutant de l'acétate d'uranyle et de magnésium. On oxydait les alcools en acides avec du bichromate de potassium. On recherchait les ions ammonium avec un composé de mercure, le iodomercurate de potassium.
Tous ces produits sont interdits aujourd'hui, et je pense qu'on a bien fait de les interdire. Mais il ne faudrait pas croire que tu risques de devenir cancéreux si tu prends un peu de chloroforme sur les mains comme tu le dis.

[mach3]

-Être chimiste est une responsabilité envers soi-même et les autres. L'utilisation du matériel nécessaire est obligatoire bien sur, mais a quel moment y a-t-il un réel risque, tout le temps me direz vous, mais on va pas appeler le centre anti-poison si on se prend un peu de chloroforme sur la main une fois dans sa vie de chimiste. A moins que cela sois répété.

Le chimiste professionnel ou académique, de part sa formation et son expérience, est censé savoir mesurer le degré de danger relatif des produits qu'il manipule et des réactions qu'il mène, et utiliser les protections individuelles et/ou collectives adéquates. Il est aidé en cela par les fiches de données de sécurité de chaque produit, qu'il est censé lire avant de les utiliser ou de les fabriquer, et également par la commission hygiène et sécurité de son entreprise/université. Autant certains produits sont anodins, autant d'autres sont extrêmement dangereux. Les risques d'une exposition ponctuelle ou chronique sont également différent. Certains produits ne présentent aucun danger lors d'une exposition ponctuelle à une faible quantité (à part allergie...), d'autres par contre peuvent te flinguer direct (même pas le temps d'appeler les pompiers).
Il existe des classements des produits par la limite d'exposition, les conditions dans lesquels doit être manipulé une matière donnée selon sa quantité, etc... Ces classements sont régit par la loi, mais sont souvent amplifiés dans les entreprises, par des classements internes plus sévères.

-A l'instar, le temps passant, même avec une infini précaution, on sera souvent en contact direct avec des produits nocifs. Es-ce une vision réaliste des choses?

Oui, malgré les équipements de protection, il est difficile d'éviter totalement tout contact avec les matières (d'ailleurs certains équipements on des revers, comme les gants : au lieu de se mettre du produit sur les mains, on s'en met sur les gants, on ne s'en rend pas compte, et ensuite avec les gants, on en colle partout, sans s'en rendre compte encore une fois...).
Cela est néanmoins fait avec les molécules de très haute activités, comme les cytotoxiques. A part pour de très petites quantités (moins d'1mg), les manipulations se font en scaphandre, en hémiscaphandre ou dans une boite à gants. Les ateliers de production de telles matières très actives sont pensés de manière à ce que l'environnement dans lequel travaillent les opérateurs ne soit jamais souillé. Pour des matières moins actives, on ne prend pas de telles précautions extrêmes (trop couteuses, et pas obligatoires), donc les contacts avec la matière existent, même si on fait en sorte de les minimiser. C'est pour cela que les chimistes sont très suivis par la médecine du travail. Celle-ci est normalement au courant de quelles molécules sont manipulées par le travailleur, est donc à même de déceler des signes d'intoxications spécifiques et peut prendre les mesures nécessaires le cas échéant (changement de poste, etc)

m@ch3

[invite8ae4bb59]

Je crois que tu touches là à une question beaucoup plus philosophique et existentielle que ce que l'on peut voir habituellement sur un forum.
Je vais essayer de faire court en utilisant des images.

D'abord, je te retourne la question d'une autre façon : crois tu que dans notre vie de tous les jours nous soyons à l'abri de tout ?
Tu devines bien que non : tout est question de mesure. Si tu manges du paté, tu t'arranges pour en acheter qui soit de bonne qualité avec le moins d'additifs possible... Si tu dois monter au 7ème étage et que l'immeuble te semble pourri, tu vas éviter de prendre l'ascenseur...
Bref, instinctivement tu "mesures" les risques.

Je crois que dans une vie professionnelle, c'est pareil.
Mais j'y ajoute non pas un bémol, mais une dièse.
Lorsque tes actes peuvent concerner quelqu'un d'autre, il me semble que les "précautions" doivent être plus que doubles.
A mon avis, lorsque nos actes engagent d'autres vies que la nôtre, il n'est plus question de "risque mesuré" : il ne doit pas y avoir de risque du tout.

Donc, pour reprendre une autre image, si tu prends l'autoroute à 3h du mat, tu n'as le droit "moral" de rouler à 250 avec ta porsche que si tu as la certitude qu'il n'y aura personne sur ton chemin. Mais comme tu n'as aucune certitude, tu dois respecter le code et te contenter des 130 que la "prudence" édictée par le code de la route t'impose.

Je vois mal comment faire plus court pour exprimer ce que je pense.
Cela étant, je ne suis pas un professionnel de la chimie, et il y en a ici de bien plus qualifiés pour te répondre sur le point de vue "technique". J'imagine pourtant assez bien qu'au final ils arrivent à des conclusions un peu similaires...
Mais laissons leur donc le soin et le temps de répondre...

Amitiés

[A voir en vidéo sur Futura]

[mach3]

A mon avis, lorsque nos actes engagent d'autres vies que la nôtre, il n'est plus question de "risque mesuré" : il ne doit pas y avoir de risque du tout.

Ca c'est le grand rêve de tout service hygiène et sécurité en chimie. Malheureusement, le risque est toujours présent, on ne peut pas l'éviter. La grande majorité des produits, appareillages et installations chimiques présentent des dangers variées et inévitables. La seule façon d'éliminer totalement les risques liés à la chimie, c'est d'arrêter de faire la chimie. Mais bon entre nous, ça ne nous met pas à l'abri de toutes les autres dangers de la vie courante : on peut être gravement blessé/ être mutilé/ mourir tant dans une explosion dans un laboratoire de chimie qu'en traversant tout simplement la rue...

Alors, la démarche, c'est d'essayer de recenser/identifier/codifier tous les dangers qui existent, afin de prendre toutes les contremesures possibles pour réduire le risque que ces dangers représentent, quitte parfois à modifier ou interdire certains appareillage pour certains ou types d'usage, d'interdire l'usage de certains produits quand une alternative existe, etc...
Dans mon boulot par exemple, je mets au point des procédés au laboratoire qui sont ensuite transférés à une unité pilote (montée en échelle de quelques litres, à plusieurs centaines de litres, voire plusieurs mètres cube). Il y a des procédures très strictes, dont la rédaction d'un document qui atteste que la dangerosité potentielle de chaque stade du procédé, avec les déviations éventuelles qu'elles peuvent comporter, a été évaluée. Il y a une étude de sécurité du procédé, ou des échantillons des réactifs, effluents, milieu réactionnel à diverses étapes, produit fini, sont soumis à des traitements thermiques pour vérifier si des risques d'emballements thermiques, de dégagement gazeux brutaux, etc, sont présents. Ce sont des risques qu'on ne remarque pas forcément à la petite échelle du labo (et qui au pire du pire ne détruirait qu'une sorbonne et n'intoxiquerait que 3 ou 4 techniciens et/ou responsable de labo, sans vouloir minimiser), mais qui pourrait avoir des conséquences extrêmement graves à plus haute échelle (surtout que les transferts thermiques sont beaucoup moins efficaces quand on monte en échelle) : un réacteur pilote qui éclate, c'est potentiellement une bombe, qui menace non seulement la totalité du bâtiment où il est installé (qui contient plein d'autres réacteurs et des tuyaux qui acheminent des solvants, des futs de produits chimiques divers, bref une poudrière), voire les bâtiments adjacents ou même des bâtiments extérieurs au site!
Malgré ces études de sécurité, des incidents arrivent, et s'ils ne se transforment pas en accidents, c'est souvent grâce aux bons réflexes et à l'instinct de l'équipe de l'atelier...

m@ch3

[invite85b45ef5]

Il existe aujourd'hui une dérive intellectuelle qui tend à diaboliser tout ce qui a un rapport avec la chimie. Il s'agit là
vraisemblablement de la résurrection des condamnations moyenâgeuses qui envoyaient les alchimistes au bûcher.
La chimie est une des sciences qui permette aux hommes de comprendre ce qui les entoure. Sans la chimie nous
ignorerons encore pourquoi nous respirons, nous mangeons et nous pissons.....
Le danger pour notre vie est partout, il peut être d'origine naturelle, éruptions volcanique, tsunami ou simple verglas.
L'activité humaine en a ajouté d'autres, moyens de transport, vitesse ou manque d'attention, mais aussi perfidie
humaine, le pire étant les guerres, attentats et autres folies destructrices. Combien d'hommes, de femmes et d'enfants
meurent chaque jour assassinés par des fanatiques ?
La chimie, à coté de cela est un bien piètre tueur.
J'ai dépassé les 90 ans avec une vie consacrée à la chimie depuis l'âge de 18 ans. J'ai eu à manipuler des tonnes de
produits dangereux, j'ai eu à faire travailler des centaines de personnes souvent ignorantes dans un environnement
redoutable. J'ai vu quelques accidents graves, mais je suis arrivé à la conclusion qu'il était moins dangereux de manipuler des produits chimiques que d'effectuer des descentes à skis hors piste ou simplement de prendre des coups de soleil sur la plage.Le chimiste connaît ce qu'il manipule et il suffit d'être prudent.
Sans la chimie, l'humanité vivrait encore de cueillette et le moindre virus exterminerait une bonne partie de la
population.
Beaucoup trop de gens ignorent que Louis Pasteur qui a ouvert la porte aux vaccins et à la médecine moderne, n'était
pas médecin, mais chimiste.

[invite0d6a158b]

Bonsoir,

Merci pour l’intérêt que vous porter a cette question. Et l'abondance des points de vue, est très intéressante.

D'abord, je te retourne la question d'une autre façon : crois tu que dans notre vie de tous les jours nous soyons à l'abri de tout ?

Bien évidement, non. Je pense vraiment que c'est une voie dynamique, et malgré les risques inhérent a ce métier
les perspectives d'avenir, les contributions... etc pour mieux comprendre la nature, des enjeux réels dont
très motivant. Ce qui incompréhensible, c'est le monde soit compréhensible, disait-il.

Sans la chimie, l'humanité vivrait encore de cueillette et le moindre virus exterminerait une bonne partie de la
population.
Beaucoup trop de gens ignorent que Louis Pasteur qui a ouvert la porte aux vaccins et à la médecine moderne, n'était
pas médecin, mais chimiste.

Le boom de l’utilisation de produits de synthèse notamment dans les aliments, je pense est un facteur de cette "diabolisation" de la chimie.
Néanmoins, ces préjugés sont souvent signe de confusion, je pense, par exemple, des que les gens voient ' Naturel'
c'est forcement bénéfique, mais la nature fait aussi de nombreux poisons.