Bonjour,
Étant ingénieur d’étude en instrumentation au CNRS dans un laboratoire d’astrophysique, je vous propose dans ce sujet une petite vue de l’astronomie professionnelle telle qu’elle est aujourd’hui.
A travers 6 chapitres je vous ferai découvrir son fonctionnement, puis je vous montrerai comment à partir de problématiques scientifiques on imagine et réalise un instrument.
Bonne lecture,
Thibaut Moulin.
Premier Chapitre: Présentation et fonctionnement de l'astronomie professionnelle.
L’astronomie d’aujourd’hui a fortement évolué depuis la démocratisation de l’électronique et de l’informatique. Fini le temps où les astronomes passaient du temps l’œil rivé à leur lunette ou leur télescope à dessiner des croquis ou prendre des photos sur des plaques argentiques. Aujourd’hui tout va plus vite et tout est organisé pour que la science progresse rapidement comme vous pouvez le voir en étant lecteur de Futura-Sciences où chaque mois est relatée une nouvelle découverte en astrophysique.
1) Organisation de l’astronomie mondiale.
Il existe une grande différence entre la gestion des télescopes américains et européens. Je ne parlerai que de ces deux cas ne connaissant pas les autres.
- L’astronomie américaine est orchestrée principalement par les universités. Les chercheurs étant rattachés principalement à elles. De plus les universités possèdent leur télescope. C’est donc elles qui allouent du temps de télescope et qui font des appels d’offre pour les instruments.
Par exemple le Large Binocular Télescope à été financé par l’université d’Arizona, des observatoires Italiens et Allemands.
- En Europe, la majorité des télescopes est gérée par L’Organisation Européenne pour la recherche astronomique de l’hémisphère Sud (ESO).
Cette organisation intergouvernementale gère les télescopes européens implantés dans l’hémisphère sud plus précisément au Chili là où se trouvent la majorité des télescopes européens.
Comme on le voit il y a toujours plusieurs pays ou universités pour un télescope. D’une part leur construction coûte cher mais aussi parce que leur fonctionnement est onéreux.
2) Les demandes de temps ou « proposal ».
Pour pouvoir observer sur les télescopes les scientifiques doivent faire une demande de temps. Cette demande de temps se fait deux fois par an en général suite à un « appel à proposal » fait par les observatoires comme l’ESO ou les télescopes Keck de la NASA pour ne citer qu’eux.
Elle consiste à écrire un argumentaire scientifique sur l’objet que l’on veut observer en expliquant la recherche effectuée. De plus le chercheur doit définir en fonction des données dont il a besoin, l’instrument qu'il veut utiliser (spectrographe : résolution, longueur d’onde, la caméra s’il veut faire de l’imagerie, etc), le nombre de nuits et la période à laquelle il veut observer.
Un groupe d’experts scientifiques de l’ESO (par exemple dans le cas des européens) étudie les propositions et accorde du temps ou non aux astronomes en fonction. Cela peut aller d’un quart de nuit (2 heures) à plusieurs nuits d’observation.
Pour un télescope du VLT (Very Large Telescope) les astronomes peuvent attendre 4 ans pour pouvoir y observer !!!
De plus il y a aussi du temps réservé sur les télescopes pour les universités ou laboratoires ayant participé à la réalisation d’instruments ou qui financent le télescope en question. Les chercheurs associés à ces équipes peuvent donc observer plus facilement.
3) L’observation
Aujourd’hui l’astronome pilote très rarement le télescope (du moins sur les plus grands). Suite à sa demande de temps les opérateurs appliquent la configuration demandée et acquièrent les données. Si l’observation est de routine l’astronome ne se déplace même pas, les données lui sont envoyées par internet. Dans le cas de configuration d’instrument complexe, l’astronome aidé de l’astronome opérateur donne les instructions aux opérateurs.
Enfin, il y a une troisième méthode qui tend à se développer et déjà utilisé par des astronomes amateurs, le pilotage à distance. L'intérêt de cette dernière est le moindre coup pour les missions car l'astronome ne se déplace pas.
On pourrait se dire qu’il n’y a plus de plaisir là-dedans car on ne peut plus « bidouiller » ,faire tous ces réglages, etc... ; mais vu le prix de la machine et le prix d’une nuit d’observation le bricolage n’a pas sa place. Sur un télescope de 8 mètres au VLT, la nuit d’observation coûte 70000€.
Pas très sympa le métier d’astronome ?? Mais si je vous rassure, comme vous le verrez par la suite la complexité des instruments et des systèmes de commande font que c’est toujours une émotion d’aller observer dans les endroits où le ciel est le plus pur du monde. De plus créer des théories à partir des observations, bref enquêter dans le cosmo est vraiment excitant.
4) Les grands observatoires du monde
Voici une liste non exhaustive des plus grands télescopes du monde.
- Hawaï: Keck 1 & 2, CFHT (Canada, France, Hawaï Télescope), Subaru, TMT (Thirty Meter Telescop; en projet)…
- Chili: Le VLT (Very Large Telescop), La silla, ALMA (en construction), E-ELT( en projet)
- USA: CHARA, LBT,
- Iles Canaries: Grand TeCan.
Comme vous pouvez le voir en faisant un tour vers ces régions du globes, les plus grand télescopes se trouvent loin des villes pour ne pas avoir de la pollution lumineuse et dans des régions désertiques ou en altitude. Le but étant d'avoir un ciel le plus stable possible. J'y reviendrais dans les prochains chapitres.
Légende : Le VLT (chili) crédit : ESO/H.H.Heyer
5) La publication
Le chercheur doit publier pour exister et diffuser son travail. C'est-à-dire soumettre son travail à ses « pairs » pour critique et ou validation. Cela se fait en soumettant un article dit « papier » à une revue de plus ou moins grande renommée. Il faut savoir que toutes les publications ne se valent pas. En effet, il est admis que les articles à référé sont souvent les meilleurs car soumis à un collège d’experts qui étudient le travail réalisé. Un astronome qui publie ainsi aura un impact plus important sur la communauté scientifique.
Voilà, j’espère que ce petit tour dans l’astronomie professionnelle vous aura éclairé sur ce monde parfois mal connu.
Le chapitre suivant sera : II) Introduction à l'instrumentation.
Je vous ferai une introduction à l’instrumentation astrophysique où vous verrez que sans elle les télescopes ne sont rien !!
Optrolight
p.s: Merci à jbfe pour son aide et son encouragement.
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