Nécessité et pièges des notations
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Nécessité et pièges des notations



  1. #1
    invite76543456789
    Invité

    Nécessité et pièges des notations


    ------

    Bonjour,
    Etant depuis peu confronté a cette exeprience singulière qu'est l'enseignement (de premier cycle universitaire), j'en suis venu a me poser serieusement la question de l'effet de l'omnipresence de "notation porteuse de sens" (faute d'un meilleur terme), effet que je trouve extremement nefaste etudiants.
    Il est assez fréquent en math et en physique, que l'on introduise des notations proteuses de sens, par exemple si f est une fonction, f' désignera sa dérivée, parfois on ne precise meme pas que f' désigne effectivement la dérivée de f. De même les notations bra et ket qui permettent de differencier vecteur de formes linéaires etc... les exemples abondent.
    J'ai trouvé que ces notations bien que pratiques, avaient un effet tres nefaste, c'est qu'elle mecanisaient les "raisonnements" (et par raisonnement ici, je veux dire essentiellement calcul).

    Un exemple extremement frappant est celui de l'introduction de la notion de differentielle en premiere année, qui est en general introduit en physique avant. On apprend aux etudiants a calculer des differentielles, selon des regles mecaniques et techniques, basées sur... le pouvoir suggestif d'une notation. df(x)=f'(x)dx (ou df=f'(x)dx). Bien sur aucun des etudiants ne sait ce qu'est dx, ni df, mais ils savent calculer avec (bien sur des qu'on pose une vraie question dessus... il leur est impossible de pouvoir y faire face).

    Du coup j'ai voulu voir s'ils comprenaient vraiment qqch, et ne se contentaient pas juste de manipuler mecaniquement des symboles, donc j'ai posé un devoir ou j'ai modifié volontairement des notations (ou certaines conventions, sur la multiplication matricielle par exemple), bien sur j'avais expressément signalé dans le texte toutes ces modifications... ce fut une catastrophe!! Par exemple, je leur avait demandé de dériver la fonction x:R->R, qui à f associe f²... j'ai eu des réponses completement fantaisistes (et un nombre incalculable de 2f.f' comme réponse ).

    Du coup je me demande si l'on ne devrait pas serieusement se poser la question de ces "notations porteuses de sens" (et de les limiter au plus possible), voire a volontairement alterner les notations (bien que je peste en general quand je lis un livre ou un article ou les notations sont peu orthodoxes), et de leur effet nefeste et qui encourage à la tendance "brainless" dans l'enseignement.

    Globalement j'ai toujours eu tendance a penser qu'une bonne notation c'est comme une bonne recette, ce doit etre personnalisé. Et qu'il faut limiter ce genre de "notation proteuse de sens" le plus possible.

    Qu'en pensez vous?

    -----

  2. #2
    exciton

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Faudrait surtout limiter les profs porteurs de confusion. Quel idée de nommer une fonction x ? C'était évident que les étudiants allaient comprendre de travers.

    Je suppose que la dérivée attendue était x'(f) = 2f

  3. #3
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Tu touches là un problème plus général qui n'est pas lié, à mon avis, au type de notation mais qui est plus général. Peut-être aussi est-ce lié au système d'enseignement et de contrôles (examens, devoirs...) français. À la question "qu'est-ce que l'enthalpie libre ?" il y a 90% de chance qu'on ait comme réponse la formule de l'enthalpie libre (pour autant que l'étudiant sache qu'on la représente par G) au lieu d'avoir une phrase expliquant ce que c'est : et quand on demande ce que cela représente physiquement, peu sont capables de répondre. Autrement dit on demande à l'étudiant de savoir calculer, de savoir résoudre un exercice alors qu'il faudrait lui apprendre la compréhension du phénomène physique ou de la logique mathématique.

    Je me souviens d'un jeune voisin en première année de médecine qui m'expliquait avoir d'énormes difficultés en math (ce qui l’angoissait pour le concours de fin d'année) et il me donnait comme exemple qui lui venait à l'esprit qu'il ne comprenait rien aux intégrales. Quand je lui ai dessiné un graphe bidon en lui expliquant que c'était la surface sous la courbe entre deux valeurs (probablement lui ai-je donné aussi un exemple sur la détente d'un gaz) j'ai vu une lueur de compréhension sur son visage. Coup de chance à l'examen l'épreuve de math portait sur les intégrales... et il a eu une note correcte... et réussi son concours. Du coup ses parents se sont cru obligés de m'offrir une bouteille ! Mais le plus drôle c'est que je suis quasiment nul en maths (à l'époque hormis quelques tests statistiques la biologie utilisait peu les maths).
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  4. #4
    Médiat

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Citation Envoyé par MissPacMan Voir le message
    à f associe f²... j'ai eu des réponses completement fantaisistes (et un nombre incalculable de 2f.f' comme réponse ).
    Ce qui n'est pas faux, même si cela est révélateur d'une incompréhension.

    Est-ce qu'en pensant que cette réponse est fausse, on ne ferait pas la même erreur que ceux qui pensent que c'est la bonne réponse ?

    Sur le fond, en tant que logicien, je ne peux qu'être d'accord avec MissPacMan, mais à tous les niveaux de l'enseignement, on peut se demander s'il vaut mieux comprendre profondément ce qui est enseigné, ou réussir son examen (ou son passage dans la classe supérieure), après avoir enseigné pendant 15 ans, je n'ai pas la réponse (même si je sais sans hésitation quel est ma préférence).
    Dernière modification par Médiat ; 17/06/2012 à 05h32.
    Je suis Charlie.
    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    mtheory

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Citation Envoyé par JPL Voir le message
    Tu touches là un problème plus général qui n'est pas lié, à mon avis, au type de notation mais qui est plus général. Peut-être aussi est-ce lié au système d'enseignement et de contrôles (examens, devoirs...) français. À la question "qu'est-ce que l'enthalpie libre ?" il y a 90% de chance qu'on ait comme réponse la formule de l'enthalpie libre (pour autant que l'étudiant sache qu'on la représente par G) au lieu d'avoir une phrase expliquant ce que c'est : et quand on demande ce que cela représente physiquement, peu sont capables de répondre. Autrement dit on demande à l'étudiant de savoir calculer, de savoir résoudre un exercice alors qu'il faudrait lui apprendre la compréhension du phénomène physique ou de la logique mathématique.

    Je me souviens d'un jeune voisin en première année de médecine qui m'expliquait avoir d'énormes difficultés en math (ce qui l’angoissait pour le concours de fin d'année) et il me donnait comme exemple qui lui venait à l'esprit qu'il ne comprenait rien aux intégrales. Quand je lui ai dessiné un graphe bidon en lui expliquant que c'était la surface sous la courbe entre deux valeurs (probablement lui ai-je donné aussi un exemple sur la détente d'un gaz) j'ai vu une lueur de compréhension sur son visage. .
    ça me rappelle mon année de L3 au siècle dernier. On était 100, excédé par l'absence d'attention de ses étudiants, l'un de nos profs s'est mis a demandé ce qu'était un gradient....silence, puis il interroge quelqu'un qui lui répond et évidemment le prof rétorque : "Vous, on vous a donné votre Deug". Comme il demandait à nouveau une réponse et que le cours ne repartait pas j'ai fini par prendre la parole pour dire qu'il y avait deux aspects. Le premier, physique, était qu'il s'agissait d'une sorte de taux de variation spatial d'un champ scalaire et l'autre, mathématique, qu'il apparaissait dans la différentielle totale d'un champ scalaire spatial f, df = grad f . dr, ce qui permettait d'obtenir son expression dans tous les systèmes de coordonnées. Tout l'amphi a éclaté de rire, mais pas mon prof qui leur a répondu " Ne riez pas, il a raison".
    Aussi incroyable que cela puisse paraitre, j'étais le seul à avoir cherché à comprendre le concept et/ou celui-ci n'avait pas été donné correctement aux étudiants qui se contentait d'apprendre des règles de calcul pour passer des examens.

    Moi c'était l'inverse, je ne pouvais pas travailler de façon scolaire et ce qui comptait, c'était de comprendre. Du coup, je ne supportais pas les cours à la française, plus exactement les cours de mon université et je me suis tourné très vite, vers les ouvrages russes et américains, en particulier les cours de Feynman et de Berkeley. Là au moins je respirais. Des années plus tard, pour ce qui concerne la compréhension de la physique et des mathématiques dont j'avais besoin, j'ai découvert que j'avais eu raison .
    “I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman

  7. #6
    mtheory

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Citation Envoyé par MissPacMan Voir le message
    Globalement j'ai toujours eu tendance a penser qu'une bonne notation c'est comme une bonne recette, ce doit etre personnalisé. Et qu'il faut limiter ce genre de "notation proteuse de sens" le plus possible.

    Qu'en pensez vous?
    Le problème n'est pas de limité les notations, celle avec f' et dx viennent de Lagrange et Leibnitz et effectivement elles servent à mécaniser le calcul et à rendre son apprentissage et son usage bien plus facile. C'est d'ailleurs pour ça que Leibnitz l'a introduit et qu'elle s'est imposée devant celle de Newton pour de bonnes raisons. Le problème est d'être rigoureux quand à la compréhension des outils qu'on utilise et à ne pas enseigner les choses uniquement ou presque avec des règles de manipulation de symboles axiomatisées. L'étudiant prend alors uniquement des habitudes de programme d'ordinateur au lieu d'apprendre aussi à chercher à comprendre. Malheureusement, c'est essentiellement la mise en avant du passage d'un diplôme pour trouver un job qui presque impose de faire des cours comme ça.
    “I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman

  8. #7
    mtheory

    Re : Nécessité et pièges des notations

    c'est pas vrai...
    Citation Envoyé par mtheory Voir le message
    Le problème n'est pas de limitER les notations, celleS avec f' et dx viennent de Lagrange et Leibnitz et effectivement elles servent à mécaniser le calcul et à rendre son apprentissage et son usage bien plus facile. C'est d'ailleurs pour ça que Leibnitz l'a introduit et qu'elle s'est imposée devant celle de Newton pour de bonnes raisons. Le problème est d'être rigoureux quanT à la compréhension des outils qu'on utilise et à ne pas enseigner les choses uniquement ou presque avec des règles de manipulation de symboles axiomatisées. L'étudiant prend alors uniquement des habitudes de programme d'ordinateur au lieu d'apprendre aussi à chercher à comprendre. Malheureusement, c'est essentiellement la mise en avant du passage d'un diplôme pour trouver un job qui presque impose de faire des cours comme ça.
    “I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman

  9. #8
    mach3
    Modérateur

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Citation Envoyé par mtheory
    ça me rappelle mon année de L3 au siècle dernier. On était 100, excédé par l'absence d'attention de ses étudiants, l'un de nos profs s'est mis a demandé ce qu'était un gradient....silence [...]
    c'est marrant je me retrouve exactement dans cette petite histoire : avoir saisi un concept et me rendre compte que personne d'autre (ou presque) dans la promo ne l'a compris et que tout le monde l'utilise de façon automatique sans chercher à comprendre... c'est malheureusement bien trop fréquent. J'ai toujours eu cette impression bizarre que moi j'étais là en fac pour apprendre et comprendre parce que ça me passionnait (j'y étais parce que je le voulais, c'était mon unique souhait d'orientation) alors que quasiment tous les autres étaient là par défaut seulement (n'ayant pas été pris dans les prépas ou écoles d'ingé qu'ils visaient ou n'ayant rien trouvé qui les intéressaient et donc qui faisait la fac "en attendant" parce qu'il faut bien faire quelque chose après un bac S), avec pour seule perspective de se débattre pour avoir au moins 10 à leurs modules et l'éventualité d'avoir ensuite un diplôme... c'est caricaturé, car il y a parmi eux des gens qui finissent par s’intéresser, se passionner et même comprendre, mais c'est l'idée générale.

    m@ch3
    Dernière modification par mach3 ; 17/06/2012 à 19h01.
    Never feed the troll after midnight!

  10. #9
    shokin

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Oui, il y a des élèves qui veulent comprendre voire savoir comment ça se fait (démontrer) et d'autres qui se contentent d'appliquer les formules. Exemple avec mgh + 1/(2mv²) dans les écoles de culture générale (où ils ont peu d'heures de physique ; car beaucoup d'autres branches). [Okay, ce n'est pas l'université.]

    En gros, c'est comme entre Mac et Linux.
    Dernière modification par shokin ; 17/06/2012 à 20h57.
    Pardon, humilité, humour, hasard, tolérance, partage, curiosité et diversité => liberté et sérénité.

  11. #10
    MadMarx

    Re : Nécessité et pièges des notations

    J'me suis retrouvé dans le même cas dans le passé ou j'essayais d'expliquer un problème de maths simple ( Simple forcément puisque je suis pas scientifique par formation, mais simple aussi parce que niveau collège ) en décrivant le mécanisme associé dans la réalité, en général ça passe pas.

    Ensuite, les années passant, je me suis aussi rendu compte que non seulement les maths sont enseignés de manière simpliste, mais qu'en plus même des problèmes simples de niveau collège justement peuvent avoir des implications bien plus profondes que ce que j'avais compris tout seul jusque là, mais le plus surprenant, je ne me rappelle pas d'un seul prof qui ai au moins une fois ai essayé d'expliquer en quoi les maths décrivent la réalité.
    ( Ouais, prendre un exemple "du quotidien" c'est pas du tout la même chose )
    Je sais pas comment les pros ici voient le problème mais moi, rétrospectivement, j'me dit qu'il y'a un problème.

  12. #11
    Tryss

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Je pense qu'une grande partie des gens n'est pas intéressée par "comprendre", tant qu'ils peuvent à peu près "faire"... Alors forcément, quand c'est notre domaine, on trouve ça dommage, mais il y a tout un tas d'autres domaines ou comprendre ne nous intéresse pas, du moment que l'on peut faire ce qui nous intéresse.

    mtheory a évoqué les cours de Feynman :dans la préface il évoque ce problème et explique sa déception.

    Je pense donc qu'il faut se résigner : la plupart des étudiants ne sont pas intéressés par comprendre et ne le seront jamais. Mais ça n’empêche pas d'essayer, si on parvient à un étudiant sur 20 de vouloir comprendre, alors ça peut valoir le coup

  13. #12
    MadMarx

    Re : Nécessité et pièges des notations

    Citation Envoyé par Tryss Voir le message
    Je pense qu'une grande partie des gens n'est pas intéressée par "comprendre", tant qu'ils peuvent à peu près "faire"... Alors forcément, quand c'est notre domaine, on trouve ça dommage, mais il y a tout un tas d'autres domaines ou comprendre ne nous intéresse pas, du moment que l'on peut faire ce qui nous intéresse.

    mtheory a évoqué les cours de Feynman :dans la préface il évoque ce problème et explique sa déception.

    Je pense donc qu'il faut se résigner : la plupart des étudiants ne sont pas intéressés par comprendre et ne le seront jamais. Mais ça n’empêche pas d'essayer, si on parvient à un étudiant sur 20 de vouloir comprendre, alors ça peut valoir le coup
    Tu penses pas qu'on a ici un cas ou l'offre précède la demande ?

    Si tu expliques en quoi les maths décrivent la réalité avant de faire de la résolution d'équations, j'ai bon espoir que les gens seraient plus facilement intéressés. Il y'a de fortes chances que les gens ne se passionnent pas pour se genre d'explications parce qu'il ne savent pas que ça existe. Moi je le constate régulièrement à propos des sciences en général : les gens n'ont pas été exposés à la vraie nature de la science, la méthode scientifique, et que c'est un outil indispensable et efficace pour aborder l'ensemble du réel. Les gens pensent que la science c'est limité au cadre des matières scolaires. Je pense que si quelqu'un voit le monde de cette façon, alors il n'a rien appris à propos de la réalité.

    J'ai aussi le sentiment que les gens retiendraient mieux ce qu'ils apprennent à l'école si cette version des sciences leur étaient exposée, parce que si c'est plus intéressant, en général on y prend plus de plaisir et le cerveau se focalise naturellement sur les choses les moins désagréables.

    J'ai aussi le sentiment que la majorité n'est pas moins curieuse mais que l'école tue la curiosité parce qu'elle nous peint un monde ou la curiosité ne sert à rien. Et je pense que c'est pour cette raison que beaucoup de gens se tournent majoritairement vers les plaisirs instantanés et les récompenses immédiates.

    ( Bon ok, je suis peut être un peu HS là )

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