Les épisodes de pollution de cet hiver à Paris, à Lyon, à Grenoble et dans la vallée de l’Arve sont dus à des inversions de température (1). Normalement l’air se refroidit avec l’altitude. Mais dans le cas d’une inversion de température, une couche d’air chaud en altitude bloque l’air froid au sol. Cette couche d’air froid plaquée au sol a une épaisseur de quelques centaines de mètres. Elle concentre tous les polluants immobilisés par l’absence de vent.
Il me semble que le concept de cheminée solaire développé par Jorg Schlaich (2) permettrait de lutter contre ces épisodes de pollution de l’air. Une cheminée solaire fonctionne de la manière suivante :
- l’énergie solaire chauffe l’air sous un toit de verre horizontal : le collecteur,
- la cheminée est érigée au centre du toit de verre ; l’air chaud monte dans la cheminée alors que l’air froid entre sous le collecteur le long de son périmètre extérieur,
- à la base de la cheminée une turbine convertit l’énergie cinétique de l’air chaud ascendant en énergie électrique.
Pour lutter contre la pollution de l’air due aux inversions de température, je propose d’implanter cette cheminée solaire en milieu urbain. Pour cela, le collecteur et la cheminée sont regroupés en un seul élément : une cheminée modifiée dotée d’une face sud transparente et d’un revêtement sombre sur l’intérieur de la face nord.
Le revêtement sombre de la face nord convertit le rayonnement solaire reçu en chaleur et chauffe l’air contenu dans la cheminée. La diminution de la masse volumique de l’air chaud génère un mouvement ascendant de la colonne d’air enfermé dans la cheminée. Ce mouvement crée une aspiration d’air à la base de la cheminée.
Le site Wikipedia décrit deux formules mathématiques (3) qui permettent de calculer le débit d’air et l’aspiration en fonction de la différence de température de l’air entre l’intérieur et l’extérieur d’une cheminée. J’ai utilisé ces deux formules dans un algorithme (4) pour simuler le fonctionnement d’une cheminée solaire. Si mes calculs sont exacts, le débit d’air pourrait être très important.
Un exemple numérique basé sur une cheminée de section rectangulaire haute de 200 mètres, large de 50 mètres et un rayonnement solaire de 1 kW/m2 : avec une profondeur de 5 mètres, ma simulation montre une élévation de température à la sortie de la cheminée de 4 K, une aspiration de 38 Pa et un débit d’air de 1300 m3/s.
Quel serait l’effet d’une cheminée solaire alors que les effluents gazeux qui sortent des cheminées classiques restent bloqués sous la couche d’inversion de température ? Les inversions de température bloque l’air qui sort des cheminées classiques car dans ce cas la source de chaleur est à la base de la cheminée. L’air qui émerge de ces cheminées d’usine s’est déjà refroidi tout le long du conduit et n’a donc plus beaucoup de force ascensionnelle. Dans une cheminée solaire, l’air est chauffé tout le long du conduit et a donc une force ascensionnelle maximale à la sortie du conduit. L’air qui sort d’une cheminée solaire pourrait avoir une vitesse et une température suffisantes pour percer la couche d’inversion et la déstabiliser. Une cheminée solaire pourrait ainsi remettre l’air en mouvement et disperser la pollution.
En plus d’une fonction de ventilation, les cheminées solaires pourraient également produire de l’électricité. Placer une turbine dans le conduit comme dans le projet initial de Jorg Schlaich ne serait pas une bonne solution car le rendement énergie solaire / énergie cinétique de l’air ne dépasse pas quelques %. De plus, la présence de la turbine dans le conduit pourrait réduire la vitesse de l’air et donc nuire à l’efficacité de la ventilation. La meilleure solution pour produire de l’électricité serait de remplacer le revêtement sombre dans la cheminée par des panneaux photovoltaïques. Ces panneaux convertiraient 10 à 20 % de l’énergie solaire en électricité et dissiperaient le reste en chaleur.
Les cheminées solaires pourraient avoir un effet bénéfique contre la pollution urbaine, notamment lors des épisodes d’inversion de température, tout en produisant de l’électricité.
(1) http://blog.francetvinfo.fr/mecaniqu...air-impur.html
(2) https://www.math.purdue.edu/~lucier/...ar_Chimney.pdf
(3) https://en.wikipedia.org/wiki/Flue-gas_stack
(4) L’algorithme est le suivant :
fixation dt fixation intervalle de temps en s
calcul dT calcul de la variation de température en K pendant l’intervalle de temps dt
= e . s . L . H . dt / ( V . C )
avec s puissance solaire en W/m2
L largeur cheminée en m
H hauteur cheminée en m
dt incrément de temps en s
V volume cheminée en m3
C capacité thermique volumique de l’air (1.256 kJ/m3.K)
e efficacité collecteur = a - ( b . ( Ti – Te ) / s )
a coefficient absorption (0.75)
b correction de perte (6 W/m2.K)
Ti température de l’air dans la cheminée en K
Te température extérieure de l’air en K
calcul Q calcul du débit d’air en m3/s selon la température interne Ti
= Cd . S . racine ( 2 . g . H . ( Ti – Te ) / Ti )
avec Cd coefficient de décharge de la cheminée (0.70)
S section de la cheminée en m2
g accélération de la pesanteur terrestre (9.81 m/s2)
calcul dV calcul du volume d’air entré en m3 pendant l’intervalle de temps dt
= Q . dt
calcul Ti2 calcul de la nouvelle température de l’air en K après l’entrée d’air froid
= ( ( dV . Te ) + ( V – dV ) . ( Ti + dT ) ) / V
calcul dP calcul de la pression aspiration de l’air à la base de la cheminée en Pa
= Cp . P . H . ( 1 / Te – 1 / Ti )
avec Cp = 0.0342
P pression atmosphérique en Pa
Avec Excel, fixation dt, calcul de dT, Q, dV, Ti, Ti2, dP puis nouveau calcul de dT, Q, dV, Ti, Ti2 et dP en posant Ti2=Ti.
L'algorithme a été mis en oeuvre dans le fichier Excel suivant : Cheminée solaire.xls
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