Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique
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Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique



  1. #1
    invite600c2730

    Thumbs up Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique


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    Je souhaite prolonger ici, si Futura Sciences le permet, le débat initié dans la section "Fête de la science" du forum :

    http://forums.futura-sciences.com/th...tml#post370543

    Tenacatita :
    A l'attention Madame Valérie Masson-Delmotte et Monsieur Robert Kandel

    Madame, Monsieur,

    Avez vous le sentiment que l'appel historique lancé par les Académies des Sciences de 11 pays en juin 2005 ( Déclaration commune des Académies des sciences sur la réponse globale au changement climatique ) a été entendu par les responsables des pays du G8 et du monde entier ?

    Par exemple en France, le budget de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) stagne : cela va t-il dans le sens de la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, objectif que s'est fixé le Gouvernement français ?

    Dans le contexte actuel (Voir par exemple l'article du quotidien le Monde : Quand la Maison Blanche "corrige" des rapports sur le changement climatique), est-il possible d'être spécialiste du climat (en France, aux USA etc...) sans sentir la nécessité d'informer le grand public (comme vous le faites d'ailleurs sur ce forum) de la menace climatique qui pèse sur l'humanité et donc de se sentir impliqué sur le plan politique ? - Comment gèrez vous cela au quotidien ?

    Dans le contexte actuel (urgence d'agir pour limiter les émissions de GES) les scientifiques, qui ont une connaissance approfondie des enjeux, n'ont ils pas un rôle de première importance à jouer ?

    Un grand merci pour votre participation à ce forum.

    Bien cordialement,
    Valérie Masson Delmotte (Ingénieur CEA) :

    Bonjour,

    Je suis d'accord avec votre analyse : climat, énergie et politique, tout est lié. Quel est notre rôle de scientifiques, spécialistes du climat? Devons nous rester dans nos laboratoires et continuer nos travaux pour progresser dans la compréhension du fonctionnement du "système terre" ou devons nous sortir de nos laboratoires pour interpeler les décideurs?

    Les Nations Unies ont pris la mesure des enjeux climatiques et ont organisé le GIEC (Groupe Intergouvernemental d'Experts sur le Changement Climatique) qui a rendu une évaluation de l'état des connaissances en 1995, 2001 et rendra sa prochaine évaluation en 2007. Il s'agit d'un document de synthèse scientifique soulignant les certitudes et les incertitudes, qui s'accompagne d'un résumé pour les décideurs. Ces documents ont beaucoup joué pour rendre abordables à des non spécialistes les grands résultats des études sur le système climatique, et également fédérer au niveau international les simulations conduites pour explorer l'évolution possible future du climat ("intercomparaisons de modèles").

    Face au changement climatique piloté par les activités humaines (via les gaz à effet de serre), que faire?
    - poursuivre les travaux de rercherche pour réduire les incertitudes sur l'évolution climatique
    - prévoir pour s'adapter puisque le changement est inéluctable (inertie du système)
    - agir pour limiter les dégâts (cf Kyoto qui n'est qu' un premier pas)
    => éviter le gachis d'énergie + développer des technologies innovantes.

    Personnellement, et au delà de mon métier de scientifique, j'essaie de convaincre mes interlocuteurs, qu'ils soient enfants, étudiants, citoyens, ou décideurs, de l'importance d'agir (3ème point ci dessous et qui demande une prise de conscience de tous les acteurs, individus, collectivités, entreprises, gouvernants). Je dois également préciser que je vis avec mon temps, que je ne suis pas écologiste, je vis avec mon temps et mon comportement individuel n'est pas particulièrement vertueux (déplacements en avion, en voiture). Cependant, je me sens responsable à chaque fois que je fais le plein de ma voiture...

    Je pense que nous serons redevable à nos enfants et à nos petits enfants de nos émissions de gaz à effet de serre (du gachis d'énergie que nous faisons) et du changement climatique auquel ils devront faire face. Mes collègues scientifiques spécialistes du climat ont la même prise de conscience et font également de leur mieux pour convaincre de l'urgence d'agir. Par les nombreuses conférences que je fais, j'observe une très large prise de conscience de la vulnérabilité du climat et une volonté d'agir, souvent très concrète à l'échelle locale (certaines communes, certaines collectivités locales). Par contre, au niveau national, il me semble qu'on assiste à un fossé entre les propos ("La maison brûle") et les actes.

    Je souhaiterais que la comptabilité "effet de serre" apparaisse à tous les niveaux : sur les factures de consommation d'énergie (électricité, eau, traitement des déchets ménagers, chauffage), en gros caractères sur les véhicules, en bilan annuel pour les collectivités, entreprises, ministères. Il me semble que tant qu'on ne quantifiera pas les émissions en responsabilisant chacun des acteurs, on ne pourra pas progresser collectivement. Pour beaucoup de postes (transports, habitat) il faudra une volonté gouvernementale forte pour progresser. Prendre en compte le bilan CO2 de chaque produit, de chaque activité est un moyen de peser les décisions en terme de changement climatique. C'est par exemple essentiel pour le transport de marchandises (route versus train).

    Ai je l'impression que l'appel des académies des sciences a été entendu par les participants au sommet du G8? Je le crois. Par contre, cela n'a pas été traduit en terme d'accord concret...

    Je pense que le changement climatique est un formidable défi auquel nous sommes confrontés, pour lequel nous devrons être particulièrement inventifs et pragmatiques. Au delà du climat lui-même, les enjeux pour les sociétés humaines seront géopolitiques (accès à l'énergie, accès à l'eau...) : plus le changement climatique sera rapide, plus les risques d'instabilité seront grands.
    Robert Kandel (Directeur de recherche CNRS) :

    Cela fait beaucoup de questions... voici quelques réactions

    Je pense - ou j'espère au moins -que les responsables politiques dans les différents pays ont compris que les arguments scientifiques sur le risque dun changement climatique majeur sont sérieux. Ont-ils compris que pour la plupart, les arguments qui essaient de minimiser ce risque en mettant en avant des incertitudes réelles ou imaginaires sont un mélange de naïveté, d'ignorance, et de mauvaise foi avérée ?

    Le fait que l'administration Bush-Cheney a cherché un publicitaire de l'industrie pétrolière (où il est retourné depuis) pour censurer les rapports de l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) a effectivement provoqué de fortes réactions dans la communauté scientifique.

    Les dirigeants de la Chine comprennent-ils qu'ils vivent sur la même planète, et que même si pour la plupart, les gaz à effet de serre ajoutés à l'atmosphère depuis 1900 l'ont été par les américains et les européens, le CO2 que la Chine produit et produira à partir de son propre charbon contribuera bientôt autant et plus au renforcement de l'effet de serre ?

    Il y a beaucoup de recherches dans différents pays, dont les Etats-Unis, pour trouver des parades, en particulier par la séquestration du CO2 produit par la combustion de charbon dans de grandes centrales thermiques.

    Si en France on veut vraiment diviser les émissions de gaz à effet de serre par un facteur 4 d'ici 2050, il faut s'attaquer aux lobbies des routiers et de l'automobile en générale, éliminer la gabegie dans le chauffage, et tenir bon sur le nucléaire sans trop compter sur la fusion contrôlée, tout en cherchant à développer les énergies renouvelables en plus de l'hydroélectrique. Tout cela demande une forte volonté au plus haut niveau.

    On n'est pas spécialiste du climat, on est spécialiste dans une des nombreuses disciplines scientifiques qui informent sur le climat. Comme je ne tenais pas à rester confiné dans une cellule disciplinaire, je me suis risqué à devenir généraliste du climat, ce qui m'a conduit à parler de questions à l'intersection des sciences du climat et de la politique. Ce que beaucoup d'entre nous essayons de faire, tout en poursuivant nos recherches spécialisées et notre enseignement.

    RK
    Tenacatita :

    Madame Masson-Delmotte et Monsieur Kandel,

    Un grand merci pour vos réponses aux questions posées. Espèrons que nos politiques saurons vous écouter et échapper aux pressions des lobbies...

    Bien cordialement,

    -----

  2. #2
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    V. Masson Delmotte insite à mon avis à juste titre sur la responsabilisation à l'échelle individuelle et propose des moyens d'y parvenir.

    R. Kandel propose de s'attaquer aux lobbies des routiers et de l'automobile en générale pour lutter contre le réchauffement de la planète - Comment faire ?

    Comment faire pour qu'une "forte volonté s'installe au plus haut niveau" pour favoriser les énergies renouvelables ?

    (comme par exemple au Danemark où l'éolien a été subventionné à hauteur de 30% - Résultat : le quart de l'électricité danoise est aujourd'hui d'origine éolienne)

  3. #3
    inviteab763770

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Tenacatita
    . . . . . R. Kandel propose de s'attaquer aux lobbies des routiers et de l'automobile en générale pour lutter contre le réchauffement de la planète - Comment faire ?. . . . .
    Belle question...!

    Mais elle sous entend que les responsables d'effet de serre au chapitre "transports" sont les routiers et les constructeurs auto, ce qui n'est pas tout à fait exact.

    Si les entreprises trouvaient demain une justification à restocker et à cesser les méthodes de sous-traitance et de flux tendus, nous verrions le transport routier chûter rapidement : le transport par camions n'est pas intégralement entre les mains des routiers !

    De même s'il existait un réseau généralisé (disponible sur tout le territoire) réellement pratique, efficace, abordable de transports en commun peut-être la circulation automobile diminuerait peut-être ?

    Je connais une personne qui habite la campagne et qui chaque matin parcourt 40 km en mini voiture (40 km/h), idem le soir car elle n'a pas le permis et il n'y a aucun transport en commun.

    S'attaquer à ces lobbies pour ce qui dépend de leur responsabilité sera éventuellement efficace mais ne résoudra pas tous les problèmes.

    A moins que, s'y attaquant, nous les menons jusqu'au hara kiri : alors on généralisera les transports en commun et le flux tendus seront un mauvais souvenir...

    Mais ne rêvons pas : ce sont des options politiques qui pourront changer la donne, ou bien un accroissement très fort du prix du pétrole qui rendrait non rentables les flux tendus et priverait les constructeurs de clients.

  4. #4
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Citation Envoyé par jc_m
    Je connais une personne qui habite la campagne et qui chaque matin parcourt 40 km en mini voiture (40 km/h), idem le soir car elle n'a pas le permis et il n'y a aucun transport en commun.

    S'attaquer à ces lobbies pour ce qui dépend de leur responsabilité sera éventuellement efficace mais ne résoudra pas tous les problèmes. Mais ne rêvons pas : ce sont des options politiques qui pourront changer la donne, ou bien un accroissement très fort du prix du pétrole qui rendrait non rentables les flux tendus et priverait les constructeurs de clients.
    C'est exactement ce que dit Kandel : faire pressions sur les politiques pour qu'ils échappent aux lobbies (et donc s'attaquer aux lobbies) - En ce qui concerne la personne que tu cites, le fait qu'il n'y ait pas ou trop peu de transports en commun est de la responsabilité des politiques qui obéissent beaucoup aux pressions des lobbies du pétrole et de l'automobile qui vont dans le sens d'une société du tout automobile.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    inviteb1bc40d0

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Il me semble que tant qu'on ne quantifiera pas les émissions en responsabilisant chacun des acteurs, on ne pourra pas progresser collectivement
    Je suis 100% d'accord avec ceci.
    Nous sommes en démocratie. Si l'individu n'est pas sensibilisé sur ce point, je ne vois pas pourquoi son représentant politique le serait plus?
    Le jour où beaucoup d'individus auront conscience des problèmes du climat, je pense que ces préoccupations deviendront automatiquement celles des politiques.

  7. #6
    inviteab763770

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Tenacatita
    . . . . . faire pressions sur les politiques pour qu'ils échappent aux lobbies (et donc s'attaquer aux lobbies) - . . . . le fait qu'il n'y ait pas ou trop peu de transports en commun est de la responsabilité des politiques . . . . .
    Nous sommes entièrement d'accord.

    Et face à une pénurie plus ou moins profonde de pétrole, largement annoncée, il me semblerait indispensable, sinon prudent, d'étoffer notablement les réseaux de transports en commun.

    Sinon nous risquons de payer très cher cette faiblesse, lorsqu'il deviendra vraiment trop coûteux pour la plupart d'utiliser sa voiture, par une désorganisation profonde de la société.

    L'écoute trop attentive du gouvernement auprès de certains lobbies risque de nous préparer une récession dont nous aurions beaucoup de mal à sortir...

  8. #7
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Hubert Reeves et l'avenir des Terriens

    Journaliste : Faut-il être alarmiste à ce point ?

    Hubert REEVES : Il faut dire les choses comme elles sont. Il faut être alarmiste si la situation mérite qu'on le soit...

    Journaliste : Et le mérite-t-elle ?

    Hubert REEVES : Oui... Je n'aime toutefois pas le mot « alarmiste », parce qu'il a une connotation trop négative. Mais il faut dire aux gens que la situation est grave, préoccupante. Et que si on ne fait rien, ça peut aller beaucoup, beaucoup plus mal.

    Source : http://www.cybersciences.com/Cyber/3.0/N2696.asp

    J'apprécie beaucoup le regard lucide d'astrophysicien que porte Hubert REEVES sur l'état de la planète terre. Je réagis au message n°23 de Noisette posté ici (discussion sur les causes et conséquences du cyclone Wilma) :

    Ce n'est pas être "catastrophiste" de dire que la réalité est catastrophique. Ce serait par contre gravement irresponsable et inconscient de chercher à minimiser ou pire de cacher l'ampleur des conséquences du réchauffement climatique (cyclones violents, sécheresses, inondations etc...).

    Gardons les yeux ouverts, analysons lucidement la situation, et prenons les décisions qui s'imposent.

  9. #8
    inviteab763770

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Tenacatita
    . . . . .
    Ce n'est pas être "catastrophiste" de dire que la réalité est catastrophique. . . . . .
    A propos du "catastrophisme" je pense qu'il faut envisager la signification mathématique du terme lorsqu'on l'utilise.

    Penser mécanismes de rupture dans des rythmes connus, phénomènes non linéaires...

    Et sur le plan des évolutions du climat de nombreux indices nous indiquent que des évolutions qui ne sont pas dans le droit fil de ce que nous connaissons pourraient se produire.

    J'ai récemment développé cela dans Catastrophisme lucide.

  10. #9
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Citation Envoyé par jc_m
    Bonjour,

    A propos du "catastrophisme" je pense qu'il faut envisager la signification mathématique du terme lorsqu'on l'utilise.

    Penser mécanismes de rupture dans des rythmes connus, phénomènes non linéaires...

    Et sur le plan des évolutions du climat de nombreux indices nous indiquent que des évolutions qui ne sont pas dans le droit fil de ce que nous connaissons pourraient se produire.

    J'ai récemment développé cela dans Catastrophisme lucide.
    Bonjour jc_m,

    Ton analyse sur activart.com est vraiment TRES intéressante. Merci pour ce lien.

    @+

  11. #10
    invite4c3c33b9

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    je suis bien d'accord sur le fait qu'il est de notre devoir de diminuer nos déplacements, le tous routiers, mais cé une gageure! cé du pur politique ! ds ma région on a commencé par supprimer le transport de marchandise par rail, maintenant on enlève la 2° voies ferrée! on pénalise les inventeurs de moteurs hybrides, ceux qui font des économies de pétrol en favorisant d'autre énergies ou alors quand ces moteurs hybrides sont commercialisé ils restent hors de portés du français moyens!!!
    Pourquoi commercialise t'on autant les chaudières aux fioul ou au gaz lors de constructions de maisons neuves? celà devrait etre interdit! sans compter que l'on use et abuse de la crédulité de certaine personnes en leur faisant installer des systèmes dit "ecologique" alors que dès qu'il y aurra une vague de froid importante ces dit "systèmes" sont énergivores et en plus tous ne sont pas sans éffet pervert sur notre atmosphère! pardon pour mon coup de gueule mais je rage encore quand je vois que l'on fait des avions encore plus gros et qui sont encore plus polueurs que nos voitures! je suis pour un monde avec des transports NON POLUANT: il y a des gens qui s'y emplois mais eux ne sont guère écouté!!!

  12. #11
    invite18c80ce8

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Le transport le moins polluant que je connaise est la marche à pied. Et encore, mes chaussures ont des parties en plastiques....

    Un coup de gueule ne fait pas de mal de temps en temps Loulette. Surtout quand on voit que la France se fait tirer l'oreille par l'UE concernant les biocarburants. La solution qu'ils ont trouvés : augmenter la production de biocarburant en France en augmentant la part de ces carburants dans la dillution avec le petrole. Quant à légaliser l'utilisation du biocarburant, pour l'instant pas question.

    Et pendant ce temps, les paysans continuent à survivre comme ils peuvent en faisant face à l'augmentation du prix du brut.

  13. #12
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Sur ce sujet :

    LIVRE - Pour un catastrophisme éclairé - Jean-Pierre Dupuy, Seuil, 2002 - http://www.globenet.org/transversales/grit/dupuy.htm

    Extraits de la critique :

    1- La certitude d'aller dans le mur ne suffit pas pour savoir ce qu'il faut faire. La catastrophe nous oblige à changer de direction, changer de projet collectif, construire une alternative.

    2 - c'est maintenant que se joue le sort de l'humanité pas lorsqu'il sera trop tard. Comme disait Walter Benjamin "La tradition des opprimés nous enseigne que l'état d'exception dans lequel nous vivons est la règle"

    3 - Le principe de précaution est de l'ordre d'un savoir impossible (quand l'impossible est certain) et ne relève pas d'un calcul rationnel mais d'une logique paradoxale, proche de la stratégie de dissuasion nucléaire basée sur la Destruction Mutuelle Assurée (MAD). (...)

    Le principe de précaution a pourtant beaucoup de mal à imposer sa logique novatrice, faisant l'objet de toutes sortes de mésinterprétations, de dérives, de récupérations. Les assureurs et autres idéologues du risque en vident complètement le sens par la confusion des risques financiers et vitaux, risques mineurs et systémiques. Ce n'est pas seulement la logique économique qu'il remet en cause pourtant, mais tout autant les insuffisances d'une démocratie procédurale face à des menaces qui ne dépendent pas du jeu des opinions mais nécessitent une recherche commune de la vérité (p21). (...) Enfin, les adversaires du principe de précaution semblent confondre l'absence de preuve et la preuve de l'absence de tout risque, avec une certaine mauvaise foi. "Ne pas réussir à prouver la nocivité ne signifie pas qu'on a prouvé l'innocuité". "Un déséquilibre non prouvé ne signifie pas avoir prouvé l'équilibre". Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de risque zéro qu'il ne faut pas se prémunir en priorité contre le scénario du pire (qui n'est pas le plus improbable possible) et prévenir ses conséquences les plus terribles.

    4 - La catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu'elle va se produire, mais une fois qu'elle s'est produite elle apparaît comme relevant de l'ordre normal des choses. Sa réalité même la rend banale. Elle n'était pas jugée possible avant qu'elle se réalise ; la voici intégrée sans autre forme de procès dans le "mobilier ontologique" du monde. 84-85

    5 - C'est l'apport le plus original de l'auteur d'insister sur ce caractère incroyable de la catastrophe annoncée, son refoulement collectif puisqu'il montre bien qu'il ne s'agit pas d'ignorance mais seulement d'une probabilité sans preuve qui n'emporte pas la décision. Même certain, l'événement exceptionnel ne parait pas croyable, c'est le véritable problème (p142). Il y a là un phénomène de foule comparable aux bulles spéculatives, aux croyances délirantes dans une croissance sans fin.

    6 - Ce qui fait hurler contre le désastre, ce n'est pas sa fatalité mais qu'on dispose de tous les instruments pour l'empêcher. Dès lors, l'attention ne devrait plus se porter sur la catastrophe pour en actualiser toute la frayeur mais sur les solutions alternatives qui nous permettront de l'éviter.

    7 - Refuser la terreur morale ne signifie pas abandonner le principe de responsabilité ou le principe de précaution. C'est tout autre chose puisqu'il ne s'agit plus d'être fixé sur un désastre collectif, mais de la responsabilité de nos actes, de ce que nous sommes et qui engage l'humanité future.

    8 - Reconnaître l'ignorance devient ainsi l'autre versant de l'obligation de savoir

    9 - [Pour Noisette] : "nous aider à nous penser libre dans un monde soumis au déterminisme causal (...)


    -----------------------------------------------------------------
    NB - Interview de Jean Pierre DUPUY dans le Nouvel Observateur :http://www.nouvelobs.com/articles/p2120/a271852.html :

    N. O. – Peut-on être le penseur du «catastrophisme éclairé» sans prendre le risque d’être un prophète de malheur?

    J.-P. Dupuy. – Plaignons le prophète de malheur. Ou bien ses prévisions se révèlent justes, et on ne lui en sait aucun gré, quand on ne l’accuse pas d’être la cause du malheur annoncé. Ou bien elles ne se réalisent pas, la catastrophe ne se produit pas, et l’on raille après coup son attitude de Cassandre. Mais Cassandre avait été condamnée par le dieu à ce que ses propos ne fussent pas entendus. Jamais donc on n’envisage que si la catastrophe ne s’est pas produite, c’est précisément parce que l’annonce en a été faite et entendue. Comme l’écrit Hans Jonas dans «le Principe responsabilité»: «La prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice: il se peut que leur impair soit leur mérite.»

  14. #13
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Fiche Livre - http://www.seuil.com/fichelivre.asp?ARTICID=53897 :

    Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain Jean-Pierre Dupuy - 224 p., 01/03/02, Collection : La Couleur des idées - ISBN : 2020538970

    Ce livre est une réflexion sur le destin apocalyptique de l'humanité. Celle-ci est devenue capable au siècle dernier de se détruire elle-même, soit directement par les armes de destruction massive, soit indirectement par l'altération des conditions qui sont nécessaires à sa survie. Le franchissement de ce seuil était préparé depuis longtemps, mais il a rendu manifeste et critique ce qui n'était jusqu'alors que danger potentiel. Nous savons ces choses, mais nous ne les croyons pas. C'est cela le principal obstacle à une prise de conscience, et non pas l'incertitude scientifique dont les théoriciens de la " précaution " nous rebattent les oreilles. Ce livre propose une nouvelle façon d'aborder ces questions.

    Jean-Pierre Dupuy est professeur de philosophie sociale et politique à l’École polytechnique et à Stanford, directeur de recherche au CNRS et membre du comité d’éthique et de précaution de l’INRA. Il est l’auteur, entre autres, de Pour un catastrophisme éclairé (Seuil, 2002, « Points », 2004).

  15. #14
    invite333943ff

    Re :Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Citation Envoyé par jc_m
    Si les entreprises trouvaient demain une justification à restocker et à cesser les méthodes de sous-traitance et de flux tendus, nous verrions le transport routier chûter rapidement : le transport par camions n'est pas intégralement entre les mains des routiers !
    Il serait intéressant de connaître la part d'accroissement du CO2 dans l'atmosphère imputable à cette pratique du "just-in-time". De manière semblable, la consommation de biens produits à forte distance au détriment d'une production plus près de leur lieu de consommation doit sûrement contribuer à la hausse du CO2. Il me semble que ce dernier phénomène connaît actuellement une forte croissance avec l'émergence de la Chine comme force de production dans plusieurs domaines de consommation des biens d'usages courants.
    De même s'il existait un réseau généralisé (disponible sur tout le territoire) réellement pratique, efficace, abordable de transports en commun peut-être la circulation automobile diminuerait peut-être ?
    Ça, c'est un paradoxe de nos sociétés modernes. Le transport en commun se développe bien plus comme un choix économique que comme un choix pragmatique à l'égard de la pollution.

    Je connais une personne qui habite la campagne et qui chaque matin parcourt 40 km en mini voiture (40 km/h), idem le soir car elle n'a pas le permis et il n'y a aucun transport en commun.
    Et que dire de ces gens qui font 50 à 100 km chaque jour en SUV, seule dans leur char d'assaut pour aller au boulot ! Si, si, ça existe par ici.

    [Petite anecdote] : hier en allant à une réunion de projet, j'ai voyagé dans le véhicule personnel d'un collègue de travail. Un SUV de taille respectable (de marque Chevrolet, le modèle ?? - peut importe). Je savais déjà que ce collègue n'était pas satisfait de son véhicule mais il devait faire avec pour la balance de son terme de location (cinq ans). Ce collègue est vraiment un fervant des gros véhicules, luxueux et bla bla bla... Avec la hausse fulgurante et subite du prix du pétrole récemment, il s'est soudainement pris à raisonner de manière raisonnable et dans son mental (de son propre aveux), il s'est même rendu jusqu'à se convaincre que son prochain véhicule serait une Smart.

    Le prix de l'essence a depuis redescendu sensiblement et ce collègue s'est remis à raisonner de manière déraisonnable.
    [/Petite anecdote]

    Mais ne rêvons pas : ce sont des options politiques qui pourront changer la donne, ou bien un accroissement très fort du prix du pétrole qui rendrait non rentables les flux tendus et priverait les constructeurs de clients.
    Je vote pour l'accroissement très fort du prix du pétrole (cf. petite anecdote) précéder d'un changement dans les options politiques. Faut pas attendre d'être dans le pétrin.

  16. #15
    invite8915d466

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Personnellement, je pense que le principal problème est que nous n'avons pas d'alternative actuellement à une société fondée sur la croissance. L'économie libérale ne fonctionne que soous cette condition. La plupart des hommes politiques de droite comme de gauche ne voient que cette issue aux crises, ils diffèrent seulement sur les moyens de la provoquer.

    Les économies d'énergies sont immédiatement annulées par le réinvestissement des sommes économisées dans de nouveaux besoins, ou la croissance de pays moins développés comme la Chien. Il y a bien sûr un réservoir énorme de croissance mondiale à cause du différentiel de richesse entre pays riches et pauvres.

    Il n'y a pas d'issue tant que nous chercherons à maintenir notre niveau de vie à tout prix, nous ne pouvons qu'aller vers la catastrophe.

  17. #16
    invitee94378d0

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Citation Envoyé par gillesh38
    Personnellement, je pense que le principal problème est que nous n'avons pas d'alternative actuellement à une société fondée sur la croissance. L'économie libérale ne fonctionne que soous cette condition. La plupart des hommes politiques de droite comme de gauche ne voient que cette issue aux crises, ils diffèrent seulement sur les moyens de la provoquer.

    Les économies d'énergies sont immédiatement annulées par le réinvestissement des sommes économisées dans de nouveaux besoins, ou la croissance de pays moins développés comme la Chien. Il y a bien sûr un réservoir énorme de croissance mondiale à cause du différentiel de richesse entre pays riches et pauvres.

    Il n'y a pas d'issue tant que nous chercherons à maintenir notre niveau de vie à tout prix, nous ne pouvons qu'aller vers la catastrophe.
    Les pays socialistes sont allés plus sûrement à la catastrophe sans aucun respect pour l'individu ou la nature.
    Il en est ainsi quand on confie son avenir à des gouvernants en leur donnant trop de pouvoir.
    Je n'ose pas imaginer le pouvoir qu'il faudrait donner à un gouvernement qui prônerait la décroissance.
    Il faudrait qu'il soit mondial, liberticide, prédateur, directiviste, constructivisme, anti-progrès, inquisiteur... et suicidaire.
    Dans le genre, je ne vois qu'une sorte de totalitarisme pour rendre "possible" une telle construction...
    Je ne la souhaite pas...

  18. #17
    invite8915d466

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politiqu

    Citation Envoyé par Noisette
    Les pays socialistes sont allés plus sûrement à la catastrophe sans aucun respect pour l'individu ou la nature.
    Il en est ainsi quand on confie son avenir à des gouvernants en leur donnant trop de pouvoir.
    Je n'ose pas imaginer le pouvoir qu'il faudrait donner à un gouvernement qui prônerait la décroissance.
    Il faudrait qu'il soit mondial, liberticide, prédateur, directiviste, constructivisme, anti-progrès, inquisiteur... et suicidaire.
    Noisette, le libéralisme est :
    1) Mondial
    2) Liberticide pour les pays pauvres (il favorise les dictatures qui sont favorables au système), il ne garde les libertés que pour les citoyens riches
    3) Prédateur des ressources naturelles et humaines des pays pauvres
    4) Directiviste pour les pays pauvres (via le FMI et l'OMC)
    "constructiviste" : besoin d'une explication de texte
    5) N'a pas apporté de progrès significatif depuis 40 ans dans les pays africains.
    6) Inquisiteur contre tous les citoyens qui s'opposent au système.
    7) Suicidaire sur son avenir à cause de l'épuisement des ressources naturelles, voir les simulations du Club de Rome

  19. #18
    invite600c2730

    Re : Témoignages scientifiques sur les relations entre sciences du climat et politique

    Faut-il censurer sur Futura Sciences les propos des scientifiques qui ont bien compris que tout est lié : Climat-Energie-Politique ?

    Valérie Masson Delmotte :
    Je suis d'accord avec votre analyse : climat, énergie et politique, tout est lié. Quel est notre rôle de scientifiques, spécialistes du climat? Devons nous rester dans nos laboratoires et continuer nos travaux pour progresser dans la compréhension du fonctionnement du "système terre" ou devons nous sortir de nos laboratoires pour interpeler les décideurs?
    Plus que jamais la question mérite d'être posée.

    @+

    Notre maison brûle et nous regardons ailleurs - Jacques Chirac

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