Perception, représentation, identification, description et explication des objets.
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Perception, représentation, identification, description et explication des objets.



  1. #1
    invite95ff10ef

    Perception, représentation, identification, description et explication des objets.


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    Certains objets nous sont familiers depuis toujours. Ils sont facilement perceptibles; ils sont nombreux autour de nous; nous pouvons aisément les manipuler, les observer, les comparer et éventuellement les analyser ou les classer.

    Nous les avons découvert dans notre petite enfance, alors que l’acquisition de nos premières représentations était un apprentissage interne, dont les acteurs étaient nos sens, nos émotions, nos premières maladresses.

    Il est remarquable que les apprentissages qui produisent ces premières représentations sont indissociables de la constitution du moi et de sa distinction du monde extérieur au cours d’intenses processus affectifs.
    Les objets nous ont d'abord été présentés par notre mère, notre père ou un frère, un autre enfant et cette première présentation a souvent été associée à une émotion : "mange, c'est bon", "attention, c'est chaud", "n'aie pas peur, il est gentil" ... etc.

    Ainsi, les objets sont tout d’abord bons ou mauvais, associés aux désir et aux peurs.
    Si l'on s'arrête une seconde sur ce point, on voit bien que les processus évolutifs qui ont sélectionné nos capacités de représentation sont essentiellement liés à l'alimentation, à la reproduction ou à la survie.
    Le prédateur ou la proie n'ont pas le même champ de vision. Les caractères développés lors des parades sexuelles co-évoluent avec l'encodage du ou des partenaire(s). Les fruits, les fleurs co-évoluent également avec un encodage qui va même souvent au dela d'une simple reconnaissance puisqu'il peut d'emblée déclencher des réactions du système nerveux autonome et digestif.
    Il est en effet indispensable à la survie que l'identification de certains objets soit associée à une émotion et souvent même à une forte émotion :
    à quoi bon reconnaitre un lion si la peur ne nous saisit pas, ou un bon fruit si il ne nous fait pas envie (et je ne parle pas des objets sexuels, la publicité s'en charge...)

    Donc l'évolution nous a dotés de représentations d'objets bons ou mauvais, associés aux désir et aux peurs, mais rarement neutres affectivement.

    Ce n’est qu’ultérieurement, après de multiples confrontations entre nos mouvements et nos diverses perceptions puis entre nos représentations et celles des autres, que nous arrivons, éventuellement, à une représentation moins émotionelle d’un monde indifférent à nos affects.

    Ceci est particulièrement évident lorsque nous sommes nous-mêmes, ou une personne qui nous est chère, l’objet en question. Une incohérence apparaît alors entre notre représentation première et celle notre nature matérielle, mécanique, que nous révèle le plus souvent la blessure, la maladie ou la mort. Pourtant, quotidiennement, l’alimentation, l’excrétion et, en fait, toutes nos actions révèlent cette nature.


    La nature réelle des objets ne nous apparait qu'ultérieurement, grace à la démarche scientifique.

    C’est parcequ’elle permet et organise des débats contradictoires que la démarche scientifique produit une décription de la réalité.

    Quelqu’un qui s’intéresse à un débat scientifique et veut y participer se doit de respecter les règles suivantes :
    Délimiter son sujet d’étude, dans le temps et dans l’espace. Se situer le plus complètement possible par rapport aux descriptions ou explications qui ont déjà été proposées. Indiquer les motivations de son étude si celles-ci peuvent être utiles à la compréhension de sa démarche. Expliciter sa vision initiale des choses, c'est-à-dire ses hypothèses de travail et dire pourquoi elles l’ont amené à choisir les variables qu’il a observé. Puis décrire ses méthodes et ses moyens d’investigation, et dire comment et combien de temps il avait prévu de mener son enquête.
    Donner les résultats de ses observations et de ses mesures « brutes », sans les interpréter. Il n’y a de résultat que s’il y a précision et indication de la marge d’erreur. A-t-il réussi à observer tout ce qu’il avait projeté ? A-t-il du modifier son projet initial ? Pourquoi ? Comment ?
    Puis proposer son interprétation de ses résultats et confronter cette interprétation à ses hypothèses initiales et à toutes les autres connaissances qu’il peut avoir et qui l’appuient ou la réfutent. Si ces résultats lui permettent de faire des prédictions ou de nouvelles hypothèses, imaginer quelles nouvelles observations pourraient éventuellement les valider ou les invalider.

    En résumé, la liberté est totale – dans un cadre éthique – en ce qui concerne le choix du sujet et des méthodes d’étude, mais il faut dire ce que l’on fait, pourquoi on le fait, et faire ce que l’on dit.
    Tout ce qui est nécessaire à un débat contradictoire doit être disponible, et notamment la stricte séparation de l’observation et de l’interprétation, indispensable à une nouvelle interprétation ultérieure des mêmes faits.

    L’interprétation est, par nature, tendancieuse. C’est une conviction, une vision des choses. Elle ne peut que déformer ce qu’elle voit. S’il nous était possible de percevoir correctement toute la réalité, la démarche scientifique n’existerait pas : une perception similaire nous mettrait, d’emblée, tous d’accord. L’ensemble de règles qui vient d’être énuméré, et qui sont celles, reconnues, de la publication scientifique, permet à l’interprétation de se donner libre cours sans qu’elle puisse nuire au débat.

    Ce débat, ou cette polémique surgira chaque fois que de plusieurs visions du monde, basées sur des idées, des croyances, des opinions ou des principes différents devront s’affronter
    Les forces, les passions sous-jacentes au débat, les convictions, tout ce qui est invérifiable, tout ce qui ne relève pas la compréhension ou au moins simplement la description de la réalité reste hors sujet. On reste dans l’opinion tant que le discours renseigne plus sur celui qui parle que sur ce dont il parle.
    Ce débat entre les personnes ou les écoles, s’il a lieu au moyen des écrits, sera le moteur de nouveaux travaux.
    La description de la réalité n’était peut-être pas le but initial du débat. Toujours est-il qu’elle en est le produit.
    Avec le recul, seules les descriptions les meilleures perdureront.
    Pourquoi certaines descriptions sont-elles meilleures que d’autres ?

    Description et explication.

    La description parle d’un état ou d’une succession d’états. Différentes descriptions d’un même état (qualitatives, quantitatives) sont possibles. L’indication des méthodes et des erreurs de mesure permet de les comparer. A précision et complétude égales, la description la plus simple est la meilleure.
    Produire une description demande déjà une organisation, une analyse et des choix. Il n’est probablement même pas possible de faire de description sans faire d’hypothèses sur les mécanismes qui ont engendré la structure à décrire.
    Pourtant, la meilleure description est, le plus souvent, moins concise et moins informative que l’explication.

    Définition et propriétés de l’explication.

    L’explication ne parle pas simplement d’états successifs mais propose aussi un mécanisme de transition entre ces états et, éventuellement, un mode de calcul de ces transitions. La description peut n’être que statique alors qu’il n’y a pas d’explication sans mention du temps.
    Pour proposer un mécanisme, l’explication procède en deux étapes : l’une analytique, qui consiste à identifier les parties du système, les objets qui sont en interaction, et l’autre, synthétique, qui consiste à décrire des mécanismes, à montrer comment les interactions des différents composants sont associées à un changement d’état de l’ensemble.

    Parcequ’elle distingue les états et les éléments du système qu’elle décrit, montre comment ils sont en relation, et propose une vision abstraite, l’explication modifie considérablement notre représentation des objets et l’organisation même de notre pensée.
    · Alors que la simple description ne concerne nécessairement qu’un cas et doit être entièrement recommencée pour un autre, l’explication peut s’appliquer à plusieurs situations similaires.
    · Elle définit de nouveaux objets ou états ou fait des hypothèses sur leur existence s’ils lui sont nécessaires.
    · Elle délimite un « domaine d’application » constitué de l’ensemble des objets auxquels elle s’intéresse et d’eux seuls.
    · Elle permet de faire des prédictions et indique les observations qui pourront les confirmer ou les infirmer.
    · Elle peut être combinée à d’autres explications permettant ainsi de se rapprocher, par approximations successives, de la réalité.
    · L’explication, en soi, crée de nouveaux «objets » abstraits. Le recensement et la classification de tels objets devient une activité indépendante (mathématique).

    Certaines explications sont plus fréquemment utilisées que d’autres. De ce fait, toutes les explications n’ont pas le même poids. Les explications peuvent donc être classées et hiérarchisées. En cas de conflit, certaines auront plus de valeur que d’autres : comme elles expliquent plus de choses et des choses plus importantes, il faudra commencer par comprendre pourquoi elles ne s’appliqueraient pas, ou incomplètement, au nouveau cas étudié. Des opérations sur les explications sont donc possibles et leur utilisation relève d’une méthode.

    Fonction ontologique de l’explication.

    L’explication s’applique donc à un certain nombre d’objets et d’états qu’elle met en relation. Cet ensemble constitue un domaine précis, très délimité. Tous les objets et états utilisés par l’explication et ceux-là seuls doivent être considérés.
    Tant qu’il manque un lien ou un objet qui prend part au mécanisme, tant qu’un état initial et un état final n’ont pas été clairement définis et reliés, soit l’explication de l’ensemble est impossible, soit elle n’est pas simplificatrice.
    « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. » . Un énoncé complexe indique que l’analyse n’est pas achevée, que toutes les étapes n’ont pas été identifiées et que plusieurs phénomènes, méritant chacun une explication distincte, sont intriqués. Une hypothèse est nécessaire. L’analyse se poursuit au moyen de nouvelles observations, de nouveaux outils, par comparaison, expérience, modélisation ou toute autre méthode qui produit une nouvelle description. Elle ne s’arrête que lorqu’un énoncé simple et stable a été obtenu.

    Au cours de ce processus, il est nécessaire de nommer de nouveaux objets. Ceux-ci peuvent être définis de deux façons : il peut s’agir de constituants, définis par les propriétés qui les caractérisent lors de leurs interactions ou d’états du système dont on étudie l’évolution. Ces derniers sont nécéssairement des objets plus complexes que leurs parties. L’explication introduit ainsi une hiérarchie entre les objets : certains sont constitués par l’assemblage d’autres, plus simples.

    ...

    En résumé, nous allons d'une représentation des objets primitive, encodée, profondément affective, vers une représentation affectivement plus neutre (?), acquise au cours d'un processus culturel : la démarche scientifique.

    Les sociétés "fermées" qui associent des représentations d'objets à des enjeux de pouvoir (il y a alors des objets "sacrés") ne laissent pas se développer de tels processus au grand jour.
    Pour que ceux-ci puissent avoir droit de cité, il faut qu'une majorité de citoyens en accepte les conséquences.

    -----

  2. #2
    invite309928d4

    Re : Perception, représentation, identification, description et explication des objets.

    Citation Envoyé par DJS Voir le message
    (...)
    En résumé, nous allons d'une représentation des objets primitive, encodée, profondément affective, vers une représentation affectivement plus neutre (?), acquise au cours d'un processus culturel : la démarche scientifique.
    Salut,
    une question riche que je découperais en 2 partie :

    Comment constitue-t-on les objets scientifiques ?

    En math, on a 2 manières de décrire un ensemble, en compréhension (ou en intension) et en extension.
    Ex. : { l'ensemble des nombres pairs } ou {2, 4, 6...}

    Pour la manière dont on passe de l'objet "naïf" à l'objet scientifique, on pourrait peut-être dire qu'on passe d'une description en compréhension, synthétique, spontanée à une description en extension de propriétés, analytique.

    La perception "naïve" inclut l'affect mais elle joue aussi dans la pratique scientifique : lorsqu'on met en place un système expérimental, on commence par prendre des objets non-analysés (une source, un détecteur, un filtre etc.), on se concentre sur l'analyse de certaines propriétés concernant le but de l'expérience, et on construit (re-construit) des "objets" analytiques autour des propriétés étudiées.
    On prend le soleil, un prisme, un écran, on les analyse sur certaines de leurs propriétés par rapport à ce qu'on sait de la lumière (Soleil = {source lumineuse, placée à l'infini etc.} ) et on reconstruit l'objet "lumière" en fonction des résultats, par exemple ici sur ce qu'on appellera la réfraction.
    On aurait ainsi des aller-retour entre analyse-synthèse, la connaissance analytique s'intégrant secondairement à l'objet pris "naïvement", un physicien faisant spontanément le lien avec sa connaissance lorsqu'il voit un arc-en-ciel.

    Je crois que je ne fais là que paraphraser ce que tu dis.

    Mais sur la manière dont on peut arriver à une hiérarchisation des objets, l'un devenant une partie de l'autre, je pense que tu sembles plutôt orienté sur une simple analytique (on découpe et on analyse les parties) alors qu'à mon sens le problème est plus complexe.
    Par exemple, dans le passage à la physique quantique il n'y a pas eu de soumission du concept d'onde à celui de particule ou vice-versa, mais plutôt la mise en place de nouveaux concepts qui n'étaient ni l'une ni l'autre. L'analyse de l'objet onde ou l'analyse de l'objet corpuscule ne permettait pas de concilier les deux, il fallait une nouvelle synthèse avec de nouveaux objets, il fallait sortir de l'analytique d'un objet défini pour aller "à l'aventure" et proposer de nouveaux objets qui intégreraient les précédent.

    En fait, je pense que l'analyse porte d'abord sur des phénomènes compris comme systèmes globaux plutôt que sur des objets ontologiquement posés, que les états ne sont pas forcément des états d'objet mais plutôt des états de système dont la séparation en objets est plus ou moins arbitraire. Je n'ai pas trop le temps de développer, mais je relie ça au processus d'attribution causale, au fait par exemple de dire "ceci est cause de cela" en suivant l'ordre spatio-temporel "mécanique" (l'effet précède la cause, la moelle produit des globules rouge) ou un ordre logique (le coeur est aussi cause du globule comme condition d'un milieu homeostatique où la production de globule est possible).

    Quelles sont les conséquences de la transformation d'un objet "naïf" en un objet scientifique ?

    Comme tu le dis, cela peut mettre en question des visions du monde voire les invalider.
    Quand cela touche à un objet ou un phénomène chargé affectivement, la remise en question peut être douloureuse. Mais à mon sens, c'est surtout lorsque il y a déjà une théorie explicative derrière l'objet : l'enfant, l'étudiant, qui n'a pas de théorie bien fixée, se réjouit plutôt de découvrir des choses sur ces objets qu'il considérait "sans y penser" de même que le scientifique sans a priori se réjouit que l'expérience lui donne quelque chose de nouveau.
    Par contre, celui qui défend une théorie, qu'il soit scientifique ou pas, offre plus de résistance à des considérations qui mettraient en question sa représentation d'un objet. Abandonner l'espace et le temps classiques pour passer à l'espace-temps einsteinien, ne se fait pas toujours simplement, il faut abandonner le "naturel", changer de perception, voir des trucs complexes là où on avait le confort de l'habitude, de la synthèse spontanée.

  3. #3
    invite95ff10ef

    Re : Perception, représentation, identification, description et explication des objets.

    Salut Bardamu,

    Partons de l’exemple de l’arc-en-ciel et des expériences de Newton : celle où un premier prisme diffracte la lumière et où le second, placé en aval, ne la diffracte plus parcequ’elle est devenue monochromatique (je simplifie) et celle où il fait tourner un disque aux couleurs de l’arc-en-ciel si vite qu’il apparaît blanc.

    Les objets naïfs sont l’arc-en-ciel, la lumière du soleil, la couleur, le prisme, la goutte d’eau, l’œil. (Il me semble qu’il faudrait parler là du plaisir de pouvoir retrouver les couleurs en manipulant le prisme, de la curiosité et du jeu.)

    L’explication crée des concepts nouveaux, des objets scientifiques : la lumière monochromatique, par exemple. Mais aussi, du même coup, la lumière blanche, obtenue par « sommation » des lumières de l’arc-en-ciel. (je simplifie toujours) Sans ces nouveaux objets, impossible d’expliquer l’arc-en-ciel.

    Les objets créés sont de deux sortes :
    - des états du système qu’on isole et qu’on explique (ici : la lumière blanche, l’arc-en-ciel)
    - des objets plus élémentaires dont les interactions expliquent ce état (les lumières monochromatiques, le prisme, la persistance rétinienne)

    L’explication comporte une phase d’analyse puis une phase de synthèse.

    Il me semble qu’après cette aventure, on se retrouve avec :
    - des objets complètement nouveaux (la lumière monochromatique)
    - des « superpositions » d’objets naïfs et d’objets scientifiques (la lumière blanche)

    Je détaille un peu le cas de superpositions : après l’explication, nous pouvons osciller entre deux [représentations / idées / conceptions / ou je ne sais quoi !] de la lumière blanche :
    - celle qui nous est familière : la lumière du soleil, quoi !
    - celle qui contient l’arc-en-ciel, que nous pouvons maintenant à volonté en sortir ou y faire rentrer…
    La première, c’est celle qu’on nous a appris à aimer ou à craindre, celle qui réchauffe ou qui éblouit.
    La deuxième est en train de devenir un outil dans nos mains. (Newton aurait adoré le laser.)


    Par exemple, dans le passage à la physique quantique il n'y a pas eu de soumission du concept d'onde à celui de particule ou vice-versa, mais plutôt la mise en place de nouveaux concepts qui n'étaient ni l'une ni l'autre. L'analyse de l'objet onde ou l'analyse de l'objet corpuscule ne permettait pas de concilier les deux, il fallait une nouvelle synthèse avec de nouveaux objets, il fallait sortir de l'analytique d'un objet défini pour aller "à l'aventure" et proposer de nouveaux objets qui intégreraient les précédent.
    Je suis bien d’accord avec tout ça….

    Il nous manque un mot : ni « objet scientifique », ni « concept » ne conviennent tout à fait…
    Quelqu’un sait ?

    Amicalement DJS

  4. #4
    invite5456133e

    Re : Perception, représentation, identification, description et explication des objets.

    Est-ce qu'il n'est pas question dans ce débat de la distinction entre phénomène et noumène, entre réalité sensible et réalité intelligible? car "noumène" ne désigne pas tout à fait la chose en soi, mais, si j'ai bien compris, le (bon) accés aux choses.
    "La notion de noumène apparaît déjà dans la tradition platonicienne, pour désigner la réalité en tant qu'elle ne peut être saisie que par la pensée. En grec, noumenon signifie en effet "ce qui est pensé" (de Noùs, esprit). Selon Platon, seul l'intellect peut accéder à la réalité telle qu'elle est en soi (= l'intelligible dans le vocabulaire platonicien). La sensation ne nous livre, quant à elle, que des apparences (= le sensible) et, de ce fait, nous berce d'illusions." (http://philia.online.fr/courrier/cou...php?id_art=050)
    Les concepts (j'ai pas trouvé d'autres mots) ne seraient-ils donc que des approches, des approximations, de noumènes, des tentatives pour saisir, "dévoiler", les choses?

    Bonne journée à tous et à toutes!

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite95ff10ef

    Re : Perception, représentation, identification, description et explication des objets.

    http://philia.online.fr/txt/kant_021.php

    Je prie ceux qui ont à coeur la philosophie (et plus nombreux sont ceux qui le prétendent qu'on n'en rencontre d'ordinaire), [...] de prendre sous leur protection le mot idée dans son sens primitif, pour qu'on ne le confonde pas, dorénavant, avec les autres mots dont on se sert habituellement pour désigner toute espèce de représentations, sans aucun ordre précis et au grand préjudice de la science. Il ne nous manque pourtant pas de termes parfaitement appropriés à chaque espèce de représentations pour que nous n'ayons pas besoin d'empiéter sur la propriété d'un autre. En voici l'échelle graduée.
    Le terme générique est celui de représentation en général (repraesentatio), dont la représentation accompagnée de conscience (perceptio) est une espèce. Une perception qui se rapporte uniquement au sujet, comme modification de son état, est sensation (sensatio), une perception objective est connaissance (cognitio). Cette dernière est ou intuition ou concept (intuitus vel conceptus).
    L'intuition se rapporte immédiatement à l'objet et est singulière; le concept s'y rapporte médiatement, au moyen d'un signe qui peut être commun à plusieurs choses. Le concept est ou empirique ou pur, et le concept pur, en tant qu'il a uniquement son origine dans l'entendement (et non dans une image pure de la sensibilité), s'appelle notion. Un concept tiré de notions et qui dépasse la possibilité de l'expérience est l'idée ou concept rationnel.
    Une fois habitué à ces distinctions, on ne pourra plus supporter d'entendre appeler idée la représentation de la couleur rouge qu'il ne faut même pas appeler notion (concept de l'entendement). [...] J'entends par idée un concept rationnel nécessaire auquel nul objet qui lui corresponde ne peut être donné dans les sens. [...] Par exemple, les choses du monde doivent être comme si elles tenaient leur existence d'une intelligence suprême. De cette manière, l'idée n'est proprement qu'un concept heuristique et non un concept ostensif ; elle montre non pas comment est constitué un objet, mais comment, sous sa direction, nous devons chercher la nature et l'enchaînement des objets de l'expérience en général.

    KANT
    Critique de la Raison Pure
    Manifestement, il y a quelque chose qui ne va pas.
    On ne parle pas la même langue.
    Pourquoi ?

  7. #6
    invite95ff10ef

    Re : Perception, représentation, identification, description et explication des objets.

    Des extraits du magnifique travail qu’est PHILIA : (http://philia.online.fr/courrier/cou...p?id_art=05 0)

    La notion de noumène apparaît déjà dans la tradition platonicienne, pour désigner la réalité en tant qu'elle ne peut être saisie que par la pensée. En grec, noumenon signifie en effet "[ce qui est] pensé" (de Noùs, "esprit").
    Selon Platon, seul l'intellect peut accéder à la réalité telle qu'elle est en soi (= l'intelligible dans le vocabulaire platonicien). La sensation ne nous livre, quant à elle, que des apparences (= le sensible)


    Pour Platon, le noumène est donc la vérité de ce qui apparaît, et l'apparence (qui vient des sens) est surtout l'occasion de se tromper et de verser dans l'illusion.
    Ainsi, la vérité de la sphère, ce n'est pas tel ou tel objet sphérique, ni même telle ou telle sphère qui pourrait être représentée, par exemple dessinée, mais l'idée de sphère, seule susceptible de nous faire accéder à l'essence de la sphère. Cette idée est une "pensée pure", détachée de la sensibilité (qui ne nous livre que des particularités) et des intérêts sensibles : l'essence de la sphère ce n'est pas d'être grande ou petite, ou utilisable […]. L'essence de la sphère c'est la sphère pensée, l'idée de la sphère. En d'autres termes, l'idée de la sphère (= sa représentation) coïncide avec l'Idée (avec une majuscule) de la sphère (= son essence)

    Aucune représentation sensible (d'une chose vue ou imaginée ou rappelée à la mémoire) ne peut donc me permettre de saisir la sphère. Seule une représentation intellectuelle le peut : la réalité est intelligible, et la vérité est "abstraite".
    OK. Qu’est-ce que je garde de cela ? Pour moi, l’Idée ou l’Essence, c’est ce qui est percu « grâce à » ou « pendant » l’explication : quand on m’a expliqué, pour la première fois, que tous les points de la surface d’une sphère étaient à la même distance d’un autre point appelé centre, et que j’ai compris ce que ca voulait dire et que ça s’appliquait à toutes les sphères que je connaissais, il s’est passé quelque chose d’irréversible : depuis, chaque fois que je veux utiliser cette idée, je sais où aller la chercher en moi et je peux m’en servir.

    Mais retrouver l’Idée de la sphère est un processus, un petit travail, inscrit dans la durée. Cette Idée n’est pas « active » en moi en permanence : pour la retrouver, je dois prendre le temps – même si ce n’est qu’une fraction de seconde – d’imaginer le centre, le rayon, puis la surface qui se développe. Je repasse par l’explication et l’image ou les images qui y sont rattachées. Je les revis un instant. Et quand ce processus s’est achevé, je ne dispose plus de « La Sphère », je ne l’ai plus sous les yeux ou à l’esprit, ni en image ni en formule. (et tant mieux : ce serait encombrant !!!)

    Bon. Et Kant, maintenant,…

    "Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n'est par des objets qui frappent nos sens et qui, d'une part, produisent par eux-mêmes des représentations et d'autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle qu'on nomme l'expérience ? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience, c'est avec elle que toutes commencent"... même si … "notre connaissance par expérience" est "un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même".

    l'intuition susceptible de nous apprendre quelque chose de concret concernant le monde est toujours sensible, et l'entendement est toujours discursif (= lié au discours, donc aux concepts).

    la connaissance objective est toujours la connaissance des objets par des sujets humains. Si l'on veut, comme on dit, "mettre une étiquette" sur cette théorie de la connaissance, on pourrait l'appeler phénoménisme.
    .....

    Leibniz avait déjà suggéré que l'esprit n'est pas cette cire vierge imaginée par les empiristes : « il n'y a rien dans l'entendement qui précède les sens, écrit-il, sinon l'entendement lui-même ».
    Bon. Expliqué comme ca, c’est à peu près clair. J’ai des récepteurs sensoriels et un cerveau cablé pour percevoir, mémoriser, comparer etc… et je fais l’expérience de diverses situations. (Je peux même en discuter avec les autres.)
    Pas de quoi s’exciter, somme toute …..


    la science est connaissance des phénomènes (= les choses telles qu'elles apparaissent grâce à l'expérience à travers les structures a priori de l'esprit humain)
    et non des noumènes (= les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, indépendamment de nous).
    Oui, il se pourrait bien que nous ayons plusieurs modes de représentation (après tout, nous avons bien – embryologiquement parlant – trois paires de reins successifs et deux systèmes immunitaires…)
    On dit, par exemple, que l’inconscient ne connaît ni la naissance ni la mort. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un système de représentation primitif, qui survit (ou sévit) encore un peu, et qui ne peut saisir que des états permanents et reste incapable de comprendre les transitions et les mécanismes. Les noumènes, ça lui convient bien.
    En réalité, il n’y a pas vraiment d’objets ni d’états bien distincts… ça change tout le temps. Nous posons des définitions arbitraires, mais essayez de cerner les limites de n’importe quel objet…. Non. Il n’y a que des phénomènes. (nous inclus)

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