Bonsoir,

J’ai découvert, l’existence du mot intrication lorsque j’ai commencé à participer à Futura-sciences. Ayant passé une bonne partie de ma vie professionnelle à transpirer sur une certaine variété de phénomène propre à la MQ, ainsi qu’a enseigner celle-ci dans un DEA je me suis demandé d’où sortait ce qui me paraissait comme un néologisme, oui mais quel néologisme ?

Après diverses lectures je me suis aperçu que ce néologisme était en fait une exhumation d’un mot oublié, mais qui correspond, tout simplement, à ce que tous les physiciens du solide appellent, dans leurs contextes, (cad la physique des électrons et particulièrement le problème à N corps) mécanisme de corrélations et d’échange.

J’ai observé que le mot intrication se trouvait presque toujours dans le contexte des expériences récentes d’optique quantique (ce qui explique pourquoi que je n’étais pas au courant, bien qu’ayant travaillé avec le milieu de l’optique sur le campus d’Orsay). Il y a donc une tendance à associer optique quantique et intrication. Lourde erreur car l’intrication est compris intégralement dans les fondements même de la MQ. Donc ce concept n’est pas propre aux photons, pas plus qu’aux électrons. L’intrication est partout, même dans des théories spéculatives comme les cordes où la LQG.

Je voudrais exposer à travers l’exemple des électrons comment le phénomène d’intrication émerge des fondements de la MQ et se manifeste expérimentalement de manière spectaculaire. En prenant l’ exemple des électrons il y a 2 raisons : D’abord cela contrebalance la physique des photons auquel le mot intrication est attaché. Mais il y a des raisons plus profondes :

L’intrication des électrons : corrélations d’échange contre corrélations de Coulomb

Beaucoup plus important est le fait que l’on peut comprendre l’originalité de l’intrication dans le seul contexte de la physique des électrons. En effet l’intrication est un mécanisme exotique de corrélation que l’on appelle pour les électrons les corrélations d’échange. En plus de ce type de corrélations il y a des corrélations d’origine ordinaire : Ce sont les corrélations de Coulomb qui sont dues au fait que 2 électrons se repoussent, ils s’évitent. On a donc 2 types de corrélations dans un gaz d’électrons, ce qui permet de réfléchir sur l’originalité des corrélations d’échange (intrication) versus les corrélations de Coulomb. Par contre en optique il n’y a pas l’équivalent des interactions de Coulomb, ce qui a comme avantage de permettre des expériences originales que l’on ne peut pas faire dans le monde des électrons (à cause des interactions coulombiennes).

Formalisme : canonique ou intégrale des chemins.

Ce que l’on peut faire avec les électrons…… :

La physique des électrons correspond à ce que l’on apprend dans les premiers cours de MQ et correspond à la physique atomique qui a servi historiquement a mettre en place la structure mathématique de la MQ. Dans ce contexte la loi qui dirige l’évolution des systèmes est régie par la fameuse équation de Schrodinger où l’énergie classique joue un rôle central sous la forme d’un opérateur hamiltonien, ce que l’on appelle la formulation canonique de la MQ. Dans cette perspective on peut donner du sens à la fonction d’onde F(r,t) en considérant |F(r,t)|2 comme une densité de probabilité de trouver l’électron au point r. Ce dont nous aurons besoin c’est de définir une densité de probabilité jointe à 2 particules du style :

|F(r1,r2,t)|2

qui nous permettra de mettre en évidence la très forte corrélations de 2 électrons alors même qu’il n’y a aucune interaction !!!! Curieux non ?


..........on ne peut pas le faire avec les photons.


Par contre cela est impossible avec les photons. On peut en effet montrer que l’on peut construire, dans certaines limites, l’équation de Schrodinger de l’électron à partir de QED parce que l’électron à une masse non nulle. A contrario le photon ayant une masse nulle interdit à jamais de parler de fonction d’onde du photon. La solution est donc d’employer le formalisme jumeau de la version canonique de la MQ, cad la méthode d’intégrale de chemin. Le problème est que la méthode des intégrales de chemin n’est pas enseignée, à raison, dans les cours de débutants. En plus de cela, le formalisme d’intégration de chemins appliqué à l’optique quantique, ressemble tellement (ou superficiellement) à de l’optique classique que l’on pourrait croire en toute simplicité que l’on comprend quelque chose, et s'autorisant ainsi à faire l’impasse de la théorie quantique. C’est ainsi que l’on pourrait dire (certains ne se gênent pas d’ailleurs) que dans une expérience de fente d’Young un photon interfère avec lui-même!!!!!!. C’est ainsi que l’on utilise un langage de physique classique (particules et ondes) pour tenter d’expliquer sauvagement un phénomène purement quantique. Tout ceci est une raison supplémentaire pour éviter, au moins dans un premier temps, les phénomènes d’optique quantique.


L’exposé qui suit se décompose en 2 grandes parties : Les systèmes quantiques composés de 2 sous-systèmes différents et les systèmes quantiques constitués de particules identiques.

Avertissement :Le texte ci-dessous est rédigé en supposant que le lecteur a appris la MQ dans un premier cours à la Schrodinger, et je m’appuie donc sur son premier niveau de connaissances. Ce n’est pas le lieu d’expliquer la MQ puisque la problématique centrale c’est le concept d’intrication : D’où vient-il ? Comment se manifeste-t-il?


Rappel sélectionné de base de la MQ

Dans les principes fondamentaux du formalisme de la MQ un système est décrit par un espace de Hilbert. Toutes les propriétés physiques sont reliés a des opérateurs agissant dans cet espace. Quand un système est composé de 2 parties A et B, l’espace de Hilbert de l’ensemble est le produit tensoriel des espaces de Hilbert de A et B. Les opérateurs qui couplent les 2 parties agissent dans l’espace de Hilbert total.

A noter que cela n’a rien d’étonnant si l’on note qu’en mécanique classique l’espace des phases de 2 systèmes couplés c’est le produit cartésien des espaces de phase des 2 systèmes.

Donc d’une manière générale :

Si Kn(Ra) et Km(Rb)

sont des vecteurs de base de chaque espace Hilbert,, un état quelconque s’écrira :

F (Ra, Rb, t) = Anm(t) Kn(Ra)¤ Km(Rb) sommation sur n et sur m

On travaille ici en représentation r et Ra désigne les coordonnées des particules dans A.

On note que sauf le cas où la fonction est un produit directe, la fonction n’est pas factorisable et les 2 systèmes sont corrélés, cad que la dynamique de l’un contrôle la dynamique de l’autre et réciproquement. En fait il n’y a qu’un seul système.



INTRICATION ET SYSTEMES DIFFERENTS.


Dans la partie qui suit on définit 2 systèmes abstraits dont le but d’insister sur le coté mathématique du formalisme de la MQ (en fait sur l’aspect produit tensoriel). Chaque de ces systèmes abstraits est ensuite présenté sous 2 formes de réalisation, pour insister sur le coté physique et correspond à de véritables expériences concrètes. A noter que pour un espace doublement dégénéré j’ai utilisé le langage spin. En fait il n’est pas nécessaire de savoir ce qu’est un spin. Ce qui est important c’est la double dégénérescence.



Définitions de 2 systèmes abstraits.

Système A abstrait composé :

Un état non dégénéré |A> tensorialisé avec un niveau 2 fois dégénéré { |up>, |dw>}

La dimension de l’espace produit est 2.


Système B abstrait composé :

Un état 3 fois dégénéré { |-1>, |0>, | 1>} tensorialisé avec un niveau 2 fois dégénéré { |up>, |dw>}


La dimension de l’espace produit est 6.


2 réalisations pour chaque système abstrait


Système A réalisation 1

Il s’agit du couplage d’un niveau électronique non dégénéré d’un atome ou d’une molécule couplé à un spin, donc un espace de dimension 2. Un état du produit tensoriel s’appelle une spin-orbitale.

Système A réalisation 2.


Il s’agit du couplage d’un niveau électronique non dégénéré d’un atome ou d’une molécule couplé à un mode de vibration 2 fois dégénéré (ce qui veut dire que chaque mode ont même fréquence, cad même énergie). Un état du produit tensoriel s’appelle un état vibronique.



Système B réalisation 1


Il s’agit du couplage d’un niveau électronique 3 fois dégénéré d’un atome ou d’une molécule couplé à un spin, donc un espace de dimension 2. Un état du produit tensoriel s’appelle, comme précédemment, une spin-orbitale.


Système B réalisation 2.

Il s’agit du couplage d’un niveau électronique 3 fois dégénéré d’un atome ou d’une molécule couplé à un mode de vibration 2 fois dégénéré (ce qui veut dire que chaque mode ont même fréquence, cad même énergie). Un état du produit tensoriel s’appelle un état vibronique.


On va donc comparer les 2 systèmes abstraits, mais dans le langage des réalisations de type 1, cad dans le cas où l’on couple des états électroniques et des états de spin. L’opérateur qui couple ces états s’appelle hamiltonien de couplage spin-orbite.

L’opérateur de couplage dans la version 2 s’appelle hamiltonien de couplage électron-vibration en physique moléculaire ou hamiltonien de couplage électrons-phonons en physique du solide.

Expression de l’hamiltonien de couplage spin-orbite.

Celui-ci s’écrit en symétrie sphérique O(3) et dans tous les sous-groupes qui ne lèvent pas la dégénérescence orbitale :

Hc = Lambda { ½ [ L+.S- + L-S+] + Lz.Sz }


L+, L-, Lz sont les composantes de l’opérateur moment cinétique qui agit dans le sous-espace électronique.


S+, S-, Sz sont les composantes de l’opérateur moment cinétique qui agit dans le sous-espace de spin.

Lambda est la constante de couplage spin-orbite.


Application type 1.

L’espace tensoriel de dimension 2 a pour base naturelle :

|A , up>, |A,dw>

Appliquons le couplage spin orbite. Comme l’état électronique est non dégénéré (son moment angulaire est nul) l’action de Hc est nul et l’on peut factoriser l’espace tensoriel :

|A> ¤ { |up>, |dw>}, il n’y a pas d’intrication.


Application type 2.


L’espace tensoriel de dimension 6 a pour base naturelle :

|1 , up>, |1,dw>, |0 , up>, |0,dw>, |-1 , up>, |-1,dw>

Appliquons le couplage spin orbite.

D’une manière évidente il existe des éléments de matrice non diagonaux, si bien que les nouveaux états propres seront des mélanges des états de base précédents. Sans faire aucun calcul on peut montrer que l’espace de dimension 6 se décomposent en 2 sous-espaces invariants 6 = 2 + 4.


Pour démontrer cela il suffit d’appliquer l’algèbre des moments angulaires :

J1 ¤ J2 = |J1 –J2| + |J1 –J2| +1 + ……………. J1 + J2

Dans notre cas 1 ¤ 1/2 = 1/2 + 3/2

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Remarque : Cette règle de décomposition des produits de moments angulaires ressort de la théorie des représentations des groupes. En l’occurrence il s’agit ici d’une décomposition d’une représentation réductible en représentations irréductibles du groupe de rotation O(3)
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Supposons que le signe de Lambda soit tel que l’état de base soit 2 fois dégénéré et l’état excité soit 4 fois dégénéré. Cad que l’on se trouve dans la situation du type 1. La différence est que dans ce cas l’état est intriqué, il n’est plus possible de factoriser l’état sous la forme d’un produit tensoriel. Cela nous amène à se poser la question : Comment constate t-on l’intrication ou non dans ces 2 cas.


La technique de résonance paramagnétique électronique : RPE

Le principe est simple :

1- On lève la dégénérescence de l’espace de dimension 2 en appliquant un champ magnétique B, ce que l’on appelle effet Zeeman. il s’agit donc d’une brisure de symétrie.

2- On excite l ‘état fondamental vers l’état excité par une onde électromagnétique résonnante.

Comme la levée de dégénérescence est faible, le système est portée à basse température ( à la température de l’hélium liquide : 4,2K) et les ondes sont dans le domaine micro-ondes (typiquement 10 Ghz).


L’hamiltonien Zeeman s’écrit :


Hz = G.µb.Bz.Sz.I


En gras sont les opérateurs. Sz dans l’espace de spin. I dans l’espace orbitale.



On prend comme direction de l’axe z celle du champ magnétique.

G est le facteur gyromagnétique de l’électron que l’on suppose inconnu.

µb est le magnéton de Bohr, c’est une constante.

Situation de type 1

On mesure la dégénérescence de Hz on en déduit le facteur gyromagnétique de l’électron. En effet dans ce cas le système n’est pas intriqué et la détermination est évidente, il s’agit donc du facteur gyromagnétique de l’électron libre.

On peut donc écrire un hamiltonien effectif dans le sous-espace de spin :

Hz = G.µb.Bz.Sz

On note la différence importante où l’opérateur I qui agit dans le sous-espace orbitale a disparu (voir ci-après, pour comprendre le sens)



Situation de type 2

Dans ce cas l’hamiltonien Zeemann, n’est pas diagonal. En toutes généralités on trouverait une forme pour l’hamiltonien effectif agissant dans le sous-espace de spin:


Hz = G.µb.Bz.Sz

Où G est un tenseur de rang 2

Pour mesurer toutes les composantes de G on fait varier l’orientation du champ magnétique

L’intrication se manifeste donc concrètement en observant uniquement ce qui se passe dans le sous-espace de spin en mesurant les différences de niveau d’énergie sous l’influence d’un champ magnétique variable en fonction de l’orientation.


Retour sur la situation de type 1.

Dans ce cas il n‘y a pas d’intrication. En fait cela est le résultat d’un modèle trop simple. En effet au-dessus de l’état non dégénéré existent toujours d’autres états. Sous l’action du couplage spin-orbite il y a des éléments non diagonaux. Ceci aura pour conséquence que l’on aura intrication qui se manifestera par un hamiltonien effectif de la même forme que précédemment :

Hz = G.µb.Bz.Sz



A suivre: Dissertation sur l'intrication quantique: Partie 2