Comprendre l'entropie
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Comprendre l'entropie



  1. #1
    Juzo

    Comprendre l'entropie


    ------

    Bonjour,

    J'aurais besoin d'aide pour interpréter le concept d'entropie. Je vais utiliser trois exemples tirés du livre "La magie du cosmos", de Brian Greene, que je suis en train de relire.

    Sauf erreur, l'entropie peut être définie comme une mesure du nombre d'états que peut avoir un système, sans que ses propriétés physiques soient modifiées. Une autre manière moins précise est de dire que l'entropie mesure le niveau de désordre du système.
    Ma question porte sur l'objectivité du concept d'ordre et de propriétés physiques, derrière cette définition.

    Exemple 1 : on mélange tous les feuillets du livre Guerre et Paix de Tolstoï en les jetant en l'air, puis on les rassemble pour former une pile bien nette.

    Selon l'auteur, l'état de plus basse entropie correspond au cas très improbable où toutes les pages du livres sont dans le bon ordre.

    Question : on pourrait par exemple considérer le cas où tous les feuillets sont rangés dans l'ordre croissant du poids d'encre qu'ils contiennent, ou encore dans l'ordre alphabétique, si on supprime les espaces et la ponctuation.
    Ces cas semblent appartenir à la catégorie des configurations de haute entropie si on s'intéresse à l'ordre des pages. Pourquoi ne peut-on pas les considérer comme des états de basse entropie ? Il y a en effet une seule façon de réaliser chaque cas.
    Serait-ce lié à l'état initial de la pile de feuillets, ou encore à une notion d'ordre subjective qu'on choisit d'attribuer aux feuillets, l'ordre des pages ?

    Exemple 2 : de manière extrêmement improbable, des molécules d'eau se réarrangent spontanément dans un verre d'eau pour former de la glace.

    Question : le cas encore plus improbable où les molécules forment un glaçon parfaitement cubique, est-il un état de plus basse entropie, que lorsqu'elle se réarrangent en morceau de glaçon informe ? Quelles seraient les propriétés physiques associées ?

    Exemple 3 : des molécules de CO2 s'échappent d'une bouteille de Perrier pour se répandre dans la pièce. Parmi toutes les configurations de haute entropie où le gaz est uniformément répandu dans la pièce, on pourrait par exemple s'intéresser au cas où la composante de toutes les vitesses des molécules est nulle. Etant donné que le moindre changement d'état viendrait modifier cette configuration, ou qu'il y a moins de manières de réaliser cette configuration, ne peut-on pas dire que c'est un état de basse entropie ?

    Mes questions peuvent se résumer ainsi (je crois) : y a-t-il une subjectivité de la notion "d'ordre", ou des propriétés physiques qui sous-tendent la notion d'entropie d'un système ?

    Je suis intéressé pour avoir des explications sur chaque exemple, même s'ils s'avèrent inégaux.

    Merci beaucoup !

    PS : la question n'est pas technique, j'espère qu'elle est dans la bonne section du forum.

    -----
    Les fleurs du cerisier rêvent en blanc les fruits qu'elles ne voient pas.

  2. #2
    phys4

    Re : Comprendre l'entropie

    Bonjour,
    Pour la définition de l'entropie, il faut aussi faire intervenir la probabilité de l'état actuel par rapport au nombre d'états.
    Pour l'exemple 1, tout ordre particulier des pages est un état d'entropie minimum, si cet état n' a pas de probabilité plus grande qu'une autre de se produire.
    L'ordre en fonction du poids d'encre peut avoir une entropie différente, car l'encre peut favoriser un ordre.
    Pour l'exemple 2, la forme macroscopique ne modifie pas l'entropie, elle ne dépend que de la masse de glace.
    Je ne comprends pas l'exemple 3, j'en donnerai un autre à méditer : à la température 0 K, l'entropie est nulle.
    Au revoir.
    Comprendre c'est être capable de faire.

  3. #3
    mach3
    Modérateur

    Re : Comprendre l'entropie

    Citation Envoyé par Juzo Voir le message
    Exemple 1 : on mélange tous les feuillets du livre Guerre et Paix de Tolstoï en les jetant en l'air, puis on les rassemble pour former une pile bien nette.

    Selon l'auteur, l'état de plus basse entropie correspond au cas très improbable où toutes les pages du livres sont dans le bon ordre.

    Question : on pourrait par exemple considérer le cas où tous les feuillets sont rangés dans l'ordre croissant du poids d'encre qu'ils contiennent, ou encore dans l'ordre alphabétique, si on supprime les espaces et la ponctuation.
    Ces cas semblent appartenir à la catégorie des configurations de haute entropie si on s'intéresse à l'ordre des pages. Pourquoi ne peut-on pas les considérer comme des états de basse entropie ? Il y a en effet une seule façon de réaliser chaque cas.
    Serait-ce lié à l'état initial de la pile de feuillets, ou encore à une notion d'ordre subjective qu'on choisit d'attribuer aux feuillets, l'ordre des pages ?
    Toute la subtilité est dans la définition des propriétés physiques. On compte les micro-états qui représentent le même macro-état. Cela signifie quoi avoir le même macro-état pour une pile de feuillets de livre? il faut le définir arbitrairement. Une propriété "physique" qui rendrait valable la proposition "l'état de plus basse entropie correspond au cas très improbable où toutes les pages du livres sont dans le bon ordre" serait par exemple une mesure du nombre de feuillets consécutifs dont le numéro de page est également consécutif (par exemple si j'ai 1-3-4-2-5-6, cette propriété vaut 4), ou encore le nombre de fois ou le numéro de page est croissant entre deux feuillets consécutifs (avec 1-3-4-2-5-6, cette propriété vaut 4 aussi), ou encore autre chose, qui en tout cas singulariserait la configuration où toutes les pages sont dans l'ordre.

    Si on ne sait pas lire ou compter, on ne peut pas distinguer si les pages sont dans l'ordre ou non, et parler de l'entropie de la pile de feuillets ne fait guère de sens.

    Exemple 2 : de manière extrêmement improbable, des molécules d'eau se réarrangent spontanément dans un verre d'eau pour former de la glace.

    Question : le cas encore plus improbable où les molécules forment un glaçon parfaitement cubique, est-il un état de plus basse entropie, que lorsqu'elle se réarrangent en morceau de glaçon informe ? Quelles seraient les propriétés physiques associées ?
    Il est question ici d'énergie de surface et d'énergie de défauts, parce que dans le "bulk" parfait (c'est-à-dire loin des interfaces et avec un nombre de lacunes, dislocation, macles ou autres "normal" pour la température) la forme et la taille des cristaux ne fait aucune différence. Un cristal non parfait veut dire plus d'interfaces et de défauts, ce qui veut dire plus de molécules "contrariées". Si je prend un glaçon hexagonal monocristallin de masse m, et un glaçon biscornu, probablement polycristallin et bourré de défauts cristallins, de la même masse m, il ne s'agit PAS du même macro-état en toute rigueur (c'est le même macro-état si on se limite au bulk).
    Par contre il y a erreur :
    un glaçon hexagonal monocristallin possède plus d'entropie que le glaçon biscornu. Le second tend à se transformer spontanément en le premier si on laisse assez de temps, preuve que l'entropie du second est plus faible.

    Exemple 3 : des molécules de CO2 s'échappent d'une bouteille de Perrier pour se répandre dans la pièce. Parmi toutes les configurations de haute entropie où le gaz est uniformément répandu dans la pièce, on pourrait par exemple s'intéresser au cas où la composante de toutes les vitesses des molécules est nulle. Etant donné que le moindre changement d'état viendrait modifier cette configuration, ou qu'il y a moins de manières de réaliser cette configuration, ne peut-on pas dire que c'est un état de basse entropie ?
    Si toutes les molécules d'un gaz sont immobiles, alors sa température est nulle (la statistique des vitesses des molécules de gaz définit la température) et donc l'entropie est nulle si le 3e principe de la thermodynamique est correct.
    Même sans considération sur le troisième principe, on a en tout cas un gaz très froid (molécules immobiles) dans une pièce qui ne l'est vraisemblablement pas, donc on est pas à l'équilibre thermique, dont l'entropie est plus basse que si on avait le gaz et la pièce à la même température.

    m@ch3
    Never feed the troll after midnight!

  4. #4
    yvon l

    Re : Comprendre l'entropie

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    Par contre il y a erreur :
    un glaçon hexagonal monocristallin possède plus d'entropie que le glaçon biscornu. Le second tend à se transformer spontanément en le premier si on laisse assez de temps, preuve que l'entropie du second est plus faible.
    m@ch3
    Bonjour,
    Je peux modifier ce raisonnement comme cela:
    le glaçon biscornu (ou l'eau liquide), va au cours du temps, exporter son entropie sous forme de chaleur dans l'environnement. Donc l'entropie du glaçon proprement dit va diminuer. Pour que ce phénomène se produise il faut que le milieu ambiant soit à une température inférieure à la température du glaçon afin d'exporter son énergie thermique vers l'ambiance.
    Qu'en pensez-vous ?

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    mach3
    Modérateur

    Re : Comprendre l'entropie

    le glaçon biscornu (ou l'eau liquide), va au cours du temps, exporter son entropie sous forme de chaleur dans l'environnement. Donc l'entropie du glaçon proprement dit va diminuer. Pour que ce phénomène se produise il faut que le milieu ambiant soit à une température inférieure à la température du glaçon afin d'exporter son énergie thermique vers l'ambiance.
    Qu'en pensez-vous ?
    que ce n'est pas du tout ce que je dis. Dans des conditions données, un solide donné a à l'équilibre une certaine concentration de défauts (lacunes, dislocations, macles, joints de grains, rugosité de surface, etc...). Si il contient plus ou moins de défauts que ça, il va spontanément évoluer (donc création d'entropie), par différents mécanismes de diffusion (donc lent) en phase solide ou en phase vapeur, vers l'état d'équilibre, même si il est isolé. Un solide trop parfait, tout comme un solide trop "abimé" aura moins d'entropie que le solide d'équilibre.

    m@ch3
    Never feed the troll after midnight!

  7. #6
    yvon l

    Re : Comprendre l'entropie

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    que ce n'est pas du tout ce que je dis. Dans des conditions données, un solide donné a à l'équilibre une certaine concentration de défauts (lacunes, dislocations, macles, joints de grains, rugosité de surface, etc...). Si il contient plus ou moins de défauts que ça, il va spontanément évoluer (donc création d'entropie), par différents mécanismes de diffusion (donc lent) en phase solide ou en phase vapeur, vers l'état d'équilibre, même si il est isolé. Un solide trop parfait, tout comme un solide trop "abimé" aura moins d'entropie que le solide d'équilibre.

    m@ch3
    Merci de votre réponse.
    Dans mon raisonnement, c'est l'entropie du milieu dans lequel baigne le glaçon "en cours de purification" qui verrait son entropie augmenter. Cela impliquerait un échange d'énergie vers le milieu. Mais c'est vous le spécialiste ...

  8. #7
    Juzo

    Re : Comprendre l'entropie

    Merci beaucoup pour vos réponses.

    Citation Envoyé par Phys4
    Pour la définition de l'entropie, il faut aussi faire intervenir la probabilité de l'état actuel par rapport au nombre d'états.
    Pour l'exemple 1, tout ordre particulier des pages est un état d'entropie minimum, si cet état n' a pas de probabilité plus grande qu'une autre de se produire.
    L'ordre en fonction du poids d'encre peut avoir une entropie différente, car l'encre peut favoriser un ordre.
    J'ai du mal à saisir cette approche. Si je comprends bien on reconnait un état de plus haute entropie au fait qu'il a plus de probabilité de se produire qu'un autre, mais ça n'en fait pas une définition de l'entropie.

    Citation Envoyé par mach3
    Toute la subtilité est dans la définition des propriétés physiques. On compte les micro-états qui représentent le même macro-état. Cela signifie quoi avoir le même macro-état pour une pile de feuillets de livre? il faut le définir arbitrairement.
    Si j'ai bien compris là aussi, le macro-état du système et les propriétés physiques (ou même la notion d'ordre ) qui permettent de le définir sont fixés arbitrairement.
    Ce que nous dit alors le second principe de la thermodynamique, c'est que quel que soit le macro-état que je fixe arbitrairement, si les éléments du système évoluent librement, alors je ne verrai pas l'entropie liée à ce macro-état baisser. (Et on est d'accord que c'est dû à une très forte improbabilité, pas une impossibilité).


    Citation Envoyé par mach3
    En effet Par contre il y a erreur :
    un glaçon hexagonal monocristallin possède plus d'entropie que le glaçon biscornu. Le second tend à se transformer spontanément en le premier si on laisse assez de temps, preuve que l'entropie du second est plus faible.
    Pas si en se transformant, le second augmente l'entropie du milieu environnement, par exemple en libérant de l'énergie non ?

    Citation Envoyé par mach3
    Si toutes les molécules d'un gaz sont immobiles
    Je me suis mal exprimé sur l'exemple n°3 : je voulais dire "si la somme des N vitesses des N molécules de gaz est nulle.
    C'était une propriété totalement arbitraire, correspondant un macro-état plus rare que le cas général, et donc de faible entropie.

    Donc il est impossible d'affirmer simplement pour un système : "ce système a une entropie égale à tant", c'est bien ça ?

    Merci encore
    Dernière modification par Juzo ; 20/10/2017 à 18h36.
    Les fleurs du cerisier rêvent en blanc les fruits qu'elles ne voient pas.

  9. #8
    yvon l

    Re : Comprendre l'entropie

    Citation Envoyé par Juzo Voir le message
    ...
    Je me suis mal exprimé sur l'exemple n°3 : je voulais dire "si la somme des N vitesses des N molécules de gaz est nulle.
    C'était une propriété totalement arbitraire, correspondant un macro-état plus rare que le cas général, et donc de faible entropie...
    Merci encore
    Bonsoir,
    Pour moi, si cette somme (vectorielle) est nulle, le gaz est immobile du point de vue macroscopique, (l'entropie est une grandeur macroscopique)
    Par contre si une composante V total apparaît, le gaz se déplace en fournissant éventuellement de l'énergie mécanique. Cette énergie a une entropie nulle. C'est par exemple ce qui se passe lors de la détente d'un gaz dans un cylindre composant un piston exerçant une contre pression sur le gaz. Dans ce cas le gaz refroidi, donc augmentation de l'entropie du gaz (Q/T) et travail moteur du gaz qui exporte une énergie d'entropie nulle au milieu.
    Dans le cas inverse (compression du gaz), c'est le milieu extérieur qui fournit du travail (entropie=0) et le gaz en chauffant qui diminue son entropie (Q/T).
    Qu'en pensez-vous ?

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