Titre modifié /Jiav
De la vibration du diapason à la perception de la note la, il y a –tous me l’accorderont- une certaine distance. Il y a aussi un certain nombre de lieux où des phénomènes vont successivement se produire. Sur le nombre de ces lieux, sur la nature, la forme et la substance des phénomènes qui s’y produisent, sur l’endroit et la modalité de perception de la note la surtout, je crains que nous divergions passablement. Mais puisqu’il s’agit ici de lancer un débat, je me propose de le lancer fort, dans ce parcours très personnel, ni réellement scientifique, ni vraiment philosophique mais – je l’espère quand même- réflexif.
1°- la salle de musique.Le diapason y vibre. Le phénomène observé est donc de nature vibratoire. Il est continu. La vibration des branches métalliques transmet à l’air une onde acoustique dont la fréquence est 440 hertz. A cette onde on peut associer une forme, dans un repère ayant le temps en abscisse, celle d’une courbe sinusoïdale ayant 440 crêtes par seconde régulièrement espacées.
Cette courbe représente en fonction du temps une variable d’énergie évidemment mesurable en joules.
2°-l’oreille externe.
La variation de la pression de l’air exercée sur le tympan fait vibrer le tympan lui-même à la même fréquence et à la même énergie de nature toujours mécanique. Donc même forme associée.
3°-l’oreille moyenneLe tympan transmet sa vibration à une chaîne d’osselets : marteau, enclume, étrier. Toute cette petite forge vibre donc de semblable manière, à 440 hertz.
4°-l’oreille interneOn peut voir sur la toile une animation bien faite qui montre comment les osselets transmettent au liquide lymphatique qui baigne la cochlée une vibration longitudinale. La cochlée est un conduit spiralé qui va en se rétrécissant de la base à l’apex. Les vibrations du liquide vont déformer une membrane qui partage la cochlée longitudinalement : la membrane basilaire. Cette déformation n’est pas identique selon la fréquence et selon le lieu. Ainsi plus la fréquence est élevée, plus c’est la partie basique de la cochlée qui est déformée, plus la fréquence est basse, plus la déformation se situe vers l’apex. Pour une fréquence de 440 hertz qui est relativement basse (la fréquence maximum audible est de 20.000 hertz) le point culminant de la déformation se trouve relativement près de l’apex. La membrane basilaire est en contact en tout point avec les cils de cellules dites justement cillées, elles-mêmes chacune en contact avec une terminaison du nerf acoustique. Au point correspondant au pic de la déformation pour 440 hertz, il va y avoir mouvement des cils des cellules cillées situées là qui va lui-même entraîner par un processus relativement complexe la libération d’un potentiel intracellulaire de 440 hertz. Ce potentiel intracellulaire va produire la libération d’un potentiel d’action le long de la fibre du nerf auditif reliée à chaque cellule cillée excitée. Ce potentiel d’action sera aussi de 440 hertz (« les potentiels d’action des fibres du nerf auditif sont synchrones au potentiel intracellulaire » physiologie de l’audition-site de l’université de Tours). Plus l’intensité du son est grande et plus le nombre de cellules cillées excitées et par conséquent de fibres du nerf auditif affectées est élevé. Pour la commodité du raisonnement on peut toujours considérer un seuil limite d’intensité pour lequel il n’y aurait qu’une seule fibre affectée. Cette fibre est reliée au cortex auditif primaire.
5°- Un axone du nerf auditifOn aura donc alors un cinquième lieu constitué par une fibre du nerf auditif reliant une cellule cilliée au cortex auditif primaire où se produit un cinquième phénomène. Ce phénomène est constitué par le déplacement d’un potentiel d’action modulé de façon fréquentielle et d’une fréquence identique à la fréquence de départ. On a bel et bien une transformation de la forme de l’énergie. On passe d’une énergie mécanique à une énergie électrique mais on n’a pas du tout modification de la fréquence.
Et si l’on disait que le la est ici ? Si l’on disait que le phénomène qui induit de façon directe la sensation particulière associée au son la se trouve à cet endroit et sous la forme qu’on vient de dire ? Comme la sensation, il se présente de façon continue, il a une intensité énergétique, il a une forme associée qui n’est pas celle du sol (415,3 hertz), ni celle du si (466,2) ;
Pourquoi pas en effet. Mais…il y a quand même quelques objections qui se présentent. Tout d’abord immédiatement et confusément le sentiment que le passage du physique au psychique ne doit pas être si simple. Ensuite que, si l’énergie électrique est associée au système nerveux et au fonctionnement de l’appareil psychique, il n’apparaît pas à l ‘évidence qu’il y ait conscience partout où il y a électricité. Si la note la est bel et bien associée à une fréquence de 440 hertz, on ne voit pas pourquoi elle se trouvera plus dans ce simple tube qu’est au fond un axone plutôt que dans le diapason .
Oui mais tout cela ce ne sont pas des objections forcément déterminantes. Une qui me paraît telle est celle-ci. La fibre du nerf auditif parcourue par une oscillation électrique de 440 hertz ne peut pas être parcourue par un autre courant. En revanche il doit bien y avoir dans le corps humains plusieurs axones qui se trouvent à l’occasion parcourus par des courants de 440 hertz sans qu’on entende la note la. Les sensations algiques, somesthésiques, olfactives, visuelles sont d’une diversité que la variété des fréquences simples ne peut absolument pas expliquer. Si –on peut toujours le supposer- la continuité des contenus psychiques passait par la continuité des modulations du potentiel d’action à l’intérieur d’un axone comme, par exemple, la continuité de l’image de télévision passe par la continuité des modulations de fréquence à l’intérieur du câble d’antenne, on aurait trouvé l’équivalent de ce câble dans le cerveau. Or –et là on peut penser que l’inventaire est fait- on ne l’a pas trouvé.
Tout cela pour dire qu’à la cinquième étape de notre voyage la note la est toujours absente.
6° le module corticalLa sixième étape, le sixième lieu, c’est le module cortical dans le cortex auditif primaire. Et c’est là à mon sens que tout se joue, c’est à dire le pour et le contre du connexionisme.
Il y en a qui vont me dire : « le voyage de l’information n’est pas terminé », c’est à dire, en langage clair pour moi, il va y avoir d’autres transmissions de potentiels d’action le long d’autres axones avant qu’on entende le la. Non, le son la est un son pur. Le ou les potentiels d’action associés aboutissent au cortex temporel droit et ne sont pas renvoyés vers des aires associatives. L’organisation de ce cortex est tonotopique. C’est à dire qu’il y a un module cortical correspondant à la fréquence de 440 hertz et à la note la (fondamentale) comme il y en a un pour la note sol et la note si.
Pour les connexionnistes, les informations nécessaires à la perception de la note la sont collectées. Je ne dis pas que, pour eux, il ne va rien se passer à l’intérieur du module mais ce qui se passe est d’ordre purement cybernétique, ce n’est plus un phénomène physique continu analogue à ce qui se passait aux étapes précédentes et qui serait en contiguité immédiate et particulière avec la note la. C’est le résultat d’opérations constituant un algorithme qui fait « émerger » la note la. « Emerger », disent-ils. Quand on peut, j’aime assez qu’on emploie le mot juste. Moi je ne dirai pas –à leur place- que la note la émerge, je dirais qu’elle apparaît ! Elle apparaît comme la vierge Marie à Bernadette de Lourdes ou saint Cucufin aux moinillons de Voltaire. Elle apparaît comme un corps astral totalement dépourvu de matérialité. Cette note que j’entends comme la tonalité du téléphone (celle-ci est justement de même fréquence que le la naturel), que je puis écouter avec attention ou pas, que je puis observer à l’évidence comme une réalité pourvue d’une présence physique irrécusable n’en a, pour les connexionnistes, aucune. Et comme il n’est pas question pour eux de la pourvoir d’une substance psychique (ce à quoi leur monisme se refuse) on a une réalité miracle, qui n’est ni physique ni psychique. Un corps astral, je vous dis, un ectoplasme –comme pour eux d’ailleurs est ectoplasme la douleur qui peut faire hurler à mort.
Bien sûr, dans un système où tout est basé essentiellement sur les connexions, les connexionnistes diront qu’il est plus logique qu’au bout d’un axone relié à une cellule enregistrant une vibration de 440 hertz et dans une région du cerveau dédiée à la perception des sons apparaisse à la conscience la note la plutôt que le parfum du lys ou la couleur du coquelicot. Evidemment. Mais quelque logique que soit l’apparition d’un phénomène, s’il n’a pas matière pour prendre substance, il n’apparaît pas. Point. Ou alors il est possible de concevoir tout et n’importe quoi. Comme par exemple des machines conscientes. Si l’algorithme suffit pour produire un miracle, je ne vois pas pourquoi la note la ne se produirait pas dans une machine où son algorithme serait programmé. Et pourquoi mon ordinateur ne verrait pas les couleurs. Etc. Etc. que les connexionnistes puissent voir de la réalité consciente partout ce n’est pas étonnant puisque pour eux elle ne repose sur rien. Parce que aucune matière , pour moi, ça n’est rien.
La théorie que je propose dans « magnétoencéphalographie et origine des qualia » n’est pas une théorie alternative à une théorie scientifique qui serait le connexionnisme. La science repose sur l’observation des phénomènes physiques. Ma théorie prétend parler des phénomènes de conscience continûment et précisément induits par des phénomènes physiques. Le connexionnisme prétend parler de phénomènes auxquels il nie toute réalité physique.
Pour moi le phénomène physique qui se produit dans le module cortical est essentiellement oscillatoire. Il est formé par les oscillations concommitantes de milliers de neurones. Oscillations concommitantes mais de fréquences diverses et/ou déphasées dont la somme est particulière et doit se distinguer des dizaines de millions d’autres sommes produites dans les autres modules corticaux.
Est-ce que cette somme d’oscillations c’est pour moi la note la ? Pas du tout bien entendu. Est-ce que c’est le phénomène physique qui l’induit directement ? Pas davantage. Ce phénomène doit être continu. Or un ensemble d’oscillation c’est forcément un phénomène discontinu, sinon dans le temps du moins dans l’espace. Mais cet ensemble peut induire un phénomène continu dans le temps et dans l’espace. Le tympan qui vibre au la peut vibrer en même temps au do et au mi ou à n’importe quel ensemble de notes ou à n’importe quel ensemble de bruits, la modulation de sa fréquence de vibrations sera seulement plus complexe mais il y aura toujours continuité. Quelle est en l’occurrence le milieu où peut s’opérer la synthèse des effets des oscillations sinon le champ magnétique ?
7°le champ magnétique cérébral. Jiav vient de m’apprendre qu’on a apparemment découvert ce que je supputais pour les doigts de la main, à savoir que les modules corticaux associés à chacun d’eux ne modulaient pas le champ magnétique de la même manière lorsqu’ils entraient en activité. J’attends et j’attendrai probablement beaucoup plus longtemps que des observations MEG nous montrent pour les sons, au moins pour les sons purs, des phénomènes analogues. Il y a pour moi une modulation du champ magnétique associée à la note la qui est particulière.
Cette modulation du champ magnétique est-elle enfin l’entrée physique du phénomène psychique que je cherche à appréhender ? Alors là je suis obligé de séparer deux choses : la forme d’un côté, la courbe associée au phénomène, et la substance de l’autre, la nature de l’énergie qui se manifeste dans le phénomène. Je veux être très clair :j’ai dit et répété que la modulation du champ magnétique en soi, ça ne peut pas être de la conscience. Je ne puis pas me moquer de ceux qui voient de la conscience dans les machines et m’exposer à voir de la conscience partout où il y a modulation du champ magnétique. Dans ce septième lieu qui serait évidemment tout l’espace cérébral, la forme de la note la est si on veut présente mais pas sa substance.
8°un lieu hypothétique.Il faut attendre pour cela un huitième lieu, évidemment totalement hypothétique, un lieu où se déroulerait un phénomène équivalent à la réception d’une onde et où se modulerait en fonction précise de la forme de cette onde ce que j’ai appelé un « affect primal ». La modulation de cet affect serait consécutive à la vibration du diapason continue et régulière comme lui. C’est ça pour moi exactement, réellement, subtantiellement la note la.
Cordialement
Clément
-----