Inflation sans multivers
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Inflation sans multivers



  1. #1
    Bopere

    Thumbs up Inflation sans multivers


    ------

    Bonjour, citation de wiki anglais : Selon Linde, "il est possible d'inventer des modèles d'inflation qui ne permettent pas un multivers, mais c'est difficile. Chaque expérience qui apporte plus de crédibilité à la théorie inflationniste nous rapproche beaucoup plus des indices selon lesquels le multivers est réel."
    Mes questions : "chaque expérience" (lesquelles ?) et " indices selon lesquels le multivers est réel(lesquels?)"
    une question bonus quelle est la proportion des modèles d'inflation qui sont sans inflation éternelle?
    Merci.

    -----

  2. #2
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Inflation sans multivers

    Bonjour, je recopie rapidement un ancien message sur la façon dont les théoriciens modélisent l'inflation éternelle, ou plus exactement perpétuelle (infinie dans le futur mais non dans le passé).

    On peut le résumer ainsi : dans l'hypothèse de l'inflation perpétuelle, l'état antérieur est un état de décroissance de l'inflaton indéfiniment reconduit par les fluctuations du champ.

    Détaillons un peu. On part d'un vide de densité d'énergie élevée, assimilable à une constante cosmologique (mais très très musclée) et de ce fait en inflation. Ce vide possède un état d'énergie plus bas, et il va décroître spontanément dans ce nouvel état, à la manière d'un atome ou d'un noyau qui se désexcite pour rejoindre son état fondamental.

    On modélise ça par un champs scalaire ϕ (l'inflaton) qui descend une colline de potentiel.

    Dans ce régime inflationnaire (c-à-d : vide mais contenant une constante cosmologique positive), la croissance d'une région de taille a est :

    a(t) = exp(Ht)

    Avec H le taux d'expansion

    Prenons un intervalle de temps, pris durant la descente, d'une durée Δt = 1/H (=temps de Hubble).
    En une durée H-1, la fonction a(t) augmente d'un facteur e, et donc le volume de l'univers grandit d'un facteur e3 ~ 20.

    Considérons ce qui se passe dans une région de la taille d'un rayon de Hubble c/H. Supposons que ϕ soit la valeur moyenne de ϕ dans cette région, au début de l'intervalle de temps. Puisque les corrélations s'étendent typiquement sur environ une longueur de Hubble, à la fin d'un temps de Hubble, un région d'une taille initiale un rayon de Hubble va se développer et se subdiviser en 20 régions indépendantes d'un rayon de Hubble. Quelle est la valeur du champs dans ces 20 régions ? On va dire que le champs varie d'une quantité ∆ϕ qui est la somme de deux termes : celui que donne le taux moyen de descente, qu'on va qualifier de "classique" ∆ϕc, le même dans les 20 régions et une fluctuation quantique, qui peut aller à la hausse ou à la baisse d'une valeur ∆ϕq et qui varie dans chacune des 20 régions. Les valeurs de ∆ϕq se distribuent selon une classique loi de Gauss, avec une largeur de l'ordre H/2π. Avec cette largeur de distribution, il y a alors une certaine probabilité que la somme ∆ϕc+∆ϕq soit positive c'est à dire que dans une région, le champ fluctue vers le haut et non vers le bas. Si cette probabilité est supérieure à 1/20e, alors le nombre de régions en expansion avec ϕ ≥ ϕ sera plus grand à la fin de l'intervalle de temps Δt qu'il ne l'était au début. Dans ce cas, le processus se répétera a chaque pas de temps, de sorte que l'inflation ne finira jamais.

    Dans une distribution gaussienne, il faut que l'écart-type de ∆ϕq soit supérieur à 0.61 |∆ϕc|. On modélise la valeur de ∆ϕc par le produit de sa dérivé dϕc/dt par le temps de Hubble Δt = H⁻¹. Ce qui nous donne :

    ∆ϕq ~ H/2π > 0.61 | (dϕc/dt)H⁻¹|

    soit :

    H²/(dϕc/dt) > 3.8


    Bon, et euh... faut continuer ici page 9 :

    Eternal inflation and its implications



    mais l'idée est que cette probabilité augmente avec ϕ, ce qu'il fait que ça finit forcément par arriver, et alors on entre dans un régime d'inflation perpétuelle

    Conclusion :

    Alan Guth (théoricien au MIT): "It's hard to build models of inflation that don't lead to a multiverse. It's not impossible, so I think there's still certainly research that needs to be done. But most models of inflation do lead to a multiverse, and evidence for inflation will be pushing us in the direction of taking [the idea of a] multiverse seriously."


    Andrei Linde (théoricien au Stanford University): "In most of the models of inflation, if inflation is there, then the multiverse is there. It's possible to invent models of inflation that do not allow [a] multiverse, but it's difficult. Every experiment that brings better credence to inflationary theory brings us much closer to hints that the multiverse is real."
    Dernière modification par Gilgamesh ; 10/09/2023 à 17h00.
    Parcours Etranges

  3. #3
    Bopere

    Re : Inflation sans multivers

    Salut, merci pour la réponse oui donc une grosse majorité des modèles, c'est peut être pour cela que certains physiciens sont critiques par rapport à l'inflation je pense aux 3 vidéos de j-p Luminet sur son excellente chaîne youtube mais j'en ai pas parlé car j'ai vu qu'il y avait déjà eu un post sur le forum. L'etude de 2018 de Hawking Herthog si j'ai bien compris ne se "débarrasse" pas du multivers c'est simplement que ce dernier serait fini, mais donc Guth dans ta citation dit "most" donc c'est qu'il y a des modèles qui ont réussi mais si on en parle pas c'est que ce sont les moins prédictifs/prometteurs ?

  4. #4
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Inflation sans multivers

    Citation Envoyé par Bopere Voir le message
    Salut, merci pour la réponse oui donc une grosse majorité des modèles, c'est peut être pour cela que certains physiciens sont critiques par rapport à l'inflation je pense aux 3 vidéos de j-p Luminet sur son excellente chaîne youtube mais j'en ai pas parlé car j'ai vu qu'il y avait déjà eu un post sur le forum. L'etude de 2018 de Hawking Herthog si j'ai bien compris ne se "débarrasse" pas du multivers c'est simplement que ce dernier serait fini, mais donc Guth dans ta citation dit "most" donc c'est qu'il y a des modèles qui ont réussi mais si on en parle pas c'est que ce sont les moins prédictifs/prometteurs ?
    Il y a plein de modèles d'inflation (près de 200 ont été publiés en attendant les résultats de la mission Planck qui en a élagué une bonne partie). Je ne les ai pas étudié en détail, tu d'en doutes. Mais Alexander Vilenkin a montré dès le début des années 80 que l'inflation éternelle devait être le cas général. Malgré ça, il est transparent dans la démonstration ci-dessus que c'est une question de paramétrages, et donc il est toujours possible que ce ne soit pas le cas. Pour trancher il faudrait disposer d'éléments suffisants pour contraindre ces modèles d'inflation.

    Donc il faut déjà s'intéresser aux éléments d'observation dont on dispose pour confronter la théorie avec la réalité. Les six prédictions les plus génériques de l'inflation sont :

    1/ Que la température maximale que l'Univers atteinte après l'inflation (lors de ce qu'on appelle la phase de réchauffement, reheating in english) ne devrait pas pouvoir approcher l'échelle de Planck (TPlanck ~ 1019 GeV). L'observation du CMB semble indiquer qu'on n'a pas dépassé la température de Grande Unification (TGUT ~ 1016 GeV). Mais l'échelle d'énergie exacte de l'inflation reste encore à déterminer.

    2/ Que des fluctuations "super-horizon" c-à-d à des échelles impliquant des distances de propagation supérieures à celles que la lumière aurait pu parcourir depuis le Big Bang, devraient exister. Elles ont été observées à partir des données de polarisation fournies par WMAP et Planck, et sont en accord avec ce que prédit l'inflation.

    3/ Que les fluctuations quantiques pendant l'inflation devraient produire les germes de fluctuations de densité, et qu'elles devraient être 100% adiabatiques et 0% d'isocourbure. En mode adiabatiques les variations de densité sont identiques pour toutes les espèces de particules (pour les photons et les éléctrons par exemple). En mode isocourbure, la fluctuation de densité diffère selon l'espèce considérée. Les dernières données indiquent que les surdensité précoces qui ont formé les germes des grandes structures sont adiabatiques à ~99% et isocourbure à maximum 1,3 %

    4/ Que ces fluctuations devraient être presque parfaitement invariantes d'échelle, avec une ampleurs légèrement supérieures aux grandes échelles.

    Un peu de formalisme pour comprendre cela. Il existe des fluctuations de densité de toute taille. Soit k le nombre d'onde correspondant (en Mpc-1). Le spectre des fluctuations de densité est défini par une fonction qui donne le ratio de la densité en un point x noté ρ(x), sur la densité moyenne de l'univers ρ.

    ρ(x)/ρ ~ Σk δk exp(ik.x) + 1

    ou Σk dénote la somme sur tous les k. Les modèles prédisent que les coefficients δk sont régis par une fonction puissance de type kn.

    L'exposant n est appelé indice spectral. La valeur n = 1 correspond à une stricte invariance d'échelle des fluctuations. La théorie prédit une valeur légèrement moindre, n ~ 0,96 au lieu de 1. Les données de la mission Planck donnent n = 0.9649±0.0042. La valeur 1 est exclue à plus de 5 sigma. C'est la plus spectaculaire vérification de l'inflation.

    5/ Que l'Univers devrait être presque, mais pas tout à fait, parfaitement plat, avec des effets quantiques produisant une courbure seulement au niveau de 0,01% ou moins. La platitude a été testé jusqu’à ~0,4 % c'est cohérent avec la prédiction, et il parait possible d'arriver au degré de précision critique de 0,01% dans un avenir pas trop lointain.

    6/ Que l’Univers devrait être rempli d’ondes gravitationnelles primordiales, qui devraient s’imprimer sur le fond cosmique des micro-ondes sous forme de modes B. Pas encore vérifié (et c'est pas faute d'essayer). Stay tuned !
    Dernière modification par Gilgamesh ; 09/09/2023 à 17h28.
    Parcours Etranges

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Bopere

    Re : Inflation sans multivers

    Beau résumé merci, pour la 2 je ne savais pas du tout ces fluctuations "super-horizon" elles ont un lien avec les fluctuations primordiales? est ce que le modèle standard sans inflation s'accorde aussi avec ces mesures de WMAP et PLANCK?

  7. #6
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Inflation sans multivers

    Citation Envoyé par Bopere Voir le message
    Beau résumé merci, pour la 2 je ne savais pas du tout ces fluctuations "super-horizon" elles ont un lien avec les fluctuations primordiales? est ce que le modèle standard sans inflation s'accorde aussi avec ces mesures de WMAP et PLANCK?
    Oui c'est lié au problème de l'horizon : il faut qu'une échelle de longueur quelconque (représenté par l'inverse de son nombre d'onde 1/k, la droite horizontale bleue) soit inflatée d'un facteur tel qu'elle passe derrière l'horizon (la courbe en V rouge, au point noté "horizon exit") durant l'inflation avant d'y re-rentrer après le reheating, comme indiqué dans le schéma ci-dessous.

    Les perturbations initiales sont décrite par des perturbation de courbure ζ ∼ δa/a avec a le facteur d'échelle. L'expansion du facteur d'échelle durant l'inflation dépend de la valeur de l'inflaton ϕ. Les fluctuations locales de ϕ (d'origine quantique, donc inévitables) impliquent que l'inflation va être un peu plus ou un peu moins vigoureuse ici ou là, engendrant ces perturbations de courbure (et la production d'ondes gravitationnelles). Lorsqu'une perturbation a une taille qui dépasse l'horizon elle est comme "congelée" dζ/dt ~ 0 dans cet état jusqu'au moment où elle rentrera à nouveau sous l'horizon.

    source : The Physics of Inflation



    Un modèle "classique", disons Einstein-De Sitter, avec pour seul ingrédient la relativité générale et l'hypothèse cosmologique d'un univers homogène et isotrope, ne fait pas de prédiction stricto-sensus vu que le modèle aboutit à une singularité qu'on peut voir comme un genre de sepuku théorique : si ça commence par une singularité, il n'y a, par définition, aucune théorie applicable aux conditions initiales de l'univers. Mais si on prend des conditions initiales on va dire "standards", tirées du chapeau, alors on se heurte aux fameuses pathologies du Big Bang (qui s'ajoutent au fait que la théorie exhibe une singularité...) : problème de l'horizon (aka problème de l'homogénéité), problème de courbure, absence de monopôle, etc qui ont motivé la théorie de l'inflation.
    Images attachées Images attachées  
    Dernière modification par Gilgamesh ; 10/09/2023 à 17h01.
    Parcours Etranges

  8. #7
    Bopere

    Re : Inflation sans multivers

    Bonjour, merci, dernières questions pour en revenir aux OGP
    je cite la page de caltech : "BICEP Array poursuivra le programme BICEP/Keck d'observations de polarisation CMB, en étendant sa recherche d'ondes gravitationnelles inflationnistes (IGW). BICEP Array mesurera le ciel polarisé dans cinq bandes de fréquences pour atteindre une sensibilité ultime à l'amplitude de l'IGW de σ(r) < 0,005, en extrapolant à partir des performances obtenues et après avoir pris en compte de manière conservatrice la poussière galactique, le synchrotron galactique et les premiers plans des lentilles CMB. Cette mesure constituera un test définitif des modèles d’inflation à roulement lent, qui prédisent généralement un signal d’onde gravitationnelle supérieur à environ 0,01."
    je cite JP UZAN
    "La plupart des modèles reposent sur la dynamique d'un champ scalaire en roulement lent "
    Est ce que cela veut bien dire que si BICEP Array ne les trouve pas alors
    la majorité des modèles d'inflation tombent à l'eau ? Il me semble que ça a commencé début 2020, ça en est où à l'heure d'aujourd'hui ?

  9. #8
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Inflation sans multivers

    Citation Envoyé par Bopere Voir le message
    Bonjour, merci, dernières questions pour en revenir aux OGP
    je cite la page de caltech : "BICEP Array poursuivra le programme BICEP/Keck d'observations de polarisation CMB, en étendant sa recherche d'ondes gravitationnelles inflationnistes (IGW). BICEP Array mesurera le ciel polarisé dans cinq bandes de fréquences pour atteindre une sensibilité ultime à l'amplitude de l'IGW de σ(r) < 0,005, en extrapolant à partir des performances obtenues et après avoir pris en compte de manière conservatrice la poussière galactique, le synchrotron galactique et les premiers plans des lentilles CMB. Cette mesure constituera un test définitif des modèles d’inflation à roulement lent, qui prédisent généralement un signal d’onde gravitationnelle supérieur à environ 0,01."
    je cite JP UZAN
    "La plupart des modèles reposent sur la dynamique d'un champ scalaire en roulement lent "
    Est ce que cela veut bien dire que si BICEP Array ne les trouve pas alors
    la majorité des modèles d'inflation tombent à l'eau ? Il me semble que ça a commencé début 2020, ça en est où à l'heure d'aujourd'hui ?
    Je vais me contenter de citer ce remarquable document de synthèse, qui fait le point sur la question (vraiment je conseille sa lecture) :

    The Quest for B Modes from Inflationary Gravitational Waves
    de Marc Kamionkowski et Ely D. Kovetz

    page 11 :

    2.3.1. How big is r?
    Bien qu’il existe effectivement des modèles raisonnables qui autorisent un r [tensor-to-scalar ratio] presque arbitrairement petit, il existe une variété d’arguments suggérant une valeur r > 10−3, accessible expérimentalement dans les 5 à 10 prochaines années.

    Ci-dessous les contraintes actuelles données par la mission Planck.
    Images attachées Images attachées  
    Dernière modification par Gilgamesh ; 10/09/2023 à 18h04.
    Parcours Etranges

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