Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes
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Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes



  1. #1
    abz7

    Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes


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    Bonjour,

    Quelques mots pour vous présenter une de nos publications, qui aborde un sujet intéressant différentes thématiques scientifiques. Il s'agit de :
    Balzeau A., Gilissen E., Grimaud-Hervé D. : Shared pattern of quantified endocranial shape asymmetries among anatomically modern humans, great apes and fossil hominins. PLoS ONE 7(1): e29581.
    L'article est accessible gratuitement en ligne à http://www.plosone.org/article/info:...l.pone.0029581

    Voici le texte du communiqué de presse :

    Une équipe composée de paléoanthropologues spécialistes de l'évolution du cerveau(1) impliquant le CNRS, le Muséum national d'Histoire naturelle et le Musée Royal de l'Afrique Centrale de Tervuren (Belgique) a mené une analyse comparative chez les Hommes actuels, les grands singes africains et des Hommes fossiles. L'étude, publiée sur le site de PLoS ONE le 5 janvier 2012, démontre la présence d'asymétries du cerveau partagées par tous les hominidés. Ceci implique que le dernier ancêtre commun aux grands singes africains et aux Hommes actuels avait aussi un cerveau asymétrique, et modifie notre compréhension des capacités cognitives des Hommes préhistoriques.
    Les asymétries du cerveau humain suscitent l'intérêt des scientifiques depuis 150 ans en raison de leurs possibles relations avec la latéralisation manuelle, le langage et les capacités cognitives. Un caractère anatomique particulier serait relié à ces fonctions : il s'agit des pétalias(2), soit l'extension du point le plus en avant des lobes frontaux et le plus en arrière des lobes occipitaux d'un hémisphère par rapport à l'autre. L'émergence et l'occurrence de ces asymétries ont aussi été largement explorées au sein de l'enregistrement fossile afin de documenter l'évolution du substrat anatomique des capacités du cerveau et du comportement.

    La première étude quantitative des pétalias
    Cette nouvelle étude quantifie pour la première fois les asymétries antéropostérieures du cerveau sur de très larges échantillons de grands singes africains, d'Hommes actuels et d'homininés fossiles (depuis les Australopithèques jusqu'aux Néandertaliens) grâce à l'analyse de modèles « virtuels » en trois dimensions du crâne et de la cavité endocrânienne(3), avec l'aide des méthodes d'imagerie.

    Le « dernier ancêtre commun » avait un cerveau asymétrique
    Une fois quantifiées, ces asymétries neuroanatomiques montrent un schéma différent de ce qui était auparavant décrit sur la base de données qualitatives. Les résultats invalident ainsi la discontinuité reconnue entre les grands singes et les homininés(4), puisque des asymétries de forme sont présentes chez les grands singes, avec un schéma similaire à celui des Hommes actuels mais une variation moindre et un degré d'asymétrie fluctuante plus réduit. Surtout, la présence d'un schéma partagé d'asymétrie directionnelle significative pour deux composantes de pétalias chez tous les hominidés implique que ces caractères ont probablement été hérités du dernier ancêtre commun aux grands singes africains et aux Hommes actuels.

    Ces résultats ont d'importantes implications concernant les possibles relations entre les asymétries de l'endocrâne et les capacités fonctionnelles chez les homininés fossiles. Il était par exemple proposé qu'une pétalia occipitale du côté gauche couplée à une pétalia frontale droite indique qu'un fossile était droitier et avait des capacités de langage. Or, il est maintenant démontré que les grands singes ont aussi ce type d'asymétrie, bien qu'ayant des modalités de préférence manuelle différentes et ne disposant pas du langage articulé des Hommes actuels. Ceci illustre la dissociation entre les activités latéralisées et les asymétries neuroanatomiques, qui ne sont pas propres à la lignée humaine. Au contraire, certaines activités latéralisées comme le langage, la cognition spatiale ou certaines modalités des activités manuelles le sont sans doute.


    Notes :
    (1)Antoine Balzeau est chargé de recherche au CNRS (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS). Il est coauteur avec Sophie A. de Beaune, de "La Préhistoire" aux éditions Chroniques et CNRS ; Emmanuel Gilissen est conservateur des collections de mammifères du Musée Royal de l'Afrique Centrale de Tervuren, Belgique, et assistant en histologie à l'Université Libre de Bruxelles ; Dominique Grimaud-Hervé est professeur en paléoanthropologie du Muséum national d'Histoire naturelle (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS).
    (2)Les pétalias sont les asymétries des points les plus antérieurs des deux lobes frontaux et des points les plus postérieurs des lobes occipitaux sur un hémisphère par rapport à l'autre. Le schéma le plus fréquent est une pétalia frontale droite et occipitale gauche, donnant l'impression en vue supérieure que le cerveau subit une rotation anti-horaire.
    (3)L'endocrâne correspond à l'ensemble des empreintes laissées par l'encéphale et ses enveloppes méningées sur la surface interne du crâne, et constitue ainsi le seul matériel disponible pour étudier la forme du cerveau, qui ne se conserve pas, chez les homininés fossiles.
    (4)Les homininés regroupent tous les Hommes préhistoriques et actuels et ont comme caractéristique commune la bipédie. Les hominidés réunissent les homininés et les grands singes (chimpanzés, bonobos, gorilles et orang-outans).

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  2. #2
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes

    Merci
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  3. #3
    Ciron

    Re : Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes

    Citation Envoyé par abz7 Voir le message
    .......... Ceci illustre la dissociation entre les activités latéralisées et les asymétries neuroanatomiques, qui ne sont pas propres à la lignée humaine.
    Au contraire, certaines activités latéralisées comme le langage, la cognition spatiale ou certaines modalités des activités manuelles le sont sans doute.
    Bonjour,

    Je reviens sur votre dernière phrase, relative à la probable spécificité du langage et de la cognition spatiale pour la lignée humaine.

    Il me semble avoir lu quelque part que c'était la variante humaine du gène FOXP2 (y compris donc les 2 ou 3 acides aminés qui font la différence avec le Chimpanzé) qui conférait à la lignée humaine cette capacité de langage. Et notre humanité H. sapiens n'a probablement guère plus de 100 ou 150.000 ans d'âge.

    Or, il semble que nos cousins neandertaliens bénéficiaient eux aussi de cette même variante du gène FOXP2 (ref. Inst. Max Planck / ADN neandertaliens de El Sidron), outre l'asymétrie du cerveau commun à "toute la famille".
    A priori, cette autre lignée humaine avait donc cette capacité de langage, même si leurs organes vocaux ne leur autorisait probablement que des sonorités différentes des nôtres.
    L'apparition du langage serait donc apparue bien avant notre lignée humaine H. sapiens, voici plus de 300.000 ans (?).
    L'on pourrait imaginer que les ossements de El Sidron, qui n'ont que 50.000 ans, pourraient être les descendants de la probable rencontre sapiens-neandertal au moyen-orient voici environ 80.000 ans... Mais ces neandertaliens ne se seraient-ils pas alors "dissous" dans les groupes sapiens rencontrés durant leur long voyage ?

    Différentes variantes du FOXP2 sont présentes chez tous les mammifères. Sans doute en tirent-ils quelque (minime) bénéfice ? Je ne sais pas.
    Je ne sais pas non plus si c'est ce gène qui permet à certains grands singes de communiquer par signes, avec parfois un "vocabulaire" de plusieurs centaines de mots.


    Outre le langage, la cognition spatiale me turlupine.
    Sans jamais atteindre ne niveau de l'humain (à l'âge adulte), il me semble que Bonobos et Chimpanzés ne se débrouillent pas mal, et parfois mieux qu'un très jeune humain pour résoudre des problèmes impliquant une réflexion spatiale.
    En outre, les corvidés de Nouvelle-Calédonie ne sont pas non plus en reste : imaginant et réalisant des outils simples, ou utilisant plusieurs outils en chaîne pour arriver à l'objectif final.
    Sans doute l'Evolution a-t-elle favorisé l'apparition de compétences similaires en différents endroits, chez différentes espèces.


  4. #4
    Cendres
    Modérateur

    Re : Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes

    Citation Envoyé par Ciron Voir le message
    L'apparition du langage serait donc apparue bien avant notre lignée humaine H. sapiens, voici plus de 300.000 ans (?).
    A ce sujet:http://www.hominides.com/html/dossiers/langage.php
    N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi (Cioran)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Ciron

    Re : Des asymétries du cerveau communes aux Hommes et aux grands singes

    Bonjour Cendres, et merci pour ce lien sur une page très synthétique et intéressante.

    A sa lecture, je me demande si abz7 pensait (comme je l'ai initialement compris) à sapiens quand il parlait de la lignée humaine, ou bien plutôt à la famille (y compris donc les branches mortes) depuis habilis.

    C'est la première fois que je lis que le langage sous ses premières formes pourrait avoir 2 millions d'années :
    "Les dernières études sur les aptitudes anatomiques des premiers hominidés repoussent les prémisses du langage à 2 millions d'années."
    C'est une chose que j'avais imaginé voici quelques années, en lisant un article sur la découverte d'un site africain de 1,6 ou 1,8 ma (je ne me souviens plus précisément) avec des bifaces, qui était associé à des bâtons minéraux d'ocre ou d'oxydes. J'avais alors pensé à des peintures corporelles, qui impliquent pour moi des symboles culturels dans une vie sociale organisée, avec des traditions transmises (technique lithique / ornements corporels). Tout cela impliquait pour moi une certaine forme de langage.

    Je vois avec plaisir que votre link parle aussi de Derek Bikerton.
    Il me semble que c'est lui, voici dix ou vingt ans, qui avait fait l'hypothèse de l'invention de la syntaxe par H. sapiens, voici 40.000 ans environ, ce qui lui a ouvert la voie à une plus aisée manipulation/expression des sentiments, des concepts, des symboles.... ce qui l'aurait amené à l'explosion artistique de cette époque.
    Cette hypoyhèse m'avait semblé convaincante.


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