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[Néolithique] Passage vers l'agriculture



  1. #31
    invite38f62917

    Re : passage vers l'agriculture


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    Citation Envoyé par DonPanic
    OK, Ça répond à la 1ère partie, je n'ai aucune raison de ne pas te faire crédit de tes connaissances, mais pas à la 2ème partie...
    à savoir si tu postules que les êtres humains sont fondamentalement semblables ou différents... et que l'invention de l'agriculture répond d'abord à des préoccupations alimentaires
    Je ne saisis pas bien la question... Semblables ou différents de quoi ? "Pareils que nous" ? Même si les gens du Jomon étaient "pareils" que "nous" (notions assez vagues, vu la définition que l'on peut donner à "pareil" dans ce cas : mêmes conditions de vie ? mêmes capacités intellectuelles ? mêmes préoccupations rituelles ? et à "nous" : groupe d'individus ? individu seul ? nous européens ou japonais actuels ?) pourrait-on affirmer qu'ils penseraient la même chose que nous confrontés à une situation similaire ? La même personne, confrontée deux fois au même choix à deux moments différents de sa vie y donnera-t-elle la même réponse ?
    Je maintiens ce que je disais plus tôt : que ces gens aient été "pareils" que "nous" ou pas, on ne pourra jamais avoir accès à la pensée qui sous-tend le geste sans leur demander directement à quoi ils pensaient en adoptant l'agriculture intensive (si quelqu'un a une machine à remonter le temps, je veux bien aller leur demander)

    Mais mis à part cette considération et pour répondre clairement à ta question, en ce qui me concerne, personnellement, dans mon âme et conscience, et cet avis n'engageant que moi : "non", je ne pense pas que les Jomon du Japon il y a 2500 ans avaient le même mode de pensée que nous, que nous soyons européens, ou japonais du XXIè siècle.

    Quant à savoir pourquoi ils ont adopté l'agriculture, je ne pense pas (cet avis n'engage que moi, je le précise encore) que ce soit pour une question de "préoccupations alimentaires". Leur précédent mode de vie fonctionnait. Bien sûr il y a eu des changements importants de l'environnement, mais ils s'étaient fait sentir depuis longtmeps déjà, et je ne les tiens pas pour cause principale du changement. Je pense personnellement à une simple acculturation basée sur le prestige du nouveau mode de vie.

    J'espère ne pas avoir répondu trop à côté.

    J'ai remplacé les balises HTML (non activées sur ce forum) par les balises [] (cf. options de mise en forme)
    K. pour la modération

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    Dernière modification par kinette ; 03/09/2004 à 13h10.

  2. #32
    DonPanic

    Re : passage vers l'agriculture

    Slu
    Citation Envoyé par megami
    Quant à savoir pourquoi ils ont adopté l'agriculture, je ne pense pas (cet avis n'engage que moi, je le précise encore) que ce soit pour une question de "préoccupations alimentaires". Leur précédent mode de vie fonctionnait. Bien sûr il y a eu des changements importants de l'environnement, mais ils s'étaient fait sentir depuis longtmeps déjà, et je ne les tiens pas pour cause <i>principale</i> du changement. Je pense personnellement à une simple acculturation basée sur le prestige du nouveau mode de vie.
    Il me semble qu'il ya plus d'exemples de peuples de chasseurs cueilleurs ou d'éleveurs nomadisants exerçant une dominance sur les peuples agriculteurs que l'inverse.
    Tirer l'araire ou être courbé à travailler le sol est-il vraiment prestigieux ?
    La productivité agricole ne permet-elle pas une division du travail favorable aux avancées techniques ?

  3. #33
    invite070c425f

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour,

    Comme le dit Megami, il semble aventureux de prêter un mode de pensée déterminé à une peuplade éloignée dans le temps. Cependant il faut bien se raccrocher à quelque chose, pour se donner un axe de recherche. On a supposé que l'on pouvait comprendre les modes de vie des hommes de la préhistoire en étudiant les peuplades primitives actuelles. Je crois que l'on appelle cela l'hypothèse ergodique, mais j'ai peut-être mal retenu le terme.
    Même si ça ne peut être parfaitement valide, ça aide tout de même à cerner leurs préoccupations, à tenter de comprendre leurs problèmes, et (très imparfaitement) le type de solution qu'ils pouvaient raisonnablement envisager. Le danger, c'est d'en faire une systématisation, et je crois effectivement que dans une thèse il ne faut pas faire appel à des raisonnements de ce genre, bien que, et même si, ils nous ont servi, disons, à structurer notre pensée.

    Maintenant, même si on refuse de leur plaquer notre mode de pensée, on peut tout de même émettre une idée simpliste : un groupe d'hommes, à une époque et en un lieu déterminé, constate que des plantes comestibles peuvent être cultivées. Avantages :
    - elles sont moins loin; on ne part pas une journée, ou plus, à la chasse;
    - elles ne se défendent pas; plus de risques mortels ou de blessures;
    - l'ensemble de ces deux facteurs fait que les femmes peuvent s'occuper de la récolte pendant que les hommes font la chasse (soit dit sans sexisme aucun);
    - elles se conservent plus facilement que la viande, la cuisson en est plus aisée. En outre elles attireront moins la concurrence des carnassiers que de la viande séchée, on aura surtout à craindre les rongeurs.

    Donc, facilité, régularité, complémentarité. Quel groupe humain refusera ces avantages ? Il faudra vraiment être tordu pour créer un tabou sur cette nouveauté (ce qui a pu cependant, ponctuellement, avoir lieu).

    En outre, un point me gêne dans vos argumentations. Vous semblez dire en majorité que nos ancêtres vivaient bien, qu'ils n'avaient pas de soucis de nourriture. Soit. Cependant on a constaté des famines de grande ampleur en Europe Occidentale jusqu'au 18ème siècle (en dehors de période de guerre), des cas de pauvreté extrême et donc de malnutrition, à grande échelle aussi, ne serait-ce que lors de la grande dépression économique des années 30.
    Pourquoi nos ancêtres lointains, qui ne disposaient que de la chasse et de la cueillette, en auraient-ils été exempts ?
    Il y a eu, obligatoirement, des périodes de disette, par exemple lors de modification de trajets migratoires des animaux les plus chassés.
    La culture pouvait, en partie, atténuer ces aléas.

    Donc, je pense, la première motivation devait être la facilité (à côté, ne bouge pas), puis la sécurité. On pourrait aussi imaginer que l'alimentation végétale à plus grande échelle était plus adaptée aux nourissons que la viande.
    Nos ancêtres n'étaient pas idiots, et ils ont dû comprendre très vite les avantages de cette révolution.

    C'est pourquoi j'aurais tendance à conclure que, si l'agriculture ne s'est pas obligatoirement imposée comme une nécessité, elle résolvait tellement de problèmes et apportait un tel surcroît de sécurité qu'elle n'a pu qu'être accueillie à bras ouverts. Et, personnellement, je ne suis pas persuadé que l'agriculteur eût été plus prestigieux que le chasseur. Au contraire. De toute façon, pendant un nombre important de générations, cela n'a pas dû être dissocié, c'était le même homme.
    Les conséquences en ont été certainement la spécialisation, oui, à la longue. Et, en outre, s'introduit une notion de planification dans le temps, ce qui aurait développé la capacité d'abstraction et d'organisation du groupe.
    Amicalement.
    Félix

  4. #34
    DonPanic

    Re : passage vers l'agriculture

    Slu
    S'agissant d'îles japonaises, je pense que l'on pourra remplacer les dangers de la chasse par les dangers de la mer, et poser que les moindres possibilités de migration en cas de sureffectifs auront poussé la population à développer l'agriculture.

  5. #35
    invite38f62917

    Re : passage vers l'agriculture

    Citation Envoyé par DonPanic

    Il me semble qu'il ya plus d'exemples de peuples de chasseurs cueilleurs ou d'éleveurs nomadisants exerçant une dominance sur les peuples agriculteurs que l'inverse.
    Tirer l'araire ou être courbé à travailler le sol est-il vraiment prestigieux ?
    La productivité agricole ne permet-elle pas une division du travail favorable aux avancées techniques ?
    C'est à dire que pour ce qui me concerne, j'étudie l'adoption de l'agriculture dans une zone géographique très précise du monde (l'archipel japonais, et c'est déjà vaste, à mon sens), et il se trouve que pour cette partie du monde, les choses ne se sont pas passées comme nous autres européens avons l'habitude de la concevoir.
    Lorsque les habitants de l'archipel japonais ont adopté un mode de vie essentiellement agricole, il y a 2500 ans, leurs voisins chinois avaient déjà une organisation sociale de type étatique, avec un roi, des vassaux, des levées d'impôts, des politiques de grands travaux... Ils maîtrisaient le travail du bronze, du fer, de l'or... Et ils commencent à en faire profiter leurs petits voisins coréens, qui entretiennent des relations assez serrées (pour l'époque) avec leurs camarades de l'archipel (selon moi, le Sud de la Corée et toute une partie du Japon de l'époque forment même un ensemble chrono-culturel, mais je n'ai pas encore fini de le prouver...)

    Les peuples de l'archipel maîtrisaient la poterie. Ils avaient un mode de vie sédentaire depuis des millénaires, et une économie de subsistance basée sur la chasse, la pêche, la cueillette et la récolte des fruits de mer (et aussi, c'est de plus en plus certain sur une proto-agriculture, ou au moins une "favorisation de la croissance de certaines espèces de plantes").

    Il y a 2500 ans, nous sommes à la fin d'une magnifique péjoration climatique, qui doit être pour beaucoup dans le fait que les effectifs de la population ont dramatiquement chuté (par rapport à l'apogée de la culture Jomon, entre 5000 et 4000 ans avant le présent), mais, comme il y a moins de gens, même si la Nature est moins clémente "qu'avant", elle suffit largement à les nourrir (la proportion de plantes comestibles au km² selon les diagrammes polliniques est assez impressionnante...).

    Et c'est là que débarquent soudain des gens différents (anthropologiquement parlant : plus grands, face plus plate...), qui semblent être liés à l'introduction de la riziculture (pour faire simple, parce que des traces de rizicultures semblent déjà présentes avant ça, mais là, elle connaît un grand boom).

    Nous avons donc plusieurs théories :

    1/ les immigrants massacrent tout le monde et envahissent l'archipel, important leur mode de vie (j'ai partiellement démontré que c'était très difficilement réalisable, à moins de vider complètement la Corée de tous ses habitants...)

    2/ "non, en fait y'a pas eu immigration, on a découvert la riziculture tout seuls et on savait même pas qu'il y avait des chinois qui l'avaient inventée avant nous, et est-ce que vous êtes bien sûrs qu'on n'est pas les premiers ?" (thèse longtemps défendue par nombre de chercheurs japonais, très passée de mode aujourd'hui, même si beaucoup d'entre eux ont du mal à admettre qu'ils doivent un pan de leur histoire à des coréens).

    3/ l'acculturation : des gens sont venus, ils vivaient différemment et tout le monde s'est mis à faire pareil...

    Même si c'est très simplifié, je pense que c'est ce qui s'est passé. Les cultures chinoises et coréennes avaient beaucoup de prestige sur l'archipel. En témoignent de objets importés dans la centaine d'année qui précède le nouveau mode de vie, dont le nombre augmente encore après l'adoption de ce mode de vie, c'est pour ça que je parle du "prestige du nouveau mode de vie". Il faut imaginer Cro-magnon qui découvre soudain l'Empire Egyptien, une population de tailleurs de pierres qui a soudain en main non pas du cuivre ou du bronze, mais directement du fer...

    Il y a une théorie qui dit que les civilisations sont tributaires d'une source d'énergie (c'est à dire qu'elles ont une caractériqtique très importante dans leur économie qui supplante les autres : certaines sont basées sur le commerce de tel produit, d'autres sur l'agriculture de telle céréale), et un jour, la source d'énergie tarit, généralement naturellement (plus de pétrole, changements climatiques qui font fuir les rennes...), et ça entraîne des bouleversements sociaux. Puis on trouve une nouvelle source et on rebatit une société. Et puis ça recommence.

    Les habitants de l'archipel japonais entretenaient des relations avec le continent depuis des millénaires (surtout avec la Corée, les chinois font très peu référence à eux, et quand ils en parlent, c'est pour les traîter de barbares). À mon avis, ils connaissaient les principes de l'agriculture (je défends la thèse comme quoi ils la pratiquaient dans une certaine mesure), mais leur source d'énergie étant toujours à disposition, ils n'avaient pas besoin de bâtir un nouvel ordre.
    Puis il y a eu les changements climatiques, l'économie de subsistance marchait déjà moins bien. Mais ils n'ont pas sauté le pas.
    Et puis, pour des raisons qui restent à déterminer, des gens du continent sont arrivés sur l'archipel, et comme ça ne les intéressait pas de redevenir chasseurs-cueilleurs (ce qui aurait très bien pu se passer), ils ont continué la riziculture sur leur terre d'adoption. Et les gens qui étaient autour ont fait pareil. Et, très franchement, la seule raison que j'aie réussi à trouver pour justifier leur comportement, c'est le prestige que devaient avoir ces artisans du métal auprès des tailleurs de pierre.

    Bon, c'est une vision très très simplifiée, en fait, les prémices de la "révolution néolithique" étaient déjà visibles 500 ans au moins avant qu'elle ne prenne toute son ampleur.

  6. #36
    alaink

    Re : passage vers l'agriculture

    1/ les immigrants massacrent tout le monde et envahissent l'archipel, important leur mode de vie (j'ai partiellement démontré que c'était très difficilement réalisable, à moins de vider complètement la Corée de tous ses habitants...)
    Une reflexion qui me vient:
    As-t pris en compte la decimation par maladie (au lieu du massacre militare)? Il me semble qu'une grande partie des indiens d'amérique (du nord et du sud) a été décimée par des maladies inconnues de leur systeme immunitaires comme la varicelle ou la rougeole.
    Les populations insulaires du fait de leur isolement y sont particulierement sensibles.
    De plus il me semble que la majorité des épidémies de grippe viennent chaque année d'Asie (et plus particulierement de Chine), pour une obscure raison de cohabitation du trio volaille/porc/homme.

    Bien sur, la vitesse de propagation des epidemie est fortement liée a la densité de population, aux voies de communication et echanges entre populations et aux pratiques culturelles (cf la facon dont la premiere epidemie ebola a été enrayée par une pratique culturelle de la region).

    On voit la un autre type d'impact de l'agriculture et/ou de l'elevage.
    Dernière modification par alaink ; 03/09/2004 à 17h23.

  7. #37
    invite070c425f

    Re : passage vers l'agriculture

    C'est passionnant, Megami, on comprend bien mieux ton argumentation maintenant.
    Et comme il n'y avait pas écriture, on ne peut retrouver avec certitude de termes qu'une langue aurait empruntés à l'autre...
    Amitiés.
    Félix

  8. #38
    DonPanic

    Re : passage vers l'agriculture

    @ megami
    Peux-tu me donner des références bibliographiques en MP, ?
    Merci de toutes tes précisions

  9. #39
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    salut Félix,
    ta réponse touche à une forme de "bon sens" mais je vais décortiquer un peu ton post en prenant le contre pied de certaines propositions. N'y vois pas malice, c'est juste l'occasion de réfléchir ensemble à certains aspects "périphériques" au sujet du fil
    Donc plus des questions ouvertes que des affirmations.
    Citation Envoyé par Félix
    Maintenant, même si on refuse de leur plaquer notre mode de pensée, on peut tout de même émettre une idée simpliste : un groupe d'hommes, à une époque et en un lieu déterminé, constate que des plantes comestibles peuvent être cultivées. Avantages :
    - elles sont moins loin; on ne part pas une journée, ou plus, à la chasse;
    Là tu te réfères un peu à notre mode d'existance. (c'est pénible d'avoir à aller loin pour bosser) Rien ne dit qu'ils n'aimaient pas aller vadrouiller au loin. Cela pouvait n'être pas perçu comme une journée de boulot, mais comme une forme d'activité ludique. Après tout qu'est-ce qui motive les chasseurs d'aujourd'hui ou les cueilleurs de champignons ? Je ne pense pas qu'ils envisagent leur activité comme un travail.
    - elles ne se défendent pas; plus de risques mortels ou de blessures;
    Des risques somme toute bien limités. N'oublie pas que leur connaissance du milieu était extraordinaire par rapport à la notre, aujourd'hui. Il est probable que parasites et maladies avaient des conséquences bien plus morbides.
    - l'ensemble de ces deux facteurs fait que les femmes peuvent s'occuper de la récolte pendant que les hommes font la chasse (soit dit sans sexisme aucun);
    Je soupçonne, au moins les jeunes femmes hors maternité, de ne pas être les dernières à apprécier quelques "randonnées" en compagnie des principaux pourvoyeurs.
    - elles se conservent plus facilement que la viande, la cuisson en est plus aisée. En outre elles attireront moins la concurrence des carnassiers que de la viande séchée, on aura surtout à craindre les rongeurs.
    Mettre la viande à l'abri des carnassiers ne pose aucun problème. Encore faudrait-il qu'il y ait eu stockage de viande. Ce n'était peut être pas la règle, loin de là. Par contre défendre une récolte sur pied contre les insectes, les oiseaux, les rongeurs, les grands herbivores... voilà un vrai travail ! Et je ne parle pas des problèmes de stockages à postériori encore bien plus complexes à gérer. Cet aspect concernant le stockage de céréales est d'ailleurs très intéressant à étudier et à mon sens fondamental même, de par ses multiples implications. Je pense que nous reviendrons obligatoirement sur ce sujet...
    Donc, facilité, régularité, complémentarité. Quel groupe humain refusera ces avantages ? Il faudra vraiment être tordu pour créer un tabou sur cette nouveauté (ce qui a pu cependant, ponctuellement, avoir lieu).
    C'est un peu le problème de fond. Dans quelle mesure cela pouvait-ils être perçus comme d'indiscutables avantages ?
    Cependant on a constaté des famines de grande ampleur en Europe Occidentale jusqu'au 18ème siècle (en dehors de période de guerre), des cas de pauvreté extrême et donc de malnutrition, à grande échelle aussi, ne serait-ce que lors de la grande dépression économique des années 30.
    Pourquoi nos ancêtres lointains, qui ne disposaient que de la chasse et de la cueillette, en auraient-ils été exempts ?
    Les exemples que tu cites sont difficilement comparables. Les aspects liés à la démographie étaient sans commune mesure et la disponibilité alimentaire bien plus large. Ce qui n'exclue nullement d'éventuelles crises plus ponctuelles. Les groupes de chasseurs-cueilleurs dépendant quasi exclusivement d'un seul type de ressource alimentaire devaient être l'exception. L'éclectisme de l'approvisionnement représente une assez bonne garantie.
    C'est pourquoi j'aurais tendance à conclure que, si l'agriculture ne s'est pas obligatoirement imposée comme une nécessité, elle résolvait tellement de problèmes et apportait un tel surcroît de sécurité qu'elle n'a pu qu'être accueillie à bras ouverts.
    La question que je me pose est de savoir comment les agriculteurs ont "réussi" à s'insérer (et à éventuellement prospérer) entre les groupes de chasseurs-cueilleurs nomades, qui toujours à mon sens, ne relevaient pas d'un système de survie ? Il y a nécessairement autre chose que la supposée pénurie.
    Bufo v
    Amicalement
    PS : Curieux comme ce fil recoupe certaines questions du voisin "la révolution symbolique"

  10. #40
    invite070c425f

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour Bufo,

    Au contraire, je suis ravi d'avoir en face de moi une opinion opposée, ou décalée, par rapport à la mienne, par trop simpliste.
    Et puis, je suis probablement un peu influencé par la saga de Jean Auel, bien que je trouve son optique un peu idyllique, je dois être un peu imprégné de son atmosphère et en tenir compte inconsciemment.

    Tout d'abord, je pense que je n'ai pas tenu compte du contexte historique et géographique fourni par Megami, avant de m'exprimer (puisque c'était surtout dans cette ligne que je me plaçais). Je pensais plutôt à l'époque de l'apparition de l'agriculture, au Moyen Orient ou éventuellement en Europe (?) à une époque plus reculée.

    Donc, pour reprendre tes réfutations, je ne crois pas qu'ils "aimaient" particulièrement "partir en vadrouille" et je ne pense pas licite le parallélisme avec nos chasseurs et cueilleurs de champignons, pour lesquels il s'agit de loisir, alors que pour nos ancêtres il était vital de rapporter à manger à la tribu. Ils n'étaient pas si obtus, je pense, qu'ils n'aient pas été conscients de leur responsabilité face aux vieux, aux femmes et aux enfants, et qu'ils devaient tenir compte que ces individus, plus faibles qu'eux, ne pouvaient endurer les privations qu'eux, au besoin, auraient pu endurer.
    Donc, même si objectivement, de l'extérieur, on peut juger que leur existence était assurée, eux, devaient ressentir une pression, une "obligation de résultat".
    En ce sens, toute innovation permettant de garantir la (ou : une meilleure) régularité de la subsistance devait être la bienvenue.

    En outre, trop s'éloigner (pendant plusieurs jours) réduisait la sécurité de la tribu (animaux sauvages, éventuelle apparition de voisins malveillants, etc). L'idéal étant de pouvoir fractionner la répartition des chasseurs-cueilleurs, une partie d'entre eux restant pendant la chasse menée par l'autre partie.

    En ce qui concerne la conservation, je pensais seulement qu'une galette cuite attirait moins les carnassiers qu'une viande séchée, je voyais la surveillance des "champs" inutile en période hivernale, puisqu'alors il n'y a pas de végétation. Et j'ai fait l'impasse sur la surveillance pendant la période productive, merci de me le rappeler. Comme c'est à côté de l'habitat, on peut déléguer deux ou trois personnes parmi les vieillards et les femmes, ou les jeunes adolescents. On peut construire des clôtures. En fait, c'est une pression pour le progrès. Je vois les choses ainsi, l'agriculture présentait de tels avantages que, une fois connue, il a fallu la conserver, s'en donner les moyens, que ç'a donc été un aiguillon pour le progrès, la répartition des tâches et la spécialisation, la fixation de l'habitat et in fine l'urbanisation. Ici, j'enfonce des portes ouvertes bien connues.

    Les famines "récentes"... Tu dis que la densité d'habitation était bien plus élevée. Bien sûr. Il n'est pas question de transposer les situations telles quelles. Simplement, avec des moyens de régulation bien supérieurs, des moyens de communication sans aucune commune mesure, on n'avait pas la possibilité de s'affranchir parfaitement de ces aléas. Et, malheureusement, il est encore des régions du monde où c'est toujours vrai.
    Donc, avec une densité beaucoup, beaucoup plus faible, l'environnement devait subvenir en permanece aux besoins, c'est ce que tu sembles penser, et c'est sur quoi je ne pourrai certaienement pas te rejoindre. La vie, c'est le risque, c'est être soumis, en permanence, à son environnement. Nous ne l'avons nous-mêmes pas éliminé, et il ne le sera probablement jamais. Pourquoi nos ancêtres auraient-ils pu s'en affranchir ? Là, on ferait revivre le mythe de l'âge d'or !
    En outre, l'argument est "retournable". Densité faible, chasse et cueillette, supposent que l'utilisation de l'environnement est extensif. Je ne sais plus quelle surface de subsistance minimale on compte pour un Indien d'Amazonie, car il faut que son prélèvement permette le renouvellement, mais c'est assez élevé. Cela signifie que le jour où une crise survient, il faut changer d'habitat et se déplacer loin (puisqu'en temps normal, ce sont des nomades, ou des semi-nomades, et qu'ils ont donc exploré et utilisé tout leur environnement "raisonnable"). Donc, en temps de crise, exode massif et (relativement) lointain. Mais où ? Dans quelle direction ? Avec quelle certitude de réussite ? Ils connaissent la région qui les entoure, mais elle ne les nourrit plus. Les rapports avec les peuples voisins sont probablement trop épisodiques et, surtout, l'information que ces voisins leur fournissent sur leur propre habitat doit être assez parcellaire ("secret défense"). Se déplacer, c'est empiéter sur le territoire d'autrui. Pour deux ou trois personnes, une cellule familiale, cela peut être toléré. Pour une tribu entière, ça doit relever souvent du casus belli.
    Nous raisonnons sur quelques millénaires, il serait donc très présomptueux (à mon yeux : impossible) de prétendre qu'il n'y a jamais, nulle part, eu de telles crises.

    Je maintiens donc que l'apparition de l'agriculture a dû être ressentie comme un bénédiction, malgré les contraintes qu'elle implique. Et que ces contraintes ont été, en définitive, une chance pour l'humanité (sauf à verser dans le débat progrès = mal).

    Pour en revenir au contexte fourni par Megami, il ne s'agirait pas des mêmes périodes, mais cela importe peu, c'est le phénomène de cette transition qui nous intéresse. Et ses contraintes sont très différentes des nôtres (une île, ou un archipel; des voisins, quoique lointains, beaucoup plus avancés; existence d'une subsistance de pêche, dont nous n'avons pas tenu compte jusqu'ici - plus fiable, plus régulière, que la chasse ??; etc).
    Quelle était leur densité de population ? Les liens entre les tribus ?
    On est dans un monde assez différent.
    Mais, si l'on admet que leur survie n'était pas beaucoup mieux assurée que celle de nos chasseurs-cueilleurs de forêt ou de savane, ils ont dû effectivement accueillir leurs visiteurs - novateurs comme des messies ! Et ceux-ci ont dû ressentir un immense plaisir, à la fois de partager leurs connaissances (qui apportaient une réelle amélioration aux autochtones), et, aussi, nous ommes humains, à se voir admirer, voire vénérer.
    Et le fait que les spécialistes japonais aient longtemps refusé cette idée est compréhensible (chauvinisme). Nous, de l'extérieur, dirions que le génie japonais est celui de l'imitation et de l'amélioration, au vu de ce qu'ils ont fait de la révolution industrielle, et que cette acclimatation de l'agriculture fournie par un apport extérieur entre bien dans le cadre de ce génie. A voir, s'ils ont là aussi substantiellement amélioré ce qu'on leur a fourni, par une organisation plus rationnelle (ou plus, disons, dirigée) ?

    Ce qui m'embête un peu sur ce forum, c'est que, rédigeant mon message, je ne peux pas aller consulter le tien et voir si j'oublie des choses. J'aurais dû imprimer, ou citer et éliminer le texte après.

    Par ailleurs, je te remercie à nouveau pour la précision sur la forge et l'eau, dans un autre post, c'est une interrogation vieille de 30 ans qui trouve réponse !
    Amitiés.
    Félix

  11. #41
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonsoir Megami,
    Intéressant ton post. Du coup j'ai quelques questions. Par exemple si la sédentarité ne conduit pas obligatoirement à un passage à l'agriculture, l'agriculture nécessite elle, un mode de vie sédentaire.
    Citation Envoyé par megami
    ...Ils avaient un mode de vie sédentaire depuis des millénaires, et une économie de subsistance basée sur la chasse, la pêche, la cueillette et la récolte des fruits de mer (et aussi, c'est de plus en plus certain sur une proto-agriculture, ou au moins une "favorisation de la croissance de certaines espèces de plantes")
    Est ce qu'à l'époque à laquelle tu fais référence ce mode d'existence concernait l'ensemble des habitants de l'archipel ? Ou seulement les groupes vivant près de la côte (cf. pêche et fruits de mer). S'ils étaient sédentaires depuis des millénaires il est probable, à défaut d'une "vraie" agriculture (?), qu'ils aient disposé de ressources importantes dans un périmètre pas trop éloigné (ressources ponctuelles dans le temps avec possibilité de stockage ou disponibles tout au long de l'année).

    ... (par rapport à l'apogée de la culture Jomon, entre 5000 et 4000 ans avant le présent)
    Concernant la période Jomon, quel était le mode de vie ? Sédentaire ou nomade ?

    ... l'acculturation : des gens sont venus, ils vivaient différemment et tout le monde s'est mis à faire pareil...
    Ne peut ont faire l'hypothèse que la venue des continentaux, leur installation suivie d'une certaine "réussite" démographique (au départ éventuellement sur des zones non revendiquées par les autochtones pour leur approvisionnement), ait fini par générer une pression sur les ressources et les milieux incompatible avec la persistance de l'ancien mode de vie ?

    En témoignent de objets importés dans la centaine d'année qui précède le nouveau mode de vie
    C'est marrant comme souvent les immigrants "achètent" leur droit d'installation (ou de passage)

    ...et comme ça ne les intéressait pas de redevenir chasseurs-cueilleurs (ce qui aurait très bien pu se passer), ils ont continué la riziculture sur leur terre d'adoption.
    Les ressources naturelles n'auraient peut être pas été suffisantes. Surtout si les premiers habitants étaient déjà en limite de capacité.

    Et les gens qui étaient autour ont fait pareil. Et, très franchement, la seule raison que j'aie réussi à trouver pour justifier leur comportement, c'est le prestige que devaient avoir ces artisans du métal auprès des tailleurs de pierre.
    Hé hé, nous revoilà au centre de la question...
    En attendant, merci pour toutes tes explications
    A+

  12. #42
    invite38f62917

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonsoir tout le monde,

    L'ensemble des reflexions qu'inspirent ce passage à l'agriculture est passionnant.

    Citation Envoyé par Bufo v
    Est ce qu'à l'époque à laquelle tu fais référence ce mode d'existence concernait l'ensemble des habitants de l'archipel ? Ou seulement les groupes vivant près de la côte (cf. pêche et fruits de mer). S'ils étaient sédentaires depuis des millénaires il est probable, à défaut d'une "vraie" agriculture (?), qu'ils aient disposé de ressources importantes dans un périmètre pas trop éloigné (ressources ponctuelles dans le temps avec possibilité de stockage ou disponibles tout au long de l'année).

    Concernant la période Jomon, quel était le mode de vie ? Sédentaire ou nomade ?
    Je crois que je me suis mal expliquée sur la terminologie.

    Le "Néolithique" Japonais est divisé en deux grandes périodes : le Jomon et le Yayoi.
    Le Jomon, qui dure 10000 ans, en gros de 12000 BP à 2500 BP, caractérisé par :
    - la sédentarité
    - la poterie (oui, oui, 12000 BP, ce n'est pas une erreur, même si les dates sont controversées, de toutes manières, même si c'était 11000 ce serait déjà pas mal)
    - l'exploitation des ressources naturelles : chasse (sanglier et cerf surtout, mais tout ce qui bouge se mange), pêche (différents poissons selon la saison, mer ou rivière selon la localisation de l'habitat, et aussi mammifères marins), cueillette (surtout des fruits à écale, surtout des chataignes, mais pareil que pour la chasse : tout ce qui se mange est exploité), et ramassage des fruits de mer.

    C'est une société à faible niveau de hiérarchisation (1 niveau, peut-être 2 au maximum dans certains cas isolés qui ne constituent pas une règle). Sur 10000 ans, la culture évolue un peu, mais on peut vraiment parler de continuité quand même. Elle est divisée en différentes parties chronologiques : ancien, moyen, récent... Ce que l'on considère comme l'apogée de la culture est le Jomon Moyen (5000-4000 BP), c'est là que la densité de population est la plus importante. Après, les conditions environnementales se dégradent et la population chute, pour arriver en 2500 BP à un niveau vraiment très bas. Cependant une chute de la population sur 1500 ans peut-elle réellement être "ressentie" par les populations ? Je ne suis pas sûre qu'ils en aient eu conscience. Je veux dire : sans l'étude de l'histoire, que saurait-on aujourd'hui des conditions de vie des gens qui vivaient en l'an 500 en "France" ?
    Donc, même si la Nature n'aurait pas pu nourrir la population qui existait au Jomon Moyen au Jomon Final (je suis claire ? la Nature du Jomon Final n'aurait pas pu nourrir la population du Jomon Moyen : trop de monde), elle pouvait très bien nourrir la population du Jomon Final.

    Pour répondre très exactement à la question : le mode de vie sédentaire était la règle sur tout l'archipel. Bien sûr cela n'exclut pas le fait que certaines tribus étaient peut-être nomades, mais pour le moment, je n'ai pas entendu parler de traces de nomadisme au Jomon.
    Les habitats sont très souvent à proximité des côtes, et, à l'intérieur des terres, ils se situent la plupart du temps près des lacs et des rivières.
    Mais le territoire japonais est constitué de telle façon que l'on a la plupart du temps accès à plusieurs écosystèmes différents comme le milieu aquatique avec les ressources d'eau douce ou maritimes, le milieu forestier qui offre une nourriture animale et végétale qui se diversifie sur plusieurs étages de végétation.

    De plus, si on reste extrêmement prudents pour le moment concernant la question de "l'agriculture" au Jomon, je reste persuadée qu'elle existait. Dès les premières phases de Jomon, l'homme s'est aperçu que les châtaigniers étaient les arbres qui repoussaient en premier après un feu de forêt... Et dans les dernières phases, notamment au Jomon Récent et Final, ce n'est plus sur "l'agriculture" que portent les interrogations mais bien sur la "riziculture", et il semble que les premiers "essais" datent de cette période. Mais cela reste très marginal, donc on ne peut pas parler "d'adoption de l'agriculture".

    Sinon, effectivement, les ressources naturelles au Japon sont vraiment très nombreuses. Aujourd'hui encore la forêt recouvre une très grande partie du territoire et c'est une forêt primaire, et à l'époque elle fournissait des ressources en abondance, qui étaient stockées dans des silos (on a des "champs de silos" très impressionnants).


    Ne peut ont faire l'hypothèse que la venue des continentaux, leur installation suivie d'une certaine "réussite" démographique (au départ éventuellement sur des zones non revendiquées par les autochtones pour leur approvisionnement), ait fini par générer une pression sur les ressources et les milieux incompatible avec la persistance de l'ancien mode de vie ?
    Ah, si, si, on peut tout à fait ^__^.
    La population s'est mise à réaugmenter après l'adoption de l'agriculture comme source de nourriture principale, mais les zones occupées au Yayoi (qui est le nom de la deuxième période du Néolithique Japonais, qui suit le Jomon est qui se différencie de lui quasiment uniquement par l'adoption de la riziculture comme ressource principale) sont très différentes de celles occupées au Jomon : plus loin des côtes, les marécages naturels, les petits cours d'eau, les plaines alluviales... Franchement, je ne saurais pas dire si les deux modes de vie auraient pu cohabiter sans se porter préjudice ou pas. Je le pense. Mais je ne peux pas en être sûre.

    Sinon, en ce qui concerne ce qui a été dit plus haut par Félix, je suis plutôt réticente au parallèle archéo-ethno : toutes les tribus de chasseurs-cueilleurs ne peuvent pas avoir le même mode de pensée. Et même si toutes les tribus de chasseurs-cueilleurs d'aujourd'hui avaient le même mode de pensée, elle comptent 2500 ans "d'évolution" de plus que les chasseurs-cueilleurs d'il y a 2500 ans (ou plus, si on prend on considération le cas du Moyen Orient ou de l'Europe), et en 2500 ans, on en invente des choses, même au sein d'un même mode de vie. Il suffit de voir la vitesse d'évolution de l'agriculture entre le chalcolithique et le Moyen Age...

    Sinon, la démonstration du "pourquoi" de l'adoption de l'agriculture est intéressante, à ceci près que l'agriculture ne remplace pas la chasse, mais la cueillette, et on n'a jamais vu un pois-chiche sauvage se jeter sauvagement sur un chasseur de pois-chiches ou s'enfuir à son approche.
    Malgré l'agriculture l'homme continue à avoir besoin de protéïnes animales (à cause de je ne sais quels acides aminés qu'on ne sait pas synthétiser tout seuls...). En Europe, il a adopté l'élevage en même temps que l'agriculture, et pour l'adoption de l'élevage, la démonstration de Félix est très probante. Par contre, au Japon (oui, j'y reviens toujours, c'est ce que je connais le mieux), il continue à chasser. Faut croire que la chasse n'était pas l'activité qu'il trouvait la plus désagréable ^__^. Et aussi : je m'insurge, pourquoi les filles n'auraient pas le droit de chasser ? La répartition des taches par sexe est-elle une obligation génétique chez le mammifère ?

    Citation Envoyé par Félix
    Donc, facilité, régularité, complémentarité. Quel groupe humain refusera ces avantages ?
    Mais aussi contrainte quotidienne, travail, dépendance à un type de ressource, travail de groupe, hiérarchisation... Si on m'avait donné le choix, je pense que j'y aurais réfléchi longtemps, et que sauf en cas de pénurie totale des anciennes ressources, j'aurais conservé le précédent mode de vie...

    Cependant on a constaté des famines de grande ampleur en Europe Occidentale jusqu'au 18ème siècle
    Oui, alors que l'Europe Occidentale était néolithisée depuis un bon moment. Donc ces gens qui mourraient de faim pratiquaient l'agriculture : comme quoi, l'agriculture ne met pas à l'abri de la famine. Quand un printemps est pourri pour les ressources naturelles, il l'est aussi pour les récoltes. Seulement quand un printemps est pourri pour le blé, l'automne ne l'est pas forcément pour les châtaignes... Forcément, si on a coupé tous les châtaigniers pour mettre des champs de blé, c'est ennuyeux...

    Citation Envoyé par Alaink
    As-tu pris en compte la decimation par maladie ?
    Moi, personnellement, non. Mais d'autres se sont penchés dessus. Des anthropologues recherchent des traces visibles de maladies sur les squelettes. Mais les études anthropologiques et génétiques auraient plutôt tendance à montrer qu'il n'y a pas eu disparition des autochtones.
    En fait, dans le Nord de l'Ile de Kyushu (point de "débarquement" des nouveaux arrivants), les changements physiques sur les squelettes entre le Jomon et le Yayoi sont assez flagrants. Mais plus on s'éloigne de ce point de "contact" et moins c'est probant. L'immigration depuis la Corée s'est étalée sur plusieurs siècles, et les "coréens" ont tous débarqué au même endroit. À cet endroit, donc, ils ont été assez nombreux pour modifier le patrimoine génétique des populations archéologiques que l'on retrouve en fouille. Il y a bien eu une immigration. Mais les changements sur les squelettes entre les périodes Jomon et Yayoi, ailleurs sur l'archipel, sont beaucoup moins évidents (voire inexistants si on s'éloigne assez du Nord de Kyushu).

    Bon, ça n'empêche pas certains chercheurs d'être partisans de la thèse des cavaliers coréens qui débarquèrent un jour au Japon et firent ce cet archipel leur terre en massacrant tout ce qui bougeait(certains chercheurs coréens) ...

    Pour ce qui est de la linguistique, il y a des études. Ce genre de trucs est possible à partir des langues actuelles, même si on n'a pas de traces écrites. Ces études disent que si le japonais est une langue très différentes de toutes les autres, c'est du coréen qu'elle est le moins différente. Mais je n'y connais pas grand chose en linguistique...

  13. #43
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Salut Félix
    Citation Envoyé par Félix
    Je pensais plutôt à l'époque de l'apparition de l'agriculture, au Moyen Orient ou éventuellement en Europe (?) à une époque plus reculée.
    Le lieu n'a pas une énorme importance dans la mesure où la question de fond reste à priori la même. Et bien qu'il soit probable qu'il y ait eu plusieurs apparitions disjointes de l'agriculture en des lieux différents aussi.

    ...je ne crois pas qu'ils "aimaient" particulièrement "partir en vadrouille" et je ne pense pas licite le parallélisme avec nos chasseurs et cueilleurs de champignons, pour lesquels il s'agit de loisir, alors que pour nos ancêtres il était vital de rapporter à manger à la tribu. Ils n'étaient pas si obtus, je pense, qu'ils n'aient pas été conscients de leur responsabilité face aux vieux, aux femmes et aux enfants, et qu'ils devaient tenir compte que ces individus, plus faibles qu'eux, ne pouvaient endurer les privations qu'eux, au besoin, auraient pu endurer.
    L'organisation sociale et l'importance attribuée à chaque membre ou classe de membres est encore aujourd'hui variable à l'extrême. A fortiori au cours des périodes antérieures et avec des types de contraintes très différents. Tu ne peux donc pas généraliser notre système de valeurs actuel à des chasseurs-cueilleurs du néolithique. Les comportements de capture chez les prédateurs (dont les hommes), en partie innés, sont aussi renforcés par tout un apprentissage où entre une bonne part de ludique. Regarde un chaton jouer avec la souris que lui apporte sa mère ! Ces comportements ludiques se perpétuent même jusqu'à un âge avancé chez l'adulte. Bon ce n'est pas le sujet, mais j'ai eu l'occasion d'observer des chasseurs en groupe ... je t'assure que des similitudes existent

    En ce sens, toute innovation permettant de garantir la (ou : une meilleure) régularité de la subsistance devait être la bienvenue.
    Agriculture n'implique pas régularité de la ressource. C'est plutôt souvent une forme de dépendance si les cultivateurs se sont coupés des modes d'approvisionnement chasse/collecte

    En outre, trop s'éloigner (pendant plusieurs jours) réduisait la sécurité de la tribu (animaux sauvages, éventuelle apparition de voisins malveillants, etc).
    Si les chasseurs-cueilleurs sont sédentaires ils n'ont pas à aller très loin (sinon le choix d'un mode sédentaire devient incohérent). Si ce sont des nomades c'est l'ensemble du groupe qui se déplace et la chasse/collecte se déroule en périphérie de l'axe de déplacement, donc avec ou jamais très loin du groupe.

    La vie, c'est le risque, c'est être soumis, en permanence, à son environnement. Nous ne l'avons nous-mêmes pas éliminé, et il ne le sera probablement jamais. Pourquoi nos ancêtres auraient-ils pu s'en affranchir ? Là, on ferait revivre le mythe de l'âge d'or !
    Rien à voir avec un éventuel âge d'or. Le risque tel que perçu aujourd'hui par notre civilisation n'est pas transposable aux chasseurs-cueilleurs. Et s'ils ne s'en affranchissaient pas, la connaissance fine de leur environnement limitait grandement ces risques. Et c'est toujours valable aujourd'hui. Tu peux te ballader des jours dans une forêt équatoriale avec plein de "sales bêtes", si tu possèdes une bonne connaissance du milieu les risques sont absolument minimes. Mais il est vrai que tout tient à cette connaissance !

    Ce qui m'embête un peu sur ce forum, c'est que, rédigeant mon message, je ne peux pas aller consulter le tien et voir si j'oublie des choses.
    Si tu peux ! Tu sélectionnes un bout de texte dans le post auquel tu veux répondre, tu cliques sur citer et ensuite tu supprimes ce que tu ne veux pas conserver et mets des quotes à ce que tu veux citer. Les textes originaux restent visibles sous la fenêtre de réponse...

    A+
    Je répondrais plus tard à d'autres parties de ton post, étant obligé de faire plusieurs choses en même temps .

  14. #44
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour,
    Merci une fois encore pour les longs éclaircissements.
    Mais je crains (pour ton temps libre) qu'ils ne suscitent d'autres interrogations. En tout cas si tu publies quelque chose fais nous le savoir.
    Citation Envoyé par megami
    - l'exploitation des ressources naturelles : chasse (sanglier et cerf surtout, mais tout ce qui bouge se mange), pêche (différents poissons selon la saison, mer ou rivière selon la localisation de l'habitat, et aussi mammifères marins), cueillette (surtout des fruits à écale, surtout des chataignes, mais pareil que pour la chasse : tout ce qui se mange est exploité), et ramassage des fruits de mer.
    Cela constitue en effet un éventail de ressources impressionnant. Le mode de vie afférent paraît presque …"limpide". Je veux dire par là que dans une situation identique n'importe quel groupe aurait probablement convergé vers un mode d'existence similaire. L'adoption de l'agriculture ne présente en l'état aucune vraie nécessité. Concernant les mammifères marins, de quelles espèces s'agissait-il ? Pinnipèdes ou cétacés.

    C'est une société à faible niveau de hiérarchisation (1 niveau, peut-être 2 au maximum dans certains cas isolés qui ne constituent pas une règle)
    Ce qui va sans doute de pair avec une pratique de stockage, mais associée à d'autres ressources plus ponctuelles. Il y a quelques similitudes avec les tribus de la côte Pacifique de l'Amérique du Nord. A ce propos, saurais-tu comment a été déduit le niveau de hiérarchisation dans l'archipel ?

    Pour répondre très exactement à la question : le mode de vie sédentaire était la règle sur tout l'archipel. Bien sûr cela n'exclut pas le fait que certaines tribus étaient peut-être nomades, mais pour le moment, je n'ai pas entendu parler de traces de nomadisme au Jomon.
    On peut supposer que la sédentarité (voire la semi-sédentarité) de l'ensemble des tribus pratiquant la collecte, implique un ajustement quasi parfait des facteurs démographiques aux ressources naturelles disponibles, même s'il est tempéré par la grande diversité de ces dernières. Les modifications climatiques que tu as citées expliqueraient alors assez bien le recul marqué de la population vers –2500. Le stockage, à mon sens, ne permet de lisser les ressources que sur un court terme (saisonnier ou plus sûrement annuel).

    Les habitats sont très souvent à proximité des côtes, et, à l'intérieur des terres, ils se situent la plupart du temps près des lacs et des rivières.
    Mais le territoire japonais est constitué de telle façon que l'on a la plupart du temps accès à plusieurs écosystèmes différents comme le milieu aquatique avec les ressources d'eau douce ou maritimes, le milieu forestier qui offre une nourriture animale et végétale qui se diversifie sur plusieurs étages de végétation.
    A priori, ce sont ces types de milieux qui présentent la meilleure diversité biologique, en tout cas sur les écotones (effet de lisière), probablement une bonne productivité et une relative constance au plan de la disponibilité (cotes maritimes, estuaires)

    Dès les premières phases de Jomon, l'homme s'est aperçu que les châtaigniers étaient les arbres qui repoussaient en premier après un feu de forêt...
    C'est très plausible. D'autant qu'une châtaigne tombée au sol, seulement à demi enfouie et commençant à germer peut donner des idées… Ce genre d'observation serait un peu plus complexe pour les céréales.

    Aujourd'hui encore la forêt recouvre une très grande partie du territoire et c'est une forêt primaire, et à l'époque elle fournissait des ressources en abondance, qui étaient stockées dans des silos (on a des "champs de silos" très impressionnants).
    Est-ce que par hasard ils n'auraient pas stocké les châtaignes, ou d'autres fruits secs similaires ? Et as tu une idée du volume de stockage par habitant ?

    La population s'est mise à réaugmenter après l'adoption de l'agriculture comme source de nourriture principale, mais les zones occupées au Yayoi (qui est le nom de la deuxième période du Néolithique Japonais, qui suit le Jomon est qui se différencie de lui quasiment uniquement par l'adoption de la riziculture comme ressource principale) sont très différentes de celles occupées au Jomon : plus loin des côtes, les marécages naturels, les petits cours d'eau, les plaines alluviales...
    Hé hé ! Je m'en doutais un peu. Hypothèse (à gros grain) : Si la riziculture prend de l'importance, des conflits d'intérêt peuvent survenir entre les cultivateurs et ceux qui ont conservé un mode d'existence traditionnel. La faune (oiseaux, herbivores, suidés) jusque là simplement chassée pour s'alimenter devient une concurrente directe (déprédations aux rizières…) et peut faire l'objet de tentatives de limitation systématique (voire éradication ! Est-ce que des espèces sauvages auraient disparu vers cette époque ?). Ce qui, au moins en partie, contribuerait éventuellement : 1) à la persistance d'une nourriture carnée sauvage dans le régime alimentaire, 2) à l'abandon progressif des anciens sites en raison de l'intolérance récurrente des riziculteurs pour un mode de vie qui leur est préjudiciable (même indirectement). Bon, ce ne sont qu'hypothèses dans ce cas précis, mais ce type de conflit est parfois encore perceptible de nos jours.
    Aussi les contraintes culturales exigeant bien entendu des milieux appropriés différents.

    Et aussi : je m'insurge, pourquoi les filles n'auraient pas le droit de chasser ? La répartition des taches par sexe est-elle une obligation génétique chez le mammifère ?
    Concernant les mammifères, génétique certainement pas ! Et c'est d'ailleurs souvent ce qui se produit. Un seul exemple pourtant bien connu : Les Lions, espèce chez laquelle le mâle se contente de glandouiller tristement pendant que les femelles s'éclatent à la chasse… Chez les groupes humains because leur grande diversité, je ne me prononcerais pas avec autant de certitude, tout dépendant de ce qui défini un acte de chasse, mais aussi de certains aspects culturels parfois difficiles à discriminer. Mais rien n'empêche les filles d'accompagner les "chasseurs"…

    Si on m'avait donné le choix, je pense que j'y aurais réfléchi longtemps, et que sauf en cas de pénurie totale des anciennes ressources, j'aurais conservé le précédent mode de vie...
    J'arriverais sans nul doute à la même conclusion, quoique bien plus rapidement que toi.

    Forcément, si on a coupé tous les châtaigniers pour mettre des champs de blé, c'est ennuyeux...
    Là aussi je confirme : C'est très très ennuyeux ! Dans tous les sens du terme.

    @+
    Bufo v

  15. #45
    invite070c425f

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour à tous,

    Je vous remercie tous deux pour ces échanges passionnants, et pour ce contexte que nous décrit Megami, si différent de ce que l'on a en vue généralement lorsqu'on pense à l'apparition de l'agriculture.
    Avec mes généralités et mes trois idées à la noix, je fais plutôt pâle figure !
    N'ayant pas les moyens d'argumenter avec précision, j'en reste à ce que je crois le coeur du problème :
    Citation Envoyé par megami
    Mais aussi contrainte quotidienne, travail, dépendance à un type de ressource, travail de groupe, hiérarchisation... Si on m'avait donné le choix, je pense que j'y aurais réfléchi longtemps, et que sauf en cas de pénurie totale des anciennes ressources, j'aurais conservé le précédent mode de vie...
    Donc, on voit que l'agriculture apporte des contraintes, beaucoup de travail et de soucis. Cependant, elle semble avoir été acceptée partout où l'homme en a eu connaissance, fortuitement, ou apportée par un groupe extérieur. Est-ce vrai ? Connaît-on des contre-exemples de sociétés qui l'aurait connue, et qui aurait décidé de ne pas la pratiquer ? Evidemment, si tel est le cas, ça ne doit guère laisser de traces...
    Autrement dit, peut-on considérer que la découverte de la possibilité de maîtriser les plantes est toujours (ou presque) pleinement exploitée, malgré les contraintes ?
    Si oui (ce que je crois, mais que je ne puis ni prouver ni étayer), il doit bien y avoir une sérieuse raison, non ? (Autre que l'attrait de la nouveauté).
    Ensuite on peut prouver que cela a parfois des côtés négatifs (si on supprime les châtaigners, on se refuse la sécurité et la diversification qu'ils pourraient apporter à la nouvelle répartition des ressources...), y compris à long terme : l'agriculture fournit davantage de ressources, la population augmente, et en fin de compte il peut de nouveau survenir une crise d'adéquation entre les ressources et la population; également, la spécialisation consécutive à l'agriculture amènera des comportements "catégoriels" nuisibles, on pourrait dire en ce sens que certaines des famines dont je parlais aux siècles récents peuvent avoir été fortement amplifiées par les "accapareurs", les grossistes en grains, qui stockeraient avec l'espoir d'une hausse des cours.
    Ma conviction est donc que l'agriculture apportait trop, à court terme, pour être refusée, malgré ses contraintes immédiates très visibles, et ses risques à long terme (non prévisibles par les populations concernées).
    Encore une fois merci pour le niveau de vos échanges, qui me fait un peu rougir !
    Amicalement.
    Félix

  16. #46
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Salut Félix,
    Eh bien continuons nos réflexions
    Citation Envoyé par Félix
    Cependant, elle semble avoir été acceptée partout où l'homme en a eu connaissance, fortuitement, ou apportée par un groupe extérieur. Est-ce vrai ?
    Eh bien ... acceptée ou alors "imposée" peut être ? Si un groupe vient à dominer l'autre (sur un plan culturel, économique ou "militaire") il n'est pas sûr qu'un vrai choix subsiste.

    Connaît-on des contre-exemples de sociétés qui l'aurait connue, et qui aurait décidé de ne pas la pratiquer ? Evidemment, si tel est le cas, ça ne doit guère laisser de traces...
    En ce qui concerne certains groupes chasseurs-cueilleurs contemporains des éléments de réponse existent. Exemple flagrant, de nombreuses tribus amerindiennes des plaines (nomades) ont lutté jusqu'à la dernière extrémité contre les colons et l'administration qui s'accaparaient leurs territoires. A de nombreuses reprises dans le but d'obtenir une paix avantageuse, les "affaires indiennes" (le BIA, dépendant de l'administration fédérale), a confiné les derniers groupes au sein de réserves (soit disant inaliénables ) et a tenté d'en faire des éleveurs ou des agriculteurs. L'échec fut patent, beaucoup d'entre eux ne souhaitant pas renoncer à leur mode de vie précédent ( la majorité d'entre eux avaient une "économie" fondée sur le Bison, et les état-uniens ont vite compris qu'en éradicant le Bison on venait à bout des indigènes... ) Il y a de nombreux autres exemples, notamment chez les peuples de la forêt amazonienne...

    Autrement dit, peut-on considérer que la découverte de la possibilité de maîtriser les plantes est toujours (ou presque) pleinement exploitée, malgré les contraintes ?
    Si oui (ce que je crois, mais que je ne puis ni prouver ni étayer), il doit bien y avoir une sérieuse raison, non ? (Autre que l'attrait de la nouveauté).
    Encore une fois c'est bien le fond du problème ? De plus il est tout à fait possible que des raisons multiples existent.

    on pourrait dire en ce sens que certaines des famines dont je parlais aux siècles récents peuvent avoir été fortement amplifiées par les "accapareurs", les grossistes en grains, qui stockeraient avec l'espoir d'une hausse des cours.
    Peut être pas en ces termes là, mais je pense qu'il y a quelque chose à creuser de ce coté...

    Encore une fois merci pour le niveau de vos échanges, qui me fait un peu rougir !
    Y a vraiment pas de quoi rougir. Et remercie surtout Megami. Perso j'ai juste la chance de m'être intéressé à la transition nomade/sédentaire/agriculteurs, mais essentiellement en me posant des tas de questions ... qui amènent peu de réponses Il y a donc surtout beaucoup de suppositions de ma part.
    A+
    Bufo v

  17. #47
    Narduccio

    Re : passage vers l'agriculture

    En ce qui concerne certains groupes chasseurs-cueilleurs contemporains des éléments de réponse existent. Exemple flagrant, de nombreuses tribus amerindiennes des plaines (nomades) ont lutté jusqu'à la dernière extrémité contre les colons et l'administration qui s'accaparaient leurs territoires. A de nombreuses reprises dans le but d'obtenir une paix avantageuse, les "affaires indiennes" (le BIA, dépendant de l'administration fédérale), a confiné les derniers groupes au sein de réserves (soit disant inaliénables ) et a tenté d'en faire des éleveurs ou des agriculteurs. L'échec fut patent, beaucoup d'entre eux ne souhaitant pas renoncer à leur mode de vie précédent ( la majorité d'entre eux avaient une "économie" fondée sur le Bison, et les état-uniens ont vite compris qu'en éradicant le Bison on venait à bout des indigènes... ) Il y a de nombreux autres exemples, notamment chez les peuples de la forêt amazonienne...
    Pour les amérindiens nomades, il me semble qu'un certains nombres étaient des indiens de la facade atlantique, chassés de leurs terres vers les grandes plaines de l'Ouest. Ces indiens étaient donc des agriculteurs avant d'êtres contraient d'abandonner leurs terres et de choisir un nouveau mode de vie. Après avoir changer de cultures, ils ne sont plus réussis à revenir en arrière. Ou plutôt, il a suffit d'une ou deux générations pour redevenir des chasseurs-ceuilleurs, et ils n'ont pu en quelques années redécouvrir l'agriculture.
    Pour ce qui est de la naissance de l'agriculture, il ne faut pas oublier que grace à l'agriculture, plus d'hommes peuvent vivre sur le même térritoire, par voie de conséquence, la richesse du groupe augmente (grace au travail d'un plus grand nombre de personnes) et une classe de nobles peut apparaitre. Pour l'individu, il peut sembler qu'il n'y ait pas de gain au passage vers l'agriculture. Pour la société, le gain est évident.
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  18. #48
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonsoir Narduccio,
    Citation Envoyé par Narduccio
    Pour les amérindiens nomades, il me semble qu'un certains nombres étaient des indiens de la facade atlantique, chassés de leurs terres vers les grandes plaines de l'Ouest.
    Que je sache non. La façade atlantique était très éloignée. Les "Greats Plains" se situent vers le centre-ouest des E.U. (mais au nord jusqu'au Canada). Qu'il y ait eu des mouvements de populations à l'Est c'est certain, mais je ne pense pas qu'ils se soient répercutés aussi loin.

    Ces indiens étaient donc des agriculteurs avant d'êtres contraient d'abandonner leurs terres et de choisir un nouveau mode de vie. Après avoir changer de cultures, ils ne sont plus réussis à revenir en arrière. Ou plutôt, il a suffit d'une ou deux générations pour redevenir des chasseurs-ceuilleurs, et ils n'ont pu en quelques années redécouvrir l'agriculture.
    Non, je crois que tu confonds. C'étaient des nomades, chasseurs pour l'essentiel, quoique qu'il existât quelques groupes semi-nomades. Par contre l'agriculture au plan local était bien plus répandue avant que les Espagnols n'introduisent le cheval, en suite de quoi de nombreuses tribus sont effectivement devenues ou redevenues nomades. Ce qui d'ailleurs est un phénomène très intéressant par rapport aux questions posées ici. Le passage de l'un à l'autre n'est pas à sens unique !

    Pour ce qui est de la naissance de l'agriculture, il ne faut pas oublier que grace à l'agriculture, plus d'hommes peuvent vivre sur le même térritoire, par voie de conséquence, la richesse du groupe augmente (grace au travail d'un plus grand nombre de personnes) et une classe de nobles peut apparaitre.
    C'est certain ! C'est la voie royale pour l'apparition de sociétés hiérarchisées et des inégalités.

    Pour l'individu, il peut sembler qu'il n'y ait pas de gain au passage vers l'agriculture. Pour la société, le gain est évident.
    Cela dépend bien entendu du type de société auquel tu fais référence, comme de la "valeur intrinsèque" que tu donne à un modèle de société par rapport à un autre. Et cette échelle de valeur est très différente selon chaque individu... Difficile pour moi d'affirmer qu'un modèle est supérieur à un autre si je fais abstraction de ma propre échelle de valeur.
    A+
    Bufo v

  19. #49
    invite070c425f

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour à tous,

    On ne réussit donc qu'à soulever des questions.
    Cependant parler des Amérindiens ou des Indiens d'Amazonie me semble relever d'une autre problématique, celle de leur colonisation par nos civilisations. Ca leur a été imposé, et de façon violente. Donc là, même si nous leur avions apporté une agriculture qu'ils ne connaissaient pas (pure supposition pour le raisonnement), il est vraisemblable qu'ils l'auraient rejetée, par simple réaction de résistance. Et d'ailleurs nous ne venions pas les aider et leur enseigner les bienfaits de notre civilisation, mais les spolier de leurs terres, les massacrer, les convertir à nos religions (pas de quoi être fiers...).
    Nous ne sommes plus dans le cadre d'une découverte endogène, ou d'un apport exogène pacifique. A contrario, il s'agit d'évènements contemporains (ou quasi), ce qui facilite grandement l'étude... en somme, l'histoire du réverbère, en espérant qu'on puisse tout de même tirer des enseignements de ces faits, qui nous sont facilement accessibles. Ici donc je dirais, attention, prudence...

    Cependant, si l'on peut observer et étudier des cas d'abandon de l'agriculture (sous ces contraintes. Le mieux serait SANS ces contraintes), ça peut nous aider. On peut beaucoup apprendre des conditions amenant une situation, lorsqu'on observe le processus inverse. Voilà qui est très intéressant.

    Quoi qu'il en soit, je reviens à mon idée simpliste de base sur la facilité et la sécurité de l'agriculture. Un châtaigner, comment de temps pour le faire pousser ? Combien de récoltes par an ?
    Du riz, combien de temps pour le faire pousser ? Combien de récoltes par an ?

    Cependant, après ce que j'ai appris de ce débat, il semble que la question soit bien plus complexe que je ne l'imaginais, et que des certitudes solides et générales (valables pour des aires et des époques étendues) ne soient pas pour demain.
    Amitiés à tous, courage et bonne chance à Megami dans ta quête (j'espère que tu n'attacheras pas un sens péjoratif à ce terme).
    A bientôt.
    Félix

  20. #50
    Narduccio

    Re : passage vers l'agriculture

    Les amérindiens étaient des agriculteurs (cf: http://indien.nexenservices.com/amer...imentation.htm )
    A l'arrivée des premiers européens, la plupart des Indiens vivent le long des principales rivières, dans des villages de huttes de terre entourés de palissades. Ils sont tous des agriculteurs expérimentés.
    Certains Algonquiens des forêts du Nord et du Nord-Est comme les 'Arapahos' et les 'Cheyennes', ont émigré vers les Plaines et y pratiquent l'agriculture, mais avec l'arrivée du cheval ils deviennent chasseurs de bison à plein temps. Ce sont eux qui, en adaptant le wigwam à leur nouveau mode de vie dans les Plaines, créent ce que les populations de langue siouennes vont appeler le tepee. Fait de perches et de peaux de bisons, il est facile à monter et à démonter, à transformer en travois et à atteler à un cheval.
    Cf: http://indien.nexenservices.com/amerindiens/
    Cela vient de se site: http://indien.nexenservices.com/amerindiens/
    Pour résumer ce qui traîte ce sujet sur plusieurs sites et dans diverses lectures. Une partie des nations indiennes de la facade atlantique aurait émigré loin des blancs. Ils ont dans un premier temps vécus dans les forêts du commerce des peaux, puis se sont réfugiés dans les Plaines ou ils ont vécu de la chasse du Bison. Il faut aussi prendre en compte que lorsque les gouvernements canadiens et américains leurs concédèrent des terres (les fameuses réserves) il s'agissait souvent de terres incultes et de qualité médiocres. Le retà l'agriculture dans ces conditions dut être difficile. Il ne permet donc pas ni de juger, ni de trancher.
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  21. #51
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Salut Narduccio,
    Mon propos n'est pas inexact. Surtout qu'au départ les rapports avec les blancs n'étaient pas si mauvais . Mais ton site simplifie un peu. Pour préciser.
    Citation Envoyé par Narduccio
    Les amérindiens étaient des agriculteurs (cf: [URL]
    Il est démontré que beaucoup de tribus pratiquaient l'agriculture. Et c'est bien ce que j'ai dit. Mais pas toutes, loin de là... Ce n'était d'ailleurs pas toujours possible en raison des conditions climatiques ou édaphiques défavorables. En d'autres lieux la collecte (Californie) ou la pêche (Orégon...) étaient bien plus "rentable".

    Pour résumer ce qui traîte ce sujet sur plusieurs sites et dans diverses lectures. Une partie des nations indiennes de la facade atlantique aurait émigré loin des blancs. Ils ont dans un premier temps vécus dans les forêts du commerce des peaux, puis se sont réfugiés dans les Plaines ou ils ont vécu de la chasse du Bison.
    Les Cheyennes étaient originaires du Minnesota (Upper Red River) et peut être de l'ouest du Wisconsin, donc très loin de la cote atlantique. Le Arapahos vivaient au nord du Minnesota, région de la Red River Valley. Les deux tribus, sédentaires, pratiquaient l'agriculture. Le premier contact avec les blancs est situé pour les Cheyennes vers 1640. D'après ce que je sais ce sont les Sioux qui les auraient contraint au déplacement, eux même sous la pression des Ojibwas des forêts (Chippewas de l'Ontario, Michigan, Wisconsin) équipés d'armes à feu . (mais certains parlent déjà de déplacement vers 1450 ??) Ils ont donc repris leur agriculture jusqu'à l'apparition du cheval dans les Grandes Plaines (vers 1720-1760) époque à laquelle ils sont, avec d'autres tribus, devenus chasseurs nomades de Bisons (vers 1820, Nord Dakota)

    Il faut aussi prendre en compte que lorsque les gouvernements canadiens et américains leurs concédèrent des terres (les fameuses réserves) il s'agissait souvent de terres incultes et de qualité médiocres. Le retà l'agriculture dans ces conditions dut être difficile. Il ne permet donc pas ni de juger, ni de trancher.
    Ce n'était pas le fond du problème. Les terres concédées n'étaient du point de vue agricole pas si mauvaises, (les fermiers blancs les cultivaient ou y pratiquaient l'élevage !). Le conflit venait surtout du fait que les indigènes utilisaient l'espace de manière extensive de par leur mode d'existence nomade (chasse au cerf et au bison) ce qui était incompatible avec l'installation des colons de plus en plus nombreux (lotissement de l'espace) et eux sédentaires. Sans oublier l'exploitation des ressources minérales (or, cuivre...) et des ressources naturelles (extermination du bison pour la peau, et parfois la viande, concurrence à l'élevage...) D'autres confrontations ont parfois eu lieu avec l'installation de voies de communications (chemin de fer).
    En conclusion il y a bel et bien dans ce cas une réversion agriculture/chasseur nomade, sur une période relativement courte et initiée par l'apparition d'un fait nouveau : le Cheval ! Et c'est là une donnée très intéressante, peut être à même d'éclairer le comment (et le pourquoi) du phénomène inverse
    A+
    Bufo v

  22. #52
    Narduccio

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour Bufo V.
    Je me rend compte (en me relisant) que j'ai fait un raccourci malheureux. Effectivement, tous les amérindiens n'étaient pas des agriculteurs.
    Ce sur quoi je voulais insister est que l'acculturation peut-être rapide, en quelques decennies, pour diverses raisons des agriculteurs se redevenus chasseurs. Ils ne sont plus arrivés, sous la contrainte à redevenir agriculteur en quelques années. Ceci semblerait indiquer que le passage vers l'agriculture, en fait la découverte des lois de l'agriculture, ne soit pas si facile que cela. En fait qui pourrait militer pour une certaine période ou les deux cultures se sont cotoyées. Peut-être, comme le pensent certains, ce sont les femmes qui par leurs connaissances des végétaux ont permis ce passage. Et les hommes ne seraient devenus agriculteurs que lorsque un certain seuil de rentabilité eut été atteint.
    Il semblerait aussi que les peuples fondamentalement nomades n'aient pas sauté le pas. Donc, l'une des conditions serait: un peuple nomade ou semi-nomade.
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  23. #53
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonsoir
    Citation Envoyé par Félix
    Donc là, même si nous leur avions apporté une agriculture qu'ils ne connaissaient pas (pure supposition pour le raisonnement), il est vraisemblable qu'ils l'auraient rejetée, par simple réaction de résistance.
    Non, les immigrants dans un premier temps n'ont rien amené, ou pas grand chose. De nombreuses tribus pratiquaient l'agriculture depuis bien longtemps. C'est plutôt l'occident qui en a profité (maïs, haricots, tomate, pomme de terre...)

    Cependant, si l'on peut observer et étudier des cas d'abandon de l'agriculture (sous ces contraintes. Le mieux serait SANS ces contraintes), ça peut nous aider. On peut beaucoup apprendre des conditions amenant une situation, lorsqu'on observe le processus inverse. Voilà qui est très intéressant
    Concernant la reprise de la vie nomade, si contraintes il y avait, elles étaient internes aux diverses tribus. Mais là je n'ai pas les éléments de réponse ?
    Quoi qu'il en soit, je reviens à mon idée simpliste de base sur la facilité et la sécurité de l'agriculture. Un châtaigner, comment de temps pour le faire pousser ? Combien de récoltes par an ?
    Je comprends bien, mais tu oublies qu'il n'y avait pas que le Châtaigner, mais un ensemble de ressources variées, disponibles sur la période annuelle et somme toute assez énergétiques.

    Posté par Narduccio
    Ce sur quoi je voulais insister est que l'acculturation peut-être rapide, en quelques decennies, pour diverses raisons des agriculteurs se redevenus chasseurs. Ils ne sont plus arrivés, sous la contrainte à redevenir agriculteur en quelques années.
    Oui en effet, il est bien possible qu'en certains cas l'adaptation soit rapide. Tout dépendant bien entendu de la profondeur des changements qu'elle induit.

    Ceci semblerait indiquer que le passage vers l'agriculture, en fait la découverte des lois de l'agriculture, ne soit pas si facile que cela. En fait qui pourrait militer pour une certaine période ou les deux cultures se sont cotoyées. Peut-être, comme le pensent certains, ce sont les femmes qui par leurs connaissances des végétaux ont permis ce passage.
    C'est bien possible. Je dirais même qu'il y a une forme de logique dans le fait que les deux modes de vie coexistent un certain temps. Il me paraîtrait difficile au vu des délais nécessaires pour obtenir une récolte et ceux permettant l'acquisition des gestes techniques, que la transition soit brutale. Ce qui n'est pas forcément vrai dans l'autre sens, surtout si la chasse cueillette était encore pratiquée en marge de l'agriculture.

    Il semblerait aussi que les peuples fondamentalement nomades n'aient pas sauté le pas. Donc, l'une des conditions serait: un peuple nomade ou semi-nomade.
    Certains l'on fait sous la contrainte physique. D'autres ont disparu avant !! Mais cela nous ramène toujours à la question du pourquoi. Ont t-ils sauté le pas par nécessité (démographie dépassant les possibilités trophiques des milieux, disparition d'une ressource vitale...) ou par choix (obtention plus aisée de la ration alimentaire). Je continue à croire, dans la limite de cette dualité certes un peu simpliste, que la seconde n'est pas valide. Mais bon, il n'y a probablement pas de réponse unique !
    Bufo v

  24. #54
    invite38f62917

    Re : passage vers l'agriculture

    Bonjour à tous,
    Désolée pour le délai de réponse, mais mon temps "libre", et par là même le temps que je peux accorder à FS, a été largement mis à mal la semaine dernière.

    Citation Envoyé par Bufo v
    Concernant les mammifères marins, de quelles espèces s'agissait-il ? Pinnipèdes ou cétacés.
    Après consultation de Petit Larousse, je suis en mesure de répondre : il s'agit de pinnipèdes (puisqu'ils chassaient le phoque) ET de cétacés (puisqu'on a également retrouvé des restes de dauphins). M'est avis qu'ils chassaient tout simplement tout ce qui passait à leur portée…

    A ce propos, saurais-tu comment a été déduit le niveau de hiérarchisation dans l'archipel ?
    "Comme d'habitude" serais-je tentée de répondre : par la taille des groupes humains, déduite de la taille des habitats, la taille des diverses habitations au sein d’un même habitat, la présence de structures "communes", l'éloignement des habitats les uns par rapport aux autres : rien de très concret, mais nous n'avons pas vraiment d'autre moyen d'envisager la complexité d'une société disparue pour le moment…

    (à propos des silos) Est-ce que par hasard ils n'auraient pas stocké les châtaignes, ou d'autres fruits secs similaires ? Et as tu une idée du volume de stockage par habitant ?
    On trouve des silos à l'intérieur ou à l'extérieur des habitations. Dans le sud du Japon, on trouve des silos groupés à l'extérieur des habitations, creusés en milieu humide afin de garantir une meilleure conservation des denrées stockées.
    On a en effet retrouvé des châtaignes ou des fruits à écale dans la plupart de ces silos. Il faut dire que c'était la ressource végétale la plus exploitée (parce que la plus disponible, certainement).
    Quant au volume de stockage par habitant, je ne saurais me prononcer. Je sais que la plupart des silos ont un diamètre et une profondeur de 1m (les plus grands vont jusqu'à 2m), et que l'on retrouve toujours plus de silos sur un site d'habitat que d'habitations. De quoi passer l'hiver à l'abri du besoin (la récolte se faisant en automne), en attendant que les autres plantes comestibles prennent le relais au printemps.

    Est-ce que des espèces sauvages auraient disparu vers cette époque ?
    Non. La faune de l'époque est à peu de choses près celle que l'on retrouve sur l'archipel aujourd'hui (bien sûr, il y a moins de cerfs et de sangliers, mais ils sont toujours là).
    Une chose intéressante à noter sur l'absence d'élevage au Japon : au cours du Jomon, les hommes ont colonisé le millier de petites îles qui constituent l'archipel japonais. On a remarqué que l'on ne retrouvait pas de restes de sangliers avant l'arrivée de l'homme sur ces îles… L'homme ne domestique peut-être pas, mais il prévoit quand même d'emmener sa nourriture quand il déménage. Il trouvait peut-être que c'était un moins grand travail de partir chasser une fois par semaine, que de nourrir les bêtes tous les jours ?

    Quant à la théorie de cohabitation / conflit des modes de vies, je ne sais pas si on pourra un jour en trouver des preuves archéologiques. Je veux dire : nous trouverons, nous trouvons déjà, des sites Jomon près des côtes, des rivières, des mers, et des sites Yayoi dans les marais, les zones inondables… C'est logique : pour faire pousser le riz (qui est une donnée de la culture Yayoi, puisqu'il entre même dans sa définition), les hommes ont besoin de ces zones inondables. Je ne suis pas sûre que l'on puisse trouver des traces de conflits, à part sur les squelettes : pointes de flèches, traces de blessures sur l'os, mais le problème c'est que le sol volcanique acide du Japon conserve très mal les os : on a très peu de squelettes, on les retrouve surtout sur les côtes sur les plages ou dans les amas coquilliers (tout ce qui n'est pas volcanique). Il suffit qu'on retrouve un squelette avec une pauvre pointe de flèche dans la cage thoracique pour crier au conflit entre les populations… Je pense qu'il faut être vraiment très prudent avec ce genre de choses. Quand bien même on trouverait un cimetière rempli de sépultures de catastrophe, ça impliquerait qu'il y a eu UN conflit. De plus les choses changent très vite entre les deux périodes, et dater un squelette avec certitude pour dire qu'il est le résultat d'un conflit entre agriculteurs et chasseurs-cueilleurs et non d'un conflit entre deux groupes d'agriculteurs (mine de rien, la relative rareté des terres inondables, la hiérarchisation de la société, la propriété terrienne, tout ça entraîne aussi des conflits) est à mon avis à peu de choses près impossible.

    Citation Envoyé par Felix
    Cependant, elle semble avoir été acceptée partout où l'homme en a eu connaissance, fortuitement, ou apportée par un groupe extérieur. Est-ce vrai ? Connaît-on des contre-exemples de sociétés qui l'aurait connue, et qui aurait décidé de ne pas la pratiquer ?
    Il y a en effet les Indiens des plaines d'Amérique du Nord, qui non content d'être au courant de l'existence de l'agriculture, la pratiquaient avant de la laisser tomber pour redevenir nomade.
    Un de mes profs nous a parlé une fois également d'un peuple nomade sur une île d'Asie du Sud-Est, qui vivait au centre de l'île dans les montagnes alors que les agriculteurs étaient sur les côtes. Ils appelaient les agriculteurs des sous-hommes ou des demi-hommes, alors que eux étaient des hommes "entiers".

    En me basant sur mon opinion personnelle, j'ai toujours autant de mal à comprendre ce qui a décidé les hommes à accepter l'agriculture. Je continue de penser que dans la plupart des cas, elle apporte plus de contraintes que d'améliorations. Mais dans le cas d'une néolithisation tertiaire (des chasseurs-cueilleurs adoptent l'agriculture au contact d'autres populations déjà néolithisées), il faut se placer du point de vue des chasseurs-cueilleurs : toujours, les néolithiques ont, en plus de leur mode de vie, un outillage plus sophistiqué, et une société plus complexe, un commerce plus *développé* qui permet de dégager plus de *bénéfices* et d'inventer le luxe. Est-ce que ça ne donne pas envie ?

    Citation Envoyé par Narduccio
    Ce sur quoi je voulais insister est que l'acculturation peut-être rapide, en quelques decennies, pour diverses raisons des agriculteurs se redevenus chasseurs. Ils ne sont plus arrivés, sous la contrainte à redevenir agriculteur en quelques années.
    Comme quoi, l'adoption d'un nouveau mode de vie dépend aussi beaucoup d'un facteur psychologique : a-t-on envie ou pas de devenir agriculteur ? La question reste encore et toujours : pourquoi a-t-on envie (ou n'a-t-on pas envie) ?


    Citation Envoyé par Felix
    si on supprime les châtaigniers, on se refuse la sécurité et la diversification qu'ils pourraient apporter à la nouvelle répartition des ressources
    J'exagérais, les japonais n'ont pas supprimé les châtaigniers, ils ont conservé en fait un écosystème relativement inchangé dans les montagnes (71% du territoire). C'était surtout pour obtenir avec un point de comparaison avec d'autres parties du monde, où les terres cultivées ont pris le pas sur toutes les autres ressources naturelles, et amplifier le fait qu'être dépendant d'une seule ressource n'est pas évident à gérer.

    Dans le cas du Japon, je ne suis pas sûre que l'agriculture fournisse vraiment davantage de ressources. Cependant il est indéniable que la population recommence à augmenter. Mais ce n'est peut-être pas forcément lié au nouveau mode de vie : les conditions climatiques s'améliorent également. On estime la population du Jomon Moyen entre 250000 et 270000 habitants, pendant un optimum climatique. Elle est descendue aux alentours de 75000 à la fin du Jomon quand les conditions climatiques se sont détériorées, il est "normal" qu'elle raugmente quand le climat s'améliore.
    Il y a certainement plusieurs facteurs qui influent sur la démographie.

    Un châtaigner, comment de temps pour le faire pousser ? Combien de récoltes par an ?
    Du riz, combien de temps pour le faire pousser ? Combien de récoltes par an ?
    Les châtaigniers étaient déjà là à la base, pas besoin, donc, de les faire pousser. Ils étaient même assez nombreux pour que certains groupes s'amusent à faire brûler une partie de la forêt pour en faire pousser plus, tout en conservant assez de ressources disponibles pour pouvoir se nourrir en attendant que ces *nouveaux châtaigniers* n'arrivent à maturité. Pour les châtaigniers, je suis sûre qu'il n'y a qu'une récolte par an. Pour le riz, il me semble que c'était pareil à la base, même si maintenant il est possible d'obtenir plusieurs récoltes. Faudrait faire des études comparées sur la capacité nutritive du riz et des châtaignes. Ça doit exister…


    On ne réussit donc qu'à soulever des questions
    Oui. D'un autre côté, si on trouvait des réponse, on s'appellerait des trouveurs, et non des chercheurs, rien qu'avec notre nom, on sait déjà que les scientifiques sont des gens qui se posent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses ^__^. Peut-être qu'on trouverait ça moins intéressant de débattre sur le sujet si les réponses s'imposaient facilement. Il n'y aurait même pas besoin de débattre, ça serait triste, quand même…

    Amitiés à tous, courage et bonne chance à Megami dans ta quête (j'espère que tu n'attacheras pas un sens péjoratif à ce terme).
    Merci beaucoup, je fais de mon mieux pour tenter d'apporter quelques maigres réponses aux quantités de questions qui se posent : je cherche.

  25. #55
    invite601ac804

    Re : passage vers l'agriculture

    Citation Envoyé par megami
    On trouve des silos à l'intérieur ou à l'extérieur des habitations. Dans le sud du Japon, on trouve des silos groupés à l'extérieur des habitations, creusés en milieu humide afin de garantir une meilleure conservation des denrées stockées..
    C'est curieux, j'aurais plutôt pensé que des silos secs étaient plus adaptés ? Quid des moisissures et autres inconvénients liés à l'humidité. A moins que cela ne soit lié à une absence d'oxygène (submersion ?)

    Je sais que la plupart des silos ont un diamètre et une profondeur de 1m (les plus grands vont jusqu'à 2m), et que l'on retrouve toujours plus de silos sur un site d'habitat que d'habitations. De quoi passer l'hiver à l'abri du besoin
    Cela peut en effet contribuer à "passer l'hiver", quoique il n'est pas certain que la chasse/pêche soit plus complexe à cette saison. Mais bien sûr, là je me réfère aux conditions de notre paléarctique occidental aujourd'hui. Ce serait quand même intéressant de pouvoir déterminer le volume moyen stocké par individu (autonomie alimentaire théorique ou supposée en fonction des réserves possibles). Mais bon, cela ne signifierait pas pour autant que les silos soient remplis chaque année.

    Voilà un lien sympa que j'ai dégoté par hasard en effectuant des recherches sur la forêt. Ici ce sont les noisettes qui pouvaient peut être s'avérer déterminantes, bien que l'auteur reste circonspect sur ce sujet.
    http://etudesrurales.revues.org/document6.html
    A ce propos comment faut-il comprendre (exemple) 8500 cal. BP ?

    Une chose intéressante à noter sur l'absence d'élevage au Japon : au cours du Jomon, les hommes ont colonisé le millier de petites îles qui constituent l'archipel japonais. On a remarqué que l'on ne retrouvait pas de restes de sangliers avant l'arrivée de l'homme sur ces îles…
    L'homme ne domestique peut-être pas, mais il prévoit quand même d'emmener sa nourriture quand il déménage. Il trouvait peut-être que c'était un moins grand travail de partir chasser une fois par semaine, que de nourrir les bêtes tous les jours ?
    S'il s'avère que les ressources sont suffisantes, c'est vrai (comme pour la culture) que la question peut se poser de la nécessité à pratiquer l'élevage, probablement plus contraignant? Cela rappelle une forme d'élevage très extensif pratiqué il y a encore peu vers le sud de l'Afrique avec une grosse antilope locale (Eland du Cap)

    Je ne suis pas sûre que l'on puisse trouver des traces de conflits, à part sur les squelettes : pointes de flèches, traces de blessures sur l'os, mais le problème c'est que le sol volcanique acide du Japon conserve très mal les os : on a très peu de squelettes, on les retrouve surtout sur les côtes sur les plages ou dans les amas coquilliers (tout ce qui n'est pas volcanique). Il suffit qu'on retrouve un squelette avec une pauvre pointe de flèche dans la cage thoracique pour crier au conflit entre les populations… Je pense qu'il faut être vraiment très prudent avec ce genre de choses. Quand bien même on trouverait un cimetière rempli de sépultures de catastrophe, ça impliquerait qu'il y a eu UN conflit.
    Perso je serais d'accord avec toi. La prudence dans l'analyse avec le peu d'éléments disponibles, s'impose. Mais apparemment tout le monde n'est pas de cet avis. Par ex.
    http://www.erf-auteuil.org/conferenc...-humanite.html
    Je ne me permettrais pas de contredire le "grand" Guilaine, mais ses interprétations me paraissent peut être un peu "hâtives". Bon il convient de noter le contexte de son intervention.

    il faut se placer du point de vue des chasseurs-cueilleurs : toujours, les néolithiques ont, en plus de leur mode de vie, un outillage plus sophistiqué, et une société plus complexe, un commerce plus *développé* qui permet de dégager plus de *bénéfices* et d'inventer le luxe. Est-ce que ça ne donne pas envie ?
    Difficile d'appréhender le contexte de l'époque. On revient toujours à ce fameux pourquoi. En principe, l'homme comme tous les vertébrés est un adepte de la loi du moindre effort. Il conviendrait donc que le "bénéfice" soit notable si l'agriculture nécessite une dépense énergétique supplémentaire. Quant aux acquisitions technologiques cela peut intéresser ou amuser : (d'après Shalins) les babioles ou ustensiles offerts à des nomades (Boshimans) sont conservées sur place et utilisés tant qu'ils restent sur le secteur, puis promptement abandonnés dès qu'ils déménagent. C'est vrai que le problème est différent s'il s'agit de sédentaires…

    Dans le cas du Japon, je ne suis pas sûre que l'agriculture fournisse vraiment davantage de ressources. Cependant il est indéniable que la population recommence à augmenter. Mais ce n'est peut-être pas forcément lié au nouveau mode de vie : les conditions climatiques s'améliorent également. On estime la population du Jomon Moyen entre 250000 et 270000 habitants, pendant un optimum climatique. Elle est descendue aux alentours de 75000 à la fin du Jomon quand les conditions climatiques se sont détériorées, il est "normal" qu'elle raugmente quand le climat s'améliore.
    Il y a certainement plusieurs facteurs qui influent sur la démographie.
    L'augmentation de la population ne peut-elle avoir comme base une disponibilité alimentaire accrue, allant par exemple de pair avec des conditions climatiques optimales ? Le relais agricole n'intervenant que par la suite afin de pallier à cette augmentation continue. (ou par exemple en cas de conditions climatiques moins favorables) Encore récemment, en Amérique du Sud, certains groupes amérindiens pratiquant l'agriculture n'utilisaient en fait qu'une assez faible superficie par rapport à celle disponible pour la culture. Un marge de manœuvre importante existait donc. Essayons d'imaginer que pour une raison ou une autre le groupe augmente numériquement…

    Oui. D'un autre côté, si on trouvait des réponse, on s'appellerait des trouveurs, et non des chercheurs, rien qu'avec notre nom, on sait déjà que les scientifiques sont des gens qui se posent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses ^__^.
    Je vais "chercher" aussi...
    A+
    Bufo v

  26. #56
    invite9d309abd

    Re : passage vers l'agriculture

    et qui a poussé l'homme à changer ses habitudes de vie radicalement... le climat qui change, non?

  27. #57
    conodonte

    Re : [Néolithique] Passage vers l'agriculture

    Il ne faut pas croire que le processus de néolithisation a pris partout la forme de celui du crossant fertile : on connait le modèle chinois ( riz ) ou les modèles amérindiens ( mais , pomme de terre , quinoa )
    On connait moins le modèle papou , basé sur la replantation des tubercules , et aussi un modèle européen forestier basé sur la chataigne ( et autres fruits secs ) et complété par l'élevage du porc , c'est pourtant proche des habitudes corses ou cévenoles
    Ce qui est curieux , c'est qu'on a valorisé les modèles qui demandent le plus de travail , en considérant comme inférieurs ceux qui laissent plus de temps libre

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