le rôle des rétroactions

[inviteb61db6a9]

Bonjour Mme Masson-Delmotte et/ou M. Kandel,

On sait que la Terre subira d'ici peu un réchauffement climatique non négligeable, ce qui entraînera différentes rétroactions.
Je me suis demandé si certaines de ces rétroactions ne pourraient pas atténuer le réchauffement, comme par exemple un accroissement de la couverture nuageuse, qui entraînerait donc une augmentation du réfléchissement des rayons solaires la journée. Est-ce que ce phénomène serait plus important que le piège de chaleur que les nuages pourraient constituer la nuit, réchauffant ainsi la planète? D'après ce que j'ai lu, il semble que cet effet est particulièrement difficile à modéliser mais peut-on déjà dire ce qui va dominer?
En toute généralité, peut-on croire à une atténuation considérable du réchauffement par des rétroactions négatives?
Et en ce qui concerne des puits de carbone. Connaît-on leur potentiel réel? La diminution de leur efficacité est-elle prévue de manière certaine? La tranformation de ces puits en sources est-elle admise de manière unanime par les scientifiques?
Que penser des autres rétroactions évoquées ( fonte des glaces -> moins de réfléchissement-> + de chaleur absorbée par l'océan ; libération du méthane contenu dans les glaces et des carbonates contenus dans les sédiments ; plancton absorbe le CO2: productivité augmentée grâce à l'augmentation de ce gaz ou alors survie menacée par le réchauffement + pollution des océans + diminution de la couche d’ozone entraîne une augmentation des UV qui pourraient être dangereux? etc.)
Sont-elles scrupuleusement étudiées ou sont-elles reléguées au second plan? Les incertitudes des scientifiques à leur sujet constituent-elles un facteur de perturbation important pour l'établissement des scénarios? Enfin, leur intervention se situe-elle dans un futur proche ou ne concerne-elle pas le 21e siècle?

Merci de m'éclairer sur le sujet.
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[invitee38b7566]

Bonjour,
En effet, le problème de la réponse du climat à l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre réside intégralement dans ces rétroactions : réchauffement des eaux de surface, évaporation accrue, changements de cycle hydrologique, changements de gradients verticaux de température dans l'atmosphère, changement de nébulosité, changements de gradients de température entre équateur et pôles et changement de circulations atmosphérique et océnanique.

L'une des principales incertitudes porte sur l'effet de la couverture nuageuse et des différents types de nuages, jouant soit davantage en terme de rayonnement infra rouge ou davantage en terme d'effet "parasol". C'est en grande partie cette incertitude qui explique la différence de réponse des différents modèles de climat pour les scénarios d'évolution climatique au cours du 21ème siècle ("sensibilité climatique"). L'autre effet amplificateur bien connu inclut l'effet de l'albédo des régions polaires (neige, banquise), essentiel pour la dynamique du climat également pour les longues échelles de temps (glaciations).

Cependant, au final, l'effet net des rétroactions climatiques (y compris nuages) est une amplification du réchauffement. Une étude anglaise publiée en janvier dernier a utilisé un ensemble de paramètres pour décrire un certain nombre de processus nuageux et a montré sur la base du réalisme de ces simulations pour la climatologie actuelle qu'il n'était pas possible d'exclure la possibilité d'une très grande sensibilité climatique (= cela élargit la gamme des possibles vers un réchauffement plus intense).

Les modèles qui représentent à la fois la physique du climat et le cycle du carbone suggèrent également que le changement climatique va réduire l'efficacité des puits de carbone (végétation, océan qui absorbent aujourd'hui la moitié des émissions mondiales de CO2) et donc que ces rétroactions devraient encore augmenter le réchauffement climatique. Cela n'inclut pas à ce jour les hydrates de méthane et la réponse des zones de pergélisol (stocks de carbone).

A ma connaissance les différentes rétroactions étudiées élargissent la gamme des possibles vers un réchauffement encore plus marqué; on ne découvre pas de processus stabilisateur. Enfin, la prise en compte de ces couplages (physique du climat / cycles biogéochimiques / aérosols...) est l'enjeu des travaux en cours pour l'étude du climat : la construction de modèles "système terre" qui prennent en compte tous ces couplages. On se dirige même vers une intégration plus directe avec les modèles économiques.

En ce qui concerne le 21ème siècle, on peut considérer 3 grandes sources d'incertitude :
1) socio économique (quelles émissions de gaz à effet de serre);
2) physique du climat (quelle réponse du climat à une augmentation des concentrations de gaz à effet de serre); 3) rétroactions climat / cycles biogéochimiques. Les incertitudes liées à ces 3 sources sont de même ordre de grandeur.

Ces couplages jouent essentiellement à une échelle de l'ordre de l'année (exemple : effet d'une vague de chaleur sur la productivité de la végétation) à celle du siècle (océan). A plus long terme il y a également le problème des calottes de glace (échelle de temps de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d'années) et du niveau des mers.

Valérie.

[inviteb61db6a9]

Chère Madame ,

Je vous remercie beaucoup pour votre réponse.
En fait, je suis lycéenne et commence un travail, qui durera une année, sur le thème du réchauffement climatique et j’aimerais le cibler sur le problème des rétroactions. Pensez-vous qu’il y ait assez de matière sur le sujet pour pouvoir le traiter en 20-25 pages ou devrais-je plutôt me tourner vers autre chose ? Dans les livres que j’ai parcourus, il semble que les scientifiques entrent peu dans les détails (peut-être parce que les incertitudes sont trop importantes?), j’ai peur de ne pas pouvoir rassembler assez d’informations !
De plus, je m’inquiète de la complexité du sujet par exemple en ce qui concerne les modèles qui tiennent compte de ces rétroactions. Je ne veux pas entreprendre un travail qui dépasserait mon niveau de compréhension… Votre avis sur la question me serait précieux.
Quoi qu’il en soit je vous remercie pour votre aide et m’excuse de mobiliser votre temps pour une question plus formelle et personnelle que d’intérêt général…