Les cités perdues d'Amazonie

[tezcatlipoca]

Bonsoir à tous,

Prélude

El Dorado est un mythe enraciné dans l'imaginaire occidentale depuis que les conquistadors sont partis à sa recherche. Au fin fond de la forêt et des sierras, dans cette terra incognita au-delà de leurs rêves de fortune, jusqu'à la folie qui les emporta dans des contrées inexplorables, d'innombrables aventuriers les ont depuis suivi, dans cet enfer où finalement, l'or tant convoité est aussi rare que la mort fréquente.

Deux siècles avant que Colomb ne débarque en Amérique, qui pensait par ailleurs arriver aux Indes, Marco Polo avait fait la relation des voyages "familiaux" fait jusqu'en Chine. Diverses versions de son ouvrage "Devisement du Monde" et sous différents titres dont celui "le livre des merveilles", furent diffusés dans l'Europe médiévale, ouvrant ses contemporains à ces étranges et lointains pays, stimulant leurs imaginations et attisant la soif de richesses fabuleuses.

Le processus des Conquista espagnole et portugaise fût essentiellement alimenté par le désir d'enrichissement de ceux qui les firent et, les récits du marchand vénitien contribuèrent certainement , plus ou moins directement, à l'attiser.

En tout cas, voici quelques passages du "Livre des merveilles" qui pourraient le laisser penser :

Livre II Chapitre XXX : Marco Polo évoque le roi d'or en son château de Chincui qui fût fait prisonnier puis gracié par le Seigneur Grand-Prêtre Jean.

Livre II Chapitre XXXIII : "Il y a encore au milieu de la ville une autre maison royale très magnifique, dont les murailles sont dorées en dedans."

Livre II Chapitre XL : "Les rivières de ce pays-là produisent beaucoup d’or. On trouve aussi dans les marais et dans les montagnes de l’or, mais d’une autre espèce."

Livre II Chapitre XLIV : "Il y a eu en cette ville un roi fort riche, lequel, étant près de mourir, se fit faire un tombeau dont je vais donner la description. Il fit bâtir une tour de marbre de la hauteur de dix pas et épaisse à proportion : à chaque coin du mausolée étaient des tours rondes par en haut et couvertes d’or partout ; sur le sommet de ces tours, on devait mettre plusieurs petites cloches d’or, qui devaient sonner par le souffle du vent. On devait couvrir une autre tour d’argent et mettre sur le sommet des clochettes d’argent, qui devaient aussi rendre un certain son par la seule agitation du vent. Il fit bâtir ce tombeau pour immortaliser son nom et sa mémoire dans le monde."

https://www.larevuedesressources.org...deux,1467.html

Pourrait-on établir un lien entre le roi d'or de chincui du "livre des merveilles" et le mythe d'Eldorado, je n'en suis pas totalement persuadé.

Mais toujours est-il qu'Eldorado (le doré), à l'origine, n'était pas la cité légendaire, aux trésors fabuleux, qu'elle est devenue par la suite, mais bien un roi amérindien qui, lors de sa cérémonie d'intronisation, était couvert de poudre d'or avant qu'il ne se baigne dans un lac où ses sujets jetaient aussi quantité d'objets précieux. Cette histoire est attestée par des chroniques espagnoles (et des découvertes archéologiques) qui relatent les expéditions faites par les envoyés de Charles Quint dans l'ouest vénézuélien et le nord de la Colombie à partir de 1529.

Moins de dix ans auparavant, la conquête du Mexique par Fernando Cortez avait généré des butins substanciels dont des quantités d'or assez importantes. Charles Quint, roi d'Espagne et empereur du Saint Empire romain germanique, n'en recueillit qu'une part minime et, si les fortunes que se constituèrent nombre de conquistadors furent surtout le fruit des terres qu'ils s'accaparèrent et de l'exploitation des populations indigènes, l'or, l'argent et les pierres précieuses qui furent extorqués aux Aztèques et à leurs voisins enflammèrent les imaginations.

Pour en revenir à la quête de l'Eldorado, c'est un aventurier allemand qui va conduire la première incursion des conquistadors dans ces régions. Il se nommait Ambrosius Ehringer et avait été promu gouverneur et capitaine général de ces nouvelles contrées, en vu d'en prendre possession pour la couronne d'Espagne.

Je vous propose un extrait du livre de Ricardo Uztarroz "Amazonie mangeuse d'hommes" qui décrit très bien les histoires de ces hommes qui vont, au fil du temps, bâtir la légende de l'El dorado :

https://books.google.fr/books?id=gqx...hinger&f=false

C'est bien une des tribus Chibchas qui intronisait son cacique en le couvrant de poudre d'or...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chibchas

Dans le prochain épisode, vous verrez peut-être plus précisément où je veux en venir.
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[Cendres]

Dans le prochain épisode, vous verrez peut-être plus précisément où je veux en venir.

Le prochain épisode de ceci, peut-être?

[tezcatlipoca]

Pas du tout, raté, loupé, 0/20, à ta place !

[tezcatlipoca]

Pour éclairer la nouvelle vision de ce qu'avait pu être l'Amazonie avant l'arrivée des Européens :

https://www.lemonde.fr/archeologie/v...8_1650751.html

[A voir en vidéo sur Futura]

[philippedelimoges]

bonjour à tous

Un complément au message précédent de tezcatlipoca : https://www.youtube.com/watch?v=ugspKPM6OIQ

Cordialement

[tezcatlipoca]

Merci beaucoup Phil'.

Je ne connaissais pas cette présentation du livre "l'Amazonie - les 12 travaux des civilisations précolombiennes" par son auteur.

Par contre je l'ai lu il y a déjà un moment et l'avait d'ailleurs recommandé dans un topic de ce forum.
Un ouvrage vraiment important pour ceux d'entre vous qui s'intéressent à cette partie du Monde et à son histoire.

Amicalement.

[philippedelimoges]

Bonsoir tezcatlipoca

J'avoue que ton post sur l'Amazonie m'a appris bien des choses ... De plus, toutes ces découvertes sont une belle leçon pour la réflexion ethnologique et historique : ces peuples amazoniens, qui semblaient ancrés dans une histoire civilisationnelle relativement stable depuis la nuit des temps, ont connu une histoire "dynamique" qui questionne fortement le regard qu'on doit porter sur tous les peuples qu'on qualifie de primitif.

Cordialement

[Tawahi-Kiwi]

El Dorado est un mythe enraciné dans l'imaginaire occidentale depuis que les conquistadors sont partis à sa recherche

C'est une parenthese a ce sujet tres interessant, mais le mythe d'un "el dorado" n'est pas unique a l'occident. Ptolemee mentionne le "Chryse Chersonesos" probablement la peninsule malaise, un mythe qui provient probablement de la mythologie indienne du Suvarnabhumi (en sanskrit सुवर्णभूमि ) qui remonte au moins au 4eme siecle avant notre ere. Le suvarnabhumi (litt: region d'or) semble etre en Asie du Sud-Est et les differentes pays du coin se sont appropries le terme (Funan, Dvaravati, Thaton, Malacca, Sri Lanka, etc.). El dorado est probablement une continuite de ce mythe qui booste l'exploration (indienne du debut de notre ere, europeenne en debut de Renaissance). C'est fort enracine dans les cultures indiennes et sud-est asiatiques egalement.

T-K

[tezcatlipoca]

Bonsoir,

Merci bien T-K.

Je ne connaissais pas cette relation pouvant être établit avec la mythologie indienne.
On pourrait peut-être alors établir une connexion avec les récits chinois qui ont alimenter ensuite ceux de Marco Polo ?...

[tezcatlipoca]

Bonjour,

Petit déterrage. Pas trop de souci en archéo...

La cartographie LIDAR révèle des structures cachées en Amazonie, avec des indices sur des milliers d'autres sites.

Le modèle prédit où les peuples anciens construisaient des fossés, des puits et des géoglyphes dans toute la région de la forêt tropicale

https://www.science.org/content/arti...thousands-more

Traduction automatique et remaniée du lien :

Abritant environ 16 000 espèces d’arbres, la forêt amazonienne est un point chaud sans équivalent pour la biodiversité. Les scientifiques occidentaux l'ont autrefois considéré comme un paradis verdoyant relativement épargné par les humains, mais ils ont plus récemment reconnu que les cultures humaines vivaient dans de vastes étendues de forêt tropicale depuis de nombreux millénaires. Aujourd’hui, une nouvelle étude de cartographie et de modélisation laser suggère que des milliers de sites archéologiques humains restent inexplorés sous la canopée de la forêt tropicale.

La nouvelle étude offre des données qui confirment ce que les archéologues travaillant en Amazonie soutiennent depuis des décennies, déclare l'archéologue Eduardo Neves de l'Université de São Paulo, qui n'a pas participé à la nouvelle recherche. « L'Amazonie n'est pas une forêt vierge », dit-il. «Elle a été transformé par les peuples autochtones au fil des millénaires.» Et cela pourrait contribuer à renforcer les revendications de ces populations natives d’aujourd’hui sur leurs terres traditionnelles.

Le Lidar, une technologie de cartographie laser aéroportée, a révolutionné l'archéologie ces dernières années. Il permet aux chercheurs de « voir » d’anciennes structures artificielles recouvertes de terre et de végétation dense – ce que l’imagerie satellite ne peut pas faire. En 2021, par exemple, découvrir des sites datant de 3000 ans au Mexique. Et l'année dernière, les scientifiques ont utilisé cette technologie pour décrire des sites antiques appartenant à la culture Casarabe en Amazonie bolivienne.

En Amazonie, les archéologues ont découvert des ouvrages en terre artificiels (fossés, géoglyphes, étangs et puits) aux formes géométriques, certaines vieux de 1 500 ans. Les anciens peuples qui ont créé ces terrassements ont également domestiqué les arbres et certaines plantes, transformant le paysage et cultivant des parcelles de terre sombre (terra preta) particulièrement fertile . La recherche systématique de telles fonctionnalités n’était tout simplement pas réalisable avant l’avènement du lidar.

Vinicius Peripato, un scientifique en télédétection à l'Institut national de recherche spatiale du Brésil, s'est demandé si la technologie pourrait sonder l'ensemble du bassin amazonien, densément boisé. Lui et plus de 130 collègues se sont tournés vers les données lidar accessibles au public couvrant l'ensemble du bassin du pays, qui avaient été précédemment collectées par le gouvernement brésilien pour estimer la biomasse de la forêt tropicale. «C'était essentiellement une recherche dans l'inconnu», dit Peripato. Lorsqu’il a commencé à analyser les données, des motifs géométriques tels que des carrés et des cercles, ressemblant à d’anciens terrassements, sont apparus.

Plus il cherchait, plus il trouvait. En parcourant 5 315 kilomètres carrés de données lidar, lui et ses collègues chercheurs ont identifié plus de 900 travaux de terrassement (déjà connus)dans tout le bassin. Mais ils ont également découvert 24 constructions artificielles inédites dans tout le bassin, y compris des sites cérémoniels présumés, des villages fortifiés et des structures mégalithiques, certaines ne s'élevant qu'à environ 1 mètre au-dessus du sol forestier.
Cependant, leurs données initiales ne couvraient qu'environ 0,1 % des 6,7 millions de kilomètres carrés de l'Amazonie. Ainsi, ils ont combiné les données des travaux de terrassement nouvellement décrits et de ceux rapportés précédemment pour prédire statistiquement combien de travaux de terrassement supplémentaires pourraient se cacher dans le bassin. En tenant compte de variables telles que la température, les précipitations, le type de sol et la distance par rapport aux plans d'eau, les chercheurs estiment que 16 187 sites de terrassement restent à découvrir dans la forêt amazonienne , rapportent-ils aujourd'hui dans Science . S'ils ont raison, plus de 90 % des anciens terrassements restent cachés sous la canopée.

Les auteurs ont également découvert une relation significative entre 35 espèces d'arbres domestiquées, dont la noix du Brésil, l'hévéa du Pará, le murumuru et le cacaoyer, avec la probabilité de travaux de terrassement. Cela concorde également avec des travaux antérieurs montrant que les espèces d’arbres domestiquées sont plus abondantes à proximité des sites archéologiques.

https://www.science.org/do/10.1126/s...orks_lidar.jpg

Le Lidar permet aux chercheurs de distinguer la canopée des arbres du sol forestier, révélant ainsi les terrassements situés en dessous. VINICIUS PERIPATO
« Les gens pensaient que les zones tropicales étaient en réalité des forêts vierges », explique Takeshi Inomata, archéologue à l'Université de l'Arizona qui a dirigé l'étude lidar de 2021 au Mexique. Les nouveaux résultats suggèrent plutôt qu’il s’agissait « d’un espace très habité ». C'est une étape importante vers une bien meilleure compréhension de l'archéologie en Amazonie.

Le modèle de l'équipe estime que la plupart des travaux de terrassement inconnus sont concentrés dans le sud-ouest du bassin amazonien. "Cela a du sens", car la plupart des travaux de terrassement signalés précédemment ont été découverts là-bas, explique Daiana Travassos Alves, archéobotaniste à l'Université fédérale du Pará. La prochaine étape consistera à aller sur le terrain pour voir si les chercheurs peuvent trouver ces caractéristiques prédites, dit-elle. "Ça va être incroyable."

Les résultats pourraient également avoir des implications sur les droits fonciers des groupes autochtones d'aujourd'hui, un sujet épineux au Brésil ces dernières années. Les travaux de terrassement, disent les auteurs, « servent de preuve tangible de l'occupation, du mode de vie et de la relation établie par un ancêtre au sein de la forêt ».

La forêt amazonienne n'est pas seulement un trésor écologique, mais aussi un patrimoine bio-culturel, explique Neves. «C'est vraiment le résultat de la coévolution des peuples autochtones et d'une forêt au fil des millénaires.»

[philippedelimoges]

Bonsoir à tous, bonsoir tezcatlipoca,

Des articles similaires ... sur d'anciennes gravures en Amazonie (cf. entre autres https://leblob.fr/actualites/en-amaz...ennes-gravures ) - Dommage que leurs contenus ne soit pas plus étayée ... As-tu des infos sur ce site de Praia das Lajes ?

Cordialement

[philippedelimoges]

Oups ! "leurs contenus ne soit pas plus étayée" ... j'ai supprimé (pour éviter la répétition) "l'info" en oubliant la suite ... Mais vu la similitude des articles "leur contenu" aurait pu suffire ...