On est sur un aérodrome et ils dorment !
Se retrouver à 1000 mètres à l’aube dans le rustique et simple mais fiable moto planeur des années 1960, pas rasé, pas douché, avec juste un bol de café au lait dans le ventre.
Seul au dessus de la planète endormie.
Il fait déjà 20 degrés, un grand soleil, brume du matin qui s’élève doucement en stratus qui disparaîtront dès que la chaleur montera, et ils n’ont rien d’autre à faire qu’à dormir !
Quand ils seront vieux ils se diront « si j’avais su quand j’étais jeune, maintenant que mon corps me refuse ces choses là. ». Mais non, c’est trop tard. Je sais, ça agace, mais c’est tellement vrai !
En communion absolue avec l’atmosphère qui commence mollement à frémir sous les premiers rayons du soleil.
Humidité de la rosée du matin sur les ailes.
Odeur forte et très particulière du cockpit dans la fraîcheur du matin.
Voir sur des dizaines de kilomètres les brumes du matin monter et se transformer lentement et majestueusement en stratus. Puis se diluer et s’évanouir dans un air qui se réchauffe vite les matins d’été.
Et ne pas avoir besoin de carte météo pour visualiser dans sa petite caboche tout l’enchaînement logique de l’évolution de l’atmosphère pour la journée, avec une telle température, une telle humidité, un tel sol, un tel ensoleillement, une telle pression, toute la suite des événements météo est tellement logique.
C’est tellement simple, cela ne peut vraiment pas se passer autrement.
Redescendre, tout doucement, très doucement, moteur au ralenti, se demander toutes les deux secondes si ce n’est pas mieux de le couper pour économiser un peu d’essence, mais non, préférer se conserver quelques minutes de vol en plus, moment magique du pilote qui descend de son cockpit après le vol, douche rapide, vrai petit déjeuner avec les autres qui émergent, trop embrumés pour remarquer les portes du hangar déjà ouvertes et le moto planeur sur le tarmac, puis, zen, faire les premiers vols de sécurité des planeurs qui sortent de visite technique annuelle avec un copain et un pilote remorqueur bougon le matin.
Pendant que les autres font les courses, jouent au ping pong, font la grasse matinée…
Pendant que ceux là n’ont rien d’autre à faire de leur jeunesse…
Voir la tête des pilotes du dimanche qui se pointent avec la famille et la marmaille en fin de matinée et début d’après midi, très étonnés de découvrir que nous avons déjà des heures de vol dans la matinée…
En colère de s’apercevoir que tous les planeurs sont déjà pris, que s’ils avaient été là plus tôt ils auraient pu s’inscrire au tableau de vols de la journée avant 10 heures, pour que le chef puisse organiser la répartitions des machines assez tôt pour que cela puisse se faire, selon les pilotes et les vols à faire.
Ce n’est sûrement pas à midi que l’on se pointe dans un club de vol à voile lorsque les décollages commencent justement entre midi et 13 heures l’été !
Certains ne comprendront jamais que l’on ne donne pas rendez vous à la météo !
Toujours les mêmes.
Expliquer à un jeune cadre dynamique, raide dans son magnifique costard bleu pétrole, la coupe de cheveux absolument parfaite, qui regarde avec mépris mon vieux blue jeans, mon vieux tee shirt, mes basquettes usagées ; que l’argent qu’il met dans de superbes chaussures en cuir très chères qu’il entretient avec minutie, bien sûr assorties à sa cravate de grande marque, des lunettes de soleil et une montre plaqués or épouvantablement chères ; que je préfère le mettre dans des heures de vol pendant que je suis jeune.
Et que je préfère attendre d’être vieux et que mon corps ne me permette plus de voler pour m’acheter de jolis vêtements très chers mais très futiles.
« Bin oui tu vois, avec tout le pognon que tu portes sur toi, moi je me paie quand même une centaine d’heures de vol de planeur».
« Mine de rien. »
Choc des cultures.
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