Un article du Point du 4 mars 2010 nous indique que « Grâce au génie de l’astronaute américain Chang-Diaz (7 vols spatiaux) , les Etats-Unis pourraient bientôt disposer d’un vaisseau spatial capable d’atteindre Mars en trente-neuf jours ! En six fois moins de temps qu’un vaisseau classique. La tuyère magnétoplasmique Vasimr fonctionne avec de l’argon chauffé à plusieurs millions de degrés. Ce gaz se transforme alors en plasma capable de propulser un vaisseau à plus de 1 million de kilomètres/heure ! L’énergie électrique nécessaire au réchauffement peut être fournie par des panneaux solaires ou par un mini réacteur nucléaire… »
Cette information est–elle crédible ? Il n’est pas besoin d’avoir de lumière sur les procédés magnétoplasmique et sur le moteur VASIMR pour démontrer l’invraisemblance de cette information.
1er point : principe de la réaction
Tous les systèmes de propulsion dans l’espace sont basés sur la réaction. Cela consiste à éjecter une certaine masse dans la direction opposée à celle où on vent propulser l’engin. Cela peut être des produits de combustion comme dans la fusée, ou bien un jet d’atomes, de molécules, d’ions, de plasma ou même de photons. Dans tous les cas la relation de Tsiolkovski qui donne l’augmentation de vitesse en fonction de la variation de masse s’applique.
∆V = Ve*Ln(M1/M2)
∆V = variation de vitesse de l’engin, M1 = masse initiale engin, M2= masse finale. Ou si on appelle Ma la masse propulsive éjectée :
∆V = Ve*Ln((Ma+M2)/M2) = Ve*Ln(1 + Ma/M2)
On peut également en déduire l’expression inverse :
Ma/M2 = exp(∆V/Ve) – 1
Pour augmenter la vitesse il faut soit augmenter la quantité de matière éjectée, soit augmenter la vitesse d’éjection. Avec des dispositifs du type « magnétoplasmique » on pense obtenir des vitesses d’éjections très élevées : on a cité jusqu’à 300 000 m/sec, retenons ce chiffre particulièrement optimiste bien que l’on trouve aussi des chiffres sensiblement plus bas.
Supposons que le dispositif magnéto plasmique soit mis en route alors que l’engin à atteint la vitesse de libération (≈ 12 000 m/sec) par des moyens classiques. ∆V = 278 000- 12 000 = 266 000
La quantité de matière à éjecter serait alors :
Ma = M2 exp(266 000/300 000) – 1 = M2 ( 2.425 – 1) = 1.425 M2
Pour une masse finale de 1 tonne il faut éjecter 1,425 tonnes.
2ème point : bilan énergétique
Un corps en mouvement à une énergie cinétique 1/2MV². Cette énergie lui est fournie par le système de propulsion. Mais pour donner une vitesse Ve à la masse éjectée il faut lui fournir une énergie = ½ Ma Ve².
• Pour une vitesse de 1 million de km/h soit 278 000 m/sec, l’énergie cinétique de l’engin serait par tonne de :
½ M2 . V² = ½ . 1000 . (278 000)²
= 3,86.1013 kgm =
3,78.1014 Joules
= 105 GWh
• L’énergie de la masse éjectée pendant tout le parcours serait :
½ MaVe= ½. 1425 . (300 000)²
= 6.41. 1013 kgm
= 6.29.1014 Joules
= 175 GWh.
L’énergie totale serait donc 105 + 175 = 280 GWh par tonne.
Comme la vitesse maximum devrait être atteinte à mi parcours puisqu’il faudrait la réduire pour se poser sur Mars, cette énergie devrait être dépensée en 20 j environ soit 480 h, la puissance pour atteindre 1 million de km/h serait de 0,58 GW par tonne ce qui représente la moitié de la puissance d’un réacteur de centrale nucléaire. L’article parle de mini-centrale nucléaire ("Yapuka !"). Pour un engin de 100 tonnes il faudrait 59 GW soit environ la puissance de la totalité du parc nucléaire français : on ne peut donc parler de mini-centrale. Même dans les rêves les plus fous on ne peut envisager qu’une telle puissance puisse être réalisée sans mettre en jeu des dizaines voire des centaines de milliers de tonnes. Dans le cas d’un voyage court vers Mars l’utilisation du nucléaire serait particulièrement mal adaptée puisqu’il faut limiter le débit d’énergie pour ne pas atteindre une température qui volatiliserait l’uranium et l’ensemble du contenant et des appareillages. Dans une centrale classique l’énergie contenue dans la charge est utilisée sur plusieurs années.
Pour se procurer cette énergie on peut penser à l’énergie solaire. En comptant un rayonnement solaire de 1000 W/m² , il faudrait 590 000 m² ou 0,59 km² par tonne d’engin, chiffre à multiplier par 3 ou 4 pour tenir compte du rendement des panneaux.
Une fois la vitesse maximale atteinte il faudrait retourner l’engin et le freinage demanderait à peu de chose près la même énergie. Le retour devrait comporter également une phase d’accélération et une phase de freinage.
Il ne parait pas utile de poursuivre pour démontrer que l’idée de M. Chang-Diaz (en quoi avoir fait 7 voyages dans l'espace le rendrait compétent sur le sujet ?)doit rejoindre dans la corbeille tant d’annonces sensationnelles.
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