L'illusion poétique
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L'illusion poétique



  1. #1
    inviteb47fe896

    L'illusion poétique


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    Pour ses démarrages scientifiques l'homme s'appuie essentiellement sur son intuition sensible ; c'est ensuite que le raisonnement et les déductions s'imposent qui lui permettent de maîtriser quelques fois les événements à travers les instruments de mesure et les outils d'expériences. Quel émerveillement nous saisit quand nous observons les lémuriens dont nous sommes issus !
    L'intuition sensible, à travers les premières perceptions et les premiers enseignements de la vie, nous nourrit d'illusions ; le chatoiement des couleurs qu'elles viennent de la nature ou du ciel, l'agrément des harmonies musicales, les délectations savoureuses du palais sans parler des émois sentimentaux venus des caresses, toutes ces sensations reçoivent d'emblée une explication très éloignée de la réalité intime : des illusions poétiques en quelle que sorte. Notre perception du temps, même si celui-ci est l'objet d'appréciations quantitatives qui ne se démentent jamais, ne mérite-t-elle pas des investigations approfondies qui pourraient peut-être nous permettre d'autres progrès ?
    Merci de m'avoir lu jusque là.

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  2. #2
    invitea99e6a66

    Re : L'illusion poétique

    Citation Envoyé par eirtemoeg Voir le message
    Pour ses démarrages scientifiques l'homme s'appuie essentiellement sur son intuition sensible ; c'est ensuite que le raisonnement et les déductions s'imposent qui lui permettent de maîtriser quelques fois les événements à travers les instruments de mesure et les outils d'expériences. Quel émerveillement nous saisit quand nous observons les lémuriens dont nous sommes issus !

    L'intuition sensible, à travers les premières perceptions et les premiers enseignements de la vie, nous nourrit d'illusions ; le chatoiement des couleurs qu'elles viennent de la nature ou du ciel, l'agrément des harmonies musicales, les délectations savoureuses du palais sans parler des émois sentimentaux venus des caresses, toutes ces sensations reçoivent d'emblée une explication très éloignée de la réalité intime : des illusions poétiques en quelle que sorte. Notre perception du temps, même si celui-ci est l'objet d'appréciations quantitatives qui ne se démentent jamais, ne mérite-t-elle pas des investigations approfondies qui pourraient peut-être nous permettre d'autres progrès ?
    Merci de m'avoir lu jusque là.
    Bonjour,

    Je comprends votre question comme étant la suivante : sait-on pour comment la perception des durées se construit dans le cerveau ? Des spécialistes des neurosciences ont montré que cette opération sollicite plusieurs régions cérébrales telles que le cervelet et le cortex frontal, mais ils ne sont pas parvenus à expliciter les mécanismes qui la sous-tendent . Il semble que l’information correspondant au temps qui passe ne soit pas répertoriée ou codée en tant que telle, et qu’il n’y ait donc pas un sens du temps comparable aux autres sens comme la vision. En somme, nous serions seulement capables de percevoir les changements et les événements qui se déroulent dans le temps, et non le temps lui-même. Néanmoins, quelques lois relatives à notre perception des durées ont pu être établies. On sait par exemple que les durées courtes ont tendance à être surestimées et les durées longues sous-estimées. On sait également qu’une stimulation intense paraît toujours plus longue qu’une stimulation moins intense de même durée.

    Ces analyses sont rendues compliquées par le fait que les mécanismes utilisés par notre cerveau pour apprécier des durées ne semblent véritablement s’activer que lorsque nous sommes mis dans une situation d’attente spécifique, par exemple si nous sommes prévenus que nous aurons à estimer la durée d’un son ou d’un signal lumineux. En somme, pour bien évaluer des durées, nous devons nous concentrer sur cette opération, c’est-à-dire chasser de notre conscience tout ce qui pourrait la distraire ou la perturber. Seule la concentration permet que s’actualise un ancrage cérébral de la durée. Notre chronomètre interne, s’il existe vraiment, n’est donc pas sollicité en permanence par la conscience, en tout cas pas de façon constante. D’où sans doute notre incapacité à appréhender correctement la durée des moments pendant lesquels nous ne « voyons pas le temps passer ».
    Ces modulations du temps psychologique sont si subtiles et si complexes que personne n’a jamais vraiment réussi à montrer comment il pourrait être dérivé du temps physique.

    Le temps mathématisé du physicien n’épuise ni le sens ni la saveur du temps vécu, pas plus d’ailleurs que le temps vécu ne suggère le sobre dépouillement du temps physique. À force de schématisation excessive et de conceptualisation forcenée, la physique aurait-elle laissé échapper quelques-unes des propriétés fondamentales du temps tel qu’il nous est donné de le vivre ? Le temps monotone des physiciens, constitué de tic-tac indéfiniment répétés à l'identique, ne serait-il qu'une idéalisation très appauvrie du temps de la vie, manifestement plus dense qu'une variable algébrique ? C’était le point de vue de Bergson, convaincu que la physique - et l'intelligence en général - se faisaient une représentation fausse du temps. Plutôt que d’observer le temps qui s’écoule, l'esprit scientifique se préoccuperait de noter des coïncidences et d’isoler des instants successifs en opérant dans le temps une coupure artificielle. Il étalerait le temps au sol comme un morceau d’espace, n’en faisant rien d’autre qu’une dimension sans nature propre. À la durée, qui est substantielle, toujours créatrice, et qu’il faut penser à l’encontre de l’espace, serait substituée une pâle représentation géométrique, simpliste même, celle d’un temps homogène, d’un temps spatialisé, constitué d’instants qui se succèdent à l'identique.

    Mais je ne sais pas si j'ai été clair, ni si j'ai bien répondu à votre question.

    Bien à vous. Etienne K

  3. #3
    inviteb47fe896

    Re : L'illusion poétique

    Merci infiniment pour votre réponse informée. Effectivement l'aspect psychologique du temps est tributaire de la subjectivité et le déconnecte de la science physique telle qu'elle nous intéresse. Cependant sans tenir compte des impressions de durée son existence nous semble indéniable ; ce qui nous interroge c'est de connaître l'écart entre la sensation et la réalité comme c'est le cas pour les autres sens. Le mouvement n'a géné me semble-t-il que les Eléates et pourtant son essence n'est pas connue ; le temps mérite lui aussi qu'on approfondisse la réflexion en ce qui le concerne ; peut-être que cela permettra à la science de faire un nouveau bond comme cela a été le cas avec la relativité qui elle aussi n'était pas ressentie d'une façon évidente.
    Pour le mouvement j'ai personnellement porté mes efforts vers une explication ; j'en ai fait autant pour le temps mais comme vous le dîtes si bien il "durcit" quand on l'approche. Je reste donc très intéressé par toutes les questions qui vous sont posées et j'espère faire mon miel de leur synthèse.
    Avec mes remerciements et mes compliments pour votre concours.