Deux études récemment parues montrent que le soja, le blé et le riz bénéficient bel et bien de gains de productivité importants en milieu CO2 enrichi, contrairement à de récentes assertions en sens contraire, et que les forêts soumises aux mêmes conditions d’enrichissement en gaz carbonique ne souffrent pas de carence en azote.
En 2006, une étude avait fait grand bruit dans les médias : elle annonçait que l’accélération de la croissance végétale due à l’augmentation de la concentration atmosphérique de CO2 pourrait être plus faible que prévue (Long 2005, 2006). Patatras : les gazettes alarmistes se sont empressées de commenter la recherche à leur manière, en annonçant la fin de la capture du carbone par le puits terrestre et en pronostiquant de terribles famines dans le siècle à venir. Deux travaux parus récemment apportent des nouvelles bien plus réconfortantes… mais il est à peu près inutile de consulter votre journal, radio ou télé préférés pour en entendre parler.
La plupart des végétaux sont apparus sur Terre à une époque où la concentration en gaz carbonique était 4 à 5 fois plus élevée qu’aujourd’hui. Ils ont su tirer partie de cette ressource, puisque le CO2 est utilisé avec l’eau et la lumière pour assurer la photosynthèse, et donc la croissance de la matière organique. Que le CO2 soit favorable aux cultures est connu depuis deux siècles déjà : en 1804, Nicolas de Saussure consignait cette observation dans ses Recherches chimiques sur la végétation. Dans les années 1960 et 1970, plus de 400 expériences locales de fumigation au gaz carbonique ont été développées. Et, à partir des années 1980 et 1990, l’enrichissement au CO2 est devenu l’objet d’une attention plus systématique dans le cadre des travaux sur le réchauffement climatique. Cinq types de recherche ont été menés : en méthodologie variée dans le cadre SPAR (soil-plant-atmosphere research), en serre, en tunnel à gradient de température, en chambre ouverte au sommet (OTC) et enfin en plein air (FACE : free-air CO2 enrichment).
Les deux papiers de Long 2005 et 2006 ont tiré la sonnette d’alarme : selon eux, les expériences FACE (plus proches des conditions réelles) donnent une productivité de moitié inférieure aux précédents travaux en espace clos et suggèrent que les récoltes en pâtiront à l’horizon 2050.
Dans une nouvelle méta-analyse parue dans le New Phytologist, Lewis H. Ziska et James A. Bruce rouvrent le dossier et comparent les données disponibles, à conditions équivalentes, pour le riz (Oryza sativa), le soja (Glycine max) et le blé (Triticum aestivum), trois plantes d’intérêt majeur pour l’humanité. Ils ont normalisé les données et comparé les gains de récolte attendus pour un enrichissement à 700 ppm (contre 370 ppm).
Résultats :
- pour le riz, le gain est de 44 % en serre, 24 % en tunnels, 19 % en système SPAR, 26 % en OTC, 20 % selon FACE ;
- pour le soja, le gain est de 34 % en serre, 36 % en tunnels, 28 % en système SPAR, 37 % en OTC, 40 % selon FACE ;
- pour le blé, le gain est de 47 % en serre, 26 % en tunnels, 31 % en OTC, 19 à 23 % selon FACE (avec deux méthodologies différentes).
Décidément, les plantes ne sont pas comme les humains et elles apprécient le gaz carbonique. Aussi les esprits irrités par cet optimisme végétal se tournent-ils volontiers vers une autre menace : la carence en nutriments, et précisément en azote. Cette nouvelle crainte concerne les forêts, supposées souffrir prochainement. Le raisonnement est le suivant : la croissance végétale est certes accélérée par le gaz carbonique, mais les arbres auront besoin d’azote pour soutenir cette croissance et ils n’en trouveront pas assez dans les sols, car la fixation de l’azote atmosphérique et sa transformation en nitrate ne suivront pas le rythme. Conséquence : une croissance qui revient à la normale, et pourquoi pas une décroissance avec tous les drames qui s’ensuivent habituellement (saturation du puits carbone terrestre, hausse du gaz carbonique atmosphérique, température caniculaire, fin du monde). La plupart des modèles actuels du cycle du carbone tablent sur cette limitation progressive de l’azote au cours du siècle.
Adrien C. Finzi et 17 co-auteurs ont récemment livré à ce sujet une synthèse des expériences FACE en milieu forestier : laboratoires Rhinelander, Duke et Oak Ridge aux Etats-Unis, étude POP-EUROFACE en Europe (Finzi 2007). Un précédent travail en 2005 avait montré un gain de productivité de 23 % pour une hausse artificielle de CO2 de 174 ppm.
Les forêts européennes étudiées, implantées sur d’anciens sites agricoles où la disponibilité en azote du sol était un facteur non limitant, n’ont pas soutenu leur croissance par une fixation supplémentaire de l’azote, mais par une meilleure efficacité d’absorption (NUE nitrogen use efficiency) ; les forêts américaines, dont le sol est plus pauvre en matière azotée, ont en revanche connu une meilleure fixation terrestre, sans changement dans l’efficacité d’absorption. Chaque écosystème a donc répondu à sa manière, mais dans le même sens. Conclusion des auteurs : « La réponse en fixation de l’azote par le sol et en efficacité d’absorption (NUE) de ces jeunes forêts tempérées exposées aux conditions FACE est le contraire de celle prédite par la génération actuelle des modèles biogéochimiques ». Que les modèles du cycle du carbone au développement fort récent se trompent ainsi, ce n’est pas une grande surprise : dans le cadre des affaires climatiques, on commence à avoir l’habitude de ces paramétrisations pessimistes qui s’améliorent avec le temps…
Voilà donc deux bonnes nouvelles pour la végétation et pour le cycle du carbone. Qui seront évidemment ignorées comme deux fausses notes dans le concert de la lamentation permanente. Tout comme l'optimum climatique Médiéval
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