Si la nuit porte conseil, certains week-ends peuvent aussi favoriser quelques inspirations que je soumets à vos esprits... sans nul doute aucunement ramollis par la canicule.
Avant de prétendre épiloguer sur ce qu’est la vérité scientifique, ne faudrait-il pas se demander en quoi consiste une vérité communément admise ? N’est-ce pas tout simplement ce qui est cru ou accepté comme vrai par une pensée essentiellement subjective, mais qui se réfère à un critère réputé objectif, celui de la conformité au réel. Et comment pourrait-on parler de vérité certaine ou absolue dans la mesure où, d’une part personne ne peut se targuer d’avoir déjà mis le doigt sur le Réel, et d’autre part, le point de départ de tout raisonnement/jugement qui nous a permis d’atteindre une supposée vérité part toujours d’une hypothèse ou axiome émanent directement d’un esprit donc par définition apriorique et non démontrable.
On peut d’ailleurs noter que cette vérité (objet prétendu vrai) ne s’est pas produite ex nihilo : il a fallu non seulement une hypothèse, mais surtout un être humain bien vivant qui se projette en avant pour la formuler et l’émettre, en acceptant le risque de se tromper. On retrouve d’ailleurs là par analogie l’idée d’intentionnalité husserlienne (la conscience est toujours conscience de quelque chose, objet vers lequel le sujet se projette…), et il a fallu en quelque sorte qu’il s’engage tout entier dans cette démarche de recherche pour espérer en extraire une vérité, d’ailleurs seulement relative.
Déjà là, il apparaît évident qu’une vérité n’est jamais neutre, car celui qui fait un pari jubile toujours d’avance à l’idée de le gagner. Il y a dans la conjecture comme un acte, un agir concret et pas une simple pensée abstraite qui se découvre vraie. Avoir trouvé une vérité, se présente comme une victoire sur un mensonge, une conquête d’un territoire gagné sur une vaste étendue jusqu’alors inconnue et vierge à déflorer, un pouvoir, une prise de possession accompagnée du plaisir d’y planter son drapeau. Eurêka ! Vaincre l’ignorance relève quasiment du vocabulaire guerrier. Cela procure une satisfaction d’appétit assouvi ou de soif étanchée qui relève bien plus de la sensation (faim, soif…la peur de manquer et le besoin de sécurité ou de survie ne sont pas bien loin…) que de la réflexion méditative. Ce qui tend à démontrer que celui qui adhère à une vérité n’est jamais désintéressé mais au contraire partie prenante. Et on voit bien avec quelle solidarité ceux qui sont persuadés d’une même vérité se soutiennent comme pour se remercier mutuellement de s’approvisionner réciproquement en victuailles et se soulager ensemble de leurs communs appétits.
Alors je rétorque d’avance, à qui aurait quelques velléités de prétendre que "sa" vérité est neutre et objective car conforme à la science, que cette dernière n’a pas d’autres possibilités que de mettre en évidence des constats concernant restrictivement des phénomènes purement physiques et mesurables (d’où son objectivité) pour en extraire - par déduction ou induction - ces LOIS dites de la Nature que personne ne pourrait contester car se répétant indéfiniment ou habituellement lorsque confrontées à des réalités (ou faits réels). Sans oublier non plus que celles-ci ne sont pas vraies dans l’absolu mais seulement dans le cadre d’un système bien précis sachant qu’elles pourront ne pas être vérifiées dans un autre ensemble théorique (ou paradigme). De plus, comme dirait Heidegger "la science ne pense pas" sauf qu’il faudrait lui répondre que si effectivement elle ne pense pas par elle-même, elle nous DONNE cependant à penser et ainsi à nous engager. Et dans cet acte de pensée l’homme a le champ libre pour interpréter et juger de la bonne application concrète des avancées scientifiques ou technologiques, dans le sens de ce qu’il jugera BON ou BIEN pour sa pratique quotidienne (ou praxis). Mais cette fois, il ne s’agira plus de jugements d’entendement (vérifications au moyen de valeurs numériques et mathématiques) mais de jugements de valeurs dites sociales ou encore morales tant il est vrai qu’un individu isolé est incapable de juger selon une dite norme faute d’éléments de comparaison ou de repères que seule la diversité des multiples opinions d’une société est en mesure de lui procurer. D’où le fait que chacun, armé de simples convictions, nage en réalité en plein océan d’opinions (*) d’ailleurs trop souvent récupérées pour ne pas dire manipulées subrepticement par l’idéologie dominante qui façonne à sa guise l’inconscient collectif.
(*) opinion publique, force sociale résultant de la similitude des jugements portés sur certains sujets par une pluralité d’individus et qui s’extériorise dans la mesure où elle prend conscience d’elle-même.
-----