Bonjour à tous.
Je suis prof de SVT en lycée. Comme vous le savez peut-être, les nouveaux programmes en 1èreS font apparaître une partie entière consacrée à l'émergence d'une idée scientifique. En l'occurrence, l'exemple choisi n'est autre que la tectonique des plaques. Dans un souci didactique, le programme insiste sur les arguments qui ont permis d'étayer cette théorie, et présente notamment la tomographie sismique comme une technique ayant permis de mettre en évidence des anomalies de température près des fosses océaniques, formulant un des premiers arguments de l'existence d'une lithosphère plongeante ces zones. Il me semble pour cette raison d'autant plus indispensable d'être bien calé sur le sujet et d'éviter le travers du cours peu ou mal argumenté.
Je me suis donc un peu remis au boulot, et il subsiste quelques interrogations, dont j'ai des réponses partielles.
Lorsqu'on détermine la localisation d'un séisme, on utilise en classe la méthode des cercles (connaissance nécessaire de la vitesse des ondes P et S), mais la méthode des hyperboles peut aussi être utilisée (connaissance uniquement de la vitesse des ondes P). Dans un cas comme dans l'autre, on doit connaître a priorila vitesse des ondes pour déterminer la localisation de l'hypocentre. Or, juste après, on dit aux élèves que les anomalies de vitesses par rapport à ce qui est attendu permettent d'envisager des hétérogénéités en profondeur. Si je suis un élève un peu malin, je vais rétorquer qu'on ne sait que ce sont des anomalies que si on connaît de façon complètement indépendante l'hypocentre. Or ce n’est pas le cas. Une anomalie ne devrait se penser, pour moi, que par la confrontation entre deux types de mesures indépendantes, ou par la confrontation entre mesure et théorie. Concrètement, on mesure un temps d’arrivée des ondes P à une station. C’est cette seule information qui nous permette de déterminer l’hypocentre. A quelle donnée va-t-on la confronter pour permettre d’affirmer qu’il y a une anomalie sur le trajet de ces ondes ?
J’ai deux idée de réponse, mais j’ai en même temps des objections à mon propre raisonnement.
1. On ne détermine la localisation d’un séisme avec 3 stations qu’en classe ! Les « vrais » scientifiques utilisent des dizaines de stations, et ne font pas ça avec un vulgaire compas. Si on part du postulat que les anomalies sont rares, on peut alors imaginer que sur 100 trajets d’ondes enregistrés par 100 stations, seules 5 stations vont enregistrer des ondes ayant transité par des zones d’anomalies. Dans cette mesure, la localisation de l’hypocentre sera très précisément donnée par les 95 autres stations, avec une colocalisation excellente, et probablement très proche de l’hypocentre réel, et les 5 stations en plus vont donner une localisation différente, traduisant l’existence d’hétérogénéités.
Objections :
a. Il ne me semble pas que le postulat que les hétérogénéités sont rares soit pertinent, en particulier dans les zones « tourmentées » que sont les zones de subduction ou d’accrétion : juxtaposition de nombreuses hétérogénéités horizontales et verticales, dues autant à la température qu’à la composition.
b. Lorsque le séisme a lieu lui-même dans une zone d’anomalie, tous les trains d’ondes, pour chacune des 100 stations, verront leur vitesse varier. Dans ce cas, plus de référence possible pour un calcul fiable de la position de l’hypocentre. Or, ce sont précisément des zones là qui sont pointées du doigt dans notre programme de 1èreS (et indépendamment de ça, les zones de subduction, c’est hyper intéressant !).
2. Une autre idée, moins aboutie, est la suivante. La méthode des hyperboles ne prend en compte que la vitesse des ondes P ou S, mais ne nécessite pas les deux en même temps (contrairement à la méthode des cercles). On peut donc, me semble-t-il, calculer grâce à la méthode des hyperboles deux valeurs de distance à l’hypocentre. Si on imagine qu’un train d’onde passe dans une zone sans anomalie de vitesse, la vitesse des ondes P et des ondes S est conforme aux modèles, et ces deux distances sont égales. Si en revanche, une hétérogénéité est rencontrée, la vitesse des ondes est transformée dans cette zone – c'est-à-dire, la vitesse des ondes P et des ondes S. Or, la vitesse de ces deux ondes ne dépend pas des même facteurs : la vitesse des ondes P dépend des deux coefficients d’élasticité de Lamé lambda et mu, alors que celle des ondes S ne dépend que de mu (module de cisaillement). Bien que je n’aie pas fait les calculs, il me semble que lors de la traversée d’une zone d’hétérogénéité, la vitesse des ondes P et S va être modifiée dans des proportions différentes, ce qui va conduire lors des deux calculs de distances à deux distances différentes, ce qui – le foyer étant unique – signe une anomalie.
S’il y a des sismologues dans le coin, est-ce que je raconte des salades ?
Je n’ai pas internet pendant 10 jours à partir de demain matin, alors si je ne réponds pas, ce n’est pas par manque de politesse !
Bonne journée.
Josquin
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