Hier soir, le ciel s'annonce enfin dégagé en Bretagne. Ni une ni deux, en fin d'après midi, je décide d'aller m'enfoncer seul dans le noir pour observer les astres de la nuit, pour ma quatrième nuit d'observation, moi qui vient en début de mois de recevoir mon Dobson 200/1200...
Mais un élément imprévu est venu perturber ma soirée : ma femme !
En effet, j'avais l'intention de me livrer à une nouvelle activité : le dessin, chose qui implique de la patience, et de longues observations sur les objets visés. Or ces deux conditions ne sont pas vraiment adaptées au caractère de ma femme, plutôt impulsive et active, et par ailleurs pas spécialement (voire pas du tout) passionnée par l'astronomie.
Et lorsqu'elle me demande si je vais en observation ce soir, et que je lui réponds par l'affirmative, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je l'entends dire qu'elle veut m'accompagner... Branle-bas de combat, je dois revoir mes plans ! Le dessin sera pour une autre fois, je dois l'éblouir pour qu'elle cesse de me prendre pour un fou qui regarde des points lumineux en pleine nuit !
Je prends quand même le temps de regarder rapidement deux trois choses à voir ce soir : occultation de Ganymède, lever de la Lune, et une autre petite chose qui me tenait à coeur, j'y reviendrai...
Et c'est parti, un petit quart d'heure de route pour arriver au Domaine de Careil, à l'entrée d'un champ surplombant l'Etang de Careil (réserve ornithologique), pour ceux qui connaissent la région à l'ouest de Rennes. On déballe le matériel, et c'est parti !
23h30, la Lune est déjà levée, et basse sur l'horizon, je tente quand même le coup. Oh my God ! Turbulence + télescope pas en température, c'est la java sur la Lune ! Impossible de faire une mise au point correcte... Je pense à la collimation, je veux prendre mon laser pour une vérification rapide (et mon filtre lunaire également pour ne pas s'exploser les yeux) : zut, j'ai oublié de prendre la boite dans laquelle ils se trouvaient... Tant pis, j'avais vérifié la collim quelques jours avant, elle était correcte, on va faire avec, de toutes façons on n'a pas le choix...
Pas refroidi par une Lune décevante (et même encouragé par l'air satisfait de ma femme devant la Lune), je tente Jupiter. Et c'est encore pire ! Si on voyait quand même quelques détails sur notre satellite, sur Jupiter c'est complètement flou et absorbé par la turbulence... Bon on verra plus tard.
Passons au ciel profond avant que la lune n'éclaire trop le ciel. Allez, je commence doucement par Albireo. Elle ne voit pas vraiment les couleurs du couple, tout juste arrive-t-elle à les deviner lorsque je lui parle de jaune et de bleu... Etrange pour une femme...
On attaque avec du sérieux : M13. Et là, c'est la révélation : SU-PER-BE ! je ne l'avais jamais vu comme ça (il faut dire aussi que ce sont mes premières observations) : parfaitement résolu, même au centre, et en poussant le grossissement on voit même en vision directe des arcs courbés d'étoiles semblant s'échapper de l'amas. Vraiment magnifique.
On ne repose pas sur ses lauriers, on va voir le rond de fumée (M57). Joli, petit mais joli, on distingue bien le centre plus sombre, notamment en vision décalé. On enchaîne avec le trognon de pomme (M27). J'ai un peu de mal à le trouver, mais j'y arrive. Plus étendu que M57, il est plus diffus également. Ma femme est étonnée lorsque je lui apprend qu'il s'agit de reste d'étoiles qui ont craché leur matière... Bien, je sens qu'elle est sinon intéressée, au moins curieuse...
Je tente de trouver les Dentelles du Cygne, mais la Lune commence à étoiles les étoiles une à une... Le temps passe, je n'y arrive pas. Je sens qu'elle s'impatiente, il faut passer à autre chose. Je reviendrai aux Dentelles une autre fois, seul.
Je lui montre alors d'autres merveilles : le double amas de Persée, M31, et le superbe amas du Canard Sauvage (M11). Lui aussi est superbe, un fourmillement d'étoiles, qui ferait presque penser à un amas globulaire si le centre était un peu plus lumineux. Incontestablement la star de la soirée avec M13.
La Lune est montée dans le ciel, ma femme veut l'observer une nouvelle fois. On clôture donc la soirée par une observation sélène. Pratiquement plus aucune turbulence, le télescope est en température : le terminateur est sublime ! Grossi à 210x, on a déjà presque l'impression de survoler les cratères. Ma femme la contemple longuement. Décidément, la lune a toujours du succès ! Et je me dis que j'aimerais bien avoir un oculaire 4 mm (300x)...
Il va être l'heure de ranger le matériel. Mais je repense alors à ce phénomène que je voulais observer. je l'avais complètement oublier. il y avait deux occurences : 00h51 et 01h00. Je regarde l'heure : 00h55 ! Raaaah non, j'ai raté le premier !
Je prends vite ma boussole : 254° (WSW). Cela devrait se trouver par là... Je reste debout stoïque, et attentif à la moindre manifestation céleste. Ma femme me rejoint. Quelques secondes après, le voilà qui arrive, la cerise sur le gâteau de la soirée : un superbe flash iridium, de magnitude -5, immanquable...
Ce soir, je suis avec ma femme en train d'observer le ciel, j'ai vu un flash Iridium avec elle à mes côtés, je suis le plus heureux des hommes.
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