A propos des Quarks
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A propos des Quarks



  1. #1
    curiossss

    A propos des Quarks


    ------

    Bonjour,

    Je trouve facilement de la littérature sur les quarks, mais je n'arrive pas à trouver les textes décrivant leur découverte expérimentale.

    Pour déterminer que le proton ou le neutron sont composés de trois quarks, et pas un autre nombre, quelles expériences ont été menées ? On sait qu'on ne peut pas les séparer, donc il y a bien eu des tentatives, mais je ne trouve rien sur ce sujet.

    Après, même questions pour toutes leurs propriétés : spins, saveurs, couleurs, etc...

    Bref, je voudrais séparer ce qui dans la théorie a été confirmé expérimentalement, de ce qui n'est encore que théorique pour équilibrer les équations.
    Quelqu'un pourrait m'indiquer de la lecture sur tout ça ? Merci.

    -----
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux ?!

  2. #2
    Deedee81

    Re : A propos des Quarks

    Salut,

    C'est une histoire assez longue. Les expériences c'est avec les grands accélérateurs. Je ne connais pas tous les détails.
    Quelques éléments ici :
    https://home.cern/fr/news/news/physi...y-years-quarks
    et
    ici :
    https://en.wikipedia.org/wiki/Quark#History

    (dans wikipedia, dis, t'as vraiment cherché ???)

    A ma connaissance, il n'y a plus de mystères à vérifier au moins de ce coté là (*). Un des derniers trucs vérifiés est l'existence des boules de quarks et gluons.
    (voir par exemple https://home.web.cern.ch/fr/science/...k-gluon-plasma )

    (*) sauf peut-être pour les désintégrations du méson B, mais on ne connait pas encore l'origine des anomalies constatées, ça n'a peut-être rien à voir avec les quarks
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    ThM55

    Re : A propos des Quarks

    A l'origine il y a la symétrie unitaire des particules, découverte par Murray Gell-Mann et Yuval Neeman (et assi un précurseur moins connu qui malheureusement pour lui n'a pas publié à temps). Cela leur a permis de classifier ces particules, et un peu à l'instar de Mendeleïev, de prédire l'existence de particules pour compléter le tableau.

    Il y a aussi par la suite les collisions de hadrons à haute énergie, dont les sections efficaces présentent des caractéristiques particulières compatibles avec une structure en quarks. Mais c'est difficile à vulgariser.

    Mais concernant la charge des quarks, une des données expérimentales que j'affectionne particulièrement, et qui est facile à comprendre, est celle décrite sur cette page Wikipedia: https://en.wikipedia.org/wiki/R_(cross_section_ratio) . C'était le "hit" expérimental quand j'étais aux études dans les années autour de 1980, et que le LEP du CERN était en opération. On suivait la construction de cette courbe , pour voir si on n'allait pas découvrir un nouveau quark lourd.

    De quoi s'agit-il?

    On fait des collisions à haute énergie d'électrons et de positrons (qui sont les anti-électrons). Cela peut bêtement produire deux photons. Mais ce qui est intéressant c'est que l'on peut produire aussi d'autres paires de particules et de leur antiparticule, comme une paire muon-antimuon, mais aussi des hadrons. La théorie (les diagrammes de Feynman en arbre à deux sommets) montre que l'amplitude est proportionnelle à la charge à chaque sommet (donc la section efficace, qui est une probabilité, à son carré). Si on fait l'hypothèse que à l'intérieur de la région où la collision a lieu, la paire électron-positron produit une paire quark-antiquark (qu'on n'observe pas directement mais qui participe ensuite à la formation des hadrons), chaque espèce de quarks contribue à un terme à sommer pour obtenir la section efficace. L'astuce est de calculer le rapport de branchement entre les produits totaux et les sections pour les paires muons-antimuons. Cela simplifie les facteurs communs (comme la charge élémentaire), et le résultat ne doit dépendre en première approximation que du nombre d'espèces de quarks et de leurs charges respectives (qui sont 2/3, -1/3 etc, et qui existent en trois "couleurs"). Cela donne la formule de la page wiki, en gros la somme des carrés de la charge de chaque espèce de quarks; chaque fois qu'une espèce de quark plus lourde, donc avec une énergie de seuil plus élevée, est produit, le rapport augmente puis reste plus ou moins constant. Il y a aussi une contribution du lepton tau, qui donne un seuil un peu au dessus de 4 GeV.

    Le document suivant est donné par le "particle data group": https://pdg.lbl.gov/2022/web/viewer....sigma_R_ee.pdf

    Le second graphique montre la valeur de R en fonction de l'énergie de la collision (les échelles sont logarithmiques).

    On voit toutes sortes de chose dans ce diagramme: des pics, qui correspondent à des productions de diverses particules, entre autre le Z. Mais la formule simplifiée montrée dans la page Wikipedia est tout de même bien retrouvée par l'expérience.

  4. #4
    ThM55

    Re : A propos des Quarks

    J'ai fait référence au "particle data group", lien: https://pdg.lbl.gov/

    Cet organisme publie et met à jour l'ensemble des données expérimentales connues en physique des particules. C'est destiné aux physiciens. Pour interpréter ces données il faut un sérieux bagage théorique. Il est toutefois possible, si on lit l'anglais, de se faire une petite idée de ce qui se fait en physique des particules. Pour le modèle des quarks, il y a cet article de revue: https://pdg.lbl.gov/2022/reviews/rpp...uark-model.pdf .

    Je sais bien que c'est difficile à lire, cela demande une connaissance et une pratique de la théorie des champs et de la théorie des groupes appliquée aux particules. Si ce n'est pas le cas, n'essayez pas de l'étudier. Mon but en montrant cela n'est pas de vous fournir une réponse détaillée mais simplement de vous donner une idée de l'ampleur des données expérimentales qui sont compilées et confrontées à la théorie (par exemple la figure 15.4, page 16, qui compare les prédictions théoriques du modèle des quarks et les mesures expérimentales pour le spectre des nucléons). Il y en a vraiment une énorme quantité et c'est très complexe.
    Dernière modification par ThM55 ; 11/09/2022 à 15h17.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Deedee81

    Re : A propos des Quarks

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    il y a cet article de revue:
    Excellent, merci.

    Pour le méson B :
    https://www.science-et-vie.com/artic...re-etrangement
    (bon, critiquez pas, c'est S&V, mais l'article est très bien)

    Affaire à suivre (avec quelques autres anomalies bien connues : moment magnétique anomal du muon, taille du proton, durée de vie du neutron). Mais ce n'est pas un soucis liés aux quarks eux-mêmes.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  7. #6
    pepinc

    Re : A propos des Quarks

    Bonsoir,
    Dans le registre vulgarisation, Matt Strassler à une série en cours sur ce thème :
    https://profmattstrassler.com/2022/0...ectric-charges

  8. #7
    mtheory

    Re : A propos des Quarks

    Citation Envoyé par curiossss Voir le message
    Bonjour,

    Je trouve facilement de la littérature sur les quarks, mais je n'arrive pas à trouver les textes décrivant leur découverte expérimentale.

    Pour déterminer que le proton ou le neutron sont composés de trois quarks, et pas un autre nombre, quelles expériences ont été menées ? On sait qu'on ne peut pas les séparer, donc il y a bien eu des tentatives, mais je ne trouve rien sur ce sujet.

    Après, même questions pour toutes leurs propriétés : spins, saveurs, couleurs, etc...

    Bref, je voudrais séparer ce qui dans la théorie a été confirmé expérimentalement, de ce qui n'est encore que théorique pour équilibrer les équations.
    Quelqu'un pourrait m'indiquer de la lecture sur tout ça ? Merci.
    De bonnes "introductions" https://www.nobelprize.org/prizes/physics/1990/summary/ avec les explications des découvreurs

    https://www.nobelprize.org/uploads/2...or-lecture.pdf

    https://www.nobelprize.org/uploads/2...an-lecture.pdf

    https://www.nobelprize.org/uploads/2...-lecture-1.pdf
    Dernière modification par mtheory ; 11/09/2022 à 20h48.
    “I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman

  9. #8
    mtheory

    “I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman

  10. #9
    curiossss

    Re : A propos des Quarks

    Merci à tous, c'est exactement ce que je cherchais !
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux ?!

  11. #10
    curiossss

    Re : A propos des Quarks

    Bonjour,

    Si je comprends bien les quarks n'ont pas été 'découverts' à partir d'expériences de collisions entre particules élémentaires. Je m'attendais à ce qu'on ait déduit l'existence des 3 quarks à partir de déviations de trajectoires, qui auraient permis de déduire qu'un proton par exemple est constitué de 2 sortes de constituants, au nombre total de 3, constituants qu'on aurait nommés quarks par la suite.

    Finalement c'est un modèle proposé par Murray Gell-Mann et aussi par George Zweig, pour organiser les mésons suivant un octet qui les classait suivant leur étrangeté et charge électronique.

    https://en.wikipedia.org/wiki/Eightfold_way_(physics)

    Mais je n'ai pas trouvé les articles sur les expériences mettant en évidence les 3 quarks, ni de celles ayant tenté de les séparer... En particulier celles montrant que si on essaye de séparer deux quarks on crée des quarks supplémentaires (à partir de l'énergie apportée), si mes souvenirs sont bons...

    (Si je m'intéresse autant à tout ça, donnant l'impression de vouloir couper les cheveux en quatre, c'est que j'essaye de concilier les faits expérimentaux, et la QCD, avec une autre lecture qui donne 1 seule prédiction mais incroyablement précise, sans numérologie je précise, mais qui n'explique rien du tout (c'est un modèle bien moins fertile comparé à la QCD c'est sûr !), et qui n'a rien à voir avec la QCD. Et c'est exactement ce grand écart qui aiguise ma curiosité. Il doit y avoir forcément un lien entre les deux. Donc ça devient intéressant.

    Mais bon, je vous épargne cette quête personnelle, mes questions ici restent pertinentes quand même j'espère...)
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux ?!

  12. #11
    Deedee81

    Re : A propos des Quarks

    Salut,

    Citation Envoyé par curiossss Voir le message
    Si je comprends bien les quarks n'ont pas été 'découverts' à partir d'expériences de collisions entre particules élémentaires. Je m'attendais à ce qu'on ait déduit l'existence des 3 quarks à partir de déviations de trajectoires, qui auraient permis de déduire qu'un proton par exemple est constitué de 2 sortes de constituants, au nombre total de 3, constituants qu'on aurait nommés quarks par la suite.
    En effet, ce n'est pas venu comme ça. C'est venu du fait que l'on constatait dans les interactions entre hadrons des symétries particulières difficiles à expliquer. C'est à partir de ça qu'ils ont proposé leur modèle qui d'ailleurs au premier abord fut vu comme une construction quelque peu artificielle mais pas réaliste, mais ça a très vite évolué (ça collait trop bien aux données pour être une élucubration )

    Citation Envoyé par curiossss Voir le message
    Mais je n'ai pas trouvé les articles sur les expériences mettant en évidence les 3 quarks, ni de celles ayant tenté de les séparer... En particulier celles montrant que si on essaye de séparer deux quarks on crée des quarks supplémentaires (à partir de l'énergie apportée), si mes souvenirs sont bons...
    Je ne suis pas du tout spécialiste des données expérimentales (en plus dans ce domaine, c'est franchement imbuvable les données, c'est des milliards de chiffres). Tout ce que je peux dire c'est que c'est essentiellement des expériences de collisions de particules à très haute énergie. Un proton (par exemple) étant constitué de quarks, lors d'une collision entre protons les interactions se font en réalité entre quarks. A basse énergie ça n'a pas d'importance, le proton voit l'autre proton "de loin" et voit ça comme un tout (tout comme la Lune ne fait pas la distinction entre l'attraction par les roches africaines ou américaines, elle est attirée par la terre, c'est tout, alors qu'un satellite en orbite basse va avoir une trajectoire irrégulière à cause de la forme légèrement déformée et hétérogène de la terre).

    Et donc à très haute énergie le fait que ce soient deux quarks qui interagisent (et pas le proton global) a des conséquences mesurables. On le calcule avec les diagrammes de Feynman.
    Un exemple très simple : le diagramme sous "strong force" ici : http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu...es/funfor.html

    Et c'est en voyant les résultats (essentiellement des sections efficaces pour différents processus avec création ou pas de particules) qu'on peut dire "il y a bien un quark avec telle ou telle propriété".

    Donc les expériences que tu recherches sont typiquement les collisions proton-(anti)proton à très haute énergie.

    Un exemple plus récent : en envoyant des ions lourds très violemment les uns contre les autres (j'avais donné un lien au débit), comme au Brookheaven (au LHC aussi d'ailleurs, ils n'envoient pas que des protons), il avait été calculé que cela donnera une boule de quarks et gluons se traduisant en particulier par une forte émission de particules J/Psi, ce qui a bien été observé.

    A noter que les calculs avec les diagrammes sont presque aussi imbuvables que les résultats expérimentaux (typiquement on va calculer quelques centaines de diagrammes chacun étant une intégrale affreuse.
    Dernière modification par Deedee81 ; 16/09/2022 à 08h15.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  13. #12
    Quarkonium

    Re : A propos des Quarks

    Je ne sais pas si cela va t'aider, mais je peux reposter une réponse que j'avais écrite il y a un moment pour clarifier le raisonnement historique qui nous a mené à découvrir la QCD et considérer les quarks et gluons comme étant des particules réelles:

    - Années 50-60 : l'avènement des accélérateurs et l'invention des détecteurs de particules de type chambres à bulles / chambres à étincelles mène à la découverte d'un "zoo" de particules lourdes instables aux propriétés proches des protons et neutrons (plus tard appelés hadrons). Difficile de penser qu'un si grand nombre de particules soient toutes des briques élémentaires de la matière alors qu'auparavant nous n'en connaissions qu'une poignée. Suivant ce raisonnement, Gell-Man et Ne'eman les classent suivant leur masse et trois nombres quantiques (charge électrique, isospin et étrangeté, cette dernière ayant été théorisée pour expliquer la relative stabilité des kaons). C'est le fameux "eightfold way".

    - 1963 : Gell-Mann et Zweig proposent indépendamment l'idée que tous les hadrons sont composés de trois "saveurs" de particules appelées quarks (saveurs "up", "down" et "strange"), qui portent une charge électrique fractionnaire. Un grand succès expérimental du eighfold way (et donc du modèle des quarks) fut la prédiction de l'existence, la masse et les produits de désintégration de la particule , observée en 1964. En plus de cela, un certain Struminsky, alors étudiant de Bogoliubov, fut le premier à suggérer dans une note de bas de page que l'existence du [TEX]\Omega^-[\TEX], composé de trois quarks "strange" (même saveur donc), de spin parallèles et sans moment angulaire orbital, devait violer le principe d'exclusion de Pauli. En effet ces fermions cohabitent dans des états dont tous les nombres quantiques sont identiques, à moins qu'on ajoute à la description de leur état un nouveau nombre quantique.

    - 1965 : Greenberg d'un côté, Han et Nambu de l'autre émettent la théorie qu'un nouveau nombre quantique pouvant prendre trois valeurs est nécessaire pour expliquer l'existence du et de particules similaires. Cette nouvelle charge est appelée couleur, les trois valeurs qu'elle prend sont ainsi nommée vert, bleu et rouge. Ainsi un contenant un quark de chaque couleur ne viole plus le principe de Pauli. Han et Nambu suggèrent aussi que les quarks peuvent interagir via l'échange de bosons de jauge, appelés gluons, de façon similaire à l'échange de photons entre particules électriquement chargées en électrodynamique quantique (QED).

    Cependant comme évoqué par Deedee, le modèle des quarks à ce stade n'est vu que comme un artefact mathématique pratique n'ayant pas forcément de réalité physique. En effet, aucune particule ayant les caractéristiques d'un quark ou d'un gluon n'a jamais été détectée dans les accélérateurs. De plus, ni les hadrons ni les autres particules connues ne semblent posséder eux-mêmes une charge de couleur globale, qui se trahirait par une nouvelle interaction longue distance semblable à l'électromagnétisme par exemple. La seule façon de considérer les quarks et gluons comme étant des particules réelles est alors d'invoquer un mystérieux mécanisme qui les confine à l'intérieur des hadrons.

    - 1967 : l'accélérateur linéaire de Stanford commence à mesurer la section efficace de diffusions fortement inélastiques (DIS en anglais) dans lesquelles un électron entre en collision avec un proton. L'électron est dévié et le proton se désintègre en une multitude de particules, notamment d'autres hadrons. Autrement dit, on "sonde" le proton à l'aide d'un électron de haute impulsion (et donc de haute énergie). L'électron interagit seulement via l'interaction électromagnétique avec les constituants du proton, ce qui nous permet d'utiliser la QED et de "récupérer" l'électron dévié dans le détecteur (ce dernier n'étant pas décomposé en une myriade de hadrons comme c'est le cas du proton).
    La section efficace du processus DIS est ainsi exprimée comme le produit de la section efficace d'interaction électromagnétique entre l'électron et un parton (calculable en QED), et une fonction de structure du proton qui est simplement la probabilité de tomber sur un parton d'impulsion . On peut ainsi mesurer cette fonction de structure du proton pour en apprendre plus sur son contenu. Et plus l'énergie de collision est élevée, plus on sonde des échelles petites à l'intérieur du proton. Augmenter l'énergie de collision revient ainsi à "zoomer" sur la structure interne du proton, on peut donc choisir avec quelle résolution sonder les détails dans notre proton.
    De fortes déviations de la trajectoire de l'électron détecté sont constatées, ce qui suggère que ce dernier interagit avec un objet ponctuel, dans un raisonnement similaire à l'expérience de Rutherford (où ce dernier explique la forte déviation de certaines particules par leur interaction avec une charge électrique positive beaucoup plus petite que l'atome bombardé : son noyau).
    Feynman propose le modèle des partons, particules ponctuelles de masse nulle ou très faible devant celle du proton, qui portent chacune une fraction de son impulsion totale. Une propriété intéressante de ce modèle est appelée "Bjorken scaling", découverte par Bjorken en 1968. Si les partons sont vraiment ponctuels, alors la fonction de structure du proton observée dans les collisions DIS ne doit pas varier avec l'énergie/résolution utilisée (un point reste un point, peut importe à quel point on zoome dessus). Cette propriété est dans un premier temps confirmée expérimentalement, ce qui donne une légitimité physique à l'existence de particules composant le proton (et par extension les autres hadrons). À ce stade, la communauté scientifique commence à accepter l'idée que les partons peuvent correspondre aux fameux quarks, dont l'existence physique est alors plus ou moins acceptée (http://www.scholarpedia.org/article/Bjorken_scaling on trouve aussi quelques explications sur DIS et le diagramme d'interaction électron-proton).

    Cependant, avec l'accumulation de données expérimentales, l'image se complique. En continuant à mesurer DIS à des énergies de collision encore plus grandes, on observe un violation du Bjorken scaling. Il faut ajouter une mer de paires quarks-antiquarks et de gluons dans la structure interne pour coller aux observations, donc tout un tas de particules portant des charges de couleur à l'intérieur d'un hadron qui, rappelons-le, en est lui-même dépourvu. On s'éloigne de l'image du proton simplement composé de trois quarks, ces derniers n'étant alors qu'une "structure de base" valable aux basses énergies. À cette dernière s'ajoute une mer d'autres partons apparaissant et disparaissant au gré des interactions internes, avec laquelle un électron suffisamment énergétique peut interagir. De plus, l'évidence expérimentale que les quarks/gluons sont confinés à l'intérieur des hadrons semblait contradictoire à l'observation qu'un électron de haute énergie pouvait interagir avec un seul parton, comme si ce dernier se propageait librement sans influence extérieure.

    - 1973 : Gell-Mann, Fritzsch et Leutwyler développent la QCD, une théorie quantique de champs analogue à la QED, où les particules portant une charge de couleur interagissent via l'échange de gluons, décrivant ainsi l'interaction forte. Cette théorie permet de calculer des sections efficaces pour des réactions impliquant des hadrons à l'aide d'outils mathématiques connus. Sa particularité est que, contrairement au cadre de la QED où le photon échangé entre particules électriquement chargées ne porte pas lui-même de charge électrique, les gluons portent quant à eux une charge de couleur et peuvent interagir directement entre eux.
    La même année, Gross et Wilczek d'un côté, Politzer de l'autre découvrent que la constante de couplage (càd la "force" de l'interaction entre particules) dans ce type de théorie tend vers 0 aux hautes énergies de collisions, donc aux petites échelles. Ce phénomène est appelé liberté asymptotique et explique pourquoi les quarks et gluons, manifestement confinés à l'intérieur des hadrons, semblent se comporter comme des particules individuelles libres dans les collisions à haute énergie (https://en.wikipedia.org/wiki/Asymptotic_freedom).
    Cette variation de la constante de couplage avec l'énergie / échelle considérée peut être intuitivement comprise par les effets d'écrantage / anti-écrantage des charges de couleur environnantes (cf. le lien précédent). De plus, de même que la constante de couplage s'évanouit aux hautes énergies / petites échelles, elle semble diverger vers une valeur infinie aux basses énergies / grandes échelles. Cela constitue un indice vers l'explication du confinement des partons à l'intérieur des hadrons : la force de couplage entre deux partons est alors tellement grande que l'énergie nécessaire pour les séparer est suffisante pour être convertie en une paire supplémentaire de partons qui peuvent eux-mêmes former d'autres hadrons. Ainsi un proton brisé dans une collision de grande énergie verra ses partons se recombiner en une myriade d'autre hadrons plutôt que de se propager librement. Bien que la découverte de la propriété de liberté asymptotique de QCD ait été récompensée d'un prix Nobel en 2004, il n'existe toujours pas de preuve mathématique rigoureuse du phénomène de confinement. Le nombre d'interactions entre partons augmente exponentiellement à basse énergie, ce qui rend rapidement les calculs d'une complexité insurmontable.

    - 1974 : la particule est découverte simultanément en Novembre par deux équipes expérimentales indépendantes, démarrant la "révolution de Novembre". Cette particule est composée d'une paire quark-antiquark lourds de saveur "charm" (de l'ordre de mille fois plus lourd que trois saveurs originellement connues), prédite par la théorie depuis une dizaine d'années pour expliquer certains mécanismes physiques liés à l'interaction faible. De nombreuses particules massives sont à nouveau découvertes, comprenant dans leur composition un ou plusieurs quarks "charm" ou "bottom" (cette saveur est découverte dans les particules en 1977). À ce stade, l'existence des quarks est nécessaire à l'explication du florilège de hadrons découverts dans les accélérateurs, mais également dans d'autres branches de la physique des particules, ce qui leur donne une véritable légitimité. Il faudra attendre 1994 pour pouvoir observer la dernière saveur attendue de quark, le "top", lui-même environ 50 fois plus lourd que le "charm".

    - 1979 : pour compléter le tableau, la preuve expérimentale de l'existence des gluons est fournie par l'observation de la désintégration de particules en trois gluons, ainsi que par l'observation d'événements de type "three-jet" prédits par la QCD, où une paire quark-antiquark rayonne un gluon, de façon analogue à l'effet de Bremsstrahlung (ou rayonnement de freinage). En plus de cela, de nombreuses autres observations dans les accélérateurs viennent confirmer les propriétés physiques attendues pour les quarks (masse, charge électrique et autre nombres quantiques). De nos jours, en plus des baryons (3 quarks) et mésons (quark-antiquark), de nombreux hadrons plus exotiques ont été théorisés et observés tels que les tétraquarks, pentaquarks et boules de glu.

    Aujourd'hui encore, énormément de questions restent sans réponse sur la structure interne des hadrons et le comportement de la QCD à basse énergie. Cette complexité et la richesse des observations expérimentales qui en découle peuvent être vues comme les conséquences du simple fait que le boson vecteur de l'interaction forte, le gluon, porte lui-même une charge de couleur.

    Le but de ce pavé est de te donner une idée de comment les différentes pièces du puzzle ont été assemblées alors que les cibles de cette chasse aux particules fondamentales étaient elles-mêmes indétectables. Il n'y a pas eu une expérience déterminante comme c'est parfois le cas mais tout un tas, certaines semblant contredire les autres (ce qui est toujours vrai aujourd'hui), jusqu'à ce que la théorie fasse consensus. Malgré cela, la capacité de QCD à prédire les sections efficaces d'un si grand nombre de réactions et sa relative simplicité théorique (en tout cas dans les principes fondamentaux) la rendent a priori irremplaçable par une autre théorie. Je serai donc curieux de savoir à quelle "lecture" tu fais allusion ?

    Et si tu veux creuser les points évoqués ici, tu trouveras beaucoup plus de détails dans les liens fournis par les autres participants.

  14. #13
    curiossss

    Re : A propos des Quarks

    Merci beaucoup pour toutes ces précisions, c'est exactement ce que je voulais savoir.
    Comme pour tout le reste de la physique j'aime comprendre toutes les étapes ayant abouti à telle ou telle théorie. C'est important, sinon j'ai l'impression de réciter le livre de formules magiques d'Harry Potter, ça marche mais je ne sais pas pourquoi.

    Avec tout ça j'ai beaucoup à lire, relire et ruminer. Merci.

    Citation Envoyé par Quarkonium Voir le message
    Je serai donc curieux de savoir à quelle "lecture" tu fais allusion ?
    Je t'enverrai en privé ma lecture en question puisque sur ce forum je me ferais scalper ^^.

    Sur ce lien http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu...es/funfor.html j'ai trouvé cette image concernant l'interaction Forte.
    On y voit une liaison proton-neutron représentée comme une interaction entre un quark u du proton avec un quark d du neutron.
    Je me suis dis alors oui c'est vrai on n'a aucun élément dont le noyau soit composé uniquement de protons, ou uniquement de neutrons. On dirait que les neutrons servent de 'colle' pour réunir plusieurs protons au sein d'un même noyau. Ce qui devrait forcer une certaine disposition spatiale entre protons et neutrons au sein des noyaux (pas forcément fixe comme la disposition des atomes dans un cristal) ?
    Images attachées Images attachées  
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux ?!

  15. #14
    Quarkonium

    Re : A propos des Quarks

    Je ne suis pas expert en nucléaire, mais en effet les neutrons permettent l'existence de noyaux atomiques composites en les stabilisant. Tu as vu juste, la présence de neutrons renforce l'interaction nucléaire forte (attractive dans ce cadre) par rapport à la répulsion électromagnétique entre protons chargés positivement. Si tu regardes la fameuse "vallée de stabilité" qui montre les noyaux stables et instables en fonction du nombre de protons et neutrons qu'ils contiennent, tu verras que les isotopes stables des noyaux lourds ont un ratio neutrons/protons plus élevé que les noyaux légers.

    Décrire de façon précise la structure des noyaux ainsi que les observations expérimentales sur leurs propriétés est tout aussi complexe que de décrire la structure interne des protons eux-mêmes. Cela reste un domaine de recherche très actif dans lequel beaucoup de mes anciens collègues travaillent. Les modèles utilisés pour couvrir toute la vallée de stabilité sont très complexes et la prédiction d'observables nécessite généralement l'aide de supercalculateurs.
    Ce que je peux te dire en gros : les noyaux, à l'instar des nuages électroniques des atomes, sont des systèmes quantiques où l'on place les protons et neutrons sur des orbitales avec des nombres quantiques. On remplit les couches et tout et tout. Les orbitales elles-même ont des formes précises, et comme tu l'as intuité, la forme du noyau est ainsi variable selon l'élément considéré et son éventuel état d'excitation. Pour vraiment décrire avec précision la structure fine des orbitales nucléaires, il y a de nombreux effets d'interactions quantiques (et relativistes pour les noyaux suffisamment lourds) entre particules à prendre en compte.

    Pour être vraiment complet :
    - deux protons ne peuvent déjà pas former un état lié (et donc un noyau), ajouter encore plus de protons n'aide pas (https://periodictableofelements.fand.../wiki/Diproton)
    - il semblerait que tandis que 2 ou 3 neutrons ne forment pas un état lié, 4 neutrons le peuvent théoriquement mais l'existence du tétraneutron n'est pas confirmée (https://en.wikipedia.org/wiki/Neutronium). De la matière neutronique pure est supposée exister au cœur des étoiles à neutrons grâce à la formidable pression qui peut y régner.

  16. #15
    Deedee81

    Re : A propos des Quarks

    Salut,

    Quelques infos (le peu que j'en sais, et ce n'est pas précisé dans l'article du diproton).

    L'interaction nucléaire est assez sensible à l'orientation du spin. Ainsi l'attraction entre deux nucléons est plus forte si leurs spins sont parallèles de même orientation.
    (je sais plus trop pourquoi c'est lié à l'interaction forte et à l'isospin)
    pour un proton et un neutron, pas de soucis pour avoir cet état.

    Mais pour deux protons et deux neutrons, là il y a un problème car ce sont des fermions, ils ne peuvent pas être dans le même état quantique. Donc soit un des nucléons est dans un état excité, soit l'attraction est nettement plus faible. Rajoutons à cela la répulsion électrostatique (les deux protons) et l'instabilité du neutron et => c'est tout juste "pas assez" et c'est fortement instable.

    pour le tritium c'est moins problématique puisque le pn est stable (deutérium) et le neutron supplémentaire (forcément dans un état excité) est attiré par deux nucléons. Malgré cela c'est un peu juste pour la stabilité de ce neutron et il se désintègre pour donner ppn, l'hélium 3. Stable (même raison sauf que le proton en plus, lui, est stable).

    Enfin, pour quatre neutrons je dois dire que je trouvais ça étrange. Vu les états fortement excités nécessaires et la tendance à former par désintégration bêtat de l'hélium 4. Mais ici https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9traneutron
    ils disent bien "elle contredirait les modèles actuels décrivant les interactions entre nucléons". Mais j'imagine que comme noyau de durée de vie extrêmement courte... qui sait... l'interaction nucléaire est une sale bête, extrêmement complexe. Les modèles de noyau sont devenus extrêmement complexes (l'atome de Bohr c'est pour les bébés à coté ). L'article dans l'encyclopedia universalis est fort complet sur les modèles de noyau. Mais des surprises ne sont pas exclues. Tout comme les tétraquarks et pentaquarks maintenant confirmés et c'est récent (LHC) !

    A noter qu'une étoile à neutrons est en effet "soudée" par la gravité (et la pression qui en résulte) mais reste extrêmement complexe : sa "croute" contient pas mal de protons et électrons et le noyau mal connu (encore cette sale bête) : neutrons, quarks cristallisés, noyaux avec quarks étranges, .... c'est en cours de vérification (grâce aux fusions d'étoiles à neutrons et l'étude des ondes gravitationnelles).
    Dernière modification par Deedee81 ; 18/09/2022 à 13h57.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  17. #16
    curiossss

    Re : A propos des Quarks

    Citation Envoyé par Deedee81 Voir le message
    Mais pour deux protons et deux neutrons, là il y a un problème car ce sont des fermions, ils ne peuvent pas être dans le même état quantique. Donc soit un des nucléons est dans un état excité, soit l'attraction est nettement plus faible. Rajoutons à cela la répulsion électrostatique (les deux protons) et l'instabilité du neutron et => c'est tout juste "pas assez" et c'est fortement instable.
    Là tu parles de l'Hélium, pas du Deutérium. Coquille ou volontaire ? ^^
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux ?!

  18. #17
    mach3
    Modérateur

    Re : A propos des Quarks

    Pour être moins ambigüe il aurait fallu écrire "Mais pour deux protons ou deux neutrons".

    m@ch3
    Never feed the troll after midnight!

  19. #18
    Deedee81

    Re : A propos des Quarks

    Salut,

    Je confirme. Maladresse dans la conjonction de coordination
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

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