Bonjour,
Depuis le mois de juin, Oppy demeure noyé dans une tempête de poussière de dimension planétaire à l'ouest du cratère Endeavour.
Le 29 mai 2018 une modeste tempête de poussière naissait dans l'hémisphère nord martien. Puis, grossissant de jour en jour, elle devenait rapidement un évènement de taille régionnal pour, finalement, au bout de trois semaines, se transformer en tempête planétaire, voilant la globalité du disque martien sous une épaisse couverture d'aérosols poussièreux. L'acronyme employé à la NASA pour cette situation critique est PEDE (sans rapport avec le vilain terme homophobe, précision pouvant peut-être limiter de possibles dérives, insanités ou plaisanteries déplacées) signifiant Planet-Encircling Dust Event.
En moins d'une semaine, la tempête avait franchi l'équateur pour s'étendre dans l'hémisphère sud où elle s'agglutinait avec d'autres tempêtes.
L'équipe de Oppy mit le rover en mode de faible puissance. Le robot répondait encore normalement, mais les données transmises vers la Terre le dimanche 10 Juin s'avéraient déjà alarmantes. Le voile de poussière était six fois plus opaque que celui que le rover avait subit lors de la dernière grosse tempête, en 2007. De même, le niveau de puissance d'Oppy était si bas qu'au JPL on considérait la situation comme très sérieuse.
En toute logique, le rover allait bientôt éteindre tous ses appareils sauf son horloge principale (qui doit normalement rester active pour les opérations de réveil et synchroniser les transmissions avec les sondes orbitales). L'annonce en fût fait le 13 juin. A partir de ce moment, il n'y eut plus aucune communication avec Oppy. Il est possible qu'il n'y en ait plus pendant encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
La tempête est d'une telle intensité qu'elle plonge toute la région du cratère Endeavour dans une obscurité totale et continuelle. Aucun photon ne tombe désormais sur les panneaux solaires d'Oppy et ses batteries ne peuvent être rechargées.
Voici un Gif simulant l'évolution de l'état du ciel au-dessus d'Opportunity, en milieu d'après-midi. Réalisé par Sclabers et proposé sur UMSF. Le soleil est représenté à 45° au dessus de l'horizon :
http://www.unmannedspaceflight.com/i...=post&id=43173
Cette série d'images montre des Tau (mesures d'opacités atmosphériques) allant de 1 (ciel clair) à 11 (obscurité totale).
Pourtant, tout ne paraît pas si désespéré.
Actuellement, c'est le printemps dans l'hémisphère sud de Mars. De ce fait, les T° restent relativement clémentes et ne devraient pas baisser jusqu'à pouvoir détériorer par congélation les appareillages à l'intérieur du rover. Certes, la poussière générée par la tempête empêche la lumière solaire d'élever les T° diurnes en la captant avant qu'elle n'atteigne le sol. Ces journées printanières sont donc plus froides que par temps clair. Par contre la nuit, la poussière atmosphérique rayonne en infrarouge et relargue ainsi une partie de la chaleur accumulée le jour. En conséquence, les T° nocturnes ne diminuent guère et sont même souvent supérieures à celles enregistrées les nuits en conditions "normales".
Opportunity avait déjà dû affronter une impressionnante tempête martienne en 2007 mais la NASA n'hésite pas a qualifier cette nouvelle "épreuve" comme nettement plus dangereuse.
Le 20 Juin, la NASA déclarait que la tempête était globale, recouvrant la quasi totalité de Mars. Ainsi, sa surface devenait invisible, que ce soit pour les télescopes terrestres ou pour les sondes orbitant autour de la planète rouge.
A l'opposé de la localisation d'Oppy, de l'autre côté de la planète, Curiosity bien que plongé lui aussi dans la tempête de poussière ne connait pas de difficultés particulières car contrairement au petit rover MER avec ses panneaux solaires, ses batteries sont alimentées par un générateur isotopique (nucléaire). Et puisque le rover reste parfaitement opérationnel, il est le seul moyen d'observation au coeur du maelström et de ses effets au niveau de la surface.
Ces tempêtes martiennes sont naturellement aussi étudiées à partir des orbiteurs mais l'effet des poussières dans les basses couches atmosphériques leur est inaccessible.
Les projections des modèles thermiques suggèrent qu'Opportunity devrait être capable de survivre en mode d'hibernation et de recharger ses batteries lorsque que le ciel se sera éclairci et que le soleil brillera de nouveau. Il faudra simplement faire preuve de patience.
Si la couverture de poussière est relativement homogène pour couvrir la majeure partie de la planète, on a compris qu'en fait plusieurs tempêtes régionales fusionnaient et que divers secteurs voyaient la poussière s'élevée successivement dans l'atmosphère pour alimenter le phénomène à l'échelle globale. Au gré des déplacements de ces tempêtes "secondaires", les sources de poussières se meuvent et fluctuent, mais, de façon générale, on ne constate pas pour l'instant de ralentissement dans ce mécanisme.
Les scientifiques ont observé les grandes tempêtes martiennes depuis plus d'un siècle, d'abord à l'aide des télescopes terrestres puis au cours des dernières décennies avec les sondes orbitales envoyées autour de Mars. Elles sont les plus grands événements météorologiques visibles sur Mars et leur étude trouve là une occasion extraordinaire par son ampleur et par le fait que nous disposions d'un engin (Curiosity) en état de fonctionnement à la surface.
Part One.
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