Heuristique d'accessibilité ?
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Heuristique d'accessibilité ?



  1. #1
    inviteb753ced1

    Heuristique d'accessibilité ?


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    Chalut,

    Je cherche à avoir plus de détails sur la notion "d'Heuristique d'accessibilité". J'en avais entendu parler à l'émission Arrêt sur Images (avec le chroniqueur Sebastien Bohler). De ce que j'ai compris : l'heuristique d'accessibilité décrit notre faculté à mieux "percevoir" un phénomène (un danger, par exemple) quand on connait "dans le détail" ce phénomène

    Bon, je vais prendre un exemple avec la notion de risque potentiel. Quand on demande à des personnes d'évaluer la probabilité qu'ils reçoivent une météorite sur la tête, et bien ceux-ci vont répondre : "une probabilité très très faible, comparé à d'autres risques". Mais si, à ces mêmes personnes, on parle des centaines de satellites qui tournent au-dessus de nos têtes, des milliers de micro-astéroïdes et de tous les débris qui entrent quotidiennement dans l'atmosphère, ces mêmes personnes revoient à la hausse la probabilité de recevoir un astéroïde sur la tête.

    La seule définition en français que j'ai trouvée via google, donne ceci :"Saillance de la structure cognitive au sujet de l'objet assimilé dans le répertoire cognitive de l'apprenant dans un processus d'apprentissage"...

    Ne vous formalisez pas trop sur mon exemple d'asteroïde, je vous demande simplement au besoin : de me corriger le tir si j'ai dit des bêtises sur le fond, et surtout de me donner plus de détail sur cette notion assez abscon (absconne ? )

    Thanks

    A+

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  2. #2
    invite6c250b59

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Tout ça semble sortir des théories cognitivistes hards... j'ai tendance à être d'accord à priori sur l'absconne, mais je connais pas trop. Je vais voir si je peux trouver quelqu'un qui s'y connaitrait plus...

  3. #3
    invite2ca586bb

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Cela ressemble en tous cas à ce qu'on appelle l'heuristique de disponibilité (sachant qu'"accessibilité" peut tres bien constituer une autre traduction). Globalement, la tendance à juger des évènements comme d'autant plus probables qu'ils sont disponibles en mémoire.
    Cela repose sur le principe de l'economie cognitive de Hansen (1980) : Une heuristique est une stratégie "courte", une sorte de schéma préécrit d'attribution de causes aux évènements. Selon le principe de Hansen, ces stratégies se mettent automatiquement "en route" lorsque se présente un évènement commun, courant. On ne fait appel à des procédures plus longues de recherche des causes que lorsque l'évènement est incongru, qu'il ne rentre pas dans ces schémas.
    Il existe une tres grande littérature expériementale sur les heuristiques.

    Voir aussi heuristique de représentativité, ou de similitude. Une expérience célèbre en le domaine est que l'on dit à des sujets qu'une famille a 6 enfants (3 garçons, 3 filles). On présente deux séries : GGGFFF et FGGFGF, ils ont tendance à considérer la seconde comme la plus probable : Au contraire de la première, trop régulière, la seconde série parait plus réprésentative de la causalité.

  4. #4
    inviteb753ced1

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Merci ! Effectivement, une recherche google est plus instructive avec l'expression "heuristique de disponibilité", qui semble être la bonne dénomination de ce que j'évoquais.



    A+

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Aigoual

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Intéressante cette idée.

    Pourrait-on en déduire quelque chose concernant le "sentiment de réalité" ou le "sentiment du vrai" ?
    Lorsque je regarde un documentaire, ou lorsque j’écoute un orateur, qu’est ce qui me fait dire que ce qui est exprimé semble "vrai" ou "artificiel" ?

    Plus subtil encore, pourquoi des œuvres de fictions, que je sais pourtant être parfaitement imaginaires, peuvent déclencher en moi une impression d’authenticité plus forte que la réalité elle-même ?

    Inversement, pourquoi des scènes, pourtant parfaitement authentiques, me sont-elles insupportables de fausseté, au point d’être obligé de détourner le regard ?

    Mais peut-être suis hors sujet au regard des préoccupations d’Ananda.

    Amicalement,

    Aigoual.

  7. #6
    invite2ca586bb

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Bonjour Aigoual.

    Peut-être y a-t-il un lien entre les heuristiques et le "sentiment de vrai" que vous evoquez. Mais il risque alors de passer par des chemins detournes.
    Je vous laisse juge et tente de vous resumer rapidement la notion d'heuristique.

    Elle prend place au depart au sein du paradigme de l'attribution causale. Heider (1950) definit ce proces comme la tendance de l'individu a chercher du sens a son environnement, cad a expliquer les causes : des evenements qui se manifestent a lui, et des comportements des individus de son entourage.
    Pour Heider et ses disciples qui testent experimentalement la notion pendant 20 ans, il s'agit d'une demarche finalement proche du schema explicatif scientifique : L'homme du commun comme l'homme de science, mettrait en jeu des procedures qui viseraient a determiner des causes.

    La recherche prend toutefois une voie differente dans les années 70. On a en effet decouvert un biais cognitif dans la maniere dont les individus imputaient des causes au comportement d'autrui : C'est ce qu'on appelle alors "l'erreur fondamentale". Elle consiste dans la tendance globale a imputer des causes internes plutot que des causes externes, cad par exemple imputer la raison du comportement d'autrui à des caracteristiques psychologiques plutot qu'au contexte situationnel.
    Des lors, les procedures d'inference causale n'apparaissent plus comme identiques a la demarche scientifique : Il existe une erreur logique dans la procedure naive qui la differencie donc d'une procedure scientifique.

    La question qui se pose alors est : Cette erreur logique apparait-elle dans tous les situations d'inference ? Si tel etait le cas, nous nous tromperions en permanence sur les evenements constituant notre environnement immediat, autant dire : Nous ne comprendrions absolument rien a ce qui se passe autour de nous. Or, ce n'est manifestement pas tout a fait le cas.

    C'est donc ici qu'intervient le principe d'economie cognitive de Hansen : Dans certaines situations, qui sont des situations communes, anodines, comportant peu d'enjeux, se mettent en place des procedures qui fonctionnent "a l'economie". Elles reposent sur des scripts, scenarios pré-écrits (la littérature expérimentale les appellera plus tard des théories implicites) et fonctionnent selon un modèle stratégique simple (heuristiques) : Le principe est que dans ce genre de situations, l'individu ne passe pas en revue l'ensemble des hypothèses formulables. Les théories implicites, qui constituent un réservoir de croyances, lui en proposent 1 ou 2, qu'il met "à l'épreuve des faits" ; si l'observation lui permet d'en valider une, le processus s'arrete la.

    En revanche, lorsque l'individu est motivé pour une raison ou une autre a affiner son jugement, lorsqu'il dispose aussi de la capacité cognitive pour cela (je veux dire : de la capacité d'attention suffisante) il est alors en mesure de mettre en place des procédures plus lourdes, plus couteuses, de recherche des causes. Qui ont alors l'avantage d'etre plus fines et plus exactes.

    Car ce qui est intéressant dans cette distinction procédures lourdes / heuristiques, c'est que les secondes font appel à des stéréotypes, des croyances toutes faites, et qu'elles sont bien entendu les plus permeables aux biais cognitifs. Elle sont toutefois nécessaires, dans le sens ou nous ne pourrions pas non plus faire appel a des procedures lourdes de détermination des causes a chaque instant ; la charge cognitive en serait en effet beaucoup trop lourde.

  8. #7
    invite309928d4

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Citation Envoyé par actae
    Peut-être y a-t-il un lien entre les heuristiques et le "sentiment de vrai" que vous evoquez. Mais il risque alors de passer par des chemins detournes.
    Je vous laisse juge et tente de vous resumer rapidement la notion d'heuristique.
    Bonjour,
    Une petite question sur l'usage du terme "heuristique" (du grec heuriskein, trouver)

    Le terme est communément utilisé comme adjectif pour signifier "ce qui aide à une utilité pour la recherche", les hypothèses heuristiques par exemple. Comme nom, c'est aussi utilisé pour désigner la discipline qui se propose de mettre en évidence les règles de la recherche.

    Employé dans le cadre cognitiviste,je croyais (d'après un dictionnaire de philo) qu'on parlait plus spécifiquement d'heuristique de la pensée ordinaire, c'est-à-dire de méthode de compréhension spontanée, opposée notamment à l'algorithme. L'heuristique ordinaire fonctionnerait par estimation vague, probabilités approximatives, tandis que l'algorithmie serait précise mais parfois plus lourde notamment dans l'évaluation de problèmes complexes.

    Lorsque tu dis "les heuristiques", tu sembles l'employer comme un terme commun, cela a un sens simple pour toi ?
    Les heuristiques seraient les modes de recherche ?

  9. #8
    Aigoual

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Bonjour Actae,

    Exposé absolument passionnant !
    Et qui invite à beaucoup de développements…
    Je connaissais le sens du mot heuristique, mais pas le reste.

    Je résume ce que j’en ai compris, avec tentative (légitime ? à toi de voir) d’intégration à mes propres structures de pensée :

    Heuristique signifie "démarche ou stratégie d’accès à la connaissance"
    A savoir, la recherche de causes et d’effets faisant sens.
    Il s’agit donc d’une démarche d’interprétation du réel.

    Dans l’absolu, cette recherche n’a pas de terme, si l’on retient l’idée que, soit le réel n’a pas de sens particulier, soit qu’il nous est intrinsèquement inaccessible.
    Nous sommes alors dans un processus de connaissance scientifique, avec pour horizon (ligne fictive qui recule au fur et à mesure que l’on s’avance) l’en-soi du réel.

    Dans le quotidien, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre la validation de ces interprétations du réel pour penser ou agir (ce qui est équivalent)
    Sauf à reporter toutes pensées et actions à l’infini, bien au-delà de nos propres limites d’êtres vivants mortels.
    Dans le même temps, il ne nous est pas permis de renoncer à cette recherche du sens, car ce serait également renoncer à toute pensée et toute action.

    Notre tendance naturelle serait donc d’entreprendre cette démarche heuristique qui nous est imposée, mais de l’interrompre dés l’apparition des premières structures faisant sens (biais cognitif)
    Soit parce qu’elles vérifient un vécu (expérience)
    Soit parce qu’elles correspondent à des stéréotypes transmis par d’autres (croyances)

    Cette stratégie nous permet donc d’agir dans l’instant (économie heuristique), mais ne peut pas nous épargner les inévitables conflits issus des limites de ces structures incomplètes (ce serait la notion "d’erreur fondamentale")

    Nous avons donc dans ces cas là, deux choix possibles :
    Soit nous considérons que nous devons remettre en cause nos structures acquises (expériences ou croyances), au risque de perte du sens, sans garantie d’en trouver un autre plus solide (ce qui, dans l’absolu, n’est probablement pas faux, cf. plus haut)
    Soit nous considérons que nos structures prévalent sur un réel qui n’offre pas de sens particulier et, par substitution, nous qualifions de réel l’interprétation du réel, après avoir évacué ce dernier pour cause "d’absence de sens", c’est à dire "d’irréalité"
    La représentation du réel devient plus réelle que le réel, parce qu’elle possède un sens qu’il n’a pas.

    Je ne sais pas si tu adhères à cette reformulation (n’hésite pas à critiquer), mais il y a une chose qui me paraît ici frappante :
    C’est que nous ne pouvons pas nous soustraire à l’obligation de trouver du sens.
    Cela reviendrait tout bonnement à renoncer à vivre.
    Cela paraît tellement impérieux, que n’importe quelle structure faisant sens, même d’évidence totalement fausse, est préférable à l’absence de structure et de sens.
    Cela va tellement loin, que nous sommes même prêt à mourir pour ce sens (mourir pour la cause, la patrie ou la foi, par exemple)

    Je ne vois pas d’autres explications aux croyances telles que le créationnisme, l’astrologie ou la divination numérologique (entre autres)
    Je ne vois pas non plus d’autres explications à ces dirigeants (dictateurs de tout poils, ou leaders doctrinaires, religieux, politiques ou autres) qui, même convaincus de mensonges, de crimes ou de folies, parviennent à se maintenir au pouvoir (Eux disent "savoir", là ou les autres semblent n’offrir que du vide… donc de l’absence de sens)

    Vouloir les détruire revient à vouloir détruire le croyant lui-même.
    Et la science est une mauvaise réponse : dans l’absolu, elle ne garantit pas qu’il y ait un sens (pas de "dessein intelligent"), bien au contraire.

    Ce qui me fait dire que, l’accès à la connaissance exige comme préalable l’acceptation de sa propre mort. Ce qui, entre autre, permet de mieux comprendre la pensée d‘un Socrate (il est loin d’être le seul, mais je te laisse le choix des figures emblématiques)

    Tu m’excuseras (ou non…) d’avoir détourné le propos de ce fil vers des réflexions plus philosophiques. Mais, malheureusement pour moi, faute d’autres formations spécifiques, c’est le seul outil dont je dispose.

    Néanmoins, je te remercie de ta contribution.
    Elle m’a donné l’occasion de vérifier mes structures, donc de "trouver du sens"…

    Amicalement,

    Aigoual.

  10. #9
    invite6a26c75d

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Pour rendre un peu la notion d'heuristique accessible au commun des mortels, je dirais qu'une heuristique est un jugement simpliste.

    L'heuristique de disponibilité est ce jugement simpliste qui consiste à dire qu'une réponse disponible (= facilement accessible en mémoire) est une réponse plausible. Si, par exemple, vous demandez quelle est la maladie qui fait le plus de victime dans le monde, la réponse la plus disponible (ici, en France) est le SIDA (du à sa sur-médiatisation). Pourtant, la réponse exacte est le paludisme (moins médiatisé chez nous, donc moins accessible en mémoire). Voilà en quoi l'heuristique de disponibilité est génératrice de biais cognitifs.

    Je ne vois pas d’autres explications aux croyances telles que le créationnisme, l’astrologie ou la divination numérologique (entre autres)
    Je ne vois pas non plus d’autres explications à ces dirigeants (dictateurs de tout poils, ou leaders doctrinaires, religieux, politiques ou autres) qui, même convaincus de mensonges, de crimes ou de folies, parviennent à se maintenir au pouvoir (Eux disent "savoir", là ou les autres semblent n’offrir que du vide… donc de l’absence de sens)
    A mon sens, les croyances (et la science) offrent aux individus qui y croient un sentiment de contrôle. La question du sens y est liée, mais elle n'est pas indispensable. La phrase "Les voies du Seigneur sont impénétrables" reflête l'idée que même si le sens qu'elle propose est inaccessible, la religion reste salvatrice. Le sentiment d'impuissance (ou perte de contrôle) est un des facteurs les plus anxiogènes qui soient. Beaucoup de croyances, au niveau intra-personnel (concept de Soi), interpersonnel (attributions), intergroupe (stéréotypes), ou même sociétal (croyance en un monde juste, religion, astrologie, science,etc.) sont orientés à augmenter le sentiment de contrôle des individus sur leur environnement et à rendre le monde moins chaotique. Le monde n'est pas chaotique si il est régi par des lois physiques, si un dieu veille sur nous, si nos comportements (et notre avenir) est déterminé par les étoiles, si chaque action positive entraîne une réaction positive, etc.

  11. #10
    invite6a26c75d

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    J'ajoute juste une référence pour les heurisitques :

    Tversky, A. and Kahneman, D. (1974). Judgement under uncertainty: Heuristics and biases. Science, 185, 1124-1130.

  12. #11
    invite2ca586bb

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Oui, Bardamu, le terme heuristique admet bien deux acceptions, que wikipedia résume bien (http://fr.wikipedia.org/wiki/Heuristique) et dont Fabrice.g a donné le sens global.
    J'utilise un pluriel pour rendre compte de deux modalités de cette heuristique en tant que stratégie cognitive courte qu'on met en lumière en psycho cognitive, a savoir heuristique de disponibilité et heuristique de similitude.

    Aigoula, je pense que Fabrice.g résume bien le fait que la compréhension (la recherche de sens) est intrinséquement liée à l'action. C'est en ce sens que "comprendre" veut dire "maitriser". Il y a la d'ailleurs, selon moi, une motivation fondamentale telle que je ne vois pas comment une machine de Turing pourrait la reproduire.
    En revanche, ce que je vois bien, c'est que c'est la même motivation qui est à l'ordre, bien entendu dans les croyances et connaissances naives, mais aussi dans les fondements de recherche scientifique.

    Je suis d'accord avec le résumé, jusqu'à "inévitables conflits" qui seraient l'erreur fondamentale. Je pense que c'est même trop optimiste. En réalité, on tendrait plutôt tres largement à montrer que les individus ne sont pas conscients de ce qui influence, orienté, etc. leur comportement (nous sommes bien d'accord qu'il faut lier recherche de sens et action), et ce, même si on insiste et leur fait remarquer -ils ont plutôt tendance à nier ou refuser l'explication, question de cohérence cognitive a priori.
    Nous savons tres peu de choses des déterminants de nos propres comportements, il est donc tres optimiste de parler de conflit cognitif.

    Par conséquent, il n'y a donc pas non plus d'alternative entre "accepter" et "refuser" l'interprétation. Tout cela constitue des procédures qui ont été mises en lumière par l'expérimentation, mais qui ne sont pas en elles-mêmes maitrisables (pour ne pas dire "conscientes") -ou peut-être ai-je mal compris ta proposition, ici.

    En revanche, oui, elles sont absolument indispensables.
    Quand on place un rat dans une situation qui lui est rendue absolument incompréhensible, organisée de telle manière qu'il lui est impossible la moindre option qui lui permettrait de prendre le controle de l'environnement, par exemple une situation rendue absolument aléatoire : Il adopte au bout d'une certaine période de temps un comportement de résignation passive, pouvant aller jusqu'à la mort.
    On a constaté que des sujets humains placés dans une situation rendue semblable commençaient à présenter des symptomes similaires, qu'on qualifie ordinairement de dépressifs.

    Or, comme je viens justement de l'ecrire ailleurs, dans un sujet sur l'euthanasie, ce n'est pas la situation elle-même qui est à prendre en compte ici : C'est cette spécificité de la pensée humaine (enfin, on n'en connait pas d'autre) à tendre, par réductions, vers la recherche de régularités. C'est précisément cela qui constitue "l'erreur fondamentale".

    Enfin, Fabrice.g met l'accent en passant sur le réservoir de croyances qui nous sont disponibles, et par exemple cette croyance qui a beaucoup été travaillée en particulier par un chercheur du nom de Lerner, et que je cite parce que j'affectionne tout particulièrement : La croyance au fait que nous vivons dans un monde dans lequel tout a un sens et une cause, et en particulier dans lequel les individus obtiennent globalement ce qu'ils meritent. Lerner et ses disciples ont mis en place des expériences particulierement spectaculaires, qui tendraient a montrer que cette croyance est plutot largement partagée, et qu'elle conduit -en effet, Aigoual- à des comportements, vis-à-vis des autres et de soi-même assez... étonnants.

  13. #12
    Aigoual

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Citation Envoyé par actae
    la compréhension (la recherche de sens) est intrinsèquement liée à l'action. C'est en ce sens que "comprendre" veut dire "maitriser".
    Ho oui, absolument !
    C’est exactement ce que j’entendais en exprimant l’idée que "penser" et "agir" sont une seule et même chose.

    Citation Envoyé par actae
    c'est la même motivation qui est à l'ordre, bien entendu dans les croyances et connaissances naïves, mais aussi dans les fondements de recherche scientifique.
    Oui, c’était également tout le sens de mon message.
    Il y a continuité (cf. plus loin)

    Citation Envoyé par actae
    on tendrait plutôt très largement à montrer que les individus ne sont pas conscients de ce qui les influence […] Ils ont plutôt tendance à nier ou refuser l'explication, question de cohérence cognitive a priori.
    …"Cohérence cognitive", c’est à dire maintien d’une structure de pensée (donc d’action, donc de maîtrise, donc de survie) que l’on ne peut combattre sans risquer de détruire celui qui s’appuie dessus.
    Même fausse, ma pensée est ce que je suis. Si tu la détruis, tu me détruis.
    Oui, c’est bien ce que j’ai voulu dire.

    Citation Envoyé par actae
    Nous savons très peu de choses des déterminants de nos propres comportements, il est donc très optimiste de parler de conflit cognitif.
    Oui, je comprends ce que tu veux dire. Par "conflit cognitif" tu supposes "conscience de l’origine du conflit". Mais j’ai plutôt parlé d’inévitables "conflits de structures", qui ne préjugent pas du fait que ces structures soient conscientes.
    Je suis même convaincu, comme toi, qu’elles sont très largement inconscientes, et je partage ton pessimisme.

    Citation Envoyé par actae
    Par conséquent, il n'y a donc pas non plus d'alternative entre "accepter" et "refuser" l'interprétation.
    Oui, tout à fait. J’ai utilisé les termes d’acceptation ou de refus au plan d’une logique philosophique.
    Mais dans la réalité, personne ne se pose la question consciemment en ces termes (tient, que vais-je faire ? Me déstructurer volontairement, ou choisir l’illusion ?)
    L’alternative est donc effectivement subie, bien davantage qu’elle n’est choisie.
    D’où d’ailleurs, l’immense difficulté à modifier une structure, même profondément destructrice ou suicidaire.

    Citation Envoyé par actae
    …ou peut-être ai-je mal compris ta proposition, ici.
    Non, ce n’est que l’écart existant entre un propos de philosophie théorique et celui requis par l’expérimentation pratique. Sur le fond, je ne vois pas de divergence et je me soumets bien volontiers au langage du praticien.

    Citation Envoyé par actae
    C'est cette spécificité de la pensée humaine (enfin, on n'en connait pas d'autre) à tendre, par réductions, vers la recherche de régularités. C'est précisément cela qui constitue "l'erreur fondamentale".
    Oui, c’est bien ce que j’avais cru comprendre.
    La "régularité" (la continuité) tiendrait donc lieu de sens.
    Un sens qui serait issu d’une réduction du réel.
    D’ailleurs, connaître, c’est nécessairement réduire, même (et surtout) pour le scientifique.
    La connaissance scientifique repose sur le choix de la bonne stratégie de réduction.

    Dans mon langage personnel, j’utiliserai plutôt le terme de "cohérence."
    Avec pour constat celui que tu évoques, c’est à dire que l’impossibilité d’établir cette cohérence entraînerait une impossibilité à maintenir nos structures internes, jusqu’au risque de la mort.

    Quant à "l'erreur fondamentale" (savoir c'est réduire, et réduire, c'est introduire l'erreur), elle serait bien due à cette "urgence vitale" qui nous interdirait de nous payer le luxe d’attendre une cohérence définitive et intangible avant d’exister. Nous n’avons pas le choix. C’est tout de suite et maintenant qu’il nous faut cette cohérence, en continuité, et pas à la fin des temps, lorsque toutes les questions scientifiques et philosophiques seront résolues (ce qu’elles ne seront jamais, puisque connaître, c’est réduire…)

    On ne peut pas faire attendre celui qui a soif, en lui affirmant que, dans cent ans, il pourra boire tout son saoul une eau absolument pure et absolument fraîche. Non, c’est maintenant qu’il lui faut boire, même si l’eau est dangereusement polluée…

    Citation Envoyé par actae
    La croyance au fait que nous vivons dans un monde dans lequel tout a un sens et une cause, et en particulier dans lequel les individus obtiennent globalement ce qu'ils méritent.
    Oui, j’en suis intimement convaincu. Ce qui explique certainement les propositions de récompenses d’en "l’au delà de la mort" qui, paradoxalement, seraient plutôt une acceptation négociée de la réalité :
    - Non, de votre vivant il n’est pas garanti que vous soyez rétribués à l’aune de vos mérites.
    - Oui, vous avez absolument besoin d’y croire pour survivre, car vous n’êtes pas surhumain.
    - Alors, peut-être que par delà la mort… Pourquoi pas ?

    C’est pourquoi la démarche scientifique est si paradoxalement difficile.
    Son but est de trouver du sens à tout, alors que tout nous conduit à penser que, dans l’absolu, rien ne garantit qu’il y en ait un.

    La manière dont j’ai personnellement répondu à ce paradoxe, est de penser que l’absence de sens est en soi un sens.
    Ce qui revient à malgré tout accepter de vivre en dépit de la mort.
    Cela n’a pas de sens, mais c’est cette absence de sens qui fait sens.

    Mais bon…
    C’est ma réponse à moi, probablement exprimée en fonction de déterminismes dont je n’ai pas la pleine maîtrise. Ce qui m’oblige à beaucoup d’humilité envers ceux qui choisissent d’autres voies, comme la religion, les engagements, voire mêmes les illusions.
    Après tout, où se trouve l’échelle de valeur, et selon quel "sens" ?...

    Amicalement,

    Aigoual.

  14. #13
    Aigoual

    Re : Heuristique d'accessibilité ?

    Citation Envoyé par [PSO]Fabrice.g
    A mon sens, les croyances (et la science) offrent aux individus qui y croient un sentiment de contrôle.
    Oui. C’est la notion de maîtrise dont parle Actae.

    Citation Envoyé par [PSO]Fabrice.g
    La question du sens y est liée, mais elle n'est pas indispensable.
    Oui et non. Il faut qu’il y ait, comme le faisait remarquer Actae, un enchaînement de causes et d’effets qui "explique"
    Maintenant, que l’explication soit juste, c’est effectivement une autre affaire…

    Citation Envoyé par [PSO]Fabrice.g
    La phrase "Les voies du Seigneur sont impénétrables" reflète l'idée que même si le sens qu'elle propose est inaccessible, la religion reste salvatrice.
    Oui.
    Mais elle peut également se lire à l’inverse : La religion est destructrice, parce qu’elle renonce à la maitrise du sens.
    Il est d’ailleurs très vraisemblable que les pro et anti religieux poursuivent alors la même croyance en l’existence d’un sens.
    Les uns par la religion, les autres par le refus de la religion.
    Mais dans les deux cas, il s’agit bien d’une croyance non garantie…

    Citation Envoyé par [PSO]Fabrice.g
    Le sentiment d'impuissance (ou perte de contrôle) est un des facteurs les plus anxiogènes qui soient.
    Oui.
    Tout et n’importe quoi plutôt que rien.
    Ce n’est pas une simple question de choix, c’est une impérieuse exigence de survie.
    C’est tout le sens de mes échanges avec Actae.

    Citation Envoyé par [PSO]Fabrice.g
    Beaucoup de croyances [toutes ?], sont orientés à augmenter le sentiment de contrôle des individus sur leur environnement et à rendre le monde moins chaotique.
    Par n’importe quels moyens disponibles.
    Mais rien ne garantit que le monde ne soit pas intrinsèquement chaotique.
    Ne serait-ce qu’en raison du fait de notre mort annoncée…

    Oui, il me semble te rejoindre.

    Amicalement,

    Aigoual.

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