Une série de prévisions argumentées pour l’été 2005, en marge d’une analyse globale de l’évolution climatique.
Partons d'un fait, vérifiable sur les cartes du NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration (USA) (http://www.noaa.gov/) et sur les graphiques d’évolution de la superficie de glace flottante (http://arctic.atmos.uiuc.edu/) : La reconstitution hivernale de la banquise arctique a été plus tardive que la normale. Pendant tout le mois de février 2005, le déficit de surface approchait 1,2 millions de Km². Tendance au réchauffement et inégalité de répartition des masses d’air plus ou moins froides peuvent expliquer cette situation à peu près inédite. Ce n’est que depuis la fin du mois d’avril que ce déficit a pu disparaître complètement.
Conséquence logique directe : La banquise arctique - même si sa superficie est actuellement normale - pourrait être bien moins épaisse que l'an passé à pareille époque. Elle n'a probablement pas eu le temps de s'épaissir plus, d'autant plus que la température des eaux de surface était moins basse l'été dernier au moins dans certaines des mers arctiques : on a relevé jusqu’à 8°C en mer de Beaufort durant l’été 2005 contre 1°C l’année précédente. La banquise risque donc de se disloquer et de fondre plus rapidement. On pourrait très vite vérifier cette prédiction, sans doute à partir le début du mois de juillet 2005. La superficie estivale de la glace flottante aurait ainsi de fortes chances de se trouver encore réduite.
Conséquences dérivées : Hausse de l'albédo (il s’agit du taux de réflexion des rayons solaires ; donc rien à voir avec l'atmosphère ou l'effet de serre !) et moindre refroidissement des eaux par un "glaçon" plus petit, plus mince et plus fractionné.
Quand les vents souffleront du nord vers nos latitudes, ils pourraient être alors moins froids. Inversement, les risques de voir s'installer une période anormalement chaude seraient amplifiés quand ils souffleront du sud sur un territoire moins frais que la normale. Ce phénomène pourrait commencer à se manifester à partir du début du mois de juillet, sauf en cas d’épisode pluvieux prolongé.
Je ne serais donc pas surpris que nous connaissions deux périodes anormalement chaudes, surtout la seconde: la première en juillet, la seconde (peut-être caniculaire) dans la seconde quinzaine d'août, à une semaine près.
Depuis le début de l'année 2005, la tendance a été grossièrement à la succession de périodes de 2 à 4 semaines de vents alternativement orientés préférentiellement du nord puis du sud (avec quelques jours de transition).
Si cette tendance se vérifie, nous pourrions avoir la confirmation de ces prévisions.
Prévisions purement tendancielles, j'insiste.
Liens avec l’évolution climatique : Une conséquence de tout cela serait l'accélération du dégel du permafrost et de la diffusion atmosphérique de gaz à effet de serre d’origine non anthropique (CO2 et CH4) qui en résulterait...
Le dégel de la toundra a déjà commencé l'été dernier dans certaines zones et il a été possible de constater des émanations de CO2 et de CH4 dans les régions concernées.
Les gisements de clathrates (hydrates de méthane) sous le permafrost sont relativement profonds: 200 m par exemple, pour permettre d'atteindre une pression suffisante pour la constitution des hydrates de méthane.
Cependant, il ne faut pas oublier que le permafrost des toundras est essentiellement composé de tourbières et de marécages gelés. Une énorme quantité de CO2 et de CH4 gazeux est piégée dans la glace, sans que l'on puisse vraiment parler de clathrates à leur sujet. Ces gaz commencent à se dégager dès lors que le dégel atteint quelques dizaines de centimètres. C'est ce qui m'amène à craindre que les toundras se transforment de plus en plus en fontaines de carbone, et cela dès cet été. Le phénomène pourrait s'aggraver année après année à partir de l’été 2005, jusqu'à toucher les clathrates eux mêmes après un temps plus ou moins long : de quelques dizaines à quelques centaines d’années, selon l’importance du réchauffement et la rapidité de sa transmission aux couches profondes. Or les clathrates – des molécules de méthane piégées dans de la glace d’eau – constituent des gisement considérables et le méthane est un puissant gaz à effet de serre…
Ce n'est pas spécialement réjouissant, mais cela pourrait fournir un excellent test de la validité - ou de la non validité - de mes prévisions d'évolution climatique... (Cf. références en bas du texte)
Enfin je précise que je ne prétends absolument pas faire ici de la véritable prévision météo, mais de l'analyse climatologique. Il y a bien sûr interférence entre les deux, ce qui est le cas maintenant. En fait je ne fais que tracer ce qui pourrait se produire tendanciellement, sans chercher à prévoir quoique ce soit dans le domaine de la couverture nuageuse, des précipitations ou des phénomènes cycloniques (ce ne serait effectivement absolument pas sérieux). C'est pour cela que mes pronostics restent au niveau de la quinzaine, à une semaine près et ne portent que sur l'évolution des températures au cours de l'été qui vient.
Si, comme je le suggère, l'extension hivernale de la banquise est probablement plus mince que la normale (je ne dispose pas de données à ce sujet et je ne crois pas que quelqu'un en aie actuellement ; on peut donc qualifier cela de "spéculation", mais c'est de la spéculation logique), cela devrait concerner essentiellement les zones qui étaient encore non gelées en février 2005. Mais 1,2 millions de km², ce n'est pas rien. Je pense donc que la température en zone arctique et péri arctique pourrait battre des records cet été. De combien ? Je l'ignore. Il faudrait disposer de données plus précises et il faut compter avec la variabilité météo. Quelques dixièmes de degré, peut-être 0,5°C (?).
En tout cas, il ne faudra sans doute pas attendre très longtemps - quelques semaines, un mois tout au plus - pour trancher en ce qui concerne la tendance d'évolution de la banquise cette année. Et un point définitif pourra être fait en septembre en fin d'été.
Alain Coustou – 12 juin 2005
Maître de conférences à l’Université Bordeaux 4, chercheur indépendant en climatologie.
Auteur de « Terre, fin de partie ? » publié en Ebook par les éditions Eons ( www.eons.fr ) et téléchargeable à partir du lien suivant :
http://www.eons.fr//main.php?rubriqu...gue&idlivre=38
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