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[Néolithique] Émergence de "l'état"



  1. #31
    Narduccio

    Re : Emergence de "l'état"


    ------

    J'ai fait une recherche avec "Meillasoux" sous Google Schollbar, j'ai trouvé 52 résultats, mais tous en anglais et en espagnol. Je n'y comprend pas grand chose
    http://scholar.google.com/scholar?q=...=&start=0&sa=N

    -----
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  2. #32
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Bonjour Narduccio,

    Je souhaite que tes capacités en anglais soient supérieures aux miennes. Si cela n'était pas, fait comme moi, un dico sur les genoux et en avant la galère.

    http://www.uea.ac.uk/sahara/publicat...llapse_abs.pdf

    Cette théorie a selon moi le mérite d'éclairer la relative mais étrange concomitance des naissances des civilisations-mères.
    Cela aussi explique que les techniques d'irrigations furent un caractère commun à ces cultures.
    Pour le moins, c'est un facteur à prendre en considération.
    Les contraintes environnementales ont surement été une forte incitation à l'établissement d'une organisation sociale nouvelle.

  3. #33
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Bonjour,

    Conscient du désagrément que peut provoquer l'irruption de l'anglais dans la conversation entre gens de bonne compagnie, je m'efforce de faire un résumé (de ce que j'ai pu moi-même tirer) de l'article que je donne en lien dans le post précédent.
    Je m'y attèle dès ce soir, à moins qu'un éminent linguiste ne me brûle la politesse.
    Cette dernière hypothèse me comblerai d'aise, m'évitant ainsi de me ridiculiser aux yeux de certains.
    Il est navrant de constater le peu de place que prend le français dans les publications scientifiques.

  4. #34
    invite38f62917

    Re : Emergence de "l'état"

    Notes sur les hypothèses de Mizoguchi Koji : An archaeological history of Japan, 30.000 BP-AD700, University of Pennsylvania Press, 2002

    Pour situer la préhistoire japonaise :
    - 12.000 BP (non calibrée) - 400 BC (calibrée) : Jomon
    - 400 BC - AD 300 (calibrées) : Yayoi

    Jomon : société de chasseurs-cueilleurs maîtrisant la céramique, agriculture à petite échelle assez tôt dans la période, pseudo-sédentarité.
    Yayoi : société de riziculteurs sédentaires.

    Selon Mizoguchi, l'attachement à la terre est assez peu développé au Jomon : on reste là où les ressources sont abondantes.
    En règle générale, il existe un camp de bases auprès duquel on peut trouver des ressources toute l'année, et on dépêche dans différents lieux selon la période de l'année des groupes d'individus qui ramènent des ressources au "camp de base".
    Cette organisation fait que, selon le "camp secondaire" dans lequel on va, la "personne la plus compétente" change (celui qui est doué pour attrapper le saumon n'est pas le même que celui qui est doué pour la chasse au cerf) : le pouvoir hiérarchique n'est pas figé, il est confié à la "personne la plus compétente selon le moment". De plus, les personnes ne sont pas affectées à un type de travail en particulier : selon le "camp secondaire", elles changent de travail.
    Au cours de la période, il se forme des zones régionales, avec quelques "camps de bases" et leurs satellites. Il existe des contacts entres communautés à l'intérieur des zones régionales, mais aussi entre les différentes zones régionales : les frontières sont très floues.

    Au Yayoi, on voit une organisation spatiale différente. Plusieurs petits hameaux semblent partager le même cimetière (les morts sont séparés des vivants, alors que ce n'est pas le cas dans la civilisation précédente, mais ça n'entre pas vraiment en compte dans cette problématique là), et surtout le même domaine de champs irrigués.
    L'irrigation d'une zone demande une collaboration d'un grand nombre de personnes, d'où la réunion de plusieurs hameaux pour cette tâche.
    Hypothèse de Mizoguchi : chaque hameau voudrait s'assurer le leadership sur les autres, MAIS il ne peut pas se passer des autres --> choix d'un chef (de guerre - cf artefacts clairement guerriers trouvés dans les tombes) qui fait aussi office de médiateur pour apaiser les tensions. C'est donc l'émergence d'une élite (si on suit la logique Jomon, il est possible que les premiers "chefs" aient été ceux qui étaient les plus doués pour faire pousser le riz).
    Donc, à ce stade là émerge le concept que l'égalité entre les groupes (qui allait de soi au Jomon) ne peut être maintenue que par l'établissement d'une inégalité entre les individus.
    MAIS à ce moment là, l'élite est encore précaire : si le chef ne se montre pas doué pour prendre les bonnes décisions, on peut en mettre un autre à sa place.

    Intervient alors le commerce longue distance, notamment en ce qui concerne la matière première pour les outils agricoles. Avant, les populations, moins attachées à leur terre, étaient plus mobiles, les échanges se faisaient entre groupes. Au Yayoi, l'homme est attaché à sa terre, il ne peut pas partir en vadrouille s'approvisionner puisqu'il doit la travailler. Le chef devient l'intermédiaire privilégié pour se fournir en matières premières qui viennent de loin --> si on change de chef, on perd le réseau de liens qu'il a établi --> on peut se retrouver en difficulté parce qu'on n'aura plus la possibilité de fabriquer des outils agricoles performants.
    Le chef accroît donc son pouvoir et stabilise sa place en haut de la hiérarchie : seul un échec sur l'approvisionnement en matérieux extérieurs pourrait le faire chuter.

    Nouvelle étape : le commerce de luxe ! Les villages installés sur les côtes ont des contacts plus faciles avec la Corée + les commanderies chinoises --> importation d'objets de luxe que l'on peut redistribuer ensuite aux villages alentours, qui deviennent des villages "vassaux". Sans compter également que c'est dans ces villages près des côtes que peuvent s'installer des artisans venant directement du continent, apportant des techniques nouvelles comme la métallurgie du bronze ou du fer...
    À l'étape précédente, le chef devait se fournir en matériaux nécessaires à la communauté. À cette étape ci, il se fournit en biens de prestiges complètement superflus.


    Tout ça est assez complexe (j'ai essayé de résumer de la manière la plus claire possible), mais je pense que son analyse des faits est assez pertinente.
    Il semble évident qu'il y a un changement des mentalités (notamment dans le changement de traîtement des morts). Il parle également d'un passage d'une conception cyclique du temps à une conception linéaire. Ses observations sont très convaincantes, mais je reste sceptique dès que l'on touche à la reconstitution du mode de pensée des populations disparues.

  5. #35
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Tentative de traduction :

    Le rôle de la dessiccation (dessèchement) du climat dans l’apparition des sociétés complexes du mi-holocène.

    Le brusque changement climatique est souvent évoqué comme facteur de l’effondrement des civilisations.
    La chute de l’Empire Akkadien et la fin de l’ancien Empire égyptien vers -2200 de notre ère ont été reliées à la désertification régionale à cette époque.
    Cependant, il est couramment admis, que la pression climatique et environnementale à joué un rôle directeur dans l’apparition précoce dans l'apparition des ces civilisations, et l’aridification a en particuliers agit sur la complexification sociale qui s’associe à l’urbanisation et à la création de l’état.
    Cet article propose que la forte urbanisation dans la zone aride subtropicale du moyen holocène, soit le résultat d’une adaptation à la diminution des ressources en eau.
    Il est déjà démontré que la zone désertique de l’hémisphère nord avait connu d’antérieures conditions humides et même particulièrement fortes au Sahara.
    Les datations des sédiments lacustres et traces archéologiques de la faune indiquent que ces conditions humides, à leurs maximum, existaient autours de – 10 000 et ce après une longue période d’aridité liée à la dernière période glacière.
    Cette phase humide est associée à l’intensification de la mousson africaine provoquée par l’augmentation de l’ensoleillement de l’hémisphère nord et ceci provocant un déplacement vers le nord de ces précipitations. Ces épisodes humides de l’holocène ont été ponctués de périodes arides et semblent coïncider avec les débâcles de la banquise groenlandaise ou des refroidissements de l’Atlantique –nord.
    Lorsque l' insolation demeurait forte, les pluies s’intensifiaient sur la région saharienne.

    ... (Descriptions de phases humides ou sèches successives avec la conclusion d’un assèchement progressif autour de -6000 mais la persistance locale de points d’eau.)…
    Il semblerait que ces variations du régime des pluies aient d’abord, de façon saisonnière, incités les populations du Sahara oriental à se déplacer vers la vallée du Nil pour s’y installer définitivement lorsque le processus de désertification s’accentua.
    Certains chercheurs ont suggérés que l’unification de l’Égypte serait dû à l’expansion de la culture Nagada, elle-même soumise à la pression démographique des nouveaux venus du Sahara.

    Fin de la première partie.
    Pour les auteurs de travaux et les dates de publications se référer au texte original.
    Si quelqu’un veut prendre la suite, je promets de ne pas me fâcher.

  6. #36
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Bonsoir,

    Une question pour Megami:
    S'il te plait, à quand fait-on remonter les premiers contacts entre la Corée, la Chine et, le Japon ( sans parler naturellement du peuplement de l'archipel) ?

    Je voulais dire aussi que je partage ta méfiance sur "l'introspection" de l'esprit de ces gens, à travers les vestiges de ce qui subsistent de leurs existences.

  7. #37
    invite38f62917

    Re : Emergence de "l'état"

    Les relations avec la Corée sont très anciennes, je pense qu'on peut en être sûrs dès le Jômon Ancien (6000-5000 BP) pour Kyushu, avec la poterie Sobata. Les contacts sont ensuite continus jusqu'à la fin de la période Jômon.
    Pour la Chine en elle même, franchement, je dirais : rien d'attesté avant Himiko au IIIè siècle (AD), mais des commanderies Han s'installent dans le sud de la Corée en 108 BC.

  8. #38
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Citation Envoyé par megami
    En règle générale, il existe un camp de bases auprès duquel on peut trouver des ressources toute l'année, et on dépêche dans différents lieux selon la période de l'année des groupes d'individus qui ramènent des ressources au "camp de base".
    Cette organisation fait que, selon le "camp secondaire" dans lequel on va, la "personne la plus compétente" change (celui qui est doué pour attrapper le saumon n'est pas le même que celui qui est doué pour la chasse au cerf) : le pouvoir hiérarchique n'est pas figé, il est confié à la "personne la plus compétente selon le moment". De plus, les personnes ne sont pas affectées à un type de travail en particulier : selon le "camp secondaire", elles changent de travail.
    .
    Megami,

    1) Je me demandais à partir de quels éléments l'auteur pourrait donner cette description d'une attribution de l'autorité en fonction d'une compétence individuelle particulière et circonstancielle ?

    2) Connait-on d'autre(s) exemple(s) de société(s) ou un tel système existerait ?

    En faisant un rapide inventaire des facteurs determinants habituellement la place hiérarchique dans ce type de sociétés, je pensais à :
    La force (guerrière); la sagesse (reconnue); la magie et son évolution religieuse; la ruse ("ancêtre de la politique") ou; des combinaisons variables de tout cela.
    Mais tout à coup, j'ai un doute, justement, sur ce que j'appelais " ce type de sociétés". En fait, je ne le connais pas vraiment.
    Peux-tu tenter de m'expliquer succinctement dans la mesure ou tu m'auras compris ?!?..

  9. #39
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Voici aussi la copie d'un post que je viens de lire sur le Forum Francophone de l'Archéologie :


    Sujet : Chine : Découverte de l'emplacement d'une ville datant de l'époque Xia
    De : Philippe Lambert [contacter]
    Date : 26/03/04 - 11:43 fermer le cadre supérieur

    china.org.cn 2004/03/25

    Au bout de deux ans de fouilles archéologiques sur le site de Xinzhai,
    dans la muncipalité de Xinmi, au Henan, les archéologues ont obtenu un
    succès important en localisant préliminairement l'emplacement d'une
    grande ville datant de l'époque Xia (?2070-?1060). Ils y ont trouvé le
    fossé extérieur, la muraille d'enceinte et le fossé intérieur, ainsi
    qu'un édifice. La découverte de la muraille d'enceinte de ville
    remontant à l'époque Xia revêt une grande importance pour connaître les
    premières agglomérations de la culture des Xia et déterminer
    l'apparition de cette culture.

    Le maître de recherches Zhao Chunqing, de l'Institut d'archéologie de
    l'Académie des sciences sociales de Chine, qui dirige les fouilles, a
    déclaré que le site de Xinzhai est une agglomération typique de la fin
    de la société primitive, à la charnière de l'époque de la culture de
    Longshan et de la culture des Xia. En archéologie, c'est une période
    nommée ''Xinzhai''

    Le site de Xinzhai, d'1 million de mètres carrés, contient
    l'emplacement d'une grande ville qui possédait trois ouvrages de
    défense-le fossé extérieur, la muraille d'enceinte et le fossé
    intérieur-, et un édifice au centre. La muraille de l'est et celle du
    nord furent bâties devant une rivière naturelle, avec la terre battue.
    La muraille de l'ouest fut construite devant la douve creusée par
    l'homme. A 220 mètres de la muraille du nord, se trouvait le fossé
    extérieur, qui était le résultat du travail humain et de l'emportement
    par les flots. Ce fossé était long de 1 500 mètres, large de 6-14
    mètres et profond de 3-4 mètres. La partie sud-ouest de l'emplacement,
    plus élevée, était entourée du fossé intérieur, dont les tronçons
    ouest, nord et est sont visibles. A l'intérieur de ce fossé se trouvait
    le centre de la ville.

    Les archéologues ont localisé les fondations d'un édifice mesurant 50
    mètres sur 14,5 mètres au centre de la ville. Ils ont dégagé les ruines
    d'une partie des murs en terres battues, les trous recelant les
    colonnes, de la terre rouge brûlée et un espace d'activités. Ils ont
    aussi mis au jour des débris de récipients en bronze, un couvercle d'un
    récipient décoré du motif de plaque en bronze, semblable à celui de la
    culture de Erlitou, et le pied circulaire d'une poterie décorée du
    motif de dragon kui. Tout cela prouve que c'était la demeure d'au moins
    un noble.

    Les fouilles du site de Xinzhai font partie des « Recherches
    préliminaires du programme relatif à l'origine de la civilisation
    chinoise ». Centrées sur l'origine, la formation et le développement
    des premières heures de la civilisation chinoise, ces recherches
    comportent onze thèmes dont l'un concerne la structure sociale reflétée
    par les premières agglomérations situées entre l'époque de Longshan et
    la dynastie des Xia dans le Henan occidental et le Shanxi méridional.
    Les sites de Guchengzhai et de Xinzhai, à Xinmi, le site de
    Wangchenggang, à Dengfeng, au Henan, et le site de Taosi, au Shanxi,
    ont été choisis par le groupe national des experts comme les localités
    clés pour éclaircir ce thème.

    --
    Ph Lambert


    (Tezcatlipoca: Bien sûr on en est dans le cas présent à un stade évolutif d'urbanisation assez évolué...)

  10. #40
    invite38f62917

    Re : Emergence de "l'état"

    Citation Envoyé par tezcatlipoca
    1) Je me demandais à partir de quels éléments l'auteur pourrait donner cette description d'une attribution de l'autorité en fonction d'une compétence individuelle particulière et circonstancielle ?
    C'est une théorie, une hypothèse de sa part. Il faut dire qu'elle explique très bien pourquoi on n'aurait aucune hiérarchisation permanente sur les 10000 ans que dure le Jômon, et colle parfaitement au mode de vie Jômon, avec l'exploitation saisonnière de diverses ressources en différents endroits.
    Si on veut être clairement objectif, la seule chose qu'on peut dire est "nous n'avons absolument aucune trace concrête d'une hiérarchisation permanente de la société au Jômon". Maintenant une fois qu'on a cette base de travail, rien n'empêche d'émettre des hypothèses sur l'organisation de la société.
    Une fois de plus, je précise que nous touchons là à des aspects de l'archéologie qui sont très glissants : nous n'avons qu'accès aux traces laissées par les gestes, nous pouvons reconstituer le geste (dans la plupart des cas), mais en aucun cas la pensée qui le sous-tend.

    2) Connait-on d'autre(s) exemple(s) de société(s) ou un tel système existerait ?
    Mizoguchi site pas mal de travaux d'ethnologues + sociologues, que je n'ai pas encore eu le temps de consulter. Mais de toutes manières, ça n'est pas parce que ce système ne se retrouverait nulle part ailleurs que ça infirmerait sa théorie. Seule une incompatibilité avérée avec les données de fouilles le pourrait, et pour le moment, ça colle plutôt bien.

  11. #41
    Narduccio

    Re : Emergence de "l'état"

    Pour ce qui est de l'Egypte, la trace d'une hiérarchisation ce trouve dans les tombes. Mais à partir du monde des morts, il n'est pas toujours facile d'extrapoler le monde des vivants. Cette hiérarchisation se voit de diverses manières. L'une concerne le rapport des tombes riches/ les tombes pauvres en fonction des diverses périodes, une autre c'est le mobilier des tombes riches (par rapport aux tombes "pauvres" qui n'en possèdent aucun). Ainsi, plus l'on avance dans le temps, moins il y a de tombes "riches; mais celles-ci sont de plus en plus riches. Ce qui donne à penser que le nombre des personnes appartenant à l'élite diminue, en même temps que cette élite devient plus riche. dans certaines tombes ont retrouve des objets spécifiquements concus pour le service funéraire, des armes non fonctionnelles par exemple. Au niveua de la nourriture (ou plutot des reliefs), on note une décroissance des produits de la chasse au fil du temps, un développement de l'élevage, suivis du développement de l'agriculture. Mais la structure des premiers habitats est difficile à discernées, cela pour 2 raisons. Les habitats actuels se trouvent probablement au-dessus de vestiges surements très interressants. Du fait de l'inondation annuelle, les villages d'agriculteurs situés sur les meilleurs terres étaient abandonnés à la fin de la saison sèche, les eaux du nil recouvraient tout, le limon se dépossait. Et les paysans revenaient pour remettre les terres en cultures. On trouve donc de nombreux sites situés en bordure de la zone inondable (refuges pour la période humide ? ou établissements pérenne de personnes ne vivant pas de l'agriculture ?).
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  12. #42
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Bonjour à tous,

    Mes questions ne traduisent pas forcément le scepticisme, elles ont plus souvent pour buts de mieux comprendre les choses.

    Citation Envoyé par megami
    Au Yayoi, on voit une organisation spatiale différente. Plusieurs petits hameaux semblent partager le même cimetière (les morts sont séparés des vivants, alors que ce n'est pas le cas dans la civilisation précédente, mais ça n'entre pas vraiment en compte dans cette problématique là),..
    Comme le souligne justement Narduccio, l'étude des sépultures est d'un intérêt évident pour s'instruire sur les stuctures sociales de ces antiques cultures (et sur beaucoup d'autres choses, bien entendu).
    (A megami) Même si tu semble écarté tous rapports avec notre sujet, j'aurais désirer en savoir d'avantage sur les "tombes" du Jômon ?
    Cette aspect est-il abordé par Mr Mizoguchi ?
    Merci d'avance.

  13. #43
    invite38f62917

    Re : Emergence de "l'état"

    Par lui et par nombre d'autres.
    Il faut d'abord savoir qu'au Japon, le sol acide conserve très mal les squelettes : la plupart des traces de sépultures sont identifiées par le contenant (quand il y en a un) ou par le dosage de je-ne-sais-plus-quel-élément-chimique dans le sol (trou de mémoire...), voire par le mobilier funéraire (bon, on a quelques squelettes quand même, faut pas dramatiser).

    Brefle, pour généraliser (ça dure quand même 10.000 ans, le Jômon), les habitats principaux Jômon se présentent sous forme concentrique : un cercle d'habitations, un cercle de silos et un cercle de tombes. Les morts sont donc très présents dans le monde des vivants.
    On peut noter aussi dans certains habitats la présence de structures entre le "monde des vivants" et le "monde des morts", qui sont interprêtées comme des lieux de décharnement ou comme des lieux de culte : comme il n'y a encore aucun Henri Duday qui a fait la chasse aux oeufs de testacelles au Japon, on ne sait pas si les corps se décomposaient sur place (Henri Duday est LE dieu de l'anthropo fun, qui a déduit du fait que l'on retrouve des oeufs de testacelles dans une tombe collective que les corps s'étaient décomposés sur place, parce que les testacelles se nourrissent des vers de terre, qui se nourissent des matières en décomposition... Mais de toute manière, je pense que le sol acide du Japon ne conserverait pas plus les oeufs de testacelles que les os humains...).

    Au Yayoi, le mort a un espace propre, il n'appartient plus au monde des vivants, il est dans un cimetière, à l'extérieur des habitats. Je pense que ça a un rapport également avec la manière d'envisager l'espace, voire le groupe social : peut-être regrouper les morts entre les différents villages pour montrer qu'on continue d'appartenir au même groupe, même si d'autres raisons nous poussent à habiter dans 4 ou 5 endroits différents. En tous cas, la conception du mort change, la conception de l'inhumation également (émergence des tombes riches d'élites, différentes par le mobilier mais aussi par la structure funéraire).

    L'étude du funéraire peut fournir des indices sur la présence d'une hiérarchisation, mais, à mon avis, pas sur les raisons de la hiérarchisation... De toutes manières, les raisons de la hiérarchisation font partie des concepts que l'archéologue ne pourra jamais qu'effleurer sans savoir si ce qu'il pense est correct ou non... (on n'a pas des métiers faciles)

  14. #44
    tezcatlipoca

    Re : Emergence de "l'état"

    Merci Madame, pour cette magistrale explication.
    Ta passion est percertible et communicative.

    Citation Envoyé par megami
    la plupart des traces de sépultures sont identifiées par le contenant (quand il y en a un) ou par le dosage de je-ne-sais-plus-quel-élément-chimique dans le sol (trou de mémoire)
    ...et comme je ne saurais rester sérieux trop longtemps, je te dirais qu'une tombe, c'est un peu un trou de mémoire...

  15. #45
    Narduccio

    Re : Emergence de "l'état"

    Citation Envoyé par megami
    Au Yayoi, le mort a un espace propre, il n'appartient plus au monde des vivants, il est dans un cimetière, à l'extérieur des habitats.
    ceci est commun aussi avec la culture égyptienne. Dans les cultures "épipaléolithiques", les morts et les vivants "cohabitent", il n'y a pas de cimetière. Les morts sont enterrés dans la maison ou à coté de la maison. Au fur et à mesure du temps, les morts ont tendance à quitter l'espace de vie et à être regroupés dans un espace particulier (et on découvre des nécropoles, plus ou moins grandes). Les derniers à être enterrés dans les maisons sont les enfants, les bébés et les foetus. A moin qu'ils meurent à une date proche de la mère, auquel cas, ils sont enterrés avec la mère. En fait, quand on parle de date proche, c'est qu'il n' y a aucun signe d'ouverture des tombes pour ajouter un autre mort. A une époque plus tardive, il éxiste des cas de tombes réouverte pour enterrer un autre mort, sans que personne n'arrive à donner d'explications. pour l'egypte, le sol aussi à son importance. Les morts sont enterrés un peu à l'écart, dans des sols plus ingrats et ne subissants pas l'inondation annuelle. Tandis que les vivants vivent près de leurs terres. Se sont les habitats des vivants qui disparaissent années après année. D'ailleur, sur l'un des sites fouillés, il n'y a qu'une partie d'un village, le reste à été balayé par les crues du Nil.
    "Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable". Karl Popper

  16. #46
    invite38f62917

    Re : Emergence de "l'état"

    Concernant les tombes d'enfants, un phénomène très intéressant à la fin du Yayoi est l'inhumation d'enfants en tombes riches.
    Je m'explique (attention, hypothèses) : jusque là, l'importantce d'une personne dans la société était liée à ses capacités --> les tombes riches étaient celles de gens qui avaient été assez importants. Après une petite crise de la société au milieu du Yayoi, la hiérarchisation reprend de plus belle et montre une évolution des mentalités : le leader n'est plus "celui qui a la capacité" mais "celui dont la famille a cette charge" et on le voit notamment avec l'inhumation "en grande pompe" (cistes etc...) d'enfants, qui n'ont bien entendu pas pu être "importants" pour la société, vu leur âge.

    [Incroyable tout ce qu'on peut faire dire à une tombe]

    A une époque plus tardive, il existe des cas de tombes réouvertes pour enterrer un autre mort, sans que personne n'arrive à donner d'explications.
    Je ne vois pas vraiment où se situe le problème ? Enfin : de nos jours aussi, on a des caveaux familiaux... Des études ADN ont été faites ?
    Bon, sans tomber dans le parallèle contemporain, et pour en revenir aux japonais (je crois que je suis monomaniaque), après la crise de la hiérarchisation au milieu du Yayoi (qui est liée *vraissemblablement* à une crise de la dynastie Han en Chine + un remplacement des outils en pierre par des outils en fer (pas la même matière première --> pas le même réseau d'approvisionnement --> pas les mêmes qui contrôlent)), on remarque que les cimetières d'élites, qui avaient été désertés pendant 60 à 90 ans sont de nouveau mis en fonction, et que le premier mort inhumé l'est souvent à l'intérieur même du tertre le plus gros du cimetière. D'après les études ADN il n'y a pas de lien direct entre les nouvelles élites et les précédentes : (attention hypothèses) l'individu est enterré là pour *légitimer* son pouvoir en se rapprochant des "Ancêtres" (on a limite une création "d'Age d'Or"), ce qui correspond également à une évolution des mentalités : avant, dans les cimetières yayoi, on remarquait des groupes de 3-4 inhumations génétiquement liées : on était enterré à proximité de son "ancêtre" direct, quelqu'un qu'on avait connu de son vivant. Là, le concept "d'ancêtre" est revisité pour en faire quelque chose de flou : des gens morts depuis 90 ans, qu'on ne connaît pas, avec lesquels on n'a aucun lien de parenté (mais là, après, ils s'en sont peut-être inventé pour légitimer leur pouvoir, hein). Brefle, une sorte de mythe fondateur à lui tout seul.


    Je pense qu'on peut avoir une assez bonne vision des phénomènes de hiérarchisation au Japon, mais le problème essentiel, si on sait le "comment", c'est qu'on n'arrive pas à comprendre le "pourquoi". Je pense que c'est pour ça que la thèse du remplacement de la population a eu tellement de succès : c'est tellement simple d'expliquer les bouleversements par un changement des personnes...
    De toutes manières, en étant objectif, on peut être sûrs qu'on ne saura jamais "pourquoi", mais accéder au processus étape par étape serait déjà une victoire...

  17. #47
    inviteb8e603d8

    Exclamation La naissance des États ...

    Salutations !

    Quelques points avant d'aborder l'émergence de l'État:

    Je crois que les Jomons étaient des Caucasiens, cousins des Peuples de Sibérie avant que les Mongoloïdes n'occupent cet espace. Les Jomons possédaient une barbe, des yeux bleux et furent les premiers occupants du Japon préhistorique. Les derniers représentants de cette ethnie disparurent au 19ième siècle.

    Ces Caucasiens de Sibérie furent aussi les tout premiers Homo Sapiens à fouler l'Amérique, en passant par la Béringie, bien avant les vagues d'immigration des Mongoloïdes, les ancêtres des Amérindiens actuels.

    Autre point: les Empires Inca et Méso-américains (Aztèques, Mayas, Olmèques et tutti quanti) faisaient commerce international. Vers 1515, lorsque Pizarro navigua pour la première fois sur le Pacifique, se dirigeant vers le Pérou qu'il 'découvrit', son navire croisa et aborda un immense radeau qui cabotait le long de la côte, rempli de marchandises autochtones.

    Aussi: il y eut des influences entre la Babylonie et la Chine, depuis l'aube des temps. Par exemple notre division du temps en semaines, héritée des Babyloniens et qui subdivise la semaine en SEPT jours, chacun consacré à une Planète EST LA MÊME EN CHINE. Lundi est le jour de la Lune, mardi de Mars, puis Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne et le Soleil. IDENTIQUES !!!

    Je pourrais élaborer aussi sur les contacts probables entre l'Ancien et le Nouveau Mondes pendant l'Antiquité, mais ces contacts furent anecdotiques: Crétois, Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Romains, puis les Vikings et les Basques ... avant Cristophe Colomb. Mais permettez que j'aborde le vif du sujet, l'émergence des États...

    Il y a, je crois, consensus à relier la naissance des États à l'Agriculture autour d'un bassin fluvial: l'Euphrate et le Tigre pour la Mésopotamie, l'Indus pour les Indes, le Fleuve Jaune pour la Chine, le Nil pour l'Égypte, le Supre pour Caral au Pérou (5000 ans!!!).

    Il fallait une autorité supérieure, un roi de droit divin, pour coordonner les efforts d'irrigation des différentes peuplades riveraines de ces fleuves. Un des attributs des Pharaons était de régulariser les crues du Nil et de coordonner les travaux d'irrigation.

    Concernant les 5 millénaires attribués à Caral au Pérou, extrême antiquité révélée tout récemment par les Archéologues contemporains, cela permet une approche nouvelle sur les Civilisations américaines. Aujourd'hui Caral est située dans un quasi-désert, cette côte du Pacifique est l'une des plus arides de la Planète ... aujourd'hui. Mais à cette lointaine époque, avant que l'Homme ne SCALPE les terres de leurs forêts, la pluviométrie n'était pas la même. Peut-être même qu'il existait d'autres villes aussi anciennes, en Méso-Amérique, mais les pluies diluviennes annuelles de 5 millénaires ont totalement fait disparaître toute trace de ces immenses tumulus de terre, nommées "pyramides" ...

    NB Ceci est mon premier message, écrit de mémoire, aussi si je me suis trompé dans l'une ou l'autre de mes affirmations, veuillez me l'indiquer POLIMENT ! Sinon ce sera mon DERNIER message.

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