FAQ : Questions souvent posées en astrophysique
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FAQ : Questions souvent posées en astrophysique



  1. #1
    invite8c514936

    FAQ : Questions souvent posées en astrophysique


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    Bonjour,

    Dans ce fil vont être résumées certaines des discussions revenant régulièrement dans la section "astronomie et astrophysique" du forum. Chaque message sera dédié à une question particulière, indiquée dans le titre.

    Les messages seront susceptibles d'être modifiés au fil du temps, pour tenir compte de l'évolution des discussions correspondantes dans le forum. Des questions seront ajoutées petit à petit... J'imagine que les règles s'affineront à l'usage, mais il me semble que la règle de base est de ne pas répondre dans ce fil. Si vous avez des commentaires sur un des messages, envoyez un mp à l'auteur qui pourra alors éventuellement apporter des modifications à ce message.

    Vous êtes invités à jeter un coup d'oeil sur cette FAQ (Foire aux Questions) avant d'envoyer une question, pour vous assurer que les réponses qui sont déjà là ne vous satisfont pas...

    Sommaire

    #1 : ce message
    #2 : Qu'y avait-il avant le Big-Bang ?
    #3 : Le Big-Bang c'est quoi ?
    #4 : L'Univers est-il fini ou infini ?
    #5 : A propos de l'expansion de l'Univers
    #6 : l'expansion permet-elle de dépasser la vitesse de la lumière ?
    #7 : Où a eu lieu le Big-Bang ?
    #8 : L'énergie noire, c'est quoi ?
    #9 : Expansion, inflation et multivers
    #10 : Bilan énergétique de l'univers en expansion

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    Dernière modification par mach3 ; 06/07/2018 à 12h53. Motif: tentative de réparation de lien cassé

  2. #2
    invite8c514936

    Qu'y avait-il avant le Big-Bang ?

    Si on entend par Big-Bang la "création" de l'Univers à partir de "rien", alors la question n'a pas vraiment de sens scientifique. Par contre, on peut, d'un point de vue scientifique, envisager l'apparition de l'Univers sous sa forme actuelle à partir d'autre chose [1], et il existe plusieurs scénarios qui proposent que l'espace-temps dans lequel nous vivons soit issu d'un événement singulier, notre Big-Bang. Cette question est toutefois extrêmement spéculatives à l'heure actuelle. Il existe aussi plusieurs réponses faussement scientifiques plus ou moins valables et plus ou moins honnêtes, qui sont ici passées sous silence. Pour les discussions sur le livre des frères Bogdanoff, prière de vous restreindre à [2].

    Discussions pertinentes sur le sujet :

  3. #3
    invite8c514936

    Le Big-Bang c'est quoi ?

    Le terme "Big-Bang" recouvre plusieurs notions reliées mais distinctes. Une confusion entre ces différentes notions est à l'origine de plusieurs malentendus dans les discussions.

    1/ A l'origine, ce terme désignait un modèle cosmologique dans lequel l'Univers serait né d'une grande explosion, tous les débris étant envoyés avec des vitesses différentes dans toutes les directions. Les débris les plus rapides parcourant une distance plus grande en un temps donné, ceci pouvait fournir une explication à la loi de Hubble. En fait cette vision a été très rapidement abandonnée, mais le terme est resté, ou plutôt il a été recyclé...

    Aujourd'hui, ce terme désigne deux choses :

    2/ Un modèle cosmologique basé sur la relativité générale et la physique des particules. L'Univers est décrit par une métrique qui varie dans le temps, ce qui se traduit par une expansion de l'Univers. Cette expansion dépend du contenue de l'Univers, lui-meme affecté par l'expansion. Ce modèle du "Big-Bang" s'appuie sur plusieurs observations indépendantes :
    • La loi de Hubble, ou plus généralement la relation entre distance et décalage vers le rouge
    • L'abondance des éléments légers par nucléosynthèse primordiale
    • Les propriétés du rayonnement de fond cosmologique
    • La formation des structures par instabilité gravitationnelle

    3/ Le "début" de l'Univers. Cette notion est très ambiguë, c'est en fait plutôt le moment auquel la densité de l'Univers devient infinie si on en croit un modèle cosmologique particulier. Or, dans la mesure où l'on sait déjà que tous les modèles cosmologiques que l'on connait cesssnt d'être valide aux premiers instants de l'Univers, c'est plus une définition qu'une affirmation sur l'Univers réel. Les questions portant sur l'Univers "avant" le Big-Bang cessent d'être paradoxales si on garde ceci en tête.

  4. #4
    invite8c514936

    L'Univers est-il fini ou infini ?

    Il faut d'abord réaliser que la validité scientifique de cette question n'est pas évidente.
    En effet si l'Univers est infini, il est absolument impossible d'en apporter la preuve expérimentale. Par contre s'il est fini, on pourrait le montrer.

    Toutefois, dans tous les cas on peut discuter la finitude des modèles cosmologiques utilisés pour décrire l'Univers : ces modèles font l'hypothèse que l'Univers est homogène à grande échelle, si bien que les propriétés observées localement peuvent être extrapolées à l'ensemble de l'Univers.

    Il faut alors considérer deux aspects distincts de ces modèles cosmologiques :
    1. La géométrie, reliée à la façon dont l'espace-temps est courbé. Il existe trois types de géométries possibles pour un Univers homogène et isotrope : sphérique (l'analogue d'une sphère , dans un espace dimension supérieure), plate, ou hyperbolique.
      Une géométrie sphérique conduit nécessairement à un Univers fini, avec un volume et une masse totale finis. Une géométrie plate ou hyperbolique peut conduire à des Univers finis ou infinis, suivant la topologie (voir le point suivant).
      La géométrie est déterminée par le contenu de l'Univers, plus précisément par sa densité d'énergie. Il existe une densité critique pour laquelle l'Univers est plat, en-deça de laquelle il est hyperbolique et au-delà de laquelle il est sphérique. Les observations cosmologiques indiquent que la densité dans la partie de l'Univers que l'on peut observer est très proche de la densité critique, l'Univers a donc une géométrie très proche d'être plate.
    2. La topologie. Un Univers plat semble intuitivement nécessairement infini, mais ce n'est pas le cas : il pourrait se replier sur lui-même en restant plat, comme un écran de Pac-Man dont la finitude est assurée par le fait qu'en sortant d'un côté, on réapparait de l'autre. Il a été proposé que notre Univers puisse avoir une topologie complexe, par exemple celle d'un dodécaèdre. Ceci est une question ouverte en cosmologie

    Discussions pertinentes sur le sujet

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite8c514936

    A propos de l'expansion de l'Univers

    L'expansion de l'Univers a soulevé pas mal de discussions... Voici un point d'entrée synthétique et surement un peu personnel.

    Observation et première interprétation

    Il est observé depuis Hubble dans les années 1930 que la lumière des objets lointains subit un décalage vers le rouge, celui-ci étant d'autant plus important que l'objet est lointain (voir [1] pour plus de détails). Une forme simple de la relation entre décalage vers le rouge et distance est fournie par la "loi de Hubble".

    Une première interprétation qui a été proposée fut que le décalage vers le rouge est dû à l'effet Doppler, les galaxies s'éloignant toutes de nous, et ceci d'autant plus vite qu'elles sont loin. Une forme simple de la relation entre vitesse d'éloignement et distance est fournie par la "loi de Hubble", v=H0d, où H0 est appelée "constante de Hubble, et s'exprime couramment en unité de km/s/Mpc (Mpc pour Méga parsec), et vaut dans cette unité environ 70 km/s/Mpc. Une galaxie située à 1 Mpc de nous semble donc s'éloigner, en moyenne, à la vitesse de 70 km/s.

    Les questions que soulève cette interprétation

    Cette interprétation amène plusieurs questions : "pourquoi occupons-nous une position qui semble si centrale dans l'Univers", "Dans quoi s'expand l'Univers ?", "les objets les plus lointains peuvent-ils s'éloigner de nous plus vite que la vitesse de la lumière". En fait, ce sont devenu de fausses questions depuis qu'une seconde interprétation apris la place de la première en cosmologie moderne. La voici :

    Interprétation moderne

    Si on applique la relativité générale à l'Univers tout entier, on est amené à décrire ce dernier par un espace-temps dans lequel les distances physiques entre deux points quelconques dépend explicitement du temps.

    En particulier, la distance entre deux galaxies lointaines augmente au cours du temps. La théorie de la relativité permet aussi de calculer la façon dont la lumière se propage dans cet espace-temps aux distances changeantes. On trouve alors que la lumière émise par un objet lointain est décalée vers le rouge. De plus, pour les objets pas trop éloignés de nous, ce décalage est conforme à la loi de Hubble. Par contre, pour les objets plus lointains, des différences notables apparaissent.

    Les observations modernes infirment totalement la première interprétation et confirment remarquablement bien la seconde.

    L'évolution de l'expansion

    La façon dont l'Univers s'expand varie dans le temps. Plus précisément, elle dépend du contenu de l'Univers, qui lui-même est affecté par l'expansion (dilution). En étudiant le contenu de l'Univers on peut déterminer l'évolution de l'expansion, et vice-versa.

    La modèle actuellement accepté par la communauté scientifique contient de la matière ordinaire, de la matière noire et de l'énergie noire (voir ces entrées dans la FAQ). Dans ce modèle, l'expansion est maintenant dans une phase accélérée qui continuera indéfiniment, l'Univers devenant de plus en plus dilué.

    Quelques discussions pertinentes sur le sujet

  7. #6
    invite8c514936

    l'expansion permet-elle de dépasser la vitesse de la lumière ?

    Version 1, qui sera probablement modifiée, le sujet est très délicat...

    L'Univers est en expansion et les galaxies lointaines s'éloignent de nous d'autant plus vite qu'elles sont loin. Ceci est contenu dans la loi de Hubble

    pour des distances pas trop grandes (disons inférieures a un milliard d'années-lumière), et par une relation plus compliquée pour des objets plus lointains, mais dans laquelle v croît encore avec d.

    Dans tous les cas, il semble que la vitesse v puisse être rendue arbitrairement grande en considérant une distance assez grande. En particulier, il est facile d'obtenir des vitesses plus grandes que la vitesse de la lumière (la constante notée c introduite en relativité), ce qui semble contredire les bases de la relativité.

    Ce n'est pas le cas, et il y a plusieurs façon de le voir ou de le dire.

    1/ Dans un univers en expansion, la distance physique entre deux objets est reliée au facteur d'échelle R(t) et à leurs coordonnées comobiles (leur coordonnée par rapport à la trame de l'espace-temps, à la "grille", en quelque sorte) x1(t) et x2(t) (en une seule dimension pour simplifier) par

    Considérons des objets qui sont "fixes", qui n'ont pas de vitesse propre par rapport au référentiel dans lequel on fait de la cosmologie.


    Ce qu'on appelle naturellement "vitesse relative", c'est la dérivée de cette quantité par rapport au temps

    C'est la loi de Hubble, et cette vitesse peut en effet être arbitrairement grande. Pour bien voir que c'est la loi de Hubble, on introduit

    ce qui donne finalement



    2/ Peut-on dire que l'objet 2 se déplace "plus vite que la lumière" pour l'objet 1 ? En fait non, car contrairement à une idée couramment admise, la vitesse de la lumière, au sens de la distance physique parcourue en un temps donné, divisée par ce temps, peut être plus grand que c ! La vitesse calculée de l'objet 2 est plus grande que c, mais la lumière elle-même a une vitesse encore plus grande. Localement, en se plaçant dans un référentiel minkowskien, la distance physique dr parcourue pendant un temps infinitésimal dt vérifie bien dr = c dt, conformément aux bases de la relativité. Quand on s'intéresse à la distance totale parcourue, il faut correctement prendre en compte l'expansion de l'Univers,

    ce qui après quelques manipulations conduit à



    Dit autrement :

    3/ la relativité interdit seulement que la vitesse physique de tout objet dans un référentiel inertiel soit supérieure à c. Elle ne dit rien a priori sur la vitesse relative de deux objets (au sens de la dérivée par rapport au temps de la distance qui les sépare). Il se trouve qu'en relativité restreinte ces deux notions sont quasiment équivalente, puisque pour estimer la vitesse relative il suffit de se placer dans le référentiel lié à un des objets. Ce n'est plus le cas en relativité générale, où la vitesse relative est un concept ambigu.

    4/ le décalage vers le rouge des objets lointains peut être très grand, et on observe très bien des systèmes pour lesquels, sans aucun doute, le spectre est décalé vers le rouge d'un facteur supérieur à 5. Si on appliquait naïvement la relation entre décalage vers le rouge et vitesse de l'effet Doppler, on trouverait des vitesses supérieures à 6 fois la vitesse de la lumière. Ceci n'est pas un paradoxe dans la mesure où l'on est totalement hors du domaine de validité de l'effet Doppler dans ce cas...

    Quelques liens sur le sujet :

    Expansion de l'Univers et c
    Plus vite que la lumière...

  8. #7
    invite8c514936

    Où a eu lieu le Big-Bang ?

    On entend souvent dire qu'"au moment du Big-Bang, l'Univers était réduit à un point". C'est au mieux une formulation très maladroite, au pire une erreur.

    L'expression "au moment du Big-Bang" est ambiguë, mais désigne en général le moment où le modèle du Big-Bang devient singulier, le facteur d'échelle cosmologique tendant vers zéro. Les distances dans l'Univers, tendent alors vers zéro, et on peut voir l'espace à ce moment-là comme un espace à trois dimensions dans lequel toutes les distances sont arbitrairement petites.

    Il est tentant de dire que ces différents points séparés par une distance nulle sont en fait le même point, et d'assimiler l'espace à un point. C'est une erreur, car cette vision ne permet pas de rendre compte de la dynamique de l'expansion et de comprendre ce qui se passe juste après l'instant "initial". Dit autrement, si on essaie de décrire l'Univers en ne le considérant qu'à un moment singulier, où ses propriétés sont décrites par des quantités qui sont nulles ou infinies, on se plante assez rapidement...

    Toutefois, ce qui est correct, c'est de dire que la partie de l'Univers que nous observons aujourd'hui était, elle, contenue dans un volume qui était arbitrairement petit, si on remonte arbitrairement loin dans le passé. Ce petit volume était entouré d'une multitude, voir d'une infinité, d'autres petits volumes, qui ont chacun évolué en de grandes portions de l'Univers, que pour la plupart nous ne pouvons pas voir car elles sont trop éloignées de nous...

  9. #8
    invite8c514936

    L'énergie noire, c'est quoi ?

    Qu'appelle-t-on énergie noire ?

    [Spéciale dédicace pour A., qui a dû avoir du mal avec mes explications confuses de cet après-midi... ]

    On sait aujourd'hui que l'Univers est en expansion, et même mieux, on arrive par des mesures d'objets lointains à mesurer l'évolution dans le temps de cette expansion. On observe que l'Univers s'expandait moins vite il y a quelques milliards d'années qu'il ne le fait aujourd'hui. On dit que l'expansion est accélérée.

    Le facteur d'échelle (dont l'augmentation constitue précisément ce qu'on appelle expansion de l'Univers, voir les messages précédents) augmente donc au cours du temps, de plus en plus rapidement. Les cosmologistes, en utilisant les lois de la relativité générale, relient l'évolution du facteur d'échelle au contenu de l'univers par la relation

    désigne la densité d'énergie (en J/m3) et p la pression du fluide cosmique. Cette équation montre que la présence d'énergie (en particulier d'énergie de masse) et de pression ont tendance à décélérer l'expansion. Or on observe au contraire une accélération ! Problème donc...

    En étudiant la manière dont l'expansion évolue au cours du temps, les cosmologistes parviennent à mesurer les quantités et p et là, ô surprise, ils trouvent que la pression p est négative. Ceci peut surprendre, car la matière et la radiation qui nous entourent ont des pressions positives. Les cosmologistes invoquent donc l'existence d'une nouvelle composante dans l'univers, qui n'est ni de la matière ni du rayonnement, et qu'ils appellent « énergie noire ».

    De quoi c'est fait ?

    On n'en sait rien. Plusieurs hypothèses ont été avancées, sans grand succès. Tout d'abord, ce pourrait être un terme nouveau des équations de la relativité générale. Enfin, pas si nouveau que ça, puisqu'Einstein l'avait introduit dans les années 1920, sous le nom de constante cosmologique. Dans ce cas, il existerait une relation très simple entre et p, puisque (ce type de relation est appelé une équation d'état).

    D'autres propositions ont été faites, conduisant à d'autres équations d'état. Certains modèles de théorie des champs donnent des pressions négatives, des modèles de cosmologie dans des Univers ayant des dimensions supplémentaires aussi. Tout ceci reste cependant très spéculatif...

    Des pressions négatives ?

    L'idée de pression négative peut sembler farfelue, c'est pourtant une situation que l'on rencontre dans plusieurs situations en physique. Par exemple, quand un fluide subit une transition de phase, il peut occuper des états que l'on décrirait par des pressions négatives. Cette situation se répète chaque fois que les constituants d'un milieu sont la source d'une force très attractive. La force qui s'exerce sur la paroi d'un récipient est alors dirigée vers l'intérieur du récipient et non vers l'extérieur : c'est une pression négative. En cosmologie, il s'agit sans doute d'une situation plus subtile.

    En saura-t-on plus un jour ?

    On espère que les observations continueront d'améliorer la qualité des données cosmologiques, ce qui permettra de mesurer l'équation d'état de façon plus précise. Pour le reste, attendons...

    Quel rapport avec la « matière noire » ?

    A priori aucun. Toutefois, certains théoriciens aimeraient voir dans ces deux problèmes deux facettes d'un problème plus fondamental et les résoudre d'un coup. Des tentatives intéressantes ont été proposées en ce sens, mais sans succès éclatant pour le moment.


    [si vous avez des remarques/suggestions, n'hésitez pas à me contacter par mp, il y a certainement des choses pas claires dans ce qui précède... ]

  10. #9
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : L'énergie noire, c'est quoi ?

    Expansion, inflation et multivers

    La théorie que l'on va qualifier de "classique" du Big Bang, née dans les années 20 et confirmée dans les années 60, ne fait appel qu'à la matière, au rayonnement et à la relativité générale, et c'est une théorie sans "bang", c'est à dire qu'elle n'explique pas l'expansion de l'univers, et moins encore la création de l'univers, quel que soit le sens qu'on donne au mot création. Voilà un premier point à bien imprimer : c'est une théorie de l'expansion qui est absolument muette sur l'origine de l'expansion. La théorie, qui sur la plan théorique se résume au deux équations de Friedmann ne fait "que" relier la variation du taux d'expansion de l'univers avec son contenu énergétique. Si on prend la valeur actuelle du taux d'expansion, notée H0, on peut en déduire que la valeur qu'il avait à l'instant d'avant était plus élevée, et celui encore avant plus encore, etc. Cette "constante" d'expansion est en fait une fonction du temps que l'on note H(t). L'équation de Friedmann nous dit que dH/dt est négative si la densité d'énergie et la pression de l'univers sont positives. Cela rejoint l'intuition : de la même façon, la vitesse d'un caillou qui s'éloigne du centre de masse décroit dans un champs de pesanteur positif.

    Or la physique classique ne connait que des champs de pesanteur positifs. Si on en reste dans ce cadre, lorsque l'univers est plus petit, il est plus dense. Donc la décroissance de H est plus rapide dans le jeune univers que maintenant. Donc il faut que sa valeur initiale soit très grande, et tout le monde connait le résultat : quand on annule la taille de l'univers, la fonction fort logiquement diverge et il faut donner à H une valeur initiale infinie pour obtenir la valeur actuelle. Or, le contenu énergétique classique, matière et rayonnement est incapable de faire autre chose que de freiner l'univers, c'est à dire de diminuer H. C'est donc sans espoir de ce côté pour trouver un mécanisme qui serait susceptible de donner à H une valeur infinie, ou au moins très élevée. C'est ce qui fait dire que la théorie du Big Bang est une théorie "sans bang", le "bang" étant dans l'idée l'événement qui aurait donné cette valeur élevée initiale de H.

    D'aucuns pourraient se dire : ah mais oui, mais je sais, quand l'univers était tout petit et fortement comprimé, la pression était très élevée et, jouant contre la gravité, elle a propulsé l'univers dans toutes les directions ! D'où l'idée commune de se représenter le Big Bang comme une explosion. Mais ça ne marche pas. Un des ajouts majeurs de la théorie de la relativité générale à la théorie de la gravité newtonienne, c'est l'idée que la gravité est proportionnelle au quadrimoment impulsion-énergie. C'est un vecteur à quatre composantes : une composante énergie (liée à la coordonnée temporelle) et trois composantes d'impulsion (liées aux trois dimensions spatiales). Et cette triple composante impulsionnelle, ce flux de quantité de mouvement, c'est précisément ce qu'on appelle la pression. En relativité générale, la pression gravite, ce qui n'est pas du tout le cas avec Newton. Et ce qu'il advient, c'est que certes dans un milieu dense et chaud, comme le centre d'une étoile, la pression générée par l'agitation thermique s'oppose à l'effondrement, mais que subrepticement, en même temps qu'elle s'oppose à l'effondrement, la pression augmente la valeur du champs de gravité qui écrase l'étoile. Et que dépassé un seuil (élevé, et du reste pas facile à calculer précisément), le surcroît de gravité généré par la pression dépasse sa contribution à résister à l'effondrement. Dans le cadre de l'astrophysique, c'est ce qui explique le côté irrémédiable de l'effondrement gravitationnel en trou noir. Et dans le cadre de la cosmologie, c'est ce qui contredit l'intuition d'un début de l'expansion engendré par un milieu de forte pression. La pression, comme la densité d'énergie, freine l'expansion. La lumière elle même génère une pression, et c'est le même raisonnement, cette pression contribue positivement à la gravité. Exit l'idée d'un "bang explosif" cad qui serait causé par la pression initiale, qu'il s'agisse de celle des gaz ou de celle de la lumière. Si on en reste aux composants classiques, il n'existe pas de terme susceptible d'expliquer la valeur élevée du taux d'expansion initial.

    Les choses ont commencé à changer au début des années 80 avec la théorie de l'inflation, qui est précisément une théorie du "bang". C'est elle qui va nous expliquer de quelle manière on peut conceptualiser cette valeur initiale très élevée de H, qui va ensuite subir le freinage de la matière et du rayonnement. Et puisqu'on a dit que ces deux compères avaient pour effet de diminuer H, la théorie de l'inflation postule un espace dépourvu de matière et de rayonnement, autrement dit : on part d'un espace vide. Nous allons voir qu'étrangement, seul le vide peut faire bang.

    Pour comprendre ça, il va falloir déjà faire un gros détours conceptuel sur cette notion de vide. Le vide a priori, c'est rien. On l'assimile au néant. Or le néant est un mot qui désigne en fait ce qui n'existe pas. C'est un concept métaphysique, tout entier contenu dans sa définition: ce n'est rien. De ce seul fait, c'est à dire par définition, penser que le néant existe est dépourvu de sens. Ce serait comme dire que le pôle Nord est au Sud.

    La Physique, la philosophie naturelle autrement dit, se préoccupe de ce qui est et n'utilise donc pas ce concept. Donc quand on parle du vide, il ne s'agit pas du néant.

    Mais le piquant de l'histoire, c'est que les deux branches maîtresses qui nous permettent appréhender la Nature à ses niveaux les plus fondamentaux, la relativité générale et la théorie quantique des champs (QFT pour quantum field theory), ont pour objets centraux les deux attributs que les primates visuels que nous sommes associent spontanément au néant. Bien que ce soit absurde quand on y réfléchit un tant soit peu, vu que le néant n'étant rien, il n'est pas représentable, si on demande néanmoins à tout un chacun de se représenter le néant en imagination, il visualisera probablement ça: un grand espace vide.

    L'espace, le contenant géométrique, est ce que decrit la relativité générale. Donc la cadre classique qui nous permet de conceptualiser l'expansion de l'espace avec les équation de Friedmann. Et le vide, le contenu de cet espace, est ce que décrit la QFT. Le moins qu'on puisse dire c'est que les deux concepts, espace et vide, ne représentent donc par "rien". La révolution scientifique commencée au XXe siècle peut se résumer à ce déniaisement intellectuel. Là où il semblait impossible d'imaginer des structures, tout repose dessus, basé sur une physique théorique de très haute volée. Il faut au minimum un master pour commencer à en aborder les mystères autrement qu'avec des concepts vulgarisés.

    Et le point nodal de l'histoire pour envisager l'origine de l'univers, c'est que l'espace et le vide entretiennent une dialectique serrée. Le vide possède un état fondamental dont l’énergie n'est pas nulle et cela engendre une pression négative qui a son tour est la cause d'une expansion de l'espace qui en retour augmente le volume du vide. Et le changement d'état du vide vers un niveau de moindre énergie représente un mécanisme par lequel on va pouvoir faire apparaître de la matière, donc passer d'une univers vide en inflation à un univers de matière et de rayonnement en expansion.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 03/03/2017 à 08h09.
    Parcours Etranges

  11. #10
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : FAQ : Questions souvent posées en astrophysique

    (suite)


    Vide et matière

    Ce qu'on appelle la matière, c'est un vide qui n'est pas à son état d'énergie minimal, c'est à dire un vide excité.

    Ce qu'on appelle le vide c'est un ensemble de champs, un pour chaque particule élémentaire, à leur état d'énergie minimal. Même dans cet état minimal, le champ conserve une activité résiduelle qui produit des couples de particules qui se résorbent en un temps très court (d'autant plus court que la particule produite est massive). Le vide est une ruche vibrionnante qui produit de la matière à jet continu. Mais il s'agit d'une matière virtuelle, c'est à dire que ces particules ne peuvent pas interagir avec une particule réelle, un détecteur de particules par exemple ; elles produisent par contre un effet collectif qui joue un rôle important dans la théorie des champs quantiques.

    L'énergie par unité de volume ρ autrement dit la densité d'énergie du vide (en Joule/m3, par exemple) résulte d'une sommation sur les champs quantique.

    L'énergie E d'un champ en théorie quantique c'est :

    E(n) = (n + 1/2)hν

    avec
    h la constante de Planck
    ν (nu) la fréquence. Un ν donné représente un mode du champs. Pour une particule de masse m au repos, on a au minimum hv = mc², auquel il faut ajouter son énergie cinétique.
    n = 0, 1, 2... le nombre de particules (réelles) du champ.

    n>0 représente l'état excité, le champ génère de la matière
    n=0 représente l'état d'énergie minimal du champ, cad le vide.

    D'où l'énergie de point zéro du champ :

    E(n=0) = hv/2

    ...qui n'est pas nulle.

    Pour calculer l'énergie de vide, on intègre sur tous les modes des champs de toutes les particules (fermions, bosons) pour obtenir un total.

    Et là, c'est le drame...

    Mais si on ne fait le calcul que sur une seule particule, par exemple le photon, l'intégrale donne une densité d'énergie de l'ordre de ρ~10120 fois la densité d'énergie mesurée. C'est ce qu'on appelle une catastrophe ultraviolette : en intégrant les modes de fréquences croissantes qui sont aussi les plus énergétiques (si on part des fréquences optiques, c'est quand on va vers les ultraviolets), l'intégrale diverge, cad que son résultat tend vers l'infini. Usuellement, on somme jusqu'à une fréquence dite de coupure, qu'il faut justifier physiquement. Or dans le cadre de la Physique actuelle, la fréquence de coupure c'est la fréquence de Planck. On obtient comme résultat que la densité d'énergie du champs est de l'ordre de la densité de Planck. Ok, ce n'est pas infini. Mais c'est quand même extraordinairement élevé. Ou pour le dire à l'inverse : notre vide apparaît extraordinairement peu énergétique par rapport à ce qu'il devrait être, si on se fie à la théorie quantique des champs. C'est le problème dit de la constante cosmologique. Sans doute le problème ouvert le plus brûlant de la physique actuelle.

    Mais bon...

    Si on passe ça sous le tapis, l'idée est que "naturellement" on a une "énergie plancher" qui se déduit du formalisme fondamental la théorie quantique des champs. Comme il s'agit de l'état fondamental des champ, l'idée d'une "dilution" est sans objet. Cela signifierait que les lois de la physiques changent avec l'expansion.


    Vide et expansion

    Si je prend un système constitué très simplement d'un volume de vide et que j'augmente ce volume, en lui faisant subir une expansion, que se passe t'il ? J'ai crée un volume plus grand d'espace remplis de vide. Comme ce vide représente une certaine énergie par unité de volume, j'ai augmenté l'énergie de mon système.

    Soit U l'énergie interne de mon système.

    En thermodynamique de base, j'ai l'équation de conservation de l'énergie qui s'écrit comme ça, pour un système adiabatique (=qui n'échange pas de chaleur avec l'extérieur, ce qui est le cas de l'Univers) et isentropique (= dont le nombre moyen de particules par unité de volume ne change pas, ce qui est le cas du vide) :

    dU = -pdV

    dU est la variation de mon énergie interne
    p est la pression
    dV est la variation de volume

    Très simplement, si j'ai un piston remplis de gaz sous pression et que je le laisse aller, son volume va augmenter (dV>0), et l'énergie interne va diminuer : une force travaille, et ce travail est fourni à l'extérieur, ce qui fait tourner le moteur de la Volvo, par exemple . Mais ici, il ne semble pas que l'Univers puisse faire tourner une Volvo. Il ne fournit de travail à personne.

    Alors voyons. D'après ce qui précède :

    dU = ρdV

    d'où :

    ρ = -p

    Autrement dit l'augmentation de l'énergie interne est compensée par une pression négative. C'est un truc plutôt bizarre, mais vrai et qui se constate dans l'effet Casimir.

    Bon, ça c'est ce que nous dit la théorie quantique des champs, au sujet du vide.

    Que nous dit la relativité générale, au sujet de l'espace ? Que la gravité d'un fluide quelconque de densité d'énergie ρ et de pression p est :

    g = ρ + 3p

    On l'a vue plus haut : en relativité générale, la pression gravite, c'est à dire qu'elle doit être comptabilisée dans la somme des termes qui produisent une courbure de l'espace. Le chiffre 3 devant le terme p est lié comme on l'a vu aux 3 dimensions spatiales.

    Comme p est négative et égale à -ρ, ρ+3p est une quantité négative, ce qui implique une gravité répulsive, et la croissance de la métrique da/dt est du genre :

    a(t) ~ exp(Ht)

    avec H = (da/dt)/a

    C'est le premier miracle de la Physique : le vide engendre une pression négative qui elle même engendre l'expansion, ce qui nous manquait cruellement dans la théorie classique.

    Bon, maintenant on pourrait se dire ok, le vide rentre en expansion, mais quand même... Même si la création de vide semble "compensée" par une pression négative, bah, on viole quand même allègrement le Premier Principe de thermodynamique dans cette histoire : l'énergie n'est pas conservée, elle ne fait que croître ! Et c'est la connexion avec la relativité générale qui permet le second miracle de la Physique : tout se fait à bilan d'énergi nul.

    Cela fait intervenir l'idée que l'énergie d'un champ gravitationnel a une valeur négative, susceptible de compenser cette création d'énergie. Cette valeur négative de l'énergie gravitationnelle n'est pas un concept récent : c'est déjà classiquement vrai dans le cadre newtonien. La gravité est une force de liaison. Deux masses liées par une force ont moins d'énergie potentielle que deux masses libres. Cela signifie que pour les délier il va falloir leur fournir du mouvement. Si on se représente deux masses situées à l'infini l'une de l'autre, leur énergie est nulle. Elles tombent l'une vers l'autre : leur énergie cinétique augmente ce qui est compensé par une énergie potentielle gravitationnelle négative, et la valeur totale de leur énergie mécanique reste nulle.

    La valeur de l'énergie gravitationnelle dans le cadre de la relativité générale n'est pas un calcul simple, mais dans le cadre du scénario inflationnaire, on peut effectuer ce calcul avec une rigueur suffisante, et le bilan est nul.

    Si on rassemble toutes nos billes, on obtient donc le scénario suivant : on postule que l'état d'énergie typique du vide est très élevé, en se basant sur les résultat de la QFT. De façon qu'on explique pas encore, mais qui se constate simplement du fait que notre univers existe, il existe un état du vide de basse énergie. La thermodynamique classique permet donc de prédire que ce vide énergétique va décroître spontanément pour rejoindre le point bas. Avant et durant cette chute, l'univers est en inflation, et un volume élémentaire de vide de dimension subatomique (disons 10-28 cm) va atteindre une taille centimétrique, cad une croissance d'un facteur e100 environ en une durée très breve de l'ordre de 10-32s. Si on donne àla densité d'énergie initiale la valeur d'énergie dite de Grande Unification (GUT), de l'ordre de (1016 GeV)4 alors la bille d'univers qui sort de l'inflation est remplit d'un plasma dont l'énergie totale est suffisante pour donner naissance à toute la matière (baryonique et noire) et tous le rayonnement de l'univers. Le vide initial a changé de phase, et convertit son énergie en matière et rayonnement. La pression qui était fortement négative est devenu fortement positive, le taux d'expansion de l'espace est maintenant freiné par son contenu. On raccroche ainsi les wagons avec un Big Bang chaud classique, mais on a une idée désormais de ce qui aurait pu faire "bang".

    --
    Dans le cadre de l'inflation éternelle, on peut se representer l'Univers observable comme comme un fragment de volume de notre pocket universe, lui même partie du mulivers.

    Le fond de couleur sombre représente le multivers rempli d'un vide de haute énergie générant une gravite répulsive, en inflation permanente. Mais ce vide est instable, et il décroît de place en place pour former des poches de vide de moindre énergie mais pleine de matière et de rayonnement, en expansion ralentie.
    Images attachées Images attachées  
    Dernière modification par Gilgamesh ; 03/03/2017 à 08h08.
    Parcours Etranges

  12. #11
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : FAQ : Questions souvent posées en astrophysique

    Pour aller plus loin : tout ceci est en anglais évidemment, mais je conseille quand même cette conférence récente (2015) d'Alan Guth, le père de l'inflation :

    Inflationary Cosmology: Is Our Universe Part of a Multiverse?

    Et ce cours plus avancé, donné à des thésards, mais qui reste très facile d'accès, niveau math:

    Physics@FOM 2015 - Masterclass Alan Guth

    Prior to Physics@FOM 2015, the programme committee organised four masterclasses. These classes offer PhDs and young postdocs a unique opportunity to receive an introduction to their discipline from top researchers.

    About the conference:
    Physics@FOM Veldhoven is a large congress that provides a topical overview of physics in the Netherlands. It is organised by the Foundation for Fundamental Research on Matter (FOM) and takes place each year in January. Traditionally, young researchers are given the chance to present themselves and their work alongside renowned names from the Dutch and international physics community. The programme covers Light and matter, Atomic, molecular and optical physics, Nanoscience and nanotechnology, Statistical physics and Soft condensed matter, Surfaces and interfaces, Physics of fluids, Subatomic physics, Plasma and fusion physics, and Strongly correlated systems.
    Juste noter que depuis la conférence, l'invalidation des conclusion de BICEPS2 a été confirmée en les comparant avec les données de la mission Planck. On n'a pas encore découvert les modes B...

    En français, un support de cours : Inflation, anisotropie et inhomogénéités (pdf)

    Et un autre plus détaillé mais qui reste facile d'accès : L’inflation cosmologique (Des fluctuations quantiques primordiales aux galaxies) (pdf)
    Parcours Etranges

  13. #12
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : FAQ : Questions souvent posées en astrophysique

    Le bilan énergétique de l'expansion de l'univers n'est pas un affaire simple à comprendre.

    Ça fait toujours un choc (enfin, moi ça me l'a fait), mais l'expansion ne conserve pas l'énergie. Et de deux façons différentes, qui concernent l'énergie du rayonnement et la constante cosmologique. On pourrait même rajouter un troisième mode selon laquelle l'énergie n'est pas conservée, qui concerne la courbure.

    A la base, on compte quatre formes d'énergie dans l'univers, sur le plan de leur évolution avec l'expansion :

    * la courbure : on se souvient qu'en relativité générale, la gravité s'identifie avec la courbure de l'espace temps. L'équation d'Einstein identifie le tenseur de courbure avec le contenu énergétique de l'univers. Mais ce qui complique la résolution de l'équation, c'est que la courbure elle même représente elle même une forme d'énergie. En d'autres termes, la gravité... gravite. La densité d'énergie associée est inversement proportionnel au facteur d'échelle.

    ρk ~ a-2

    Toutefois, il se trouve que cette quantité est proche de zéro, à moins de 5% près, quand on la mesure aujourd'hui. Vu que cette densité d'énergie augmente quand l'univers rapetisse, il faut que sa valeur ait été extraordinairement proche de zéro dès l'origine. C'est ce qu'on appelle le problème de la courbure (un des principal fait d'observation motivant la théorie de l'inflation cosmique, qui aurait porté cette courbure à une valeur très proche de zéro en un temps extrêmement bref à un stade très précoce de l'histoire de l'univers). La courbure est donc négligée dans la suite du propos. Mais c'est ce qui représente le mieux la densité d’énergie associée a l'espace, intrinsèquement, cad a la géométrie.

    * l'énergie de masse des "poussières", le terme poussières représentant toute la matière dite baryonique (étoiles, planètes, gaz, etc) ainsi ici que la matière noire. En terme plus technique il s'agit de la composante non relativiste. Pour expliciter ça : on se souvient que l'énergie relativiste est donnée par l'addition de deux termes quadratiques :

    E2 = (mc2)2 + (pc)2

    Lorsque l'énergie de masse mc2 >> pc, avec p l'impulsion et c la vitesse de la lumière, la particule est non relativiste, lorsque c'est l'inverse elle est relativiste. La fraction non relativiste de l'énergie, celle de la masse au repos, est insensible à l'expansion. La fraction relativiste, celle de l'impulsion s'affaiblit avec l'expansion.

    Si je double la taille de l'univers, je multiplie son volume par 23=8 et la composante non relativiste formée par les poussières va se diluer dans ce plus grand volume mais la quantité totale (le produit de la densité par le volume) sera conservé. Soit ρ la densité d'énergie et a le facteur d'échelle de l'univers, le symbole ~ signifie "varie comme" :

    ρm ~ a-3

    * le rayonnement : fond radio de l'univers, lumière stellaire... Essentiellement des photons, donc. On peut également mettre les neutrinos avec. En terme plus technique il s'agit de la composante relativiste, cad de la fraction du contenu pour lequel E = pc (ou quasi pour les neutrinos). Cette composante se dilue comme la matière dans des volumes de plus en plus vastes mais il s'ajoute en plus un terme de redshift. La longueur d'onde du rayonnement évolue comme le facteur d'échelle. Comme l'énergie d'un photon (son impulsion p) est inversement proportionnelle à la longueur d'onde, la densité d'énergie évolue comme 1/a3 (dilution en volume) * 1/a (diminution de l'impulsion) soit :

    ρr ~ a-4

    en échelle logarithmique la pente de la droite est -4 pour la radiation et -3 pour la matière.
    Sur le graphique le facteur d'échelle a est noté R.

    Pièce jointe 295118

    Ainsi, l'énergie du rayonnement est perdue, et jamais ne reviendra. Et ça ne concerne pas juste le phénomène d'expansion : c'est le creuset théorique que constitue la relativité générale qui n'offre pas un cadre "légal" où l'énergie globale de l'univers serait conservée (ou plus exactement : où l'expression de cette énergie globale sous la forme d'un tenseur impulsion-énergie ait un sens univoque, qui puisse donner lieu à une mesure). Et pourtant, tout ça est basé sur la conservation locale de l'énergie.

    Il y a un loup : la courbure temporelle. Et on va voir que c'est très logique, en définitive.

    Aux tréfonds de la physique on trouve un truc qui s'appelle le premier théorème de Noether et qui relie l'existence de variables dites conjuguées d'un système avec des lois de conservation.

    Pour ce qui concerne l'espace-temps cela donne :

    - l'invariance par translation dans le temps entraîne la conservation de l'énergie ;
    - l'invariance par translation dans l'espace selon une direction entraîne la conservation de la quantité de mouvement dans la même direction ;
    - l'invariance par rotation dans l'espace entraîne la conservation du moment angulaire.

    Le temps et l'énergie sont deux variables conjuguée. Si deux observateurs sont d'accord sur le tic-tac de leur horloge alors ils sont d'accord sur l'énergie et celle ci se conserve entre le tic et le tac.

    Or nous observons l'univers ancien selon un temps ralentis : le redshift cosmologique, ce qui rougit le rayonnement et est responsable du facteur a0/a dans la mesure de sa longueur d'onde, c'est ÇA. Un rayonnement ce n'est rien d'autre qu'un oscillateur, un champ électrique et un champ magnétique qui changent de sens à une certaine fréquence. Dire qu'on l'observe selon un temps ralenti, c'est dire qu'on l'observe à une fréquence ν plus basse. Or, E = hν. L'énergie de ce rayonnement diminue en conséquence. Puisque suivant Noether, énergie et temps sont des variables conjuguées, le fait que l'on ne puisse voir l'univers dans sa globalité qu'en suivant des sections de décalages temporels croissants fait qu'on ne dispose pas d'un processus d'intégration légal qui assurerait la conservation de l'énergie. Elle se perd dans le ralentissement temporel propre à ce qui résulte de l'observation d'un phénomène éloigné dans un univers en expansion.

    A un moment l'univers était rempli de photons très énergétiques. Ils ont voyagé et les observateurs à chaque époque observent ces photons venus de plus en plus loin avec un décalage de fréquence croissant et donc les observent de moins en moins énergétiques. Et au final (maintenant), tout l'univers est rempli de ces mêmes photons (ils n'ont jamais été absorbés depuis leur émission, et leur démographie n'a pas varié) mais à 3K au lieu de 3000K.


    * la constante cosmologique (ou énergie sombre) notée Λ (lambda). Dans le modèle standard de la cosmologie elle est de densité constante.

    ρΛ ~ cte


    Le graphique ci dessous représente l'évolution de ces trois composantes avec le temps cosmique (le graphique de gauche est un zoom sur le jeune univers).
    Pièce jointe 295119

    Quand l'univers est petit, le rayonnement domine (ère radiative). En se refroidissant la matière prend le dessus (ère de matière). Puis c'est la constante cosmologique qui domine (ère du vide). Aujourd'hui la densité de l'univers provient à 0,74 de la cte cosmo et à 0,26 de la matière (et a seulement 0,05 la matière ordinaire).

    Pièce jointe 295120


    Si on fait le compte, en intégrant sur le volume de l'univers :

    * l'énergie de courbure est nulle,
    * l'énergie de masse est constante,
    * l'énergie du rayonnement s'affaiblit (elle passe de presque tout à presque rien)
    *...et il y a toujours plus d'énergie du vide.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 27/03/2017 à 06h49.
    Parcours Etranges

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