Différenciation des cellules lors de la fécondation
Discussion fermée
Affichage des résultats 1 à 24 sur 24

Différenciation des cellules lors de la fécondation



  1. #1
    invite87b659e5

    Différenciation des cellules lors de la fécondation


    ------

    Bonjour,

    Lors de la fécondation, il y a multiplication des cellules, toutes identiques au début.
    Puis à un moment donné, les cellules se différencient.
    Comment fait la cellule pour savoir qu'elle va participer à l'élaboration d'un bras et une autre, la tête ?
    Mon niveau de biologie est du niveau lycée.
    Merci

    -----

  2. #2
    inviteaa4eee7d

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Je n'ai pas LA réponse à la question, mais vu que tu n'as pas encore de personnes compétente qui ont vu ton message, je peux déjà donner quelques éléments :

    Effectivement dans un premier temps la cellule œuf se multiple pour créer un stock de cellules, toutes identiques. Ensuite, celles du tour vont se différentier pour former le futur placenta, et il va y avoir "compaction" des cellules du centre. Ce "tas" de cellule du centre est à ce stade collé aux cellules qui deviendront le placenta, et formeront le futur bébé.

    Maintenant on en arrive à ta question, comment une cellule sait ce qu'elle va devenir : plusieurs mécanismes sont connus :
    - un premier concerne le voisinage de la cellule : est-ce qu'elle est entourée ou pas, et par qui ou quoi. Exemple du placenta, qui est en contact avec l'extérieur et les cellules de la maman.
    - un second correspond aux gradients chimiques : à partir d'une concentration seuil, on va avoir différentiation des cellules dans une zone donnée. La concentration d'une molécule peut varier d'une zone à l'autre selon l'environnement : le futur placenta, la future poche de liquide amniotique...
    - un troisième mécanisme est lié à la force mécanique que peut subir une cellule. Si elle se fait tirer par une autre, ou pousser. L'exemple c'est chez le poisson zébre, qui est un modèle pour l'étude du développement embryonnaire, d'après mes souvenirs c'est le futur tube neural qui prend sa forme et se différencie par ce mécanisme.


    Voila quelques éléments de réponse en attendant une personne qui sais vraiment. Mais 'est un sujet très complexe et pas forcément compris à 100%. La réponse se situe probablement dans un subtile mélange des trois mécanismes proposés.

  3. #3
    Flyingbike
    Modérateur*

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Stehl a déjà donné de bonnes indications.

    En effet, la différenciation au cours de l'embryogénèse est un très complexe mélange de signaux cellulaires, gradients, interactions cellule-cellule, eux même étant sous contrôle d'éléments extérieurs comme par exemple la gravité.

    La difficulté dans la compréhension de ces mécanismes est augmentée notamment par le fait que certains signaux ont un effet donné à un instant t, mais un effet différent à un autre stade du développement. De plus, les effets de certains signaux peuvent également être conditionnés à la présence ou à l'absence d'autres signaux de façon concomitante.
    La vie trouve toujours un chemin

  4. #4
    invite87b659e5

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par Flyingbike Voir le message

    En effet, la différenciation au cours de l'embryogénèse est un très complexe mélange de signaux cellulaires, gradients, interactions cellule-cellule, eux même étant sous contrôle d'éléments extérieurs comme par exemple la gravité.
    Je comprends bien que ce doit être un mélange de toutes les interactions mais dans le corps humain, il y a des milliers d'organes et éléments différents. Je suppose que c'est quand même des réactions biochimiques qui orientent la cellule vers un élément ou l'autre. Donc il doit y avoir des milliers d'interactions pour donner des éléments différents.
    Je suppose aussi que l'adn entre en jeu aussi pour donner la couleur de peau, et tous les éléments qui distinguent une personne d'une autre.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite7a0a8d2e

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par papyneo Voir le message
    Je suppose aussi que l'adn entre en jeu aussi pour donner la couleur de peau, et tous les éléments qui distinguent une personne d'une autre.
    Même si l'ADN est là dans toutes les cellules, ça ne veut pas dire qu'il est exprimé.
    Les différents mécanismes évoqués plus haut ont justement pour effet de permettre ou non l'expression de telle ou telle zone de l'ADN.

  7. #6
    Geb

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Bonjour,

    Les phénomènes d'auto-organisation en biologie du développement, en particulier dans le cadre de l'embryogenèse (non humaine), sont absolument fascinants et on commence enfin à bien maîtriser certains des outils qui nous permettent de comprendre tout ça avec une précision inégalée.

    La thèse de doctorat de Thomas Heams (Heams, 2004) portait sur ces questions d'auto-organisation cellulaire et du caractère stochastique de l'expression génétique. La France compte beaucoup d'autres sommités dans ces domaines, parmi lesquels le pionnier Jean-Jacques Kupiec (voir par exemple Kupiec, 1997), Éric Karsenti (Karsenti, 2008) ou François Nédélec, pour ne citer que les plus connus.

    Le magazine de vulgarisation Pour la Science a consacré un article récent aux travaux de Kupiec (Lambert, 2020).

    En novembre 2018, Éric Karsenti a été invité à présenter ses travaux (qui ne portent pas que sur l'auto-organisation en embryogenèse), à l'occasion d'une conférence grand public.

    Quant à François Nédélec, il s'agit surtout d'un spécialiste de l'auto-organisation du fuseau mitotique, mais certains de ses travaux portent aussi sur la biologie du développement et la différentiation cellulaire (Wennekamp et al., 2013 ; Maître et al., 2015). Il n'est pas encore à la retraite et n'a pas encore le temps de vulgariser ses travaux, mais pour autant qu'on soit capable de lire l'anglais, c'est vraiment fascinant. Les chercheurs dans ce domaine doivent vraiment avoir l'impression de vivre une époque fabuleuse, un peu comme le moment d'effervescence qu'a connu la physique théorique dans les premières décennies du XXe siècle.

    Outre sa publication spécifiquement consacrée à l'expression génétique et la différentiation cellulaire (Kurakin, 2005), je ne résiste pas à l'envie de reproduire ci-dessous un long passage d'un cours d'Alexeï Kourakine (Kurakin, 2004). Il critique le "modèle du rhéostat" de l'expression génétique et s'exprime en faveur du "modèle stochastique" de l'expression génétique (tout cela a évidemment des liens avec la différenciation cellulaire). Comme analogie, il compare l'expression génétique dans les tissus vivants à l'organisation sociale des sociétés humaines (l'armée, la gestion d'un restaurant, etc.) :

    [...] The stochastic model of gene expression on the other hand does not require any specifications or design. And the designer to this end. It suggests that any cell population is highly heterogeneous in at least two respects. First, genes are expressed stochastically though infrequently in the population [105, 114]. Second, each cell in the population has a different threshold or a different probability to respond by specific gene expression to a given activating stimulus at any given time [106]. Appearance of an external activating clue normally selects the sub-population of cells that happen by chance to be most responsive to this particular stimulus in that specific moment. These recruited cells switch then to expression of the responsive gene. The expression of responsive gene presumably leads to re-arrangements in individual transcriptional networks of the recruited cells shaping these networks towards more similar yet distinct patterns of gene expression. The gene expression in the recruited cells becomes in part synchronized by appearance and presence of activating stimulus. The activating stimulus may provide a selective advantage to the recruited sub-population on a local scale, but at the same time the synchronization of the recruited cells should be consistent with and, most probably, provides a selective advantage to the whole of which this recruited population is a part. In the context of organism any recruited sub-population is always embedded into a larger matrix of cell-cell interactions. In the case of hematopoiesis a considerable body of experimental evidence suggests that lineage commitment occurs probabilistically and regulatory factors select sub-population of cells in which the commitment has already occurred, rather than dictate cell fate to target cells [106, 116].

    The inherent stochasticity underlying gene expression of individual cells combined with interactions between the cells turns the cell population into the whole that is more than a sum of its parts. This whole becomes sensitive and discriminative to a much wider variety of changes in its environment than individual cells. It is reasonable to expect that virtually any new lasting environmental change will bias the “chaos” of individual expression profiles by giving selective advantage to certain profiles in the population. At the same time, indirectly, through cell-cell interactions, it will affect and shape the global structure of the population’s transcriptional network. As the spectrum of interdependent expression profiles of a cell population is molded and maintained by the interaction with environment, the population as a whole reflects, models or, in other words, becomes cognizant of its environment.

    It is illustrative and useful to draw analogy between cell differentiation and professional specialization in developed human societies. Let us take as an example the military service in a country and times where and when this service is not obligatory. At any given moment there is a very large civil population of highly heterogeneous personalities. Consider the opportunity and attraction of army service as an activating stimulus. Each civil individual has its own and very different threshold to be attracted to become military. The decision to enroll is inherently probabilistic at the scale of individuals, but statistically the flux of new recruits is maintained constant or regulated by changes in the activating stimulus. The individuals who are finally recruited switch in all-or-none fashion to those certain and similar patterns of behavior, habits, moral norms, and even thoughts that differentiate the military from the rest of population. To a certain degree individual psychosomatic networks of the recruits are re-arranged, made more uniform and synchronized by being military, yet each of servicemen is still distinct individual. Notice that an individual is not born, or designed from the birth to become, as an example, the air force officer. His/her specialization as an air force officer is selected in a probabilistic manner and is the product of individual psychosomatic development and needs of a larger scale system, the society, of which this person is a part. In fact if needs of society in army or air force suddenly were to disappear or to diminish, our air force officer might be attracted to other society’s needs and would become a businessman or restaurant owner, for instance. The particular outcome again would depend on the interaction between individual psychosomatic network of the retiring officer at the moment of retirement, the current needs of society and a chance. In this sense functions or specializations of a protein, a cell or a human individual are not pre-determined by unspecified designer, but results from the interaction and mutually beneficial compromise between development and interests of a part and needs of a whole. The very concept “function” pertains to a whole and is meaningful only in its context. It is not the inherent property of a part, which can be deduced from physical characteristics of a part alone. [...]
    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 25/01/2021 à 12h28.

  8. #7
    invitedfd04b19

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Ben déjà, la réponse se trouve dans la question (plus ou moins).

    Dire que toutes les cellules sont identiques au début, c'est faux. Le contenu génétique est identique chez toutes les cellules d'un organisme (aux mutations près..) mais le contenu cytoplasmique peut être différent.
    Et en l'occurence, il l'est chez nous, chez les amphibiens, par exemple.

    Ces cellules aux contenus cytoplasmiques différents (présence d'ARNm maternels) ne sont donc pas identiques aux cellules d'à côté qui ont donc un autre contenu cytoplasmique. Ces cellules n'auront pas le même devenir et auront un fonctionnement différent (notamment, elles sécréteront des signaux de différenciation différents). Donc déjà pour commencer.

    Ensuite ces cellules qui n'ont pas le même devenir ne produiront pas les mêmes signaux et n'induiront pas les mêmes structures : ainsi en fonction de la position d'une tierce cellule, si elle est confrontée aux signaux de la cellule 1, elle se différenciera en cellule X mais si elle est confrontée aux signaux de la cellule 2 (qui ne sont pas les mêmes que ceux de la cellule 1) elle se différenciera en cellule Y.

    Et ensuite la cellule X et la cellule Y produiront d'autres signaux qui n'auront pas forcément les mêmes effets (en fonction du temps, de l'espace et de leur concentration) et induiront en retour la différenciation d'autres cellules etc... Le développement embryonnaire est donc vu comme une succession d'inductions déterminant des territoires de plus en plus précis.

    Voilà, très schématiquement, c'est ce qui se passe dans le développement embryonnaire. C'est très schématique, hein. Mais c'est grosso-modo ce qui se passe.

  9. #8
    invite87b659e5

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par Mysterios Voir le message
    Dire que toutes les cellules sont identiques au début, c'est faux. Le contenu génétique est identique chez toutes les cellules d'un organisme (aux mutations près..) mais le contenu cytoplasmique peut être différent.
    J'ai des difficultés à comprendre. Comment une cellule qui se sépare en 2 peut générer 2 cellules qui ont des contenus cytoplasmiques différents?

  10. #9
    invite7a0a8d2e

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par papyneo Voir le message
    J'ai des difficultés à comprendre. Comment une cellule qui se sépare en 2 peut générer 2 cellules qui ont des contenus cytoplasmiques différents?
    Du fait qu'on ne peut pas obtenir des nombres entiers à partir de nombres qui ne sont pair.

    Mais sinon de manière plus général, les mitochondries, qui peuvent venir des deux parents (à une époque on croyait que chez les vertébrés les spermatozoïdes ne fournissaient pas leurs mitochondries à l’œuf (spermatozoïde+ovule) et donc que seules les mitochondries de l'ovule étaient conservés) sont mélangés dans le cytoplasme.
    Au moment de la division mitotique le contenu cytoplasmique de chaque cellule fille peut varier.

    Par contre je ne pense pas que ce soit la raison de la différence de devenir des lignées cellulaires.
    Déjà pour la bonne et simple raison qu'un système aussi simple et sans feedback serait instable.
    Pour que les choses se passent bien et que le résultat soit répétitif, il faut une multitude de mécanismes inter-croisés, un peu comme dans un écosystème, où la stabilité de l'écosystème diminue avec la diminution des intervenants.

  11. #10
    inviteb061eab7

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Du fait qu'on ne peut pas obtenir des nombres entiers à partir de nombres qui ne sont pair.

    Mais sinon de manière plus général, les mitochondries, qui peuvent venir des deux parents (à une époque on croyait que chez les vertébrés les spermatozoïdes ne fournissaient pas leurs mitochondries à l’œuf (spermatozoïde+ovule) et donc que seules les mitochondries de l'ovule étaient conservés) sont mélangés dans le cytoplasme.
    Au moment de la division mitotique le contenu cytoplasmique de chaque cellule fille peut varier.

    Par contre je ne pense pas que ce soit la raison de la différence de devenir des lignées cellulaires.
    Déjà pour la bonne et simple raison qu'un système aussi simple et sans feedback serait instable.
    Pour que les choses se passent bien et que le résultat soit répétitif, il faut une multitude de mécanismes inter-croisés, un peu comme dans un écosystème, où la stabilité de l'écosystème diminue avec la diminution des intervenants.
    merci de rappeler la complexité de la chose et le mystere qui reste entier. L'affaire japonaise des cellules souches nous rappelle toujours à l'humilité et à la prudence .
    Je ne suis pas capable de mesurer le degré d'avancement des sommités mentionnés par Geb mais deja le terme de sommité m'inquiéte. On a eu beaucoup de sommités dans le domaine des microsystemes mais on ne voit toujours rien venir à part les cartouches d'imprimantes à jet d'encre . Ces sommités se sont decalées vers les nanotrucs , avec à la clé, plein d'espoir d'everest , mais là aussi faut pas crier "oh miracle".
    Quand on aura compris la predestination des cellules on frolera le divin. Mais pour cela il faudra des biophysiciens et des mathematiciens car le secret reside , bien entendu , dans l'atome et pas dans la molecule , ça serait trop facile et on aurait deja compris.
    Tout comme le lien entre comportement et ADN; Il y a de l'information bien cachée et forcement quelque part.

  12. #11
    Geb

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Bonjour,

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    merci de rappeler la complexité de la chose et le mystere qui reste entier.
    Je ne vois pas en quoi, en rappelant que l'on dispose enfin des outils pour faire des avancées significatives, cela impliquerait que ce n'est pas complexe, ou qu'il n'y a plus rien à découvrir. Disons que, c'est un peu moins mystérieux. Comme le disait Eric Karsenti au cours de l'interview qui précédait sa conférence de novembre 2018 :

    Citation Envoyé par Eric Karsenti
    […] Il y a énormément de choses qui sont faites en biologie qui sont fabuleuses, et qui ne sont pas du tout connues du public, en particulier […] sur la cellule et l'embryogenèse (la formation des embryons). Très peu de gens savent ce qui se fait en ce moment, et pourtant, on commence à vraiment comprendre profondément comment ça marche. Et ça, c’est important, parce que… en particulier pour toutes les histoires de créationnisme, etc., qui disent qu’on ne peut pas comprendre la vie, que ce n’est pas possible. Ce n’est pas vrai ! On peut comprendre la vie, mais c’est juste compliqué. […]
    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    L'affaire japonaise des cellules souches nous rappelle toujours à l'humilité et à la prudence.
    J'avoue que je ne suis pas très au fait de ces questions, mais l'affaire des cellules souches me paraît franchement éloignée de la question de l'auto-organisation en biologie du développement. Les cellules souches, c'est davantage de la recherche appliquée. L'étude de l'embryogenèse, c'est davantage de la recherche fondamentale.

    Sur un autre sujet, tu ne trouves pas ça curieux de comparer les travaux de Kupiec, Karsenti ou Nédélec avec une fraude manifeste ("l'affaire japonaise") ?

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    Je ne suis pas capable de mesurer le degré d'avancement des sommités mentionnés par Geb mais deja le terme de sommité m'inquiéte. On a eu beaucoup de sommités dans le domaine des microsystemes mais on ne voit toujours rien venir à part les cartouches d'imprimantes à jet d'encre . Ces sommités se sont decalées vers les nanotrucs , avec à la clé, plein d'espoir d'everest , mais là aussi faut pas crier "oh miracle".
    Ce qui m'a poussé à utiliser le terme de "sommité", c'est la reconnaissance par les pairs (par exemple, Karsenti est entré à l'Académie des Sciences). Kupiec passait est passé pour un urluberlu pendant au moins une bonne décennies avant que d'autres équipes d'une façon retentissante ses travaux sur l'expression stochastique des gènes.

    En outre, tout ces chercheurs utilisent des techniques qui sont devenues matures depuis la fin des années 1990 et permettent de nouvelles avancées. Notamment, il y a de nombreux modèles qui ont été largement amendés. J'ai déjà cité le "modèle du rhéostat" qui a été remplacé par les modèles stochastiques. Aussi, dans le cadre des nanomoteurs (qu'Alexeï Kourakine évoque aussi dans son cours de 2004), on est passé du modèle de la "décharge d'énergie" ("power stroke") au modèle du "cliquet brownien". Tout ça, ce sont de véritables changements de paradigme, qui sont apparus au cours des années 1990 grâce à l'utilisation de microscopie en fluorescence in vivo et non plus sur des photos "statiques" de microscopie électronique.

    Sur le changement du modèle de la décharge d'énergie au modèle du cliquet brownien, je reproduis à nouveau un passage du cours de Kourakine de 2004 :

    The traditional textbook interpretation of molecular motors such as kinesin, myosin and dynein portrays these proteins as micromotors functioning much like their would-be macroanalogs. They are often described as “ingenious” nanotechnological devices that convert chemical energy into mechanical work. The repetitive “power strokes” produced by molecular motor are generated as a result of periodical conformational rearrangements of protein structure driven by enzymatic cycle of ATP hydrolysis. According to the conventional view, a small conformational change in the globular motor domain of molecular motors caused by ATP binding or hydrolysis is amplified and translated into movement of the motor with the aid of additional structural elements [2]. The generalized model of how the power stroke of a kinesin-type motor leads to its directional movement is shown in Fig. 1. According to this model, molecular motors move themselves and the attached cargo by “walking” along cytoskeleton elements such as microtubules or actin filaments. Notice, please, the following:

    i) It is an interpretation of experimental data – no one has ever seen a “walking” protein. The “power stroke” model of molecular motors originated, one is tempted to say naturally, as an interpretation of mechanistically trained physicists in the 60s, who were trying to match their mechanistic world outlook and the electron microscopy images of actomyosin complex. The model later was reinforced by biochemical data on actomyosin’s enzymatic cycle of ATP hydrolysis and, relatively recently, in the 90s, by the structural data illustrating fine details of different conformational states of molecular motor proteins [3-6].

    ii) It is a very appealing interpretation. Why? Because it appeals our physical intuition that originates from our human scale physical experience and is in harmony with our mechanistic paradigm of the world. It is natural for us to interpret everything as mechanical devices or walking robots. It is an easy sell for our mind.

    iii) It is deeply deterministic, clockwork-like interpretation. So many molecular events are precisely coordinated and synchronized in this model, that the impression of “ingenious” design is difficult to avoid. There is no place in this model for fluctuations, mistakes and evolution.

    […]

    An alternative model of molecular motors based on the Brownian ratchet principle has been proposed [23-25]. It is counter-intuitive and takes an effort of mind to grasp. Probably for this reason, though it is as old as mechanistic interpretation, it has never been as popular, except for may be very lately.
    En ce qui concerne le côté contre-intuitif du cliquet brownien, il faut lire un excellent article de vulgarisation de Dean Astumian publié en 2001 :

    - Les moteurs moléculaires

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    Quand on aura compris la predestination des cellules on frolera le divin. Mais pour cela il faudra des biophysiciens et des mathematiciens car le secret reside , bien entendu , dans l'atome et pas dans la molecule , ça serait trop facile et on aurait deja compris.
    Je ne comprends pas ton point de vue lorsque tu dis que le secret réside dans l'atome et pas dans la molécule. Je ne sais plus où j'ai pêché ça, mais dans une conférence où on essayait de vulgariser le concept d'émergence, le conférencier rappelait qu'on peut dire qu'une molécule d'eau ce sont seulement deux atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène ; ce qui est vrai. Mais en même temps, disait-il (je paraphrase), c'est faux, ce n'est pas seulement ça, puisqu'il est impossible de "prévoir" a priori les propriétés physico-chimiques d'un corps pur tel que l'eau à partir des seules propriétés connues de l'hydrogène et de l'oxygène pris indépendamment. Dans le concept d'émergence, "le tout est davantage que la somme des parties".

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    Tout comme le lien entre comportement et ADN; Il y a de l'information bien cachée et forcement quelque part.
    Tu pourrais exprimer plus avant ton point de vue ? Qu'entends-tu par là ?

    Cordialement.

  13. #12
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Salut,

    sur la différentiation cellulaire j'ai justement lu très récemment un article fort intéressant sur le sujet :
    https://www.pourlascience.fr/sd/biol...cise-20595.php

    A lire (au moins le début, c'est déjà intéressant, si vous n'êtes pas abonnés)
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  14. #13
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par papyneo Voir le message
    J'ai des difficultés à comprendre. Comment une cellule qui se sépare en 2 peut générer 2 cellules qui ont des contenus cytoplasmiques différents?
    L'évolution du contenu d'une cellule dépend aussi de ses échanges avec l'extérieur.

    Et attention baiegeai ci-dessus : le sujet est l'embryogenèse, pas les atomes et les molécules
    Dernière modification par Deedee81 ; 26/01/2021 à 14h09.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  15. #14
    invitedfd04b19

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Mais sinon de manière plus général, les mitochondries, qui peuvent venir des deux parents (à une époque on croyait que chez les vertébrés les spermatozoïdes ne fournissaient pas leurs mitochondries à l’œuf (spermatozoïde+ovule) et donc que seules les mitochondries de l'ovule étaient conservés) sont mélangés dans le cytoplasme.
    Il m'a toujours semblé que chez H.Sapiens (qui est un vertébré, donc) les mitochondries étaient un héritage maternel de l'ovocyte. Où avez-vous entendu/lu le contraire ?

    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Par contre je ne pense pas que ce soit la raison de la différence de devenir des lignées cellulaires.
    Déjà pour la bonne et simple raison qu'un système aussi simple et sans feedback serait instable.
    Eh bien, pourtant ça fonctionne comme cela dans les grandes lignes pour le développement embryonnaire de l'amphibien (qui est extrêmement bien documenté : c'est un cas modèle de développement embryonnaire enseigné dans les filières biologiques).
    Pour fixer les choses, il existe 2 grandes modalités de différenciations cellulaire : l'induction ou l'acquisition d'un contenu cytoplasmique différent suite à une division asymétrique.

    Et comme l'induction ne peut se réaliser qu'à partir de cellules au préalable déterminées, il faut bien qu'elles le soient à partir d'un autre mécanisme de différenciation cellulaire que l'induction : en l'occurence, c'est l'acquisition d'un contenu cytoplasmique différent.
    Le déclencheur de toutes ces inductions en cascade à l'origine des différenciations cellulaires est l'accumulation au pôle végétatif dorsal de la protéine B-caténine suite à la rotation corticale de l'ovocyte. Ensuite le jeu des divisions fait que les macromères dorsaux végétatifs héritent de la B-cat : c'est le centre inducteur de Nieuwkoop.

    J'ignore ce qui vous pousse écrire des assertions erronées sur le sujet, mais il serait de bon aloi de citer ses sources...

  16. #15
    invite7a0a8d2e

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    [COTE=Mysterios;6732758]Il m'a toujours semblé que chez H.Sapiens (qui est un vertébré, donc) les mitochondries étaient un héritage maternel de l'ovocyte. Où avez-vous entendu/lu le contraire ?
    [/QUOTE]

    Ici même.

    Citation Envoyé par Futura
    On considère généralement que l'ADN mitochondrial n'est hérité que des mères. Mais une nouvelle étude a trouvé une transmission de l'ADN mitochondrial paternel dans trois familles indépendantes.

    Mais une nouvelle étude parue dans PNAS vient bouleverser ces concepts : des chercheurs ont trouvé des familles dans lesquelles l'ADN mitochondrial paternel n'a pas été détruit lors de la fécondation !

    Dans ces familles, l'analyse génétique a révélé une transmission des ADN mitochondriaux maternels et paternels.
    Cependant, cela ne signifie pas pour autant que la transmission de l'ADN mitochondrial paternel soit un phénomène fréquent : il est peut-être associé à une situation pathologique.
    Cette recherche pourrait aider à mieux comprendre certaines maladies mitochondriales, dont certaines sont des pathologies particulièrement graves, voire fatales.
    https://www.futura-sciences.com/sant...t-aussi-73937/

    Après c'est vrai que les connaissances évoluent (au cours de mes études on disait que les mitochondries n'entraient même pas dans l'ovule, maintenant on dit qu'ils sont détruit une fois entrés).
    Par contre vous avez raison, la présence de ces mitochondries d'origine paternel n'est pas une généralité.

    Eh bien, pourtant ça fonctionne comme cela dans les grandes lignes pour le développement embryonnaire de l'amphibien (qui est extrêmement bien documenté : c'est un cas modèle de développement embryonnaire enseigné dans les filières biologiques).
    Pour fixer les choses, il existe 2 grandes modalités de différenciations cellulaire : l'induction ou l'acquisition d'un contenu cytoplasmique différent suite à une division asymétrique.
    Pour la différenciation des grands types de zones endoderme/mesoderme/tube neural, peut-être, mais ici il était question de différentiation au sein de ces zones.

    Comment fait la cellule pour savoir qu'elle va participer à l'élaboration d'un bras et une autre, la tête ?

  17. #16
    invitedfd04b19

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Oui effectivement : je suis quand même circonspect à l'idée que vous présentiez comme une généralité ce qui ne sont que de simples exceptions. Jusqu'à aujourd'hui on considère toujours que les mitochondries sont issues d'un héritage maternel.

    Pour le reste ça ne change pas ma réponse. Il existe deux mécanismes principaux de différenciation cellulaire : l'induction et la division asymétrique avec acquisition d'un contenu cytoplasmique différent. Les différenciations cellulaires lors de l'organogenèse sont majoritairement le fruit d'inductions successives déterminant des territoires de plus en plus précis : du feuillet embryonnaire à la cellule.

    Du feuillet à la cellule, tout (ou presque) se fait majoritairement par induction. Pour s'en convaincre, il suffit de se renseigner : la détermination des cellules musculaires ou des neurones est le fruit d'une induction.
    La détermination de l'oeil également...

    Si d'après vous cela ne se fait pas par induction : quel est le processus à l'oeuvre, dans ce cas ?

  18. #17
    invite7a0a8d2e

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par Mysterios Voir le message
    Du feuillet à la cellule, tout (ou presque) se fait majoritairement par induction. Pour s'en convaincre, il suffit de se renseigner : la détermination des cellules musculaires ou des neurones est le fruit d'une induction.
    La détermination de l'oeil également...
    Non, pas l'oeil, la "zone oeil" (ça porte un nom savant d'ailleurs).
    Comme déjà dit, vous n'avez pas tord en affirmant qu'il existe, un peu comme c'est le cas avec les facteurs de croissance chez les plantes, des inducteurs chimiques.
    Mais ils déterminent des zones (antéro/poterieur ventral, de l'oeil, etc) mais ça ne joue pas directement, ou mieux dit, précisément (c'est pas adapté comme déjà dit) sur le différentiation cellulaire.
    Çà donne les grandes lignes, et dans chaque "zone" l'expression des zones génétique sera différentiée (il y a, de mémoire, d'ailleurs aussi un genre de parallèle entre la position des gènes sur les chromosome et la position des cellules sur "la corde" (chez les cordés)) .

    Si d'après vous cela ne se fait pas par induction : quel est le processus à l'oeuvre, dans ce cas ?
    Vous n'allez pas me croire...
    C'est le hasard et l'organisation (un maillage de contraintes), deux contraires qui sont nécessaires l'un comme l'autre (comme dans un écosystèmes).

    Citation Envoyé par Cairn
    Chapitre 8. La nécessité et l’aléatoire par delà le déterminisme : les Lumières et la biologie moléculaire

    Les débats récents sur le déterminisme en biologie, comme d’ailleurs tous les débats sur le déterminisme dans les pratiques scientifiques, articulent un plan épistémologique et un plan ontologique. D’un côté cela pose la question de la manière dont nous pouvons et devons connaître scientifiquement, de l’autre cela met en jeu la nature de l’objet étudié et finalement la conception de la réalité. Mais c’est bien souvent le lieu de difficultés importantes, notamment en raison des orientations implicites et des implications que l’on croit devoir tirer d’un certain déterminisme. C’est en particulier vrai du déterminisme génétique qui, dans certaines versions, est chargé d’implications métaphysiques assez lourdes, mais c’est aussi vrai de la négation du déterminisme (laplacien ou génétique), que l’on accuse bien vite de tous les maux ontologiques possibles (affirmation d’un hasard absolu, réintroduction de puissances occultes dans la nature, etc.). Certes, il semble vain de croire qu’une conception de la science et qu’une pratique scientifique puissent ambitionner l’absolue neutralité métaphysique. Mais il demeure étonnant que les débats autour du déterminisme soient à ce point chargés voire biaisés métaphysiquement. Il ne s’agira pas ici de prétendre dégager la science des implications épistémologiques et ontologiques, mais bien plutôt de mettre ces dernières en débat. Pour cela, nous ferons un détour philosophique et historique par une tradition importante des Lumières, autour de Diderot, qui articule l’aléatoire, la nécessité et la critique du concept d’ordre naturel…
    https://www.cairn.info/le-hasard-au-...1-page-254.htm

    Citation Envoyé par PourLaScience
    Différenciation cellulaire : la part du hasard mise en évidence

    Une expérience montre qu'au cours de la différenciation des cellules pour former un tissu, l’expression des gènes est bien aléatoire et conduit d’abord à de plus en plus d'hétérogénéité d’une cellule à l’autre, avant de s’uniformiser sur l'ensemble des cellules.

    ar quel mécanisme une cellule se différencie-t-elle en un type cellulaire plutôt qu’un autre ? Si les biologistes ont longtemps vu cette transformation comme le fruit d’un programme génétique où une succession de régulateurs s’activeraient dans un ordre établi, ils savent aujourd’hui que les choses ne sont pas aussi simples. Depuis quelques décennies, des travaux suggèrent que l’expression des gènes est non pas une chaîne d’événements bien huilée, mais un phénomène aléatoire. En ce qui concerne la différenciation cellulaire, cela reformule la question de la façon suivante : comment une expression aléatoire des gènes conduit-elle à des tissus homogènes de cellules différenciées ?

    Une équipe de biologistes, mathématiciens et bio-informaticiens codirigée par Sandrine Gonin-Giraud et Olivier Gandrillon, du Laboratoire de biologie et modélisation de la cellule (CNRS, Inserm, université de Lyon, université Claude-Bernard), à l’École normale supérieure de Lyon, vient d’apporter des éléments de réponse en étudiant la variabilité de l’expression des gènes, d’une cellule à l’autre, au cours de leur différenciation.
    https://www.pourlascience.fr/sd/biol...ence-12492.php

    Sinon, pour terminer sur une note didactique, un petit passage synthétique d'un cours plutôt complet d'embryologie :
    Le développement des mammifères est un processus continu et progressif mettant en jeu une succession ordonnée de gènes hiérarchisés dont les produits sont des facteurs spécifiques de transcription ou des agents de signalisation inter et intracellulaires qui contrôlent indirectement l'expression. Ce codage temporo-spatial constitue probablement un processus très ancien remarquablement conservé au niveau moléculaire dans l'évolution des espèces.

    C'est probablement par une diversification progressive à partir d'un nombre relativement restreint de gènes ancestraux que sont apparus les nombreux gènes du développement. Ainsi, au cours de l'évolution, la duplication et la diversification de gènes ancestraux conduit à la formation de familles multigéniques (Hom/Hox, MyoD, Ox, Pax...) dont les membres présentent souvent des analogies fonctionnelles.

    Mais la diversification de gènes appartenant à une même famille permet le plus souvent de multiplier et d'affiner les contrôles en attribuant à chaque gène une fonction propre. C'est donc par la coordination de gènes différents (appartenant ou pas à une même famille) et par leur expression différentielle dans le temps et dans l'espace que sont progressivement déterminées les spécificités de chaque cellule embryonnaire. Le développement met donc en jeu de véritables réseaux de gènes interdépendants (revoir la figure de la page 87).

    De tels "blocs" de gènes se retrouvent dans la réalisation de différentes étapes du développement d'un même organisme : une même cascade de gènes homologues peut être réutilisée pour la réalisation d'une même fonction ou pour des fonctions tout à fait différentes.
    En outre, à des degrés variables d'expression, un grand nombre de ces gènes maintiennent leur activité dans les étapes ultérieures de développement, allant même jusqu'à expliquer de nombreux mécanismes observés dans le vieillissement et dans le cancer.

    La connaissance moléculaire du développement a formidablement progressé depuis quelques années. Il reste néanmoins des points encore très obscurs et la Biologie Moléculaire du Développement reste un champ immense de recherches.
    Un exemple typique pourrait être pris dans le déterminisme temporel du déclenchement séquentiel de ces gènes. A l'évidence, il existe "une horloge biologique du développement". Mais quel en est le support ?

    Pour justement ne pas conclure, et bien montrer que la biologie du développement est une science où les études sont "en marche" (On going study des anglo saxons) nous terminons ce cours par l'approche d'une question qui est loin d'être résolue (comme bien d'autres dans le domaine!)

    La question pourrait être formulée de la façon suivante :

    Comment concilier la colinéarité du schéma d’organisation 3’-5’ des gènes HOX sur l’ADN,
    qui explique la différenciation cranio > caudale,
    précoce > tardive, sur une durée de 1 à 2 mois chez l'homme (les membres par exemple),
    ... alors que pourtant la transcription des gènes d’un même complexe (de A1 à A13 par exemple) ne demande que quelques secondes !

    Quelle adaptation permet de gérer 2 temps a priori bien différents (la rapidité transcriptionnelle et la relative lenteur de différenciation) ?

    Quid, de la transcription à l’expression réelle de la différenciation ?


    Voici une ébauche de réponse, sur un domaine de recherche actuellement en plein essor.

    Nous avons vu que les gènes Hox déterminent l'identité des segments de la larve de drosophile. Mais ce mécanisme morphogénétique se poursuit au cours de la métamorphose : il spécifie également le plan d'ensemble de la drosophile adulte (l'imago). A l'évidence, une telle persistance de l'expression embryonnaire ne peut s'expliquer au travers des mécanismes habituels de transcription génique.
    Il a pu être démontré que le maintien de l'expression des gènes homéotiques, sur un laps de temps aussi long et avec transfert vers deux êtres vivants distincts (larve vers imago), est due à l'action de deux groupes de gènes. Les gènes Polycomb, maintiennent les gènes Hox dans un état réprimé ; les gènes Trithorax maintiennent les gènes Hox dans un état actif.
    Les produits de ces deux gènes ont en commun de se lier a la chromatine, soit gelant la transcription, soit laissant libre l'accès aux promoteurs. Les gènes polycomb et trithorax intègrent donc la variable temps ; ils sont capables de moduler leur action sur le niveau de condensation de la chromatine en fonction du nombre de cycles cellulaires écoulés.
    Des expériences d'accélération des cycles cellulaires, ou à l’inverse de ralentissement, montrent très clairement la relation entre la vitesse (ou le rythme) des cycles et l'expression homéotique, sachant que l'héterochromatine correspond à une situation de répression génique, l'euchromatine au contraire la dérépression (voir Biologie cellulaire et les schémas des pages 120 et 121).
    Les étapes intermédiaires entre l'expression des gènes de type polycomb / trithorax et le cycle cellulaire restent cependant à découvrir.
    Mais il faut bien admettre que le cycle cellulaire peut en partie représenter l'étalon unitaire d'une horloge biologique qui conditionnerait tout le développement, la sénescence étant alors l'étape ultime d'un continuum. Nous reviendrons sur cette notion avec les expérience de sénescence cellulaire et la théorie de Hayflick (cours sur le tissu conjonctif et le fibroblaste)
    Les vertébrés possèdent des gènes homologues de Polycomb et Trithorax qui, agissant aussi sur la chromatine, contrôleraient l'expression des gènes Hox selon un programme temporel, les segments antérieurs étant développés avant les segments postérieurs chez tous les chordés. Certains de ces gènes sont de la famille des suppresseurs de tumeur.
    Pour certains chercheurs, ce mode de régulation de la transcription, par l'état de condensation de la chromatine, serait très primitif ; il aurait même précédé la régulation actuellement dominante, celle qui s'effectue aux étapes d'initiation de la transcription.

    Le schéma de la page122 n’est qu’une image didactique pour illustrer le rôle des cycles cellulaires successifs, servant de base de temps pour “dégager” chronologiquement la chromatine et permettre une expression modulée des homéogènes (et sûrement de bien d’autres gènes) dans le programme morphogénétique du développement. A l'évidence il n'y a pas de petite roue pour "arracher" progressivement la chromatine et laisser exprimer les gènes Hox au fur et à mesure que "tournent" les cycles ; mais tout se passe pourtant comme s'il en était ainsi.
    La réalité moléculaire est encore bien mystérieuse ! Les pocket protéines sont de bonne candidates pour mieux comprendre les interactions entre la condensation de la chromatine et le blocage des cycles cellulaires

    Si nous terminons sans une véritable conclusion c’est pour respecter l’esprit de la discipline, en pleine évolution, avec un demi-vie de la connaissance des plus courtes, et où le savoir doit toujours être remis en question.

    Raison de plus pour que chacun se forge sa propre synthèse et fasse sa propre appropriation de ce secteur encore très mystérieux de la biologie.
    http://www.db-gersite.com/BDDMOL/embmol/embmol.html

  19. #18
    invitedfd04b19

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Non, pas l'oeil, la "zone oeil" (ça porte un nom savant d'ailleurs).
    Comme déjà dit, vous n'avez pas tord en affirmant qu'il existe, un peu comme c'est le cas avec les facteurs de croissance chez les plantes, des inducteurs chimiques.
    Mais ils déterminent des zones (antéro/poterieur ventral, de l'oeil, etc) mais ça ne joue pas directement, ou mieux dit, précisément (c'est pas adapté comme déjà dit) sur le différentiation cellulaire.
    Hum, non. Les bouquins d'embryologie parlent bien "d'oeil" et non de "zone oeil" ou autre qualificatif.
    Ensuite non, les inductions (via des signaux chimiques) permettent bien la différenciation cellulaire. Ces inductions se font à toutes les échelles : du feuillet à la cellule. J'apprécie beaucoup cette façon de réfuter mon propos avec beaucoup d'assurance sans développer un minimum le votre...

    Le modèle de la détermination d'un territoire de plus en plus précis (du feuillet à la cellule) se fait bien par une succession d'induction : ce n'est pas moi qui l'ai inventé mais de nombreux embryologistes qui en ont fait le constat : donc je ne crois pas être dans l'erreur en proposant les deux mécanismes majeurs de la différenciation cellulaire.

    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Çà donne les grandes lignes, et dans chaque "zone" l'expression des zones génétique sera différentiée (il y a, de mémoire, d'ailleurs aussi un genre de parallèle entre la position des gènes sur les chromosome et la position des cellules sur "la corde" (chez les cordés)) .
    Mouais... La chorde disparaissant au cours du développement embryonnaire chez la plupart des chordés, je ne suis pas sûr qu'il faille en parler.



    Citation Envoyé par BrainMan Voir le message
    Vous n'allez pas me croire...
    C'est le hasard et l'organisation (un maillage de contraintes), deux contraires qui sont nécessaires l'un comme l'autre (comme dans un écosystèmes).
    Je connais bien le domaine de la théorie du darwinisme cellulaire dans lequel interviendrait le hasard...

    Bon ça me semble quand même assez incongru d'évoquer cette théorie, pour deux raisons : Déjà parce-que c'est une théorie assez récente où l'on ne dispose pas d'un recul suffisant pour en maîtriser les tenants et les aboutissants.

    Ensuite, l'initiateur de la discussion a un niveau "lycée" en biologie donc je ne suis pas sûr que ce soit pertinent d'entrer dans des considérations qu'on n'aborde pas avant l'agrégation de SVT (pour ce qui me concerne...).

    Je pense qu'on peut se contenter de faire simple en donnant par exemple les deux mécanismes majeurs (induction et division asymétrique) qui font consensus et qui sont enseignés à différents niveaux : de la prépa BCPST à l'agrégation de SVT en passant par le master de biologie moléculaire et cellulaire. Ce sera largement suffisant pour satisfaire la curiosité intellectuelle de notre primo-posteur.


    J'apprécie la note sur le cours d'embryologie, mais ne vous inquiétez pas : c'est parfaitement limpide pour moi.

  20. #19
    invite87b659e5

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Effectivement, pour moi c'est un peu difficile de suivre, vu mon niveau en biologie.
    Il n'en reste pas moins que je ne vois toujours pas comment les cellules s'organisent pour savoir sur quelle partie du corps elles vont participer. En tant que candide, je m'imaginais qu'il y avait un genre de moule autour duquel les cellules s'organisaient.

  21. #20
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Salut,

    Citation Envoyé par papyneo Voir le message
    Effectivement, pour moi c'est un peu difficile de suivre, vu mon niveau en biologie.
    Il n'en reste pas moins que je ne vois toujours pas comment les cellules s'organisent pour savoir sur quelle partie du corps elles vont participer. En tant que candide, je m'imaginais qu'il y avait un genre de moule autour duquel les cellules s'organisaient.
    Je ne suis pas biologiste mais j'en sais assez pour savoir que c'est extrêmement complexe et compliqué (ce qui signifie qu'il n'est pas possible d'avoir une explication simple en quelques lignes, même très grossière). En lisant divers articles (un début : https://fr.wikipedia.org/wiki/Embryogen%C3%A8se et sur youtube on trouve pas mal de truc mais souvent un peu court, à l'inserm il y a des mooc accessibles sur youtube) on peut se faire une idée générale, mais guère plus.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  22. #21
    invite7a0a8d2e

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par Mysterios
    Le modèle de la détermination d'un territoire de plus en plus précis (du feuillet à la cellule) se fait bien par une succession d'induction : ce n'est pas moi qui l'ai inventé mais de nombreux embryologistes qui en ont fait le constat : donc je ne crois pas être dans l'erreur en proposant les deux mécanismes majeurs de la différenciation cellulaire.
    Je ne peux même pas vous donner tord (même pas faux comme on dit), mais je pense que vous assimilez à un mécanisme le nom donné à un phénomène.
    Si pour autant parler d'induction peut avoir du sens lorsqu'on fait par exemple des greffes etc pour voir comment les embryons se développent en présence des différents types de tissus, il ne suffit plus lorsqu'il s'agit d'expliquer pourquoi il y a multiplication/apoptose/différentiation/migration cellulaire.
    C'est le pourquoi que l'on attend ici (du moins c'est à ce niveau que je me situais), pas le nom donné au phénomène.

    Lorsque vous dites, c'est la zone A qui va induire la différentiation des cellules la zone B, on s'en doute et c'est au moins un point positif que l'on peut donner au fait de parler d'induction : Il n'y a effectivement pas de plan prédéfini dans chaque cellule, ce sont d'autres paramètres externes à la cellule (qui elle-même peut avoir été transformé bien entendu etc etc, certes) qui vont induire la différentiation.
    Ca on le sait depuis longtemps.

    Mais, si vous allez juste un cran plus loin :
    Le contrôle du développement embryonnaire est la résultante de «l'architecture génétique» des chromosomes. L'évolution de la génétique moléculaire est en pleine expansion et pour des raisons éthiques évidentes l'essentiel des résultats obtenus provient de l'expérimentation animale notamment chez la drosophile, le ver (Caenorhabditis elegans) et la souris.
    Les processus du développement embryonnaire dépendent de facteurs génétiques et environnementaux, coordonnés avec précision dans le temps et dans l'espace. Nombreux sont les facteurs contrôlant les interactions tissulaires, la migration et la différenciation cellulaire, la prolifération des colonies cellulaires ainsi que l'apoptose (mort cellulaire programmée), pour ne citer que quelques exemples.
    Le développement embryonnaire est un processus de croissance et de différenciation au cours duquel on assiste à une complexité de plus en plus marquée des structures et des fonctions.
    http://www.embryology.ch/francais/ip...ontrole01.html

    Autre exemple, qui vous montre que pour autant que les grandes zones ont commencé à se former, les cellules sont encore indifférencées :
    Citation Envoyé par INSERM
    D’où viennent les cellules utilisées par les chercheurs ?

    Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des embryons entre le 5e et le 7e jour suivant une fécondation in vitro (stade blastocyste du développement embryonnaire). L’embryon se présente alors comme un ballon contenant un autre petit ballon accroché à sa paroi interne : la masse cellulaire interne. C’est dans cette masse que sont localisées la trentaine de cellules pluripotentes qui donneront toutes les cellules de l’organisme. Ces cellules sont prélevées et placées en culture. Dans des conditions adéquates, elles se multiplient alors spontanément en conservant leur état indifférencié. Mais en modifiant les conditions de culture (utilisation de milieux de culture spécifiques), il est possible d’induire et d’orienter leur différenciation vers tel ou tel type de cellules spécialisées (neurones, cardiaques, musculaires…).
    https://www.inserm.fr/information-en...aires-humaines

    Vous voyez, "on induit" vers un type de cellule spécialisé, mais la réalité qui se cache derrière ce mot est "moins linéaire" que ce que vous décrivez (dire que c'est l'induction qui fait tout, induit en erreur).

  23. #22
    inviteb061eab7

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Citation Envoyé par Deedee81 Voir le message
    L'évolution du contenu d'une cellule dépend aussi de ses échanges avec l'extérieur.

    Et attention baiegeai ci-dessus : le sujet est l'embryogenèse, pas les atomes et les molécules
    justement , mon propos est de soutenir qu'il y a un chainon manquant dans les explications , comme par exemple la notion d'horloge biologique dont on ne connait pas le support . J'en suis arrivé à la meme conclusion qu'Yves Rocard : il y a de l'information cachée dans un endroit qu'on ne connait pas et forcement c'est dans un endroit tellement petit qu'il faut descendre en dessous de la molecule (ou inventer une matiere invisible plus grosse comme l'energie du vide) , dont la simplicité electrostatique est deja d'une telle difficulté que seuls les ordi quantiques nous permettrons de modeliser totalement. Mais l'electrostatique des liaisons purement chimiques ne suffira pas à expliquer la differenciation cellulaire ni le lien entre adn et comportement. Il nous faudra attendre le futur einstein de la biologie et ça n'est certainement pas en suivant des parcours ou des raisonnements lineaires que nous allons en extraire un .
    Quand j'aurai le temps de lire en entier le Campbell , je reviendrai avec d'autres questionnements mais je ne m'attends pas à avoir des reponses de si tôt.
    Brainman , si tu ne comprends pas mon questionnement et mes analogies avec le mystere du lien entre adn et comportement c'est que ton raisonnement est lineaire et tu n'arriveras pas à franchir le pas qui meme à la decouverte.

  24. #23
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Tu es désespérant.

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    comme par exemple la notion d'horloge biologique dont on ne connait pas le support
    Si on connait LES supports DES horloges biologiques (il y en a plusieurs, de durées différentes).

    Citation Envoyé par baiegeai Voir le message
    J'en suis arrivé à la meme conclusion [....]
    tu es victime de Dunning-Krugger. Tu tires des conclusions à partir de quelques infos et ENORMEMENT d'ignorance.
    Résultat : tu ponds des co...ries au kilomètre. Tu sais pour te rendre ridicule il y a quand même plus simple : enlève ton pantalon et sort (oui je sais, c'est vrai qu'il fait froid pour le moment )

    Là franchement le message que tu viens de pondre c'est un sommet himalayen de stupidité. Excuse-moi pour le mot mais c'est le mot juste.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  25. #24
    Flyingbike
    Modérateur*

    Re : Différenciation des cellules lors de la fécondation

    Si on ajoute à cela les participations de BrainMan selon la technique habituelle du je m'étale, je contredis, et je noie le poisson dans une mer d'informations peu pertinentes ET je donne des leçons aux gens compétents, on a largement atteint le seuil de fermeture.

    Merci à Mysterios, Geb et Stehl pour leur contribution.

    Et donc, fermeture
    La vie trouve toujours un chemin

Discussions similaires

  1. Potentiel de différenciation des cellules
    Par invite6bb1b0b5 dans le forum Biologie
    Réponses: 3
    Dernier message: 06/12/2016, 15h04
  2. Coculture : différenciation des cellules épithéliales
    Par invite9e779d82 dans le forum Biologie
    Réponses: 0
    Dernier message: 29/01/2014, 13h13
  3. [Biologie Cellulaire] Cellules souches, mitose et différenciation
    Par invite5925c53d dans le forum Biologie
    Réponses: 5
    Dernier message: 01/12/2013, 21h50
  4. [Biologie Cellulaire] Différenciation des cellules souches
    Par invite8d27bda6 dans le forum Biologie
    Réponses: 1
    Dernier message: 01/12/2013, 21h45
  5. [Génétique] Meïose lors de la fecondation?(quand)
    Par invite86fe4f5c dans le forum Biologie
    Réponses: 17
    Dernier message: 18/05/2008, 21h00
Dans la rubrique Santé de Futura, découvrez nos comparatifs produits sur le sport et la santé : thermomètre médical, soins personnels...