Bonjour,
Les microbiologistes Robert Huber et Karl Stetter ont découvert Aquifex aeolicus en analysant des échantillons prélevés près de l’évent d’une source chaude, sur une plage de l’île de Vulcano, au nord de la Sicile.
Il s’agit d’une bactérie micro-aérophile stricte, c’est-à-dire qu’elle croît à une concentration d’oxygène inférieure à la concentration dite normale, mais aussi qu’elle meurt en l’absence d’oxygène.
Or, j’ai trouvé un passage qui m’a rendu perplexe dans une publication au sujet d’A. aeolicus. :
- Unique biosynthesis of dehydroquinic acid? (Woodard, 2004)
La source de cette limite basse à 7,5 parties par million est une publication dans Nature :A. aeolicus requires lower than atmospheric levels of O2 (7.5 ppm, ca. 30,000 times less than atmospheric) […]
- The complete genome of the hyperthermophilic bacterium Aquifex aeolicus (Deckert et al., 1998)
Quoi qu’il en soit, une pression partielle 30.000 fois inférieure à la concentration atmosphérique ça a l’air impressionnant dit comme ça, mais ce qui me turlupine c’est qu’il aurait mieux valu la comparer à la concentration d’oxygène à saturation dans l’eau.Aquifex species are able to grow by using oxygen concentrations as low as 7.5 ppm (RH and KO Stetter, unpublished observations).
Cependant, il se trouve qu’ A. aeolicus est une bactérie hyperthermophile, qui pousse à une température comprise entre 58 et 95°C (Fernandes et al., 2007) et de l’article dans Nature, on comprend que cette mesure de 7,5 parties par million semble avoir été effectuée dans de l’eau à pression standard mais à une température de 85°C :
Voilà toutes les informations dont je disposais, après quoi je me suis demandé, quelle est la concentration à saturation dans l’eau (ce serait-ce que dans l’eau pure) à 101.325 Pascals ?A. aeolicus (isolated by R.H. and K. O. Stetter) was cultured at 85 °C under an H2/CO2/O2 (79.5:19.5:1.0) atmosphere in a medium containing only inorganic components.
Et voilà ce que j’ai trouvé :
- An Investigation of the Relationship between Science Process Skills with Efficient Laboratory Use and Science Achievement in Chemistry Education (Feyzioğlu, 2009)
La limite haute à 20°C est confirmée dans d’autres publications :[…] solubility of oxygen in water is 9 ppm at 1 atm pressure at 20 °C and 3 ppm at 85 °C […]
- Dissolved oxygen sensor based on fluorescence quenching of oxygen-sensitive ruthenium complexes immobilized in sol–gel-derived porous silica coatings (McEvoy et al., 1996)
Or, comment la concentration minimale d’O2 à 85°C peut-elle être de 7,5 p.p.m. pour A. aeolicus, si la concentration minimale physiquement possible ne peut-être que de 3 p.p.m. ?The concentration of oxygen in water in equilibrium with air is 9.2 ppm at 20 °C and standard atmospheric pressure of 1.01325 × 105 Pa […]
Je ne vois que deux solutions possibles :
- soit la température lors de la concentration minimale de croissance n’était pas de 85°C,
- soit elle tient à la composition gazeuse utilisée dans le milieu de culture (riche en hydrogène et dioxyde de carbone).
Sachant que la concentration d’oxygène dans l’eau peu grimpé en équilibre avec une atmosphère d’oxygène pure :
- Studies of Biochemical Oxidation by Direct Methods: I. Direct Method for Determining B.O.D. (Gellman & Heukelekian, 1951)
En définitive, le caractère "micro-aérophile stricte" de A. aeolicus ne me paraît pas aussi impressionnant que le facteur de 1 à 30.000 du début de ce message pouvait le laisser penser, puisqu’il ne paraît finalement pas si éloigné de la concentration maximale d’oxygène physiquement possible dans le milieu.The low solubility of oxygen in water (9.2 ppm in equilibrium with air, and 40 ppm in equilibrium with oxygen at 20° C.) […]
Ne serait-il pas plus honnête, dans ce contexte, de comparer cette bactérie relativement à la concentration maximale possible d'oxygène, plutôt qu'à la concentration qui nous convient à nous, les humains ?
Qu’en pensez-vous ?
Cordialement.
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