Bonjour,
Les neurones miroirs ont fait beaucoup de vagues ces dix dernières années, d'aucuns y voyant une pierre de Rosette des neurosciences cognitives.
Qu'en pensent les roboticiens? Un robot qui imite, est-ce une de vos voies de recherche? Pensez vous que l'on verra cela bientôt? Quand, et comment?
Merci de votre participation ici
Bonsoir,
En effet, la découverte des neurones-miroirs chez le singe, dans les années 90, (dont la fonction est expliquée dans ce fichier par l’un des découvreurs de ces cellules : http://www.academie-sciences.fr/conf...i_12_12_06.pdf - d’autres informations peuvent être trouvées ici : http://www.interdisciplines.org/mirror/language/fr) a même été comparée à celle de l’ADN, tant elle semble ouvrir d’intéressantes perspectives sur l‘origine du langage, sur la transmission culturelle, la compréhension des émotions d’autrui et les interactions sociales. Elle semble aussi élucider quelques aspects de cette maladie de la communication qu’est l’autisme.
Les roboticiens en pensent beaucoup de bien ! Même si ce n’est pas cette voie que poursuit particulièrement notre groupe, de très nombreuses recherches s’épanouissent depuis plusieurs années dans ce domaine, reliées ou non à la fonction de ces neurones particuliers, ce n’est donc pas une fiction ! Elles ont été stimulées par le développement des humanoïdes, ces robots qui sont censés aider les humains dans les prochaines années. L’imitation permet de restreindre le champ des possibles lorsque les robots ont à apprendre à exécuter une action. Des systèmes artificiels peuvent apprendre non seulement à imiter de façon motrice – comme reproduire des gestes qu’on leur fait réaliser : bouger leurs bras pour exécuter des morceaux de batterie, battre des œufs pour faire une omelette mais ils peuvent apprendre en observant les gestes d’un humain sans faire le geste eux-mêmes (cf. les recherches d’Aude Billard et Sylvain Calinon à l’EPFL : http://lasa.epfl.ch/ - en anglais, comme la plupart des sites que je vous indique !). Ils doivent alors chercher dans leur répertoire d’actions comment réinterpréter ce qu’ils ont vu en associant dans le bon ordre des gestes qu’ils connaissent déjà mais, d’après Sylvain Calinon : “Pas seulement en copiant exactement le même geste, mais en extrayant automatiquement quels sont les éléments importants du mouvement en montrant plusieurs fois au robot comment effectuer la tâche en question. Bref, en comprenant quelle est l’intention de l’utilisateur derrière le geste” (cf. video http://vodpod.com/watch/704674-fujit...es-an-omelette). C’est un type d’apprentissage dit « par association » (p. 123 de notre livre !), qui tente de rechercher les invariants spatiaux et temporels à partir de plusieurs démonstrations faites par un humain.
Cela ouvre des perspectives intéressantes, car cela permettrait à quiconque d’ « éduquer » son robot personnel sans la moindre connaissance en programmation.
Ce type de recherche est également mené dans un laboratoire français, l’Ensea de l’ETIS (http://www-etis.ensea.fr/Equipes/Neuro).
D’autres travaux ont pour objectif de concevoir des robots qui expriment les émotions humaines. C’est le cas de ceux de Michael Arbib de l’Université de Califormie du Sud (http://www.usc.edu/programs/neurosci...ile.php?fid=16), qui ont pour but précis de mieux comprendre la fonction que les neurones-miroirs ont pu avoir dans l’évolution des primates.
J’ajoute le projet MIRROR, qui a eu pour objectif d’apprendre à un robot-enfant – entre autre par imitation – son « image du corps » (http://www.liralab.it/projects/mirror/), robot qui est d’ailleurs dans nos murs actuellement à d’autres fins scientifiques (www.isir.fr).
D’autres recherches enfin, menées par Kerstin Dautenhahn (http://homepages.feis.herts.ac.uk/~comqkd/), intervenant avec Aude Billard dans le programme thérapeutique pour enfants autistes AuRoRa (Autonomous mobile Robot as a Remedial tool for Autistic children). Les robots qui imitent les gestes de ces enfants seraient en effet susceptibles de rétablir chez eux une sorte de compréhension du comportement d’autrui.
Bref, les recherches sur l’apprentissage par imitation par un système artificiel sont multiples et sont l’une des voies les plus prolifiques de la robotique humanoïde actuelle.
La préparation de l’exposition du week-end prochain au Grand Palais m’empêche d’en dire plus long… J’espère être plus « bavarde » la semaine prochaine !!
Bonne soirée
Merci pour tous ces liens. J'ai hâte à la semaine prochaine
Je suis particulièrement impressionné par le niveau d'imitation motrice présenté dans la vidéo du LASA! En toute franchise, il me semble que ça montre aussi que l'imitation motrice ne se généralise pas si facilement en imitation des intentions (le robot fouette sans centrer le bol, n'adapte pas sa préhension, et sauf erreur le rappage semble inefficace). A part multiplier les exemples en espérant que cette généralisation se fasse toute seul, est-ce qu'il y a des stratégies nouvelles pour adresser cette problématique?
Mon petit grain de sel pour vous aider à patienter...
Comme vous-même et Agnès le soulignez, la découverte des neurones miroirs est récente. Avant de pouvoir produire un robot capable d'imiter des intentions, il faudra que l'on sache comment un humain ou un animal s'y prennent pour comprendre les intentions d'un autre humain ou d'un autre animal -- ce qui est loin d'être le cas. Quant aux défauts de comportement que vous évoquez, ils devraient pouvoir être corrigés lorsqu'un modèle de cervelet efficace permettra de contrôler les mouvements fins du robot (voir, par exemple, http://www.sensopac.org/).
