Créationnisme et second principe.
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Créationnisme et second principe.



  1. #1
    invite8915d466

    Créationnisme et second principe.


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    Bonjour

    je sais que le sujet du créationnisme est un topic très glissant, donc je précise tout de suite que la question que je vais poser n'est pas directement sur la validité ou non du créationnisme , mais plutot de lancer une réflexion sur ses implications (si il était vrai). Formulé rapidement , la question est :

    le créationnisme entraîne-t-il la violation du second principe de la thermodynamique ?

    (on pourrait d'ailleurs avoir deux versions, faible et forte : peut-il entraîner , ou entraîne-t-il nécessairement, cette violation?)

    Je commente : on a cru à la fin du XIXe siecle que la vie contredisait le second principe , à cause de son caractère spontanément organisateur (d'où la philosophie de Bergson par exemple). Puis on a compris qu'en fait, non seulement ce n'etait pas contradictoire, mais en fait il était nécessaire que l'entropie croisse dans l'Univers pour que des structures spontanées apparaissent (structures dissipatives de Prigogine) : l'apparition de la vie n'est possible qu'a cause de phénomènes dissipatifs dus à l'irradiation solaire; cela me semble impliquer qu'elle est "nécessairement" aléatoire, puisque l'information sur la vie n'etait pas stockée dans les conditions initiales.

    Or si je comprends l'idée du créationnisme, il me semble qu'il suppose que l'apparition de la vie ne dépend pas de processus physico-chimiques aléatoires, et que donc "l'information" préexiste quelque part dans une structure (quelle qu'elle soit" ) non matérielle. Il semblerait donc que la matière qui s'organise devrait perdre de l'entropie sans avoir à le "payer" par une augmentation de celle de l'environnement, puisque ce ne sont pas les processus dissipatifs qui en seraient la cause.

    A noter que la structure "non matérielle" de l'information préexistante est essentielle dans le raisonnement, c'est à dire qu'on ne peut pas mesurer de création d'entropie due à "l'acte intelligent" qui crée la vie. Si vous regardez le monde des artefacts humains, sans tenir compte des etres humains qui le façonnent, vous voyez aussi apparemment une diminution d'entropie (par exemple un jeu de cartes en train d'etre trié); cependant si vous incorporez dans le calcul la dissipation d'entropie par les processus biochimiques du cerveau, vous trouvez une création d'entropie tres supérieure. Le caractère matériel de l'intelligence est indispensable pour ne pas violer le second principe. A l'inverse ,donc, il me semble que le créationnisme cva pouvoir tres facilement, voire obligatoirement, le violer !

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  2. #2
    invite17a570c1

    Re : Créationnisme et second principe.

    Bonjour,

    Personnellement, je trouve que ton commentaire est un excellent argument anti-créationniste!


    Cordialement,

  3. #3
    invitee35ccb5b

    Re : Créationnisme et second principe.

    Ami du soir bonsoir.

    D'accord le créationnisme est bancale mais l'argument explosé ici aussi:
    Je m'explique, "l'apparition de la vie n'est possible qu'a cause de phénomènes dissipatifs dus à l'irradiation solaire; cela me semble impliquer qu'elle est "nécessairement" aléatoire" ici il faut faut bien noter le "semble", car en effet dès que l'on dit aléatoire c'est foutu on est jamais sûr que quoi que ce soit est aléatoire...

    sinon je ne connais pas tout à fait la définition des phénomènes dissipatifs, mais le hasard de la radiation et déjà, je pense, assez polémique...

  4. #4
    invite8915d466

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par MaliciaR Voir le message
    Bonjour,

    Personnellement, je trouve que ton commentaire est un excellent argument anti-créationniste!
    evidemment, ce n'est pas totalement sans arrière pensée que je propose cet angle d'attaque, merci quand même de ton appréciation

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite8915d466

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par Kajika Voir le message
    Ami du soir bonsoir.

    D'accord le créationnisme est bancale mais l'argument explosé ici aussi:
    Je m'explique, "l'apparition de la vie n'est possible qu'a cause de phénomènes dissipatifs dus à l'irradiation solaire; cela me semble impliquer qu'elle est "nécessairement" aléatoire" ici il faut faut bien noter le "semble", car en effet dès que l'on dit aléatoire c'est foutu on est jamais sûr que quoi que ce soit est aléatoire...
    je vais te faire une confidence, mais il ne faut pas le dire : on n'est jamais absolument sûr de quoi que ce soit en Science .

    Je rappelle juste l'explication actuelle retenue par la (très grande) majorité des scientifiques, et je pose la question des implications d'une autre hypothèse (celle qui dirait qu'elle n'est pas aléatoire). Es tu d'accord que ça violerait le second principe, oui ou non?
    sinon je ne connais pas tout à fait la définition des phénomènes dissipatifs, mais le hasard de la radiation et déjà, je pense, assez polémique...
    vu que je ne comprends même pas ce que tu entends par "le hasard de la radiation", je doute un peu que tu sois en mesure d'apporter une réponse sensée à ma question précédente ...

    Un phénomène dissipatif est un phénomène qui augmente l'entropie de l'Univers.

    cordialement

    Gilles

  7. #6
    inviteb41703d7

    Re : Créationnisme et second principe.

    Bonjour,

    1) Il n'est pas besoin de chercher en dehors des sciences ce à quoi s'oppose Prigogine...

    Le créationnisme ne viole aucun principe thermodynamique étant donné qu'il ne se rapporte aucunement aux pratiques des sciences contemporaines. Plus précisément, les créationnistes sont totalement indifférents aux questions posées par les pratiques scientifiques modernes qui, au même titre que Harry Potter, sont de la sorcellerie démoniaque. Même s'il y avait une preuve indubitable à leur poser sous les yeux, je pense que cela ne changerait rien. Pour eux, tout ne peut s'expliquer que par un rapport à une cause unique, déterminante et nécessaire (cf. le théorie de la prédestination divine chez les protestants).

    Au contraire la force des propositions scientifiques modernes se trouve précisément dans le fait qu'il n'est pas besoin de passer par la question "Dieu existe-t-il?" ou "le monde est-il créé?" ou encore "quel est le premier principe?". D'ailleurs, la porte a toujours été grande ouverte aux théologiens qui se sont exclus eux même du débat; bien que nous voyons arriver des approches "théologiques" dans les sciences, intégrant la logique, la cybernétique et les théories quantiques (mais c'est un autre débat).

    Ce qui a par contre posé problème en sciences c'est la question dy "déterminisme" qui vient de l'intérieur même de la sciences et est porté notamment par Einstein et, de façon différente, par certains tenants de la physique quantique. C'est ce déterminisme que Prigogine remet en question. Je disais que les théologiens étaient hermétiques aux sciences mais il semble que, depuis peut (quelques 20-30 ans), certains théologiens commencent à être fortement intéressés par la physique quantique... (mais c'est également un autre débat).

    2) Sur un plan proprement scientifique, Schroedinger vs. Prigogine
    (voir à ce sujet le chapitre sur les "Cohérences dissipatives" dans Cosmopolitiques II d'Isabelle Stengers)

    Dans "What is life?" Schroedinger définissait l'ordre du vivant comme "négentropique", le vivant étant défini comme une structure ordonnée. Cette forme d'ordre étant sensé remettre en cause le principe de croissance de l'entropie. Il y aurait pour Schroedinger dans le vivant des causes déterminantes (ADN...) qui sont "négentropiques".

    Le propos de Prigogine c'est au contraire que le mode d'être du vivant est lié à sa "structure dissipative". Cela signifie que le vivant peut être à la fois ordonné (une certaine forme d'homéostasie) et dissipatif (il a besoin de se nourrir,etc). Prigogine casse donc le lien entre croissance de l'entropie et augmentation du désordre car ce sont les processus dissipatifs, producteurs d'entropie (à un certain niveau d'explication), qui contribuent à l'ordre du vivant (à un autre niveau d'explication). Le vivant n'étant plus défini comme en état d'équilibre mais comme proche de l'équilibre. C'est ce processus d'entropie minimale "proche de" l'équilibre (donc éloigné d'un "état" d'equilibre) qui prend chez Prigogine la valeur de potentiel thermodynamique.
    Par ce même mouvement, comme l'explique Stengers, Prigogine distingue "détermination" et "condition" en évacuant la première au profit de la seconde. L'ordre n'est pas déterminé par ses fluctuations mais conditionné...

    Ainsi, dans le débat contemporain, il me semble que ce n'est pas une question à proprement parler "biologique" (même si elle l'est indirectement) que pose Prigogine et encore moins une question théologique mais bien une question de physique fondamentale. Une pratique au sein de laquelle Prigogine demande à ce que nous prenions le vivant comme terrain d'essai (ce qui implique que la physique ne peut pas ne pas tenir compte de ce que la biologie pourrait avoir à lui dire). C'est sur ce terrain que Prigogine autopsie un certain déterminisme quantique (au niveau macroscopique) qui était sensé remettre en cause le second principe de la thermodynamique.

    Enfin, du point de vue de la philo des sciences sa démarche fondamentalement immanente, qui rejette l'idéalité transcendante des fonctions d'état et d'équilibre, permet de poser pas mal de questions intéressantes...

    3) L'indifférence dogmatique des créationnistes
    Pour en revenir au créationnisme et à son déterminisme religieux; une personne prônant ce déterminisme et doué d'un peu de rhétorique, donc fondamentalement anti-popperien, répondrait que tout ce dont nous parlons c'est ça qui est divinement pré-déterminé...
    C'est pour cela qu'ils s'excluent eux-même du débat et qu'ils ne remettent en cause aucun principe thermodynamique. Tout fait devient preuve à leurs yeux, même la contradiction qui n'est que la tentation satanique par laquelle Dieu nous met à l'épreuve. Et donc la preuve de son existence et de sa détermination,etc.

    Cordialement.

  8. #7
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    Bonjour,

    Effectivement, à mon avis, la question posée n'est pas logiquement cohérente (désolé de la formulation). Le créationisme relève d'une approche disons théologique, l'entropie d'une approche scientifique. Depuis la scolastique, nous admettons chez nous (France-Occident) la séparation des deux domaines. Il ne peu donc y avoir d'influence de l'un sur l'autre.

    Reste un AUTRE débat évoqué: de l'influence des structures dissipatives sur le principe d'entropie. Posé comme ceci il n'y a pas de problème le besoin d'une structure dissipative de consommer de l'énergie est clairement compatible avec la tendance au désordre qui correspond à l'entropie.

    Reste la question de la capacité d'auto organisation, après avoir atteint un certain seuil de désordre. Dans ce cas il y a bien opposition avec l'entropie, mais à partir d'une "bifurcation" de comportement (un seuil). Ce type de comportement est bien expliqué par la théorie du chaos.

    Dernières remarques: la notion de "déterminisme quantique à un niveau macroscopique" ne me parait pas trés claire... ni "l'idéalité transcendante des fonctions d'état et d'équilibre" ...

  9. #8
    inviteb41703d7

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par josejose Voir le message
    .
    Dernières remarques: la notion de "déterminisme quantique à un niveau macroscopique" ne me parait pas trés claire... ni "l'idéalité transcendante des fonctions d'état et d'équilibre" ...
    Vous avez raison, j'ai mal formulé:
    Il s'agit plutôt de "déterminisme à l'échelle macroscopique dans certaines théories quantiques" et non de "déterminisme quantique".

    Quant à "l'idéalité transcendante" (terminologie philosophique peut-être excessive), j'aurais du spécifier "de certaines fonctions d'état". Le point fort de Prigogine, à mon sens, est de délaisser l'interprétation "système à l'état d'équilibre" au profit de "système proche de l'état d'équilibre".

    Reste la question de la capacité d'auto organisation, après avoir atteint un certain seuil de désordre. Dans ce cas il y a bien opposition avec l'entropie, mais à partir d'une "bifurcation" de comportement (un seuil). Ce type de comportement est bien expliqué par la théorie du chaos.
    Est-ce que cet ordre spontané, cette auto-détermination n'implique pas un autre niveau d'explication? Notamment si nous replaçons en rapport à la question du vivant chez Prigogine, cette "bifurcation" est un événement par lequel nous pouvons aborder un même système sous deux point de vues complémentaires: les processus dissipatifs et l'ordre nouveau dans lequel ils sont impliqués. Cet ordre émergeant n'étant pas nécessairement contraire avec l'entropie. Ou plus exactement, c'est les définitions même de l'entropie et de l'ordre qui, dans leur rapport, deviennent problématiques. Il faut alors soit définir différents niveaux d'explication (donc régressions et progressions à l'infini), soit redéfinir ou remplacer les concepts.
    C'est en cela que Prigogine fait le choix pratique de substituer à la question de l'entropie et de l'ordre celle de la stabilité ou de l'instabilité d'un "régime d'activité"; l'ordre étant un "ordre par fluctuation". De sorte que l'ordre et l'entropie ne sont pas contradictoires (car l'ordre ne semble pas avoir, chez Prigogine, la connotation uchronique héritéde de l'antiquité).

    Dans cette discussion épistémologique, cela rouvre également la problématique de la différence entre "détermination" et "condition".
    En effet, alors que la "théorie du chaos" se veut déterministe, il me semble que Prigogine s'en distingue par une position totalement indéterministe. Ou plus exactement, le lien que nous pouvons faire entre sa conception et la théorie du chaos est ambigu. Je me pose donc la question épistémologique suivante : est-ce que dans ce que nous appelons communément la "théorie du chaos", c'est la théorie du chaos qui est déterministe ou un modèle s'y rapportant?

    Il me semble que dans la conception de Prigogine, il ne peut y avoir de "chaos déterministe" que dans un modèle simplifié où il ne s'agit pas vraiment d'un chaos mais d'un semblant-de-chaos. En effet, le rapport modèle-phénomène se distingue du rapport théorie-phénomène par le fait que le premier implique un lien sémantique d'analogie (par discriminations de propriétés inessentielles) et d'utilité pour prédire un phénomène; alors que le second prétend à un rapport d'identité et de vérité. De sorte que, pour Prigogine, la théorie du chaos ne peut être, par nature, que scientifiquement imprévisible et donc non-déterministe (le déterminisme scientifique étant lié à la prévisibilité) car, à la différence du modèle simplifié, l'on ne peut intégrer la quantité infinie d'informations nécessaires pour énoncer la façon dont le chaos détermine effectivement. Il peut seulement intégrer des conditions sous la forme de probabilités statistiques décrivant des couplages entre processus.

    Enfin, dans le cadre épistémologique, il n'a plus besoin de faire référence à un tout gouvernant l'univers mais seulement à différents processus. C'est une vision fondamentalement anti-holiste, ou plus exactement un anti-holisme méthodologique.
    D'un point de vue philosophique, l'intérêt réside dans le fait que si d'un côté la science avait réussi à faire sortir Dieu de son domaine, de l'autre le principe méthodologique semble s'être maintenu sous une forme d'un commandement dérivé: que la science ne peut être vraie que si elle est un tout unifié expliquant et prédisant le tout de l'univers. Comme si le mot Dieu s'en était allé et que le principe restait. C'est cette posture que Prigogine semble remettre en cause dans sa conception du chaos, en rapportant la chose décrite à la pratique du scientifique qui la fait exister.

    Cordialement.

  10. #9
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    Comme nous ne sommes pas dans un débat théologique, je trouve que c'est une bonne idée de reformuler la question initiale en Auto-organisation et entropie ?

    Il me semble utile de se rappeler que Prigogine est d'abord un physicien / chimiste dont les découvertes, notamment sur l'auto-organisation posent des questions épistémologiques. Je ne souscris pas vraiment à la substitution de la notion de stabilité à celle d'ordre qui me paraît plus générale et moins "finaliste". D'autant qu'une des découvertes de Prigogine montre qu'il peut y avoir plusieurs états stables pour un système, par exemple de manière cyclique. Par ailleurs la notion de stabilité n'aide pas à comprendre le comportement dans le temps (la dynamique) qui est une suite d'états (stables ou non), y compris pour les systèmes vivants (ex: le vieillissement).

    En ce qui concerne la théorie du chaos, rappelons qu'elle s'attache EXCLUSIVEMENT au chaos déterministe, et ne concerne pas le désordre aléatoire (chaos aléatoire ou stochastique), sauf en le distinguant du chaos déterministe. Rappelons aussi que "déterministe" ne veut pas dire "prévisible", que l'incertitude n'est pas la probabilité. J'ai fait un peu court dans mon "post" précédent sur la question de la bifurcation, je voulais principalement indiquer que la capacité d'auto-organisation de Prigogine n'intervient que dans des circonstances données (celles de la bifurcation), après (en alternance avec) un comportement classique du point de vue de l'entropie. L'opposition auto-organisation / entropie n'intervient qu'à la bifurcation. La théorie du chaos donne des outils pour analyser et comprendre cette situation (qui en l'occurrence n'est pas une bifurcation vers le chaos, mais le contraire) une sorte de "chaos réversible". La théorie du chaos n'est pas concernée par l'auto-organisation de Prigogine si la situation précédant l'auto-organisation n'est pas un chaos déterministe (est un chaos aléatoire). Il reste à regarder de plus près les conditions d'émergence de l'auto-organisation (de la bifurcation).

    La question du point de vue "holiste" est encore un autre débat. J'observe que la raison pousse a construire un système d'interprétation cohérent (une théorie) sur l'univers qui nous entoure, malgré (avec) notre perception qui relève de modèles (symboliques) différents.

  11. #10
    inviteb41703d7

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par josejose Voir le message
    Comme nous ne sommes pas dans un débat théologique, je trouve que c'est une bonne idée de reformuler la question initiale en Auto-organisation et entropie ?
    Je suis d'accord.

    Il me semble utile de se rappeler que Prigogine est d'abord un physicien / chimiste dont les découvertes, notamment sur l'auto-organisation posent des questions épistémologiques. Je ne souscris pas vraiment à la substitution de la notion de stabilité à celle d'ordre qui me paraît plus générale et moins "finaliste". D'autant qu'une des découvertes de Prigogine montre qu'il peut y avoir plusieurs états stables pour un système, par exemple de manière cyclique. Par ailleurs la notion de stabilité n'aide pas à comprendre le comportement dans le temps (la dynamique) qui est une suite d'états (stables ou non), y compris pour les systèmes vivants (ex: le vieillissement).
    En effet, c'est pour cela qu'on parle de stabilité ou instabilité d'un régime d'activité et d'un ordre par fluctuation. Les deux se rapportant à ce même phénomène où l'augmentation du désordre d'un point de vue abouti à cet événement où émerge un nouvel ordre. Il ne s'agit donc pas d'une stabilité uchronique mais diachronique, évolutive.
    D'ailleurs, comme vous le dites, Prigogine montre qu'il peut non seulement y avoir plusieurs états stables mais également qu'un même système comme le vivant "n'est pas partout également vivant". Ce qui signifie que non seulement il y a dans son devenir plusieurs états par lesquels passe ce même vivant, mais qu'également la définition de ces états nécessite de prendre en compte que le vivant n'est pas partout pareillement stable ou instable. D'ou l'emploi du concept paradoxique : "ordre par fluctuation" (qu'on peut simplifier par ordre par le désordre).

    En ce qui concerne la théorie du chaos, rappelons qu'elle s'attache EXCLUSIVEMENT au chaos déterministe, et ne concerne pas le désordre aléatoire (chaos aléatoire ou stochastique), sauf en le distinguant du chaos déterministe. Rappelons aussi que "déterministe" ne veut pas dire "prévisible", que l'incertitude n'est pas la probabilité. J'ai fait un peu court dans mon "post" précédent sur la question de la bifurcation, je voulais principalement indiquer que la capacité d'auto-organisation de Prigogine n'intervient que dans des circonstances données (celles de la bifurcation), après (en alternance avec) un comportement classique du point de vue de l'entropie. L'opposition auto-organisation / entropie n'intervient qu'à la bifurcation. La théorie du chaos donne des outils pour analyser et comprendre cette situation (qui en l'occurrence n'est pas une bifurcation vers le chaos, mais le contraire) une sorte de "chaos réversible". La théorie du chaos n'est pas concernée par l'auto-organisation de Prigogine si la situation précédant l'auto-organisation n'est pas un chaos déterministe (est un chaos aléatoire). Il reste à regarder de plus près les conditions d'émergence de l'auto-organisation (de la bifurcation).
    Pour cela je pose la question du sens de "chaos déterministe", de savoir si dans la théorie du chaos, ce déterminisme se rapporte à un modèle ou à la théorie.
    En effet, vous avez raison; déterminisme ne signifie pas prévisible, étant donné que le déterminisme prétend à se situer en deça de la prévisibilité, comme sa condition de possibilité indépendante. Or, et là se pose selon moi un problème épistémologique, il me semble qu'on ne peut démontrer le déterminisme que sur base de la prévisibilité. Il me semble donc que le déterminisme et la prévisibilité ont un lien très serré.

    Notamment, dans le cadre de cette discussion sur le vivant et le rapport à la physique, sur le hasard et l'auto-organisation nous pourrions peut-être analyser ensemble ce passage:
    "Le vivant fonctionne loin de l'équilibre, dans un domaine où les conséquences de la croissance de l'entropie ne peuvent plus être interprétées selon le principe d'ordre de Boltzmann, il fonctionne dans un domaine où les processus producteurs d'entropie, les processus qui dissipent l'énergie, jouent un rôle constructif, sont source d'ordre. Dans ce domaine, l'idée de loi universelle fait place à celle d'exploration de stabilités et d'instabilités singulières, l'opposition entre hasard des configurations initiales particulières et la généralité prévisible de l'évolution qu'elles déterminent fait place à la coexistence de zones de bifurcation et de zones de stabilité, à la dialectique des fluctuations incontrôlables et des lois moyennes déterministes" [I.Prigogine & I.Stengers, La nouvelle alliance, Paris, Gallimard, 1983, p.193]

    Les auteurs parlent de la particularité du vivant en tant qu'il remet en question le regard qui l'identifie par le schème déterministe qui pouvait précéder. Il est intéressant de voir que le terme qu'ils emploient est "lois moyennes déterministes", le "moyenne" étant sensiblement important car, en tant que paramètre statistique il entre dans la catégorie du modèle (étant donné que la moyenne est un paramètre ajouté aux données de base pour, par la suite, identifier le phénomène à son modéle simplifié).

    La question du point de vue "holiste" est encore un autre débat. J'observe que la raison pousse a construire un système d'interprétation cohérent (une théorie) sur l'univers qui nous entoure, malgré (avec) notre perception qui relève de modèles (symboliques) différents.
    Oui, je suis d'accord mais c'est également le débat ici dans le cas de Prigogine, où la description du vivant (cette chimie complexe) devient un nouveau point d'accroche dans la théorie "chaotique" du tout de l'univers.

    De sorte que pour le moment on n'a pas une réelle théorie du tout mais une simple intuition qu'il doit y avoir un tout, de sorte que nous prenons nos propres projections pour ce à quoi doit répondre l'univers pour être un univers valide. Comme le reprochait Bohr à Einstein, nous sommes alors dans la position où nous dictons à l'univers comment il doit se comporter, pour en suite réifier cette projection en tant que description valide, objective et neutre.

    D'ailleurs, la "bifurcation" n'est pas dans la continuité mais un "événement" qui implique une nouvelle description sous la forme d'une "nouvelle alliance" scientifique, qui ne peut s'intégrer dans les théories précédentes que par un travestissement de l'événement.
    Le renversement épistémologique opéré ici c'est qu'il n'y a pas de théorie du tout possible mais seulement un (des) modèle(s). Alors que la théorie, celle prétendant au vrai, se rapporte au particulier.

    Cordialement.

  12. #11
    invite8915d466

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Bonjour,

    1) Il n'est pas besoin de chercher en dehors des sciences ce à quoi s'oppose Prigogine...

    Le créationnisme ne viole aucun principe thermodynamique étant donné qu'il ne se rapporte aucunement aux pratiques des sciences contemporaines. Plus précisément, les créationnistes sont totalement indifférents aux questions posées par les pratiques scientifiques modernes qui, au même titre que Harry Potter, sont de la sorcellerie démoniaque. Même s'il y avait une preuve indubitable à leur poser sous les yeux, je pense que cela ne changerait rien. Pour eux, tout ne peut s'expliquer que par un rapport à une cause unique, déterminante et nécessaire (cf. le théorie de la prédestination divine chez les protestants).
    Bonjour

    ce n'est pas la position affichée par les tenants de "l'intelligent design", il me semble. Ceux-ci (comme par exemple de nombreux parapsychologues, voire astrologues) tentent justement de présenter leur position comme pouvant etre basée sur des faits, des méthodes scientifiques, et pouvoir être enseignée comme telle. ( On pourrait comparer cela à la manie qu'ont certaines dictatures à vouloir à tout prix organiser des élections bidons qui les "confortent" (assez inutilement sur le fond ) dans leur pouvoir, sans se rendre compte que c'est finalement un hommage rendu par le vice à la vertu, mais ce n'etait pas mon propos initial ) Je prends donc le parti d'accepter le débat sur un plan scientifique, et je posais la question : le créationnisme ou l'ID, pris comme une théorie du réel (et donc supposant que des phénomènes différents de ceux prédits par la théorie "standard" peuvent se produire) , prévoit-elle l'existence de faits contraires au second principe ?

    cordialement

    Gilles

  13. #12
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    a position affichée par les tenants de "l'intelligent design"
    "l'intelligent Design" n'est qu'un nouvel avatar du créationnisme, je reste donc a l'idée que cette question théologique a été tranchée au 13èm siècle par la scolastique. Cette position est d'ailleurs confirmée par l'académie des sciences pontificales "L'émergence du thème de la complexité marque probablement, dans l'histoire des sciences de la nature, une étape aussi importante que le fut l'étape à laquelle a été attaché le nom de Galilée, alors qu'un modèle univoque de l'ordre semblait devoir s'impose" Jean Paul II 1992. A mon sens, sur la question de "l'intelligent design", l'interrogation scientifique est pourquoi les Etats Unis connaissent une telle résurgence de l'obscurantisme au 21èm siècle, mais on est hors de l'Epistémologie.


    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    cette "bifurcation" est un événement par lequel nous pouvons aborder un même système sous deux point de vues complémentaires: les processus dissipatifs et l'ordre nouveau dans lequel ils sont impliqués.
    Je retiens la définition du principe de bifurcation tel qu'il est établi par la théorie du Chaos. En ce sens il n'y a pas deux points de vue nécessaires sur l'événement (plus précisément le seuil). La bifurcation caractérise le changement de comportement (Dynamique)


    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    C'est en cela que Prigogine fait le choix pratique de substituer à la question de l'entropie et de l'ordre celle de la stabilité ou de l'instabilité d'un "régime d'activité"; l'ordre étant un "ordre par fluctuation". De sorte que l'ordre et l'entropie ne sont pas contradictoires
    il me semble qu'il ne s'agit pas d'une substitution, mais d'un complément, qui peut être utile dans notre débat. Quant à la notion d'ordre par fluctuation pourquoi pas, c'est bien l'idée de l'auto-organisation. Dire qu'il s'agit d'un "ordre dans le désordre" renvoi a l’idée de l'étude de cette fluctuation sous son aspect structurel, c'est une piste. Je préfère pour ma part la poursuite de la construction de ce que dit la théorie du chaos, en concentrant la question sur l'analyse / caractérisation de l'effet de seuil (à partir duquel il y a auto-organisation)


    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Il me semble donc que le déterminisme et la prévisibilité ont un lien très serré
    Disons que la prévisibilité renvoi à l'idée de mesure exacte à une échelle donnée, alors que le déterminisme limite le champ des possibles. En gros la théorie du chaos traduit le déterminisme par une forme multidimensionnelle (l'attracteur étrange), et la mécanique quantique traduit le déterminisme par des probabilités. Dans les deux cas il y a une difficulté intrinsèque à "mesurer" qui est dépassée grâce à l'élaboration de lois ad hoc (ex: géométrie fractale pour le chaos, probabilités quantiques pour la mécanique quantique...)


    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Dans ce domaine, l'idée de loi universelle fait place à celle d'exploration de stabilités et d'instabilités singulières
    Je ne vois pas pourquoi la piste de l'exploration des stabilités serait contradictoire avec celle des "lois universelles", notamment l'entropie ET le principe de conservation de l'énergie. Je pense même qu'une possibilité d'explication de l'auto-organisation réside dans le principe de conservation de l'énergie (1ère loi de la thermodynamique). En effet que devient l'énergie consommée par l'entropie ? Pourquoi ne pas penser que par une loi donnée, cette énergie devienne disponible pour alimenter l'auto organisation (plus il y a d'entropie, plus il y a d'énergie disponible, plus l'atteinte d'un seuil où cette énergie sera consommée par le système pour faire émerger de nouvelles propriétés est probable)


    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Les auteurs parlent de la particularité du vivant
    Il me semble que cet aspect est un peu diffèrent car on sait aujourd'hui que le vivant "embarque" un ou des programmes qui contrôlent le développement (des cellules souches en quelque chose de finalisé). L'interrogation se déplace vers les conditions de construction de ces programmes (probablement au travers de processus évolutifs comme les mutations)

  14. #13
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    "En effet que devient l'énergie consommée par l'entropie" j'ai bien sûr voulu dire l'inverse, il faut lire
    "En effet que devient l'énergie libérée, rendue disponible par l'entropie"

  15. #14
    invite8915d466

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par josejose Voir le message
    A mon sens, sur la question de "l'intelligent design", l'interrogation scientifique est pourquoi les Etats Unis connaissent une telle résurgence de l'obscurantisme au 21èm siècle, mais on est hors de l'Epistémologie.
    je pense que ce qui fonde "ton" sens, et pourquoi nous qualifions l'ID "d'obscurantisme" (même si je suis d'accord sur le fond, je me pose quand même la question du pourquoi nous en jugeons ainsi) est au contraire au coeur du questionnement épistémologique .

    Cordialement

    Gilles

  16. #15
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    ...questionnement épistémologique...
    "Mon sens" est comme diraient les Marxiens celui de l'histoire. La question du créationnisme/Intelligent design était bien un questionnement épistémologique, mais au 13èm siècle! Ce que j'appelle obscurantisme est de replacer le même débat 8 siècles après en faisant fi de toute la construction des sciences. Il est couramment admis que la révolution scientifique a pu commencer avec la Scolastique. Je pense que c'est probablement parce que d'autres cultures n'ont pas fait ce choix (de la séparation de la théologie et des sciences), que jusqu'au 20èm siècle l'Occident domine (largement) la science (et les technologies). Mieux, grâce à la Scolastique, et depuis cette date, TOUTES les découvertes majeures des sciences formelles, et de la physique sont issues de l'Occident, presque toutes celles des sciences de la vie, l'essentiel des sciences morales et politiques. Je pense que le débat sur le créationnisme est un signe annonciateur d’un possible déclin de la science ou devrais je dire de l’esprit scientifique (américain). C’est de la même veine que la tentative de remplacement, dans ce pays, de la science politique par la notion théologique de Bien et de Mal. Ce qui revient à se mettre sur le même terrain que celui d’autres grandes théologies (dans des pays restés à l’écart de la révolution scientifique), et à valider la notion de « guerre de civilisations », Non merci !

  17. #16
    invite988260c1

    Re : Créationnisme et second principe.

    Je pense que l'immense majorité des créationnistes de fiche totalement du second principe de la thermodynamique : si pour eux Dieu a tout créé en claquant des doigts il est forcément tout puissant et n'est pas soumis aux lois physiques qui régissent le monde.
    D'où l'intéret de ne pas justifier la religion par la science et vice versa. En cherchant à lier les deux il devient impossible d'être à la fois scientifique et croyant.
    Enfin bref c'est un bon argument mais justement les personnes à convaincre s'en moquent royalement à mon avis.

  18. #17
    invite8915d466

    Re : Créationnisme et second principe.

    ce n'est pas si certain. L'angle d'attaque qui parait se dessiner est un discours du genre :" c'est une position scientifique comme une autre , ça n'est absolument pas incompatible avec le reste de la science, et ça peut etre enseigné comme tel". Il me semble donc intéressant d'explorer les conséquences scientifiques (et en particulier potentiellement "testables") de ces hypothèses, au moins à destination des personnes qui défendent cette position. A noter que des "théories" revendiquant explicitement la violation du second principe par le vivant ont été défendues dans le passé, et bien après le 13e siecle, il y a moins de 100 ans (Bergson, Teilhard du Chardin), ce n'est pas un débat si virtuel que ça.

  19. #18
    curieuxdenature

    Re : Créationnisme et second principe.

    Bonjour

    Je suis d'accord avec Marie-Eve sur le nombre, en effet "l'immense majorité des créationnistes" ont ce mode de fonctionnement mais de plus il se renforce par la tentative de récupération de leur modèle pour le faire cadrer avec un semblant de méthode scientifique.
    Cette majorité se sent confortée dans sa certitude par le simple fait que des scientifiques semblent voir le moyen de faire un lien entre sciences et création dirigée. En clair ces personnes tombent dans le piège de l'argument d'autorité, autorité de leurs "têtes pensantes qui savent bien mieux que nous" et étant donné que ces personnes sont conscientes de leur inaptitude à relever la question alors elles donnent tout crédit à ceux qu'on peut tout à fait qualifier de "gourous".
    Ce qui entraine que dans ce milieu, même si le débat scientifique ne penche pas en leur faveur, on va au devant de plusieurs décennies de litterature qui affirmera le contraire.
    L'electronique, c'est fantastique.

  20. #19
    invite7cea2061

    Post Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    ... A noter que des "théories" revendiquant explicitement la violation du second principe par le vivant ont été défendues dans le passé, et bien après le 13e siecle, il y a moins de 100 ans (Bergson, Teilhard du Chardin)...
    Kant défini la finalité transcendante (au delà du monde réel) et la finalité externe, cette distinction est conforme à la Scolastique. Il affirme d'autre part, le principe de finalité (historique) externe qui peut uniquement être utilisé de manière hypothétique, dans l'esprit non d'une "finalité-solution" mais d'une "finalité-adaptation" (Métaphysique et politique chez Kant et Fichte, Histoire et guerre chez Kant, Alexis Philonenko p.140). Bergson endosse pour l'essentiel la position de Kant, il affirme "la finalité est externe ou elle n'est pas" (l'évolution créatrice, Bergson p.41). Or la finalité externe est "celle par laquelle une chose de la nature sert à une autre de moyen en vue d'une fin" (Critique de la faculté de juger, Alexis Philonenko p.371).

    La position de Bergson n'a rien à voir avec celle des "créationnistes/Intelligent design" qui conformément à une approche théologique, postulent une "finalité-intention", avec son corolaire un "destin" pour l'homme. L'interrogation scientifique est plutôt exprimée par Arthur Schopenhauer (qui est proche de Bergson) "le destin providentiel pourrait bien être l'effet de notre imagination et de notre besoin d'ordre" (Le sens du destin, p.25) ou "La connaissance du destin est toujours rétrospective, et même ne peut vraiment s'effectuer qu'à l'heure de la mort" (spéculations transcendantes)

    « Si la biologie n’a à s’occuper que des causalités physico-chimiques, elle ne peut répondre aux questions de la source de l’information et de la finalité ultime de toute l’histoire de l’évolution créatrice » citation de Teilhard de Chardin dans (Immanence et transcendance chez Teilhard de Chardin, Nicole Bonnet, p.64) ; et « Teilhard de Chardin postule un mouvement fondamental de la vie qui entrainerait la matière à l’opposé de l’entropie » (p 66-67). C’est l’idée que le vivant émerge de la matière pour se constituer en système propre selon un processus ascendant de « complexité-conscience ».

    La position de Teilhard de Chardin est également à l'opposé de celle des "créationnistes/Intelligent design", car il fait l'hypothèse que c'est cette évolution de « complexité-conscience » qui devrait conduire à l'univers Omega (sorte de fusion des consciences), la noosphère, se situant au seuil du religieux. Il entre alors dans l'analyse théologique pour postuler l'identification de l'univers Omega au Christ, il "opère la synthèse du divin et du cosmique en formulant un panthéisme chrétien" (dans lequel le Christ n'est plus tout a à fait Dieu). Pour Teilhard de Chardin , comme partiellement pour Prigogine, l'ordre est issu d'une auto-organisation du vivant (le processus « complexité-conscience »), et surtout Teilhard de Chardin distingue le niveau des sciences de celui de la théologie, il ne remet pas en cause la Scolastique.

    A notre que le concept de Noosphère est abordé par plusieurs scientifiques, dont David Bohm avec son hypothèse d’ordre intriqué, et est très discuté dans le thème de « l’intelligence collective ». C’est un peu choquant de situer « intelligent design » et « intelligence collective » sur le même plan. C’est l’obscurantisme contre la modernité !, le mélange de la théologie et des sciences, le retour au 13èm siècle.

  21. #20
    inviteb41703d7

    Re : Créationnisme et second principe.

    Bonjour,

    Citation Envoyé par josejose
    Je ne vois pas pourquoi la piste de l'exploration des stabilités serait contradictoire avec celle des "lois universelles", notamment l'entropie ET le principe de conservation de l'énergie. Je pense même qu'une possibilité d'explication de l'auto-organisation réside dans le principe de conservation de l'énergie (1ère loi de la thermodynamique). En effet que devient l'énergie consommée par l'entropie ? Pourquoi ne pas penser que par une loi donnée, cette énergie devienne disponible pour alimenter l'auto organisation (plus il y a d'entropie, plus il y a d'énergie disponible, plus l'atteinte d'un seuil où cette énergie sera consommée par le système pour faire émerger de nouvelles propriétés est probable)
    Elle n'est pas "contradictoire" mais impose une rupture méthodologique. En effet, dans le point de vue de Prigogine, parce qu'il rapporte la théorie ou le modèle à la pratique du scientifique qui les invente, c'est un événement qui fait qu'une nouvelle approche du problème est nécessaire. Et cette pratique fait qu'on ne peut pas (encore) intégrer le vivant dans une équation se rapportant aux lois de l'univers. En gros, ce que critique Prigogine c'est l'attitude dogmatique-scientifique de type "je ne peux pas encore le démontrer mais je sais que dans 20 ans vous me donnerez raison."

    Disons que la prévisibilité renvoi à l'idée de mesure exacte à une échelle donnée, alors que le déterminisme limite le champ des possibles. En gros la théorie du chaos traduit le déterminisme par une forme multidimensionnelle (l'attracteur étrange), et la mécanique quantique traduit le déterminisme par des probabilités. Dans les deux cas il y a une difficulté intrinsèque à "mesurer" qui est dépassée grâce à l'élaboration de lois ad hoc (ex: géométrie fractale pour le chaos, probabilités quantiques pour la mécanique quantique...)
    C'est pour cela que se pose le problème. Le déterminations dans les théories quantiques ou de la théorie du chaos ne sont-elles pas en fait des conditions. Sinon n'entre-t-on pas dans cette attitude de type : "Si j'étais dieu alors je pourrait prédire à 100%. Cela étant je ne suis pas Dieu donc mon déterminisme se traduit dans mes calculs par une probabilité de X". Le problème n'est pas scientifique mais épistémologique. Comme je le disais plus haut: qu'est-ce qu'un déterminisme si il n'est pas déterminable à 100% dans les faits? Il me semble donc que c'est avant tout des conditions.

    Mais ce n'est que du chipotage terminologique...

    Il me semble que cet aspect est un peu diffèrent car on sait aujourd'hui que le vivant "embarque" un ou des programmes qui contrôlent le développement (des cellules souches en quelque chose de finalisé). L'interrogation se déplace vers les conditions de construction de ces programmes (probablement au travers de processus évolutifs comme les mutations)
    C'est bien la particularité du vivant. C'est d'ailleurs sur ce point que Prigogine remet en question le propos de Schroedinger dans What is life. Là où Schroedinger voyait un ADN déterminant, Prigogine semble voir des facteurs conditionnels. MAis cela ne signifie pas qu'un jour on ne pourra pas parvenir à déterminer réellement le devenir d'un vivant et l'intégrer dans une équation. Mais nous n'y sommes pas encore.

    Kant défini la finalité transcendante (au delà du monde réel) et la finalité externe, cette distinction est conforme à la Scolastique. Il affirme d'autre part, le principe de finalité (historique) externe qui peut uniquement être utilisé de manière hypothétique, dans l'esprit non d'une "finalité-solution" mais d'une "finalité-adaptation" (Métaphysique et politique chez Kant et Fichte, Histoire et guerre chez Kant, Alexis Philonenko p.140). Bergson endosse pour l'essentiel la position de Kant, il affirme "la finalité est externe ou elle n'est pas" (l'évolution créatrice, Bergson p.41). Or la finalité externe est "celle par laquelle une chose de la nature sert à une autre de moyen en vue d'une fin" (Critique de la faculté de juger, Alexis Philonenko p.371).
    C'est très intéressant car je ne connaissais pas Philonenko... Mais dans la Critique de la raison pure Kant dit clairement que, en ce qui concerne la connaissance de la nature, "la plus grande et peut-être la seule" finalité de la raison pure ne peut être que négative, donc non en vue d'accroitre ses connaissance mais d'éviter des erreurs. [Kant, Critique de la raison pure, A795/B823)]
    Ce qui le distingue donc fondamentalement de la scolastique, et par la suite des courants rationalistes. Il est dans leur continuité historiquement mais en étant fondamentalement en rupture quant à son propos, quant à sa critique transcendantale dont le but est le droit au scepticisme sur les questions pour lesquelles il n'y a pas d'expérience sensible possible. D'ailleurs dans les paralogismes Kant critique longuement ces propos qui "confondent les Idées et les concepts".

    Il faut aussi ajouter que Kant distingue les jugements se rapportant à la connaissance scientifique, la pratique et l'esthétique. Donc même facultés mais usage différent selon la question posée; la seule connaissance métaphysique valable chez Kant étant la "métaphysique des moeurs". Or, ce n'est pas ce qui nous occupe ici, à moins que l'augmentation de l'entropie pose une question morale. Mais à ce moment on n'est pas dans la bonne section.

    Cordialement.

  22. #21
    invite7cea2061

    Re : Créationnisme et second principe.

    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    En effet, dans le point de vue de Prigogine, parce qu'il rapporte la théorie ou le modèle à la pratique du scientifique qui les invente, c'est un événement qui fait qu'une nouvelle approche du problème est nécessaire.
    Je ne suis pas convaincu par "la rupture épistémologique", ni par l'impossibilité d'intégrer le vivant dans la même approche que pour les autres objets scientifiques. La référence à la pratique du scientifique est une donnée acquise depuis la mécanique quantique qui a clairement invoqué depuis longtemps l'influence du sujet (l'observateur) sur l'objet (le phénomène et sa mesure) (voir notamment les travaux de John Archibald Wheeler en 1979. Frontiers of Time in Problems in the Foundations of Physics, Societa Italiana di Fisica (1979) 395 « Aucun phénomène n’est un phénomène si ce n’est un phénomène observé ») .Quant au vivant, une bonne partie de son étude repose sur des phénomènes physico-(bio)chimiques, le reste relevant de "l'appareil psychique" dont l'approche est de plus en plus liée aux neurosciences.

    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Si j'étais dieu alors je pourrait prédire à 100%
    Ce qu'énonce la théorie du chaos est bien une théorie scientifique, à savoir que même "Dieu" (comme métaphore de la personne omnisciente) ne peut pas prédire à 100% un phénomène chaotique, car on démontre qu'il est intrinséquement imprévisible. La phrase d'Einstein relative à la mécanique quantique à laquelle il ne croyait pas "Dieu ne joue pas aux dés" explique bien, à contrario, cette approche (à quoi il lui a été répondu "Arrétez de dire à Dieu ce qu'il doit faire"....)

    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Mais cela ne signifie pas qu'un jour on ne pourra pas parvenir à déterminer réellement le devenir d'un vivant et l'intégrer dans une équation
    Le vivant, en tant que système complexe, relève parfois d'un comportement prédictible, parfois d'un comportement chaotique, parfois d'un comportement aléatoire. En tant que totalité (cf. ci dessus) le comportement du vivant est fondamentalement imprédictible (mais peut être déterminé dans une certaine mesure, nous commençons à y être). Par ailleurs l'homme étant particulièrement libre et créatif, il se distingue des autres vivants, par une imprévisibilité accrue (au plan individuel). Pour son comportement social, je ne suis pas sûr qu'il soit très diffèrent, par exemple des populations de lapins quant à la croissance (cf fonction logistique, ou la notion polémique de "troupeau humain")

    Citation Envoyé par jamajeff Voir le message
    Kant
    En ce qui concerne Kant, mon propos, très simplifié voir caricatural, visait surtout à introduire l'appréciation de Bergson sur la finalité externe, qui est basée sur son appréciation critique de Kant (selon Philonenko).

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