L'implication comme construction de la science
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L'implication comme construction de la science



  1. #1
    Seirios

    L'implication comme construction de la science


    ------

    Bonjour à tous,

    Je me posais une question sur la pertinence logique de la construction de la physique, et d'autres sciences, mais notamment de la physique.

    A partir de l'expérience, les scientifiques introduisent certains postulats, à partir desquels ils construiront une théorie. Cette théorie sera par la suite confrontée à l'expérience, et sera, ou non, réfutée (au sens de Popper).

    La construction scientifique fonction par conséquent par implication, c'est-à-dire que les postulats impliquent un certain cadre théorique, lui-même impliquant certaines observations. Si ces observations sont corroborées empiriquement, alors les postulats seront, tout du moins provisoirement, acceptés.

    Pourtant, plusieurs postulats peuvent impliqués une même véritée expérimentale, donc comment faire la part des choses ?

    Finalement, ne pourrions-nous pas, dans un avenir lointain, arriver avec plusieurs théories donnant une vision exhaustive et cohérente de ce qui nous entoure, sans que l'on puisse avoir l'espoir de les partager ? (il ne s'agit pas ici d'une question de limitation technologique, mais une limitation plus fondamentale)

    Ne serait-ce finalement le signe de la limite de notre manière de construire la science ? (ou bien simplement la remise en question de ma vision de la construction d'une théorie )

    Qu'en pensez-vous ?

    Phys2

    -----
    If your method does not solve the problem, change the problem.

  2. #2
    invité576543
    Invité

    Re : L'implication comme construction de la science

    Bonjour,

    Comme il n'y a pas de réponse pour le moment, j'en met, une, partielle. Pour ce qu'elle vaut.

    Citation Envoyé par Phys2 Voir le message
    Pourtant, plusieurs postulats peuvent impliqués une même véritée expérimentale, donc comment faire la part des choses ?
    Soit il existe une prédiction (ou une rétrodiction) qui est différentes selon les postulats, soit il n'y en a pas.

    S'il n'y en a pas, pas moyen de choisir, le choix est alors souvent "esthétique" (minimum d'hypothèses, symétries, etc.) mais de toutes manières arbitraire.

    Les rétrodictions divergentes se testent par des prédiction "sur le présent", et on se retrouve dans le cas des prédictions. (Par exemple des théories sur l'Univers ancien on peut déduire des effets sur le fond diffus cosmologique présent, que l'on va chercher à mesurer.)

    S'il y a des prédictions divergentes, ça peut être au début une expérience par la pensée; on la traduit par la suite en un test expérimental, puis, dès que les moyens techniques permettent de le réaliser, on la fait et là, ça tranche. L'exemple classique est le "paradoxe" EPR, qui a mené aux inégalités de Bell, puis à l'expérience d'Aspect.

    Finalement, ne pourrions-nous pas, dans un avenir lointain, arriver avec plusieurs théories donnant une vision exhaustive et cohérente de ce qui nous entoure, sans que l'on puisse avoir l'espoir de les partager ? (il ne s'agit pas ici d'une question de limitation technologique, mais une limitation plus fondamentale)
    Oui.

    Ne serait-ce finalement le signe de la limite de notre manière de construire la science ?
    Je ne le vois pas ainsi, mais c'est dû à une position "utilitariste" qui consiste à mettre au premier plan, si ce n'est le seul, de la notion de "science" la capacité prédictive.

    (ou bien simplement la remise en question de ma vision de la construction d'une théorie )
    A toi de voir

    Cordialement,

  3. #3
    Seirios

    Re : L'implication comme construction de la science

    L'exemple classique est le "paradoxe" EPR, qui a mené aux inégalités de Bell, puis à l'expérience d'Aspect.
    Classique, enfin si l'on peut dire

    Je ne le vois pas ainsi, mais c'est dû à une position "utilitariste" qui consiste à mettre au premier plan, si ce n'est le seul, de la notion de "science" la capacité prédictive.
    C'est exact, on peut effectivement le voir comme cela ; je n'y avais pas pensé, parce que ce n'est pas ma position...

    En tout cas, merci pour ton avis
    If your method does not solve the problem, change the problem.

  4. #4
    GrisBleu

    Re : L'implication comme construction de la science

    Salut

    Citation Envoyé par Phys2 Voir le message
    Pourtant, plusieurs postulats peuvent impliqués une même véritée expérimentale, donc comment faire la part des choses ?
    On peut par exemple appliquer un principe d economie (rasoir d occam): si il me faut 2 postulats ici et 3 la, je choisis la theorie ou 2 suffisent. On peut voir aussi si une theorie ne decoule pas finalement d une autre . Ainsi la theorie des matrices et la theorie ondulatoire au debut de la mecanique quantique.

    Sinon, tant qu'on n'a pas aboutit a ta situation finale, je n'oserai pas me prononcer.

    ++

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Sephi

    Re : L'implication comme construction de la science

    C'est ce qu'on appelle la thèse de Duhem-Quine sur l'indétermination des théories scientifiques.

  7. #6
    bardamu

    Re : L'implication comme construction de la science

    Citation Envoyé par Sephi Voir le message
    C'est ce qu'on appelle la thèse de Duhem-Quine sur l'indétermination des théories scientifiques.
    Plus exactement : la sous-détermination des théories par l'expérience.
    Aucune expérience isolée ne suffirait à trancher entre 2 théories, chacune pouvant faire des aménagements pour s'adapter.
    Et effectivement, des théories peuvent résister aux faits avant qu'on les juge erronées.
    Ethica, IV, 43 : Titillatio excessum habere potest et mala esse.
    Spinoza

  8. #7
    invité576543
    Invité

    Re : L'implication comme construction de la science

    Bonjour,

    Citation Envoyé par bardamu Voir le message
    Aucune expérience isolée ne suffirait à trancher entre 2 théories, chacune pouvant faire des aménagements pour s'adapter.
    Est-ce qu'une adaptation n'est pas nécessairement une modification? Ce n'est plus la même théorie, au sens strict, non?

    Et effectivement, des théories peuvent résister aux faits avant qu'on les juge erronées.
    Doit-on comprendre "Une théorie résiste aux faits jusqu'à en rencontrer un qui fait qu'on la juge erronée" ?

    Cordialement,

  9. #8
    Matmat

    Re : L'implication comme construction de la science

    Citation Envoyé par Michel (mmy) Voir le message
    Doit-on comprendre "Une théorie résiste aux faits jusqu'à en rencontrer un qui fait qu'on la juge erronée" ?
    J'en comprend qu'il n'y a jamais de théorie vérifié par les faits mais uniquement des théories non contredites par les faits.

    Citation Envoyé par Michel (mmy) Voir le message
    Est-ce qu'une adaptation n'est pas nécessairement une modification? Ce n'est plus la même théorie, au sens strict, non?
    Il peut y avoir "modification" ou "d'adaptation" pour ajouter au contenu prédictif de la théorie un fait qui n'avait à priori pas été prédit mais qui pouvait l'etre si on y avait pensé ! ici au sens strict, ce n'est pas une nouvelle théorie, c'est la meme théorie mais enrichie.

    Ce que je trouve ambigu dans la thèse de la "sous détermination des théories par l'expérience" , à moins que ce soit moi qui comprenne mal cette thèse, c'est qu'on se demande toujours ce qui est sous-déterminé exactement, car ce n'est pas le contenu prédictif meme de la théorie qui est sous-déterminé mais plutot les entités théoriques expliquant ce contenu prédictif ... c'est une "sous détermination ontologique" plus qu'une "sous détermination théorique" à moins d'inclure l'ontologie dans la théorie , et c'est ca que je trouve ambigu !

  10. #9
    jamajeff

    Re : L'implication comme construction de la science

    Bonjour,

    On peut aussi mettre en exergue la thèse de Nancy Cartwright selon laquelle l'utilisation des modèles permet une certaine flexibilité, d'adapter des théories quant à l'expérimentation. Thèse qui n'est pas nouvelle car Imre Lakatos, disciple de Popper, proposait dans sa thèse réfutationniste sophistiquée de distinguer le noyau dur (théorie) et la ceinture protectrice, c'est à dire les modèles en rapport à cette théorie qui sont soumis à la réfutation expérimentale. On peut y voir une sorte de synthèse entre Kuhn et Popper.

    Ainsi, tant que les modèles en rapport à une théorie offrent un certain pouvoir prédictif dans le cadre expérimental, la théorie reste d'actualité. Si cette prédictibilité diminue, alors il y a soit passage à une autre théorie (ce qui arrive très rarement), soit adaptation de la théorie en intégrant les changements des modèles. Donc une complexification (cf. théorie de la relativité ou quantiques).

    On peut encore ajouter à cela ce que Isabelle Stengers nomme l'écologie des pratiques scientifiques. C'est à dire qu'une théorie, ne se décline pas seulement formellement en différents modèles mais surtout en différentes pratiques réelles, dans d'autres disciplines scientifiques moyennant quelques adaptations. Par exemple un invention mathématique comme la géométrie fractale pouvant ayant des répercutions en informatique, en physique, en biologie, en sociologie, météorologie, macroéconomie et en sciences cognitives. Mais aussi dans le domaine industriel, financier...
    Il semble selon elle que c'est surtout cette interdépendance des pratiques qui catalyse la force d'une théorie, les différentes déclinaisons dans différentes pratiques. Ainsi, ces déclinaisons sont créateur de liens non seulement dans le champ des savoirs mais aussi de liens politiques au sens où des liens d'intérêt émergent entre les individus concernés (labos, industrie, financiers, publications scientifiques...). Cette approche est épistémologiquement très intéressante au sens où elle ne se contente pas d'une formalisation mais tente de voir les pratique sréelles dans leur milieu.

    Cordialement.
    Dernière modification par jamajeff ; 16/07/2008 à 12h46.

  11. #10
    invité576543
    Invité

    Re : L'implication comme construction de la science

    Bonjour,

    Je relance les questions, pour avoir une réponse intéressante:

    Aucune expérience isolée ne suffirait à trancher entre 2 théories, chacune pouvant faire des aménagements pour s'adapter.
    Est-ce qu'une adaptation n'est pas nécessairement une modification? Ce n'est plus la même théorie, au sens strict, non?

    Et effectivement, des théories peuvent résister aux faits avant qu'on les juge erronées.
    Doit-on comprendre "Une théorie résiste aux faits jusqu'à en rencontrer un qui fait qu'on la juge erronée" ?

    ----

    A la lueur du texte de jamajeff, j'imagine qu'une réponse doit être recherchée dans la différence entre "modèle" et "théorie".

    En gros, on introduit (artificiellement à mon avis) des distinctions à l'intérieur de la notion de "théorie" pour obtenir une semblance de résistance aux faits.

    (Mais est-ce bien de dont Bardamu voulait parler ?)

    Je pense qu'on joue sur les mots. Qu'une théorie résiste à des faits qui ne la concernent pas n'est pas vraiment étonnant! On trouvera souvent moyen, devant un fait contradictoire aux prédictions de tout un ensemble bien compliqué de théories une sous-partie qui n'est pas concernée par cette contradiction. Quoi d'étonnant?

    Cordialement,

  12. #11
    bardamu

    Re : L'implication comme construction de la science

    Citation Envoyé par Michel (mmy) Voir le message
    (...)
    Est-ce qu'une adaptation n'est pas nécessairement une modification? Ce n'est plus la même théorie, au sens strict, non?
    Bonjour Michel,
    un cas typique : la constante cosmologique dans la Relativité Générale.
    Einstein fait en sorte qu'elle corresponde à un univers statique et face aux faits et à d'autres développements théoriques, on laisse tomber l'idée sans pour autant remettre en cause la théorie elle-même.
    Autre exemple : les adaptations ad hoc de la théorie gravitationnelle newtonienne pour coller à l'avance du périhélie de Mercure jusqu'à ce que la Relativité Générale donne une meilleure explication.
    Ou bien encore : la théorie du phlogistique à laquelle les partisans sont restés attachés quelques décennies encore après que Lavoisier l'ait "remplacée" par l'oxydation.
    Citation Envoyé par Michel (mmy) Voir le message
    En gros, on introduit (artificiellement à mon avis) des distinctions à l'intérieur de la notion de "théorie" pour obtenir une semblance de résistance aux faits.

    (Mais est-ce bien de dont Bardamu voulait parler ?)
    De manière générale, on n'abandonne pas si facilement une théorie (un système d'explication) qui a fait ses preuves. Les mêmes phénomènes peuvent notamment être lus différemment par 2 théories, comme dans le cas de l'oxydation et du phlogistique.
    Et aujourd'hui, on ne va pas lâcher la Relativité Générale parce qu'il y a l'anomalie Pioneer, il faudrait tout un ensemble de faits contredisant la théorie et mieux expliqués par une autre.
    En simplifiant, la thèse de la sous-détermination de la théorie par l'expérience signifie qu'il n'y a pas d'"expérience cruciale" capable à elle seule de faire rejeter une théorie. Autant du fait de l'histoire des sciences que pour des raisons épistémologiques (ne pas abandonner une recherche au premier truc qui semble ne pas coller, les faits étant moins clairs que les théories), la thèse me semble raisonnable.
    Ethica, IV, 43 : Titillatio excessum habere potest et mala esse.
    Spinoza

  13. #12
    invité576543
    Invité

    Re : L'implication comme construction de la science

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par bardamu Voir le message
    (...)
    Il me semble que dans les exemples que tu donnes là, une théorie est conservée "faute de mieux". En gros, une théorie qui a déjà fait ses preuves dans un domaine d'application est conservée même si des faits la contredisent et, ce faisant, en réduise son domaine (supposé) d'application, tant qu'il n'y a pas d'alternative.


    Dans un message précédent, tu écrivais

    Aucune expérience isolée ne suffirait à trancher entre 2 théories, chacune pouvant faire des aménagements pour s'adapter.
    Dans le cas de la relativité générale, ne peut-on pas dire que l'éclipse de Soleil de 1919 a servi d'expérience isolée pour trancher entre la nouvelle théorie et l'ancienne?

    De même, il me semble que trancher entre phlogistique et oxygène n'a tenu qu'à une seule expérience, celle montrant la nécessité de la présence préalable de l'oxygène pour une combustion.

    C'est un peu caricatural, dans les deux cas il y avait d'autres arguments que l'expérience en question.

    Je reste sur l'impression que c'est le mot "théorie" qui n'est pas clair. En particulier, qu'on parle de théorie "mal formulée" ou incomplète, laissant de la place à de l'adaptation.

    En d'autres termes, est-ce qu'une théorie "sous-déterminée" n'est pas juste une théorie incomplètement exprimée?

    Cordialement,

  14. #13
    Gwyddon

    Re : L'implication comme construction de la science

    Citation Envoyé par Michel (mmy) Voir le message
    Bonsoir,

    Je reste sur l'impression que c'est le mot "théorie" qui n'est pas clair
    Hello Michel,

    J'ai l'impression que le mot "théorie" est à prendre au sens de "paradigme" (cf Kuhn) : par exemple on parlera de la théorie quantique en tant que paradigme, sur lequel on va créer des modèles (physique atomique, matière condensée, Modèle Standard, etc...) ; pour changer de théorie (de paradigme) il faut tomber sur une expérience qui remette en cause les fondements même du paradigme choisi, c'est-à-dire que l'on puisse voir que les problèmes posés par ce fait expérimental ne sont pas dus aux modèles, mais à la théorie sous-jacente.

    C'est ce qu'on a fait pour la relativité restreinte par exemple, et c'est un processus qui a mis des dizaines d'années (d'où le caractère assez exceptionnel des changements de paradigmes).

    Ainsi, on rejoint la position énoncée par jamajeff en référence à Lakatos.
    A quitté FuturaSciences. Merci de ne PAS me contacter par MP.

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