Bonjour,
La remarque sympatique de Julien, que je remercie, me fait comprendre que je n'ai pas assez appuyé sur le point du temps, et pas assez souligné en quoi cela restreint certains des termes que j'emploie. Il y a peut-être là clé des sybilline remarques de Actae.
En fait je ne m'intéresse pas tant à l'induction qu'à une application particulière de l'induction. Celle qui permet d'induire le futur à partir de connaissances acquises uniquement sur le passé.
Il y a d'autres application de l'induction, plus "spatiales", du genre j'ai 10 boîtes devant moi, après en avoir ouvert 9 de contenu identique, j'en induit (et pas déduit!) que la 10ème a le même contenu.
Quand je parle d'induction comme postulat indécidable, comme acte de foi, ce n'est pas cette induction là. C'est uniquement l'induction passé -> futur.
Ensuite cela s'articule comme suit.
Un premier postulat est que le futur est inconnaissable. Il n'y a pas d'énoncé "vrai" portant sur le futur. Il me semble "commun" de prendre cela comme postulat. Y-a-t-il d'autres approches?
Ensuite on constate que nous connaissons suffisamment le futur pour prendre des décisions, pour agir. Le postulat sous-jacent est qu'il y a des règles, mais surtout que les règles induites du passé sont valables dans le futur. Mais nécessairement sans certitude, puisque le futur est inconnaissable.
Or une théorie scientifique est presque toujours une théorie qui porte sur le futur. Un énoncé universel est universel dans le temps. Personne ne considère la Relativité Restreinte seulement comme une explication permettant de rendre cohérent les observations passées. On la considère aussi comme valable pour le futur, et on se base sur cette considération pour prendre des décisions, pour prendre des risques (risque parce que le futur est inconnaissable).
Cela rend, à mon intellect du moins, l'approche de Popper lumineuse. Prenons un énoncé sur le futur, genre demain à tel endroit à tel heure il pleuvra. Cet énoncé remplit tous les critères de réfutabilité. Mais il ne peut pas être vrai ou faux. Il n'est pas acceptable même de discuter s'il est vrai ou faux. Par contre, il remplit le critère de Popper et est, de ce point de vue, parfaitement scientifique.
Une théorie universelle, comme la physique, contient dans sa présentation usuelle, et dans son usage, des énoncés portant sur le futur. Elle ne peut pas être vrai ou fausse. Si on enlève ces énoncés, elle devient une simple constatation: elle propose une analyse cohérente des obersvations passées, elle n'en est qu'un catalogue, un résumé. L'utiliser de manière inductive sur le passé est sans intérêt, ce n'est ni vérifiable, ni utilisable dans le processus du choix d'action.
Avec énoncés sur le futur, elle ne peut pas être vraie ou fausse, mais elle reste réfutable. Le critère de "scientifique" ne peut pas être basé sur vrai ou faux, car alors accepter une théorie comme vraie ou fausse serait accepter que le futur est connaissable.
A l'opposé, une prédiction qui se réalise ne change rien au statut de la théorie. Elle reste une synthèse des observations passées, y compris la nouvelle, mais son statut par rapport au futur est inchangée. Elle n'est pas plus "vrai", le futur restant le mystère qu'il était avant.
Tout cela se base finalement sur deux thèses considérées comme indécidables:
* le futur est inconnaissable
* l'univers est ainsi fait que l'induction de règles basées sur les observations dans le passé pour affirmer quelque chose sur le futur a un sens
Cette approche permet de mieux cerner comment classer les connaissances:
* celles qui portent sur les observations présentes ou passées (le donné, les connaissances communes citées par Actae?)
* celles qui permettent de faire des prédictions testables (connaissances scientifiques)
* les connaissances morales, qui permettent d'ordonner les futurs potentiels, de leur attribure une valeur (valeur morale, préférence, ...)
Le processus rationnel de l'action se décompose alors en l'acquisition d'information sur le présent et le passé, induction de règles portant sur le futur (connaissances scientifiques), usage de ces règles pour anticiper autant que faire se peut les actions possible et conséquences futures probable de ces actions, application des connaissances morales pour choisir parmi ces actions.
Une connaissance scientifique réfutée (ses prédictions ont échouées) EST exclue en principe, mais peuvent rester opérationnelles quand il est reconnue que les erreurs potentielles font courir des risques suffisamment faible, en particulier comparer à d'autres facteurs de risque qui existe toujours dans un choix d'action.
Même s'il y a quelques points à développer, cela devrait répondre à quelques-unes des critiques d'Actae.
Cordialement,
Quelques points après relecture. Pourquoi ne pas considérer le postulat de régularité passé -> futur comme un énoncé scientifique? C'est bien un énoncé sur le futur. Mais il n'est pas réellement réfutable. Quand on l'applique, on applique aussi nécessairement une induction spécifique en même temps. C'est un "et". Si la prédiction est réfutée, la conclusion logique est que le "et" est faux, donc soit le postulat de régularité est faux, soit l'induction particulière est fausse. Or la conclusion dans la méthode scientifique est toujours que l'induction spécifique est fausse; on ne considère donc jamais le postulat de régularité comme réfuté. C'est donc un énoncé sur le futur, indécidable, non réfutable, et sur lequel on se base pour prendre des décisions où on engage le maximum: dans mon vocabulaire, une croyance.
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