Nous savons maintenant qu’une approche purement matérialiste du réel ne mène nulle part. La mécanique quantique a démontré qu’il est difficile de parler d’une réalité « en soi », indépendante de tout contexte, car c’est le regard de l’observateur qui définit ses conditions d’existence. Il est impossible d’aller plus loin que les résultats donnés par les mesures.
La distance qui nous paraissait évidente entre le monde extérieur et notre organisme est du coup fortement remise en question. Toute vision de la réalité ne serait-elle qu’une interprétation de la pensée ?
Certains préfèrent parler plutôt de réalité empirique , fondée sur les interactions entre sujet et objet. Cette réalité issue des contraintes de la perception serait le sous-produit d’une réalité fondamentale, hors de notre portée mais bel et bien présente. Cloisonnés dans notre bulle sensitive, dans l’incapacité de nous en extraire, nous ne pouvons avoir une vision objective et globale du monde.
Ce jeu de miroir est en définitive un jeu de dupes. En se projetant sur l’extérieur, au niveau des constituants les plus infimes de son environnement, la conscience s’est retrouvée face à elle-même. La distinction sujet / objet a volé en éclats à partir du moment où nous nous sommes rendus compte que notre perception avait une influence active sur la réalité. Il apparaît probable que l’effet rétroactif qui s’opère ne peut-être que la conséquence d’une symbiose sous-jacente. Une des explications serait de dire que tous les composants de l’univers sont liés entre eux, formant un fluide qui serait à proprement parler l’exacte définition de la réalité. Sonder la moindre parcelle de ce fluide reviendrait à se sonder soi-même, les deux parties entrant alors en résonance et provoquant les aberrations que nous rencontrons en physique quantique.
En conséquence, il faut admettre que l’impression d’autonomie que nous avons de nous-même et des choses qui nous entourent n’est qu’une illusion, une interprétation erronée du cerveau. Cette vérité, les bouddhistes l’ont comprise depuis longtemps, eux dont tous les efforts tendent vers l’affranchissement des sens pour atteindre l’absolu.
La Théorie des Cordes tendrait à corroborer ce point de vue, elle qui met l’accent sur l’uniformité des énergies à partir d’un état fondamental. Dans le même registre, il me plaît à penser que les mystérieuses matière noire et énergie noire, qui échappent pour l’instant à notre entendement, pourraient être des émanations de ce fluide créateur.
Ce fluide qu’il serait plus juste d’appeler vide quantique, matrice de toute chose. Nous avons déjà vu que loin d’être un réceptacle passif - songez qu’il abrite la Théorie M - son énergie potentiellement infinie le désigne comme le dénominateur commun de tous les phénomènes existant. C’est bien sur cette toile de fond obscure que s’inscrit le moindre évènement qui façonne l’univers.
L’absence totale de lumière nous donne son image, un noir absolu. Quand à son fond et à sa forme, je crains qu’il ne faille nous résoudre à ne jamais les connaître. L’homme est conçu pour détecter le visible et reste bien démuni pour comprendre ce qui se tapit dans l’ombre. Notre raison bute, perd pieds, se noie dans l’inconcevable. Comment admettre que l’espace vide qui s’étend entre moi et l’écran de mon ordinateur est à l’origine de ma création ?
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