Bonjour,

Dans le dernier numéro de PlS (n° 405, juillet 2011), un article à la publication guère accidentelle… :
La controverse du gaz d’éclairage, de Jean-Baptiste Fressoz (p. 78-81).

La question est celle, dans les années 1820, de l’implantation de gazomètres dans Paris et autres grandes villes.

Bâtir dans Paris, au milieu des habitations, d’immenses et étranges bâtiments nommés gazomètres, contenant des millions de litres de gaz inflammable, n’allait pas se faire sans discussions.
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Des articles de journaux, des pamphlets, des ouvrages de vulgarisation, une pièce de théâtre et même un opéra sont écrits pour défendre ou condamner cette innovation.
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Les habitants qui s’opposent à l’implantation emploient un argument analogue à notre principe de précaution. Une explosion est improbable, mais ses conséquences seraient telles qu’on ne peut accepter aucune incertitude.
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Consultés par le gouvernement, les académiciens français réduisent les gazomètres à un modèle physique simple : (…) L’événement « explosion d’un gazomètre » est conçu comme la conjonction de sous-événements : (…) Comme chaque événement est supposé improbable, leur conjonction est de facto
« absolument improbable » ou « chimérique ».
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La procédure d’expertise des académiciens français réduit les oppositions au silence et renforce l’impression de certitude.
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Qui des opposants ou des académiciens avait raison ? Les adversaires du gaz critiquaient surtout l’implantation de gazomètres en ville, insistant, malgré les dénégations des entrepreneurs et experts, sur la possibilité d’une explosion. L’avenir leur donna raison : dès 1844 et 1849, des gazomètres explosaient à Paris.
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Les opposants avaient raison aussi quand ils dénonçaient la toxicité du gaz. Le danger était même plus grand qu’ils l’avaient imaginé.
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Enfin, de nombreux accidents ne furent prévus ni par les opposants ni par les experts – et ne pouvaient guère l’être. Le système créait des effets parfaitement inattendus.
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Le souci d’économie a nui souvent à la sécurité des installations.
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La sécurisation de la technique dépend surtout de la mobilisation des opposants.
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Enfin, l’histoire du gaz est emblématique de l’imprévisibilité radicale de la technique. Bien que démantelées depuis un siècle, les usines à gaz des années 1820 continuent de polluer : les goudrons issus de la distillation du charbon qui ont contaminé les sols contiennent des hydrocarbures que la médecine contemporaine a reconnus comme cancérigènes.
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La technique et ses circonstances ont déjoué tous les pronostics.