Pascal Picq : l'évolution créa la femme
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Pascal Picq : l'évolution créa la femme



  1. #1
    philippedelimoges

    Pascal Picq : l'évolution créa la femme


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    Bonjour à tous

    Un ouvrage que je n'ai pas lu - mais que j'envisage de lire car il attise fortement ma curiosité :
    Pascal Picq - Et l'Évolution créa la femme - Odile Jacob 2020

    Est-ce que certains d'entre vous l'a lu ? Si oui qu'en pensez-vous ?

    Pour l'instant vu ceci :
    1) un avis publié sur le net : https://www.youtube.com/watch?v=7yKAMAjK_dk
    2) un interview de Pascal Picq : https://www.youtube.com/watch?v=A6MRQ0WNl7o

    Cordialement

    -----

  2. #2
    philippedelimoges

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Bonjour à tous,

    Mon point de vue personnel sur cet ouvrage :
    (1) Il est brouillon (surtout la deuxième partie consacrée plus spécifiquement à notre espèce) : manque de clarté, des redondances, des approximations et un argumentaire parfois excessivement exprimer sous la forme d’un plaidoyer (peut-être pour éviter d’être accusé de justifier les arguments des antiféministes)
    (2) MAIS son ouvrage est riche en infos et en pistes de réflexions. De plus, il a le mérite d’apporter un nouveau regard sur le comportement humain. Cette approche éthologique (à affiner) est TRES intéressante ; elle ouvre des perspectives d’études qui permettront de mieux comprendre notre évolution spécifique et les invariants dans notre comportement.

    Pascal Picq avait écrit (avec Philippe Brenot) quelques années auparavant un autre livre, avec cette même démarche éthologique. Celui-ci mérite aussi d’être connu : Le sexe, l'homme et l'évolution- Paris, Odile Jacob, 2009. Cet ouvrage a aussi les défauts que j’ai mentionnés ci-dessus. Une première partie intéressante, une seconde beaucoup plus structurée (passionnante) et une dernière … fragile … MAIS, perso, je trouve que cet ouvrage est important car il initie en France (enfin !) une approche éthologique en anthropologie.

    Des pistes de lecture pour compléter l’ouvrage de Pascal Picq :

    (1) En ce qui concerne, une « histoire » des inégalités (coercitions incluses) homme/femme, le néolithique, voire le mésolithique (période de sédentarité, suivi de l’agriculture et des concentrations humaines dans des espaces urbains) est le plus souvent considéré comme la période qui amorce la mise en place d’une idéologisation contraignante forte pour les femmes. Cette thèse dominante n’est pas fausse : les organisations sociales se complexifient alors.
    Cependant, des idéologies qui subordonnent les femmes aux hommes préexistaient vraisemblablement dans certaines sociétés humaines. Un indice (trop succinctement évoqué par Pascal Picq) : des mythes qui remontent à des temps très anciens vont dans ce sens. Ils sont probablement antérieurs à la période « référence » néolithique. Je renvoie aux travaux de Julien d’Huy :
    (1) https://shs.hal.science/halshs-01790319/document ;
    (2) Cosmogonie, La Préhistoire des mythes – La Découverte, 2020 - https://www.editionsladecouverte.fr/...-9782348059667 + un résumé où sont mentionnés des mythes concernant le statut de la femme + un matriarcat renversé par les hommes : http://laetitia-pille.com/cosmogonie...de-julien-dhuy
    Voir aussi les ouvrages de Serge Dunis sur le mythe austronésien du matriarcat - https://www.cnrseditions.fr/auteur/serge-dunis/ (pas lu encore ce livre, mais j'ai eu accès à un compte-rendu).
    Précision : je ne suis pas d’accord sur tout ce qui est dit par ces auteurs et la littérature scientifique se montre critique (à juste titre) ; mais, personnellement je considère que ce qu’ils constatent méritent d’être fortement considérés.

    (2) Un autre regard intéressant sur la domination masculine : Bernard Lahire : Les structures fondamentales des sociétés humaines – La Découverte, 2023. Deux passages sont centrés sur ce sujet : p. 475-478 et p. 754-823. Son approche présente des similitudes avec celle de Pascal Picq (comparaison avec les autres espèces animales, les contraintes évolutives au sein de notre espèce …). Perso, les comparaisons entre espèces ne sont pas toujours heureuses ... (Picq meilleur). Mais il apporte un autre regard : celui d'un sociologue. Son hypothèse est que la domination masculine s’est organisée initialement sur le mode parent-enfant, donc sur un rapport d’autorité (analogie avec la domination parentale). Perso pas convaincu (mais peut-être à tort). Reste que l’intérêt de l’ouvrage est son exposé (qui est lui très bien construit) de la pluralité des thèses sur ce sujet (Héritier, Testard, Hublin, Bourdieu …). Bref, d'autres pistes de réflexions.

    Cordialement

  3. #3
    pm42

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Je me demande si on n'est pas dans la réécriture de l'histoire sur la base de l'idéologie dominante du moment.
    La "domination masculine" est un concept qui me semble devoir être manié avec précaution quand on prétend l'appliquer à l'histoire de l'humanité parce qu'il me semble qu'on cherche à arriver au concept actuel de critique du patriarcat.

    En particulier, l'égalité homme-femme telle qu'on la connait aujourd'hui n'est possible qu'à cause de grandes évolutions : passage à une économie tertiaire où la force physique n'est pas importante, progrès techniques faisant que s'occuper du foyer et notamment de la nourriture prend nettement moins de temps, reproduction maitrisée, structures sociales pour s'occuper des enfants, etc.

    Interpréter le passé comme une domination masculine revient à supposer que les femmes de l'époques souhaitaient la même chose que les actuelles et que c'était possible.
    Ce n'est pas vraiment ce qu'on trouve dans les traces historiques. On remarquera aussi que le pouvoir dans le couple a été beaucoup décrit comme quelque chose de nuancé et tenant plus à la psychologie des chacun des membres qu'à la structure sociale.

  4. #4
    titijoy3

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    +1

    complètement d'accord
    Maaaagnifiiiiique ! tout ça n'a aucune importance..

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Liet Kynes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par pm42 Voir le message
    Je me demande si on n'est pas dans la réécriture de l'histoire sur la base de l'idéologie dominante du moment.
    La "domination masculine" est un concept qui me semble devoir être manié avec précaution quand on prétend l'appliquer à l'histoire de l'humanité parce qu'il me semble qu'on cherche à arriver au concept actuel de critique du patriarcat.

    En particulier, l'égalité homme-femme telle qu'on la connait aujourd'hui n'est possible qu'à cause de grandes évolutions : passage à une économie tertiaire où la force physique n'est pas importante, progrès techniques faisant que s'occuper du foyer et notamment de la nourriture prend nettement moins de temps, reproduction maitrisée, structures sociales pour s'occuper des enfants, etc.

    Interpréter le passé comme une domination masculine revient à supposer que les femmes de l'époques souhaitaient la même chose que les actuelles et que c'était possible.
    Ce n'est pas vraiment ce qu'on trouve dans les traces historiques. On remarquera aussi que le pouvoir dans le couple a été beaucoup décrit comme quelque chose de nuancé et tenant plus à la psychologie des chacun des membres qu'à la structure sociale.
    Bonjour,

    Tu laisses de côté les rôles pré-établis par les religions. La structure sociale empêchait souvent des femmes qui n'étaient pas dans le contexte des nécessités que tu décris (besoin en force physique dans le travail-> occupe l'homme -> assujettie la femme aux tâches ménagères) de pouvoir se réaliser au grand jour, et cela, jusqu'à pas si longtemps. https://www.france-memoire.fr/femmes...-des-lumieres/
    Sans questions il n'y a que des problèmes sans réponses.

  7. #6
    pm42

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par Liet Kynes Voir le message
    Tu laisses de côté les rôles pré-établis par les religions. La structure sociale empêchait souvent des femmes qui n'étaient pas dans le contexte des nécessités que tu décris (besoin en force physique dans le travail-> occupe l'homme -> assujettie la femme aux tâches ménagères) de pouvoir se réaliser au grand jour, et cela, jusqu'à pas si longtemps
    Normal, les religions comme toutes les normes sociales naissent de la nécessité à un instant puis ensuite subsistent même comme il n'y a plus aucune raison pour cela, par habitude.

    De plus, ce genre de remarque comme le lien donné est très européocentré ce qui est d'ailleurs typique dans les discours actuels sur la condition féminine.

  8. #7
    ArchoZaure

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Les femmes monarques :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_femmes_monarques

    J'ai pas pu mettre la liste elle est trop longue.

    Pauvre êtres infériorisés....

  9. #8
    Liet Kynes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par pm42 Voir le message
    Normal, les religions comme toutes les normes sociales naissent de la nécessité à un instant puis ensuite subsistent même comme il n'y a plus aucune raison pour cela, par habitude.

    De plus, ce genre de remarque comme le lien donné est très européocentré ce qui est d'ailleurs typique dans les discours actuels sur la condition féminine.
    C'est quoi la nécessite qui fait de la religion une norme sociale ? Ce n'est pas simple à établir.
    J'ai choisi ce lien parce que j'ai visité le Château d'Émilie du Châtelet cet été et que j'ai écouté une bibliographie de Sophie Germain cette semaine.
    Sans questions il n'y a que des problèmes sans réponses.

  10. #9
    pm42

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par Liet Kynes Voir le message
    C'est quoi la nécessite qui fait de la religion une norme sociale ? Ce n'est pas simple à établir.
    Non ce n'est pas simple et un paquet de normes "mineures" peuvent aussi avoir des origines moins claires voir relever du délire.
    Mais les normes importantes sont simplement compatibles avec les contraintes d'une société à une époque donnée sinon elles ne survivent pas longtemps.
    Mais on dérive du sujet initial et j'arrête donc la disgression de mon coté.

  11. #10
    Liet Kynes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Je ne suis pas sur qu'il s'agisse d'une digression, plutôt une mise en perspective de l'approche éthologique en anthropologie: l'éthologie est pour moi la science du biais cognitif par excellence, c'est une opinion personnelle.
    Sans questions il n'y a que des problèmes sans réponses.

  12. #11
    ArchoZaure

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par Liet Kynes Voir le message
    Je ne suis pas sur qu'il s'agisse d'une digression, plutôt une mise en perspective de l'approche éthologique en anthropologie: l'éthologie est pour moi la science du biais cognitif par excellence, c'est une opinion personnelle.
    C'est surement plus cadré que ça vu le niveau de formation, j'imagine (bon c'est vrai que sur ce coup là je ne suis à la limite qu'un amateur et c'est aussi juste une opinion).
    http://comportement.univ-paris13.fr:...hologie/master

  13. #12
    agitateur

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par pm42 Voir le message
    De plus, ce genre de remarque comme le lien donné est très européocentré ce qui est d'ailleurs typique dans les discours actuels sur la condition féminine.
    Pour changer de point de vue, on peut citer le cas d'un couple tokyoïte "standard". Donc milieu urbain, "moderne", civilisé, etc...mais pas de chez nous au sens géographique et donc culturel / religieux.
    Je vais essayer de ne pas caricaturer, soyez certains que l'idée est là. Avec un peu d'humour, tout au plus.

    ( spoiler: je te rejoins sur ton message 3 d'hier, c'est à dire une ré écriture à la fois actuelle, et aussi biaisé au niveau géographique - c'est donc ma conclusion avant le développement ).

    Revenons à l'étude de cas:
    - Monsieur ( M ) finit tard le boulot, plus tard que Madame ( Mme ).
    - Aprés le taff, il va en groupe ( des collègues masculins de boulot ) manger et boire des canons. Et celà à peu prés tout le temps, la semaine.
    - Il rentre donc bourré, tard, et trés fatigué. Ce qui vaut au tokyoïte masculin standard, dans le métro au petit matin, d'afficher ce qu'on appelle un tronche en biais. Le constat visuel est étonnant, je vous assure.
    - Monsieur touche 3000 dollars ou euros par mois, en gros, et en moyenne.

    Pendant ce temps,
    - Mme finit moins tard ( disons 18H00 ) puis va ses courses au 7 eleven pour son repas du soir...a domicile. !les sorties entre femmes sont rarissimes, et en couple en semaine, ça n'existe presque pas.
    - Si enfant(s) il y a, l'éducation et le contact parental pendant la semaine, c'est par Mme et pas par M ( ce qui réduit drastiquement l'autorité paternelle d'un père incarnant l'autorité )
    - Mme touche 3 fois moins que son mari, ce sera donc 1000 € / $ . Et oui, sacré écart.
    - Cependant, Mme est en charge des finances du foyers, et M ne part au bistro qu'avec l'argent de poche laissé par Mme sur le compte commun.

    Ne croyez pas que manger manger et picoler avec un budget limité par Mme soit un sport digne d'un dominant !
    Blague à part, la pression sociétale, le jeux de pouvoir, le fort et le faible, dominant / dominé, est dans le cas que j'ai évoqué considérablement plus fort entre males le même soir de semaine au restau à la même table. Par définition, c'est un repas avec des gens de différents "grades" ou position hiérarchiques dans l'entreprise. Le chef chef qui commande et paie les trucs les plus chers, le jeune bleu bite qui paie moins mais se met en 4 ( c'est presque un serveur bis assis à la table ), etc....En terme de contrainte, d'organisation, de dominant ou pas, etc....c'est énorme si on observe les détails.

    Je rejoins Liet, et perso je range l'éthologie au même rang que l'épidémio. De la science de bazar. Quand on purge ce qui est perclus de biais, il reste si peu....Autant aller voir une voyante et tirer les cartes.

  14. #13
    dadykass1993

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par philippedelimoges
    Son hypothèse est que la domination masculine s’est organisée initialement sur le mode parent-enfant, donc sur un rapport d’autorité (analogie avec la domination parentale). Perso pas convaincu (mais peut-être à tort).*

    Selon Étienne de La Boétie, tout pouvoir, même quand il s’impose d’abord par la force des armes, ne peut dominer et exploiter durablement une société sans la collaboration, active ou résignée (par pudeur elles ont choisi la servitude volontaire ?)

  15. #14
    Liet Kynes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Sans questions il n'y a que des problèmes sans réponses.

  16. #15
    f6bes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Bjr à tous, Je pense que la question de départ est fort mal posée:
    " l'évolution c réa la femme" .
    C'est pas en ses termes que cela aurait du etre dit ,mais "l'évolution créa le genre....féminin".
    Cela s'apliquerait donc à TOUTES les formes de créatures. Mais pourquoi donc QUE les femmes !
    L'évolution "créa" le genre féminin.......là on pourrait discuter sur autre chose que sur de la "phiolosophie" du départ.

    Faudra poser la question aux...escargots ( hémaphrodites) !
    Bref beaucoup de "bruit" pour pas grand chose !
    Bonne journée

  17. #16
    oualos

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    pm42 disait que c'était très européocentré comme façon de poser le thème effectivement: en effet voici ce que dit chagtGPT



    Les sociétés matrilinéaires sont des sociétés où la filiation, l'héritage et la transmission des biens se font principalement à travers la lignée maternelle. Ces sociétés sont moins courantes que les sociétés patrilinéaires, où la filiation est principalement basée sur la lignée paternelle. Il est important de noter que le concept de matrilinéarité peut varier d'une culture à l'autre, et il peut y avoir des nuances dans la manière dont elle est pratiquée.

    Voici quelques exemples de groupes ethniques ou de sociétés qui ont été étudiés en tant que matrilinéaires ou matrilocales (où les couples s'installent avec la famille de la femme) :

    Minangkabau (Indonésie) : La société Minangkabau à Sumatra est souvent citée comme un exemple de société matrilinéaire. L'héritage et la propriété passent traditionnellement par la lignée maternelle.
    Khasi (Inde) : Les Khasi, une tribu du nord-est de l'Inde, sont connus pour leurs pratiques matrilinéaires. Les biens et le nom de famille sont transmis par la lignée maternelle.
    Mosuo (Chine) : Les Mosuo, une ethnie du sud-ouest de la Chine, sont souvent étudiés en raison de leur système familial matrilinéaire et de la pratique de la marche à travers le mariage, où les partenaires ne cohabitent pas.
    Akan (Ghana) : Certaines communautés Akan au Ghana ont des pratiques matrilinéaires, où l'héritage et la filiation sont liés à la lignée maternelle.
    Navajo (Amérindiens aux États-Unis) : Bien que la société Navajo soit souvent considérée comme patrilinéaire, certaines études suggèrent qu'il y a des éléments matrilinéaires, tels que l'importance des femmes dans la transmission du savoir et de la culture.
    Il est important de noter que ces exemples ne couvrent pas toutes les subtilités des sociétés étudiées, et que les pratiques culturelles peuvent évoluer avec le temps. De plus, il peut y avoir des variations au sein même d'un groupe culturel. La matrilinéarité n'est pas universelle et peut prendre différentes formes d'une culture à l'autre.

  18. #17
    philippedelimoges

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Bonjour à tous,

    A l’interrogation d’un biais interprétatif en lien avec le féminisme : oui, le questionnement historique du statut social de la femme est plus particulièrement actualisé dans notre société et plus généralement dans les sociétés occidentalisées ; oui, il y a une forme de militantisme de la part de certains chercheurs et (surtout) chercheuses. Sur ce sujet, voir le contenu de la discussion sur Lady Sapiens : https://forums.futura-sciences.com/a...y-sapiens.html
    Mais, personnellement, (1) je trouve que ce questionnement historique est intéressant (il remet à plat certains biais interprétatifs masculins) ; (2) je trouve que la recherche sur ce sujet dérive peu ; en revanche, la vulgarisation journalistique a des dérives … : il y a souvent du militantisme caché ; mais surtout pour faire le « buzz » on va se focaliser sur des points et caricaturer des recherches dans un sens interprétatif, notamment dans le sens de l’opinion du moment (complaire les attentes ou les préjugés du lectorat …).

    Petite remarque : attention au terme (à la mode …) de « patriarcat » : il est utilisé à tort et à travers … Je rappelle qu’il désigne précisément une organisation sociale fondée sur la dominance hiérarchique du père de famille. On a trop tendance à l’utiliser pour caractériser la dominance masculine (l’usage le plus adapté devrait être « androdominance »). A noter : j’ai le sentiment que l’interprétation de Bernard Lahire sur la domination masculine est justement trop restrictive au seul patriarcat.

    Oui, je suis d’accord, l'égalité homme-femme telle qu'on la connait aujourd'hui n'est possible qu'à cause de grandes évolutions (contraception, autonomie financière, éducation, etc …). D’ailleurs, les réflexions de Véra Nikolski sur ce sujet (Féminicène – Fayard, 2023) sont très intéressantes : https://www.fayard.fr/livre/feminicene-9782213726052/ + https://www.youtube.com/watch?v=3fod-0n2Vk4

    Oui, c’est vrai qu’au sein des couples (notamment dans le cadre de cellules familiales restreintes à un duo), le poids des inégalités genrées est à nuancer : le tempérament ou l’affection assurant un rééquilibrage. Je me rappelle des anecdotes de Maurice Godelier sur les femmes Baruya (Papouasie) : celles-ci se gaussant avec leur compagnon, dans le secret de l’intimité, de certains rituels fortement masculinisés. Mais, pour autant, ces femmes et leurs compagnons n’échappent pas à la pression sociale qui s’exerce en dehors de se cadre intimiste.
    Et ce n’est pas parce que des fonctionnements sociaux non pas été contestés par les femmes qu’elles n’auraient pas souhaité vivre autrement. On a des traces historiques de ces regrets. Mais le poids du communautaire, de la tradition et du hiérarchique ne pouvait permettre cette émancipation. Ce qui caractérise notre société actuelle en France, c’est la libération de l’individu et la contestation des trois piliers précités.
    Mais il est vrai aussi qu’il ne faut pas toujours voir HISTORIQUEMENT dans la division genrée des tâches une forme de domination masculine : comme le dit très justement Bernard Lahire, il y a des raisons initialement biologiques (gestation, allaitement) qui pèse davantage sur les femmes que sur les hommes (notamment femmes moins mobiles du fait de la charge d’un enfant particulièrement dépendant, un temps de sevrage long, choix naturel de la cueillette en raison du portage des enfants, etc… l’histoire évolutive de notre espèce et l’éthologie comparative permet de comprendre ces contraintes). Je précise : je parle de temps anciens... La répartition des rôles entre hommes et femmes dans ces conditions peut effectivement ne pas être interprétée par les femmes comme une domination masculine ; et ne pas impliquer, mentalement, chez les hommes un sentiment de domination.
    Actuellement, l’accès à la contraception, au lait maternisé, au biberon, aux crèches …. etc … et toutes les évolutions du XX°s mentionées par pm42 remettent en question cette division des tâches.

    Reste à savoir si on peut historiser le rapport homme/femme. Un constat : ce qui caractérise les sociétés humaines connues historiquement c’est l’androdominance. Celle-ci peut-être très faible à très forte. L’organisation sociale et familiale a un rôle important. Le symbolique aussi, mais pour légitimer ou instituer l’organisation de cette domination.
    Comment expliquer cette domination ? Pour soumettre les femmes au plaisir sexuel masculin ? Contrôler l’enfantement ? (ce dernier point est la thèse de Françoise Héritier). Perso, ok dans des sociétés hiérarchiques et patrilinéaires (transmission de biens). Mais comment l’expliquer dans des sociétés de chasseurs cueilleurs … Exercer un contrôle symbolique sur le phénomène de la reproduction, du cycle de vie ? L’homme étant le principe vital et non plus la femme ?

    Que savons-nous des rapports genrés avant le paléolithique supérieur ? Deux indices sont avancés : l’un est le dimorphisme ; l’autre est la patrilocalité.
    Pour le premier, il n’est pas évident comme le fait remarquer justement Pascal Picq : le dimorphisme des babouins Gélada par exemple n’implique pas une domination coercitive à l’égard des femelles (plus un caractère impliquant une confrontation entre mâle pour l’accès sexuelles à ces dernières) (cf. Jean Jacques Hublin (2022) : début https://www.college-de-france.fr/fr/...-les-hominines ).
    Pour le second, la comparaison avec les grands singes et quelques études indiquent une ancienneté de l’exogamie des femmes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Patril...A9andertaliens Mais peut-on généraliser sur ces infimes données ? De plus, la patrilocalité existe chez les bonobos et pour autant les femelles exercent un réel équilibrage des forces à l’égard des mâles.
    Ce que je note c’est
    (1) la parturition a été rendue plus complexe avec l’évolution de la bipédie au sein de notre espèce (mortalité forte pour les femmes comparativement aux grands singes) et que la dépendance du jeune s’est accrue au cours de notre évolution. Nécessité alors d’une coopération pour la naissance et le nourrissage des enfants (chez chimpanzé les femelles s’occupent le plus souvent seule de leur progéniture), implication du géniteur ou du groupe familiale plus forte (donc quid de la domination si coopération ?) – cf. Jean-Jacques Hublin (2022) : https://www.college-de-france.fr/fr/...t-reproduction + https://www.college-de-france.fr/fr/...evenus-humains
    (2) le dimorphisme s’est atténué au sein de notre espèce mais il persiste. Une étude de 1989 est intéressante : elle expose les résultats d'une grande enquête sur les préférences respectives des hommes et des femmes dans le choix du partenaire idéal (37 cultures étudiées sur tous les continents (Europe, Australie, Asie, Amérique du Sud et du Nord, Afrique) - 10 047 personnes furent interrogées avec un même questionnaire) : https://www.cambridge.org/core/journ...05E3AC11ABC889 (pour accéder à l’étude cliquez sur le PDF). La conclusion : quels que soient le degré de développement (société moderne ou traditionnelle), la religion, les règles du mariage (monogamie ou polygamie), partout on trouvait la même différence systématique entre femmes et hommes concernant le choix du partenaire. En moyenne, les hommes mettent plus souvent l'accent sur le physique de la partenaire idéale, les femmes, quant à elles, valorisant plutôt le statut social.
    Ce constat a été fait aussi en France en 2005/2006 : Il en ressort que les hommes valorisent chez les femmes l’apparence physique (jeune). De leur côté les femmes prennent en comptent aussi le physique (notamment pour le simple plaisir hédoniste) mais pour aboutir très vite à des appréciations liées au statut social et professionnel du partenaire ou à des jugements affectifs sécurisant, protecteur : des hommes plus grands (lié au statut) et plus âgés.
    (cf. Michel Bozon/François Héran : La formation du couple - La Découverte 2006 p.18-20 et p.99-170). Même constat dans l’Enquête sur la sexualité en France – La Découverte, 2008 - p.545-565. Repris par Michel Bozon : Sociologie de la sexualité – Armand Colin, 2013 – p. 67-71 – qui s’interroge sur cette persistance dans notre société moderne d’un comportement qu’il considère « intériorisé » (dixit). Comment interpréter ces constats ? Persistance d’un fond « culturel » traditionaliste ? ou un invariant comportemental ?
    En tout cas, cette donnée est à prendre en considération dans la réflexion sur ce rapport homme/femme.

    Cordialement

    PS (1) : dadykass1993, j’avais aussi en tête Étienne de La Boétie …

    PS (2) : Quant au regard éthologique sur le comportement humain : à considérer comme peu intéressant ? Pour ma part, non. (1) l’homme est un animal comme les autres et il doit être étudié comme les autres (tout en ne niant pas la complexité spécifique de notre espèce). L’anthropologie a trop considéré l’humain à part, en oubliant (consciemment ou inconsciemment) sa nature. (2) l’éthologie permet de comparer des fonctionnements comportementaux ; et que la paléoanthropologie se passe de l’éthologie est pour moi une aberration. Mais, évidemment, l’éthologie ne va tout expliquer : les sociétés humaines se sont complexifiées.

  19. #18
    pm42

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Reste à savoir si on peut historiser le rapport homme/femme. Un constat : ce qui caractérise les sociétés humaines connues historiquement c’est l’androdominance.
    Une hypothèse est qu'elle est renforcée par la révolution néolithique et la division du travail. Les hommes peuvent alors se consacrer à des fonctions de "pouvoir" et exercer une domination sur toute la société, hommes et femmes.
    Les femmes restent fortement contraintes par les enfants dont elles sont les seules à pouvoir s'occuper.

    On remarquera d'ailleurs que cette androdominance connait justement des exceptions quand certaines femmes échappent à ces contraintes notamment en ayant servantes et nourrices : on a des reines qui exercent un réel pouvoir.

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Comment expliquer cette domination ?
    Domination est connoté vu que les rapports de force sont particuliers (cf. ce que disait agitateur).

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    En moyenne, les hommes mettent plus souvent l'accent sur le physique de la partenaire idéale, les femmes, quant à elles, valorisant plutôt le statut social.
    Logique : les hommes cherchent une reproductrice donc en bonne santé et jeune. C'est logique notamment compte tenu du taux de mortalité en couche, etc.
    Les femmes elles sont fortement contraintes par les naissances, un jeune humain n'étant pas autonome pendant très longtemps.
    Elles dépendent donc fortement du compagnon pour leur subsistance et protection et cherchent donc un statut qui leur garantisse cela, la stabilité du partenaire, etc.

    Et oui, ce genre de chose perdure très longtemps. Même dans une société relativement égalitaire comme la France aujourd'hui, il y a 17% de femmes au foyer contre 0,2% d'hommes et la parité homme-femme n'est presque réalisée que dans le tertiaire et d'ailleurs n'est pas réclamée ailleurs : aucune féministe ne se plaint de ne pas voir plus de femmes sur les chantiers, éboueur, tirant des cables de fibre optique dans les égouts...

  20. #19
    oualos

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Il y a des exceptions et des tentatives intéressantes pour lutter contre le genrisme trop strict au travail soit une division du travail par répartition de sexe par trop rigoriste: conductrice de métro ou bus, voire plus rarement train ou avion est commun.
    Mais les femmes restent minoritaires dans ce type d'emplois.
    Il y a quelques femmes-routières mais la pénibilité de ce travail est telle qu'elles sont fort peu nombreuses car ce travail demande de la manutention lourde en sus de la conduite limitée à 60km/h: il faut aider à charger et décharger les contenus des camions au départ et à l'arrivée.
    Un homme a été promu récemment sage-homme et il y a eu un grand battage médiatique autour de cela: mais là aussi ce sont des exceptions.
    Dernière modification par oualos ; 25/11/2023 à 14h07.

  21. #20
    ArchoZaure

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par oualos Voir le message
    Il y a quelques femmes-routières mais la pénibilité de ce travail est telle qu'elles sont fort peu nombreuses car ce travail demande de la manutention lourde en sus de la conduite limitée à 60km/h: il faut aider à charger et décharger les contenus des camions au départ et à l'arrivée.
    Donc en bref, on ne prend pas les gringalets, homme ou femme.
    Tient il se trouve que les hommes sont statistiquement plus forts que le femmes.
    #### supprimé : commentaire déplacé et stupide
    Dernière modification par JPL ; 25/11/2023 à 15h03.

  22. #21
    ArchoZaure

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Donc je disais.

    Dans la mythologie grecque, les Érinyes ou Érinnyes (en grec ancien Ἐρινύες / Erinúes "implacable"), ou parfois « déesses infernales » (χθόνιαι θεαί / khthóniai theaí) sont des divinités persécutrices. Selon Eschyle, elles sont transformées en σεμναὶ / semnaì1, « vénérables », après l'acquittement d'Oreste, à l'occasion duquel Athéna aurait obtenu qu'elles devinssent des divinités protectrices d'Athènes comme gardiennes de la justice. Euripide les a identifiées aux Euménides (grec Εὐμενίδες / Eumenídes, « les Bienveillantes »)2. Elles correspondent aux Furies chez les Romains.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89rinyes

    Les déesses infernales , implacables, divinités persécutrices, gardiennes de la justice, existaient déjà chez les grecs.
    Pauvres femmes infériorisés Monsieur Jean-Pierre, n'est-ce pas ?
    Bon, aujourd’hui on en a surtout gardé le terme "mégère", modernité oblige probablement.
    Dernière modification par ArchoZaure ; 25/11/2023 à 15h33.

  23. #22
    dadykass1993

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par philippedelimoges
    ...
    ...
    PS (1) : dadykass1993, j’avais aussi en tête Étienne de La Boétie …

    PS (2) : Quant au regard éthologique sur le comportement humain : à considérer comme peu intéressant ? Pour ma part, non. (1) l’homme est un animal comme les autres et il doit être étudié comme les autres (tout en ne niant pas la complexité spécifique de notre espèce). L’anthropologie a trop considéré l’humain à part, en oubliant (consciemment ou inconsciemment) sa nature. (2) l’éthologie permet de comparer des fonctionnements comportementaux ; et que la paléoanthropologie se passe de l’éthologie est pour moi une aberration. Mais, évidemment, l’éthologie ne va tout expliquer : les sociétés humaines se sont complexifiées.
    Très jolie planche 

    Citation Envoyé par ArchoZaure
    Les déesses infernales, implacables, divinités persécutrices, gardiennes de la justice, existaient déjà chez les grecs.
    Pauvres femmes infériorisés Monsieur Jean-Pierre, n'est-ce pas ?
    Bon, aujourd’hui on en a surtout gardé le terme "mégère", modernité oblige probablement.
    Ils ont essayé dans le passé la sophiologie (du grec Σοφια, sophia, sagesse) c'est un concept philosophique et un concept théologique sur la sagesse de Dieu d'aspect féminin.
    Par ailleurs, le thème est commun, depuis l’Antiquité, à toute la tradition chrétienne, tant dogmatique que théosophique du féminin sacré
    Dernière modification par dadykass1993 ; 25/11/2023 à 17h11.

  24. #23
    Liet Kynes

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    PS (2) : Quant au regard éthologique sur le comportement humain : à considérer comme peu intéressant ? Pour ma part, non.
    ll s'agit de croyance, pas de science. Les vétérinaires ne sont pas des scientifiques.
    Sans questions il n'y a que des problèmes sans réponses.

  25. #24
    philippedelimoges

    Re : Pascal Picq : l'évolution créa la femme

    Bonjour à tous,

    Sur l’éthologie : https://www.mnhn.fr/fr/qu-est-ce-que-l-ethologie
    Sur le livre mentionné de Bernard Lahire, un interview dans lequel il explique sa démarche intellectuelle (aborde très superficiellement la dominance masculine, expose son utilisation de l’éthologie) : https://www.youtube.com/watch?v=7JcHYXNKbaw

    Liet Kynes, l’éthologie est une science et ce sont les biais interprétatifs qui sont eux producteurs de croyances (notamment renforcement de préjugés). Ces biais se retrouvent aussi dans d’autres sciences.

    Cordialement

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