J'ai été professeur de mathématiques en Lycée et Collège durant 18 ans. Face aux difficultés de certains élèves, j'ai eu à approfondir une idée sur laquelle je m'étais déjà penché lors de mes études universitaires et cela a changé ma vie (en bien et en mal, aujourd'hui je continue encore cet approfondissement à un niveau nettement plus élevé, en espérant que cette fois-ci je n'en tirerai que des bénéfices).
Parce qu'il leur fallait offrir des formules simples à utiliser aux non spécialistes qui avaient besoin d'elles pour construire des outils pour les sociétés humaines, les mathématiques n'ont eu d'autre choix que de se développer en construisant des complexités (nécessaires pour éviter des maux de tête aux utilisateurs) et en s'enfermant avec elle, y égarant leur propre âme, ce qui fait l'extrême beauté de la logique: la simplicité. Elles ont asservi la pureté d'un regard logique sur l'univers au profit des besoins de "maîtres" qui leur exigeaient des résultats utilisables pour leurs besoins immédiats.
Cette conviction qui m'habitait déjà lors de mes études s'est affermie lors de mes années d'enseignement dans les lycées et les collèges. Je me suis par exemple rendu compte que peu d'élèves savaient expliquer ce qu'était un entier naturel (ils répondaient souvent "nombre sans virgule", et j'offrais alors à leurs certitudes bien ancrées depuis l'école primaire quelques sueurs, en leur demandant qu'elle était le rapport entre "entier", "naturel" et "sans virgule"), que très peu étaient capables de voir et d'expliquer le rapport entre "dix" et "nombre décimal", qu'il y en avait encore moins pour trouver une méthode permettant de calculer approximativement l'aire d'un disque sans l'aide d'une formule, qu'il leur était pratiquement impossible de savoir ce qu'il fallait faire pour obtenir 2,687 pains, etc. Les formules des mathématiques scolaires avaient sérieusement entamé leurs capacités à gérer des argumentations logiques simples. Et quand je m'y attelais avec eux, en revenant parfois aux raisonnements des premiers hommes qui n'avaient aucune formule mathématique, même le plus mauvais élève de la classe s'extasiait de pouvoir ainsi maîtriser des notions dont les origines lui paraissaient complexes, simplement en se réappropriant les bases de la logique.
Méfiez-vous donc d'une utilisation aveugle des formules et de mots mathématiques dont on a pas analysé le sens profond.
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