Bonjour,
Pourquoi les mathématiques ne font-elles pas parties des sciences cognitives ?
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Bonjour,
Pourquoi les mathématiques ne font-elles pas parties des sciences cognitives ?
Comment définis-tu "sciences cognitives" ?
J'aurais du mal à définir les sciences cognitives, mais je crois voir "en gros" ce que c'est, donc je vais essayer de donner un début de réponse à cette intéressante question. Attention, c'est un point du vue personnel, et je ne suis pas certain de toutes les informations que j'avance.
Déjà, les sciences cognitives ont trait à la réalité : je pense que ce sont des sciences expérimentales. Ce n'est pas le cas des maths : quand on fait des maths, on ne part en fait que de quelques axiomes que l'on manipule avec des règles logiques pour obtenir des théorèmes, et ce sans faire aucune référence à la réalité. Certes, on s'en approche beaucoup : par exemple, l'espace euclidien ressemble beaucoup à l'espace dans lequel on vit, et pourtant ils n'ont rien à voir : a été défini mathématiquement, alors que notre espace, il existe dans la réalité, indépendamment de tout choix humain. Ce que j'ai montré avec cet exemple, c'est que les mathématiques ne sont pas une branche de la physique, mais simplement qu'elles modélisent bien la physique.
Je pense qu'on peut dire la même chose en ce qui concerne les sciences cognitives. Par exemple, pour formaliser la notion de fonction calculable, Turing a défini la notion (mathématique) de machine de Turing ; et, mathématiquement, une fonction calculable, c'est défini comme une fonction qui peut être calculée par une machine de Turing. Cette définition n'a rien à voir avec une définition qui aurait pu être "une fonction calculable, c'est une fonction qu'un être humain peut calculer", et qui elle, a trait aux sciences cognitives. Aujourd'hui, tout porte à croire que ces deux notions coïncident. Mais en fait, rien ne prouve qu'il n'existe pas de fonction "calculable par un être humain" qui ne soit pas calculable par machine. D'ailleurs, je crois que certains chercheurs en sciences cognitives étudient la question de savoir si c'est effectivement le cas ou non.
A noter, les excellentes conférences "le cerveau bayesien" disponibles dans le cycle science cognitive du Collège de France sur iTunes University
http://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/
Bonjour,
Je suis très content de vos réponses, merci beaucoup !
Mais je voudrais y apporter quelques suggestions, si vous me le permettez...
Il faut savoir que la "linguistique" fait parti des sciences cognitives et il n'y a rien d'experimentale dedans,
D'autant plus qu'on peut tout à fait théoriser aisément la linguistique en logique.
D'autre part, la science cognitive est la science qui étudie la cognition. La cognition est l'ensemble des mécanisme de pensée de l'esprit humain.
Or les mathématiques sont une pure création, la plus objective qui puisse être, et aussi la plus vraie, plus vraie (relativement) que quoi que ce soit de connu, de l'Homme. Il paraît illogique, alors, de prétendre que les mathématiques ne reflètent en aucun cas l'esprit humain, et en particulier ses mécanismes, puisque pure création logique de l'Homme.
En conséquence, il n'y a aucune raison, me semble-t-il, que les mathématiques ne fassent point parties des sciences cognitives...
Cela correspond à la vision de Krivine dans son texte "Wigner, Curry et Howard", trouvable là : http://www.pps.univ-paris-diderot.fr...icles/arco.pdf.
Extrait :
Nous venons de nous apercevoir que les lois mathématiques sont, en fait, des program-
mes écrits dans la mémoire morte de notre cerveau. Dire que le monde physique se con-
forme à de telles lois revient donc à dire qu’il se conforme à des programmes écrits dans
notre cerveau.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Comme tout ce qui est pensé est de la cognition, les sciences cognitives recouvrent toute la pensée. Qui trop embrasse mal étreint. Voilà pourquoi les sciences cognitives comprennent le pire et le meilleur.
Mais les différentes disciplines ont leur sujet, leurs outils, et les sciences cognitives, sauf à être peu sérieuses, doivent définir clairement leur sujet (c'est fait chez certains auteurs) et ne pas confondre "parler de la façon dont on pense en mathématiques" et "faire des mathématiques". On ne confond généralement pas celui qui fait et celui qui regarde faire !
Cordialement.
NB : de la même façon, les mathématiques "font partie" de la philosophie.
A noter :
La déclaration de Krivine est aussi "scientifique" que celle de descartes sur les "animaux automates". C'est d'ailleurs la même, revisitée quelques siècles après !!
Ah, bon sang ! Nous avons la même idée indépendamment...
Vous avez lu tout le papier, ou vous vous contentez de réagir sur le seul petit extrait que j'ai indiqué. Je soupçonne le premier cas, et j'ai alors eu tort de mettre cet extrait.
Dernière modification par Amanuensis ; 30/05/2012 à 19h42.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Merci de pointer ce point, car je crois que c'est précisément ici que beaucoup se plantent.
Comment pourriez-vous dissocier la nature des mathématiques des mathématiques elles-mêmes ? Ce qu'elles disent provient point par point de notre cerveau. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le dire, je m'en rends compte (Platon et sa vie intelligible). Je pense que l'on ne peut pas effectuer une telle dissociation. C'est comme si vous dissociez l'Homme de son esprit. C'est pareil ! Car les faits et actes de l'Hommes sont une conséquence de sa pensée, et de ses mecanismes. J'en reviens aux mathématiques. Le cognitif se doit aussi d'analyser les conséquences des mécanismes.
Les mathématiques en font parties !
La question et le point de vue me semblent avoir un rapport étroit avec l'opposition formalistes/platoniciens chez les mathématiciens. Pour un platonicien, les maths "existent en elles-mêmes" et n'ont donc aucun rapport avec le cerveau ou la cognition ; les humains se contentent de les découvrir, tout comme ils découvrent des planètes extra-solaires. J'imagine donc que ceux qui penchent vers cette position ne sont pas près d'accepter de voir les maths comme faisant partie des sciences cognitives... Et comme le débat dure depuis des siècles sans qu'on voit un progrès vers une "victoire" d'un des camps, il n'y a pas vraiment de raison de penser qu'on puisse conclure sur la question posée !
Dernière modification par Amanuensis ; 30/05/2012 à 19h57.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Je suis peut-être embêtant, mais là encore, je ne suis pas d'accord. On ne va pas mettre un problème sous le tapis, sous prétexte que ça faut des siècles que cela dure !
Revenant au sujet, il me semble que vous donniez plutôt l'interprétation de ce que pensent les platoniciens. Leur dire me paraît, sauf si je me plante, plus subtile : comment diable pourriez-vous découvrir quelque chose que vous ne pouvez point percevoir dans le réel ? Cette question ne me semble pas avoir de réponse technique : en aucun moyen ! À moins que cette chose soit autre chose que la réalité, donc intimement lire à l'esprit humain.
Par ailleurs, il s'avère utile de préciser que je ne distingue pas le cerveau de l'esprit humain (j'ai lu d'un article scientifique de haut niveau (puis-je le citer?) que l'on connaissait 21% du volume du cerveau. Le reste et tellement complexe que l'on a "toutes les raisons de penser qu'il est lié à l'esprit humain").
Par ailleurs, les mathématiques peuvent-elles réellement exister "en elles-mêmes", franchement ?
Qui parle de mettre sous le tapis ?
Je me contentais de répondre à vos conclusions péremptoires qui prétendent résoudre d'un revers de main un problème loin d'être neuf...
Dernière modification par Amanuensis ; 30/05/2012 à 20h42.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Extrait d'un site, partie de la description du platonisme de Gödel :
Encore une interprétation, vous allez dire...Like physical objects and properties, mathematical objects and concepts are not constructed by humans. Like physical objects and properties, mathematical objects and concepts are not reducible to mental entities. Mathematical objects and concepts are as objective as physical objects and properties. Mathematical objects and concepts are, like physical objects and properties, postulated in order to obtain a good satisfactory theory of our experience.
Ca colle avec la citation ci-dessus ?Leur dire me paraît, sauf si je me plante, plus subtile : comment diable pourriez-vous découvrir quelque chose que vous ne pouvez point percevoir dans le réel ?
Vous pensez que la question peut se résoudre aussi simplement que cela, franchement ?Par ailleurs, les mathématiques peuvent-elles réellement exister "en elles-mêmes", franchement ?
Dernière modification par Amanuensis ; 30/05/2012 à 20h51.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
De quelles conclusions parlez-vous ? Si je voulais en faire, et surtout si elles devaient être péremptoires, je ne serai pas ici à demander vos avis !
Mais je vous qu'en fait, le problème n'est pas si simple, pour une question laissant supposer le contraire... Il faut bien commencer un jour !... (?)
Merci d'avoir rectifier pour Platon, je me suis remémoré un passage d'un cours de philo que j'avais suivi il y a fort longtemps.
vous avez oublié de citer ma réponse à cette question.
Si j'ai bien saisi, le réel problème soulevé est de savoir si les mathématiques sont intrinsèquement liés à l'esprit humain ou pas...
Personnellement, j'ai de gros doutes qu'il ne le soit pas. Est-ce que l'on pourrait m'argumenter pourquoi elles ne ferraient pas parti de l'esprit humain ?!
Oui, on peut le voir comme cela. Et alors la relation avec votre question est claire, dans la mesure où les sciences cognitives, pour le moment, s'occupent quasi exclusivement de la cognition des humains (si ce n'est pas excluent même qu'il y ait autre chose comme cognition...).
Difficile de résumer cela dans un message de forum ; en plus personnellement je suis incapable de faire un résumé correct.Personnellement, j'ai de gros doutes qu'il ne le soit pas. Est-ce que l'on pourrait m'argumenter pourquoi elles ne ferraient pas parti de l'esprit humain ?!
Mais un argument élémentaire est le cas des nombres entiers : les voir comme création humaine choque. Kronecker a écrit "Dieu a fait les nombre entiers, le reste [des maths] est le résultat du travail des hommes", ou quelque chose comme cela.
Le site que j'ai indiqué est un bon départ il me semble, du moins quand l'anglais n'est pas un obstacle.
Dernière modification par Amanuensis ; 30/05/2012 à 21h15.
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Merci bien, j'irai visiter et prendre connaissance de ce site dès que le temps me le permettra, puis je reviendrai à nouveau discuter.
Il ne faut pas confondre "parler du jardinage" et "faire du jardinage".
Bonjour,
A titre personnel, je me suis passionné pour la logique mathématique (au point de faire de la recherche dans ce domaine), avec la conviction (et rien de plus) que notre façon de faire des mathématiques (donc la logique) était caractéristique (révélatrice) du fonctionnement du cerveau humain, cette conviction était basée sur le constat simple, que certaines activités du cerveau sont spécifiques d'une culture (espace et temps), d'autres sont universelles, parmi les dernières, il y a bien sur la physique, mais cela peut se comprendre, car une pomme qui tombe, tombe de la même façon, partout dans le monde (merci aux pinailleurs de passer leur chemin et de ne pas polluer ce fil), quant aux mathématiques, pour lesquelles on ne fait pas d'expérience (ceux qui sont persuadés du contraire pourraient-ils me montrer une application du paradoxe de Banach-Tarski (qui est un théorème)), il fallait bien une autre explication pour justifier cette universalité ; les platoniciens en ont une : c'est parce que les mathématiques "existent" préalablement à tout être humain, à toute pensée, et l'universalité des mathématiques s'explique de la même façon que pour la physique ; un formaliste (que je suis) ne pouvant en appeler à cette explication, peut, soit "glisser la question sous le tapis" ou penser qu'elles sont caractéristiques de la pensée humaine (je ne connais pas d'autres positions, mais il en existe peut-être).
Depuis cette "philosophie de comptoir" qui m'animait, plusieurs personnes ont beaucoup mieux que moi explicité des idées proches, entre autres :
Jean Louis Krivine (logicien dont j'ai été l'étudiant) dans des textes comme :
http://www.pps.jussieu.fr/~krivine/articles/arco.pdf ou http://www.pps.univ-paris-diderot.fr...ticles/bat.pdf
Ou encore Alain Badiou : "l'Etre et l'Evénement".
Dernière modification par Médiat ; 31/05/2012 à 09h16.
Je suis Charlie.
J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
Pour moi l'analogie/similitude avec l'expérimentation n'est pas à chercher dans cette direction mais dans l'inter-subjectivité de nos regards sur les objets abstraits mathématique pour en extraire une cohérence interne universelle. Vise à « neutraliser » la singularité de la place qu’occupe le sujet-observateur dans le monde des objets mathématiques. C'est à dire exprime une forme d’intersubjectivité pour la description d’une même "réalité mathématique" sous-jacente.
Je retrouve, par analogie aussi, la dualité logiciel/matériel ou dans mon domaine professionnel un jours une personne ma demander si les couches supérieures du monde des communications n'étaient pas dieu (c'est qui qui a au dessus de mon support physique bien concret dieu ?).
Patrick
Mais dans mon post il ne s'agissait pas d'analogie ou de similitude, mais bel et bien d'une expérimentation !
Quand la question est "Comment expliquer l'universalité de la physique" la réponse est : tout le monde peut faire l'expérience.
Quand la question est "Comment expliquer l'universalité des mathématiques" la réponse ne peut plus être l'expérience.
Quand vous parlez de "l'inter-subjectivité de nos regards sur les objets abstraits mathématique", vous ne faite que paraphraser la question sous la forme : pourquoi il y a-t-il une "inter-subjectivité de nos regards sur les objets abstraits mathématique" ?
Il faut donc chercher la (ou plutôt une) réponse ailleurs.
Je suis Charlie.
J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
Je ne pense pas que vous fassiez avancer la réflexion (qui ne porte pas sur l'ontologie du monde, ni sur l'épistémologie de la physique !).
Envoyé par Médiatune pomme qui tombe, tombe de la même façon, partout dans le monde (merci aux pinailleurs de passer leur chemin et de ne pas polluer ce fil)
Je suis Charlie.
J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
Invariance de jauge...
La physique bien faite est telle qu'elle permet les mêmes prédictions à partir de différents points de vue possibles. Le point de vue est une "jauge", différentes jauges donnent des descriptions apparemment et formellement différentes d'un phénomène, mais s'occupent exactement de la même chose au sens où les prédictions obtenues en appliquant ladite physique seront justes ou fausses à l'identique.
Cela n'exclut pas la physique mal faite ! Si quelqu'un au pôle Nord prend comme loi physique "quand on lâche une pomme, elle se dirige dans la direction inverse de l'étoile polaire", c'est de la physique mal faite, et une "révolution Copernicienne" est nécessaire. Et la physique mal faite est constatable au moins jusqu'à la fin XIXème ! (Et rien ne permet de dire qu'il n'y a pas encore quelques révolutions Coperniciennes à venir ...)
Mais quand on parle de l'universalité de la physique, on parle du cas idéal, et alors les différences apparentes dues aux différents points de vue ne sont plus que l'effet d'une "jauge".
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Par ailleurs, en terme de "pollution", le sujet est pourquoi les mathématiques ne font-elles pas partie des sciences cognitives.
Ce que j'avais soulevé est que l'opinion qu'on peut avoir à propos de la réponse à la question posée dans ce fil pourrait avoir une corrélation, plus ou moins grande, avec la position sur le débat formalistes/platoniciens à propos des maths.
Dans ce forum les maths ont un sous-forum à elles, et les sciences cognitives sont en général traitées dans le sous-forum "Sciences humaines" (notons quand même que "logique" est du côté sciences humaines).
Pourquoi ? J'ai l'impression qu'il y aurait quelque incompréhension si les forums maths avaient été mis dans la rubrique "Sciences humaines". La séparation est j'imagine normale pour un platonicien, puisque pour lui les objets d'étude sont distincts, et donc la question ne mériterait pas plus d'examen.
Mais qu'en pense un formaliste ? Que les maths ne soient pas considérées en général comme faisant partie des sciences humaines est un fait social. Comment l'expliquer ? Serait-ce parce que le classement est le fait de platoniciens et/ou adapté aux humains, qui seraient en grande majorité platoniciens ?
Ou y-a-t'il d'autres raisons, indépendantes de l'axe formalistes/platonicien ? (Je pense en particulier à l'usage des mathématiques en physique et autres sciences non cognitives, combiné à l'universalité à laquelle tend la physique.)
Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.
Badiou a donné une réponse à cette question, et vous l'avez souvent lu sur ce forum :Mais qu'en pense un formaliste ? Que les maths ne soient pas considérées en général comme faisant partie des sciences humaines est un fait social. Comment l'expliquer ? Serait-ce parce que le classement est le fait de platoniciens et/ou adapté aux humains, qui seraient en grande majorité platoniciens ?
C'est à dire que classer les mathématiques dans les sciences cognitives en détruirait l'efficacité.Envoyé par Badiouil est de l'essence de l'ontologie de s'effectuer dans la forclusion réflexive de son identité
D'ailleurs ce ne sont pas, me semble-t-il, les résultats mathématiques qui renseignent directement sur l'esprit humain, mais plutôt les raisons et les façons dont ils ont été obtenus (du choix du sujet à la méthode de résolution).
[HS] Est-ce volontairement ou est-ce une faute de frappe que votre signature commence par Caccanli et non par Caccianli ? [/HS]
Je suis Charlie.
J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse