"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
bonjour et merci,La traduction en anglais du texte "Raum und Zeit", la conférence célèbre de Minkowski faite en 1908 et publiée (posthume) début 1909 est disponible là : http://en.wikisource.org/wiki/Space_and_Time
J'ai toujours opposé la démarche algébrique d'Einstein à la démarche géométrique de Minkovski sans avoir lu l'article original. Maintenant c'est fait.
C'est du pure Erlangen et là je ne suis pas du tout étonné.
C'est plus probable, car je trouverais absurde que Poincaré n'est pas pensé les choses ainsi car c'était un géomètre à la pointe des maths comme en témoigne ses travaux sur la topologie et les modèles qu'il a pondu de géométrie hyperbolique.Bien pour cela que je ne fais que citer des textes publiés ! Et en particulier le texte de 1905/1906 de Poincaré ! C'est sur ce texte qu'on peut juger de ce que Poincaré "imaginais" ou non. Et ce texte contient déjà tout ce qui sera publié par Minkwoski en rapport avec le groupe de Lorentz, à ma connaissance.
Probablement, c'est l'effet de sa modestie.
Reste un problème de fond. Einstein a écrit que Poincaré n'avait pas compris la RR!!! Ce serait vraiment intéressant de se mettre dans la peau de Poincaré en s'appuyant sur ses travaux (en fait cela a déjà été fait mais je ne connais pas la question).
C'est le papier qui a vraiment lancé la RR ! Mais il y a deux textes de Minkowski un peu plus anciens sur le sujet.
Comme l'un et l'autre était de grand mathématiciens je suis enclin a pensé que l'un et l'autre étaient complètement Erlanganadisé (çà vient de sortir).C'est sur ces textes publiés qu'on peut juger si la vision de Minkowski était "plus géométrique", plus "programme d'Erlangen" que celle de Poincaré (elle l'était très certainement plus que celle d'Einstein !).
La question serait peut-être plutôt du coté du couplage mathématiques/concept physique. Cela n'aurait rien d'extraordinaire si on pense à Von Neumann qui établit le fondement mathématique de la MQ pour ensuite faire, avec les fameuses chaines de Von Neumann, une erreur physique monumentale
Ah bon ? Klein semble avoir écrit dans ce sens, mais je ne suis pas le seul à ne pas arriver à le percevoir dans le texte de Minkowski. Dans les termes de quelqu'un d'autre (Scott Walter), qui a fait un travail d'historien sur le sujet, en se basant sur les textes publiés :
Klein exposa ses propres idées sur le sujet devant les mathématiciens de Göttingen en avril 1909. Il observa que la théorie nouvelle fondée sur le groupe de Lorentz (ce qu'il préférait appeler
"Invariantentheorie") aurait pu sortir de la mathématique pure (Klein 1910, p. 19). En fait, il pensait que ses propres idées sur la géométrie et les groupes avancées en 1872 sous le nom du programme d'Erlangen anticipaient cette théorie. Cette connexion ne trouve pas d'écho chez Minkowski, mais elle a sans doute ancré sa théorie plus solidement dans les mathématiques du dix-neuvième siècle, dont Klein s'est fait l'historien (Klein 1927, p. 28).Je n'arrive pas à voir quoi que ce soit dans leurs textes permettant d'asseoir cette vision.Envoyé par mariposaComme l'un et l'autre était de grand mathématiciens je suis enclin a pensé que l'un et l'autre étaient complètement Erlanganadisé (çà vient de sortir).
Il me semble que la "vision Erlangen" a mis beaucoup de temps à s'établir. Même Hilbert, certainement plus proche de Klein que Poincaré l'était, publie en 1900 une axiomatique de la géométrie qui ne s'inscrit pas dans le programme d'Erlangen, il me semble.
Il y a un risque de ré-écrire l'histoire en fonction du présent. C'est peut-être "choquant" de penser que des "grands noms" comme Hilbert ou Poincaré n'ai pas embrassé immédiatement une idée qui était à la fois établie à l'époque, considérée comme très importante maintenant, et dont on sait maintenant qu'elle a eu un effet marquant sur le long terme. Mais l'histoire des sciences se lit d'abord dans les textes publiés, non ?
La manière dont Einstein et Minkowski ont traité Poincaré dans leurs textes est suffisamment bizarre pour qu'on se pose des questions sur leurs motifs.
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Un point qui m'a frappé dans les textes originaux est le traitement de la gravitation. Poincaré est très circonspect au sujet de l'idée de généraliser ces théories, qui portent rappelons-le uniquement sur les observations en électro-magnétisme, à toute la physique. Du coup, il cherche à traiter en détails le cas de la gravitation, et n'en tire que des suppositions et conclut (dans le papier de 1905/1906) à la nécessité d'observations astronomiques suffisamment précises.
Einstein et Minkowski, au contraire, sautent le pas sans s'encombrer de justifications "physiques". Et Einstein passera quelques 10 ans ensuite pour intégrer la gravitation, car il sait que cela correspond à une faiblesse dans la RR. Le résultat, la RG, dépassa toute espérance et valide a posteriori la démarche...
À ce sens là, on peut dire que Poincaré n'a pas "compris" la RR, pas de la même manière qu'Einstein ou Minkowski, pas comme un "Postulat der absoluten Welt" pour citer le terme grandiloquent utilisé par Minkowski.
En poussant la comparaison un peu trop loin, cela me fait penser à Christophe Colomb, avec Einstein comme Colomb, et Poincaré dans le rôle de ceux qui faisait des calculs précis sur la taille de la Terre. Ces derniers "avaient raison" d'une certaine manière, mais la vision de Colomb l'a amené à une découverte qui a changé l'histoire.
OK, c'est très bien je prends acte de ce travail qui m'intéresse vivement.Ah bon ? Klein semble avoir écrit dans ce sens, mais je ne suis pas le seul à ne pas arriver à le percevoir dans le texte de Minkowski. Dans les termes de quelqu'un d'autre (Scott Walter), qui a fait un travail d'historien sur le sujet, en se basant sur les textes publiés :
Klein exposa ses propres idées sur le sujet devant les mathématiciens de Göttingen en avril 1909. Il observa que la théorie nouvelle fondée sur le groupe de Lorentz (ce qu'il préférait appeler
"Invariantentheorie") aurait pu sortir de la mathématique pure (Klein 1910, p. 19). En fait, il pensait que ses propres idées sur la géométrie et les groupes avancées en 1872 sous le nom du programme d'Erlangen anticipaient cette théorie. Cette connexion ne trouve pas d'écho chez Minkowski, mais elle a sans doute ancré sa théorie plus solidement dans les mathématiques du dix-neuvième siècle, dont Klein s'est fait l'historien (Klein 1927, p. 28).
Je n'arrive pas à voir quoi que ce soit dans leurs textes permettant d'asseoir cette vision.
Son texte est bien dans l'esprit de Erlangen, mais il y a une ambiguité car il construit son discours sur une figure et insiste sur la propriété de groupe. On pourrait donc dire que c'est effectivement du pré-Erlangen. La méthode d'Erlangen est de prendre comme prémisse de définition q'une géométrie une action de groupe tout court. Que cela puisse être représentée ou non par une action sur une figure n'a aucune importance.
C'est tellement vrai que si elle est bien arrivée dans l'enseignement des mathématiques master, la vision Erlangen n'est pas toujours arrivé dans l'enseignement supérieur en physique. Faudra attendre encore un demi-siécle.Il me semble que la "vision Erlangen" a mis beaucoup de temps à s'établir.
L'axiomatisation de Hilbert c'est effectivement quelque chose d'indépendant. C'est très formel et je ne pense que cela est une quelconque impact en physique.Même Hilbert, certainement plus proche de Klein que Poincaré l'était, publie en 1900 une axiomatique de la géométrie qui ne s'inscrit pas dans le programme d'Erlangen, il me semble.
Il y a un risque de ré-écrire l'histoire en fonction du présent. C'est peut-être "choquant" de penser que des "grands noms" comme Hilbert ou Poincaré n'ai pas embrassé immédiatement une idée qui était à la fois établie à l'époque, considérée comme très importante maintenant, et dont on sait maintenant qu'elle a eu un effet marquant sur le long terme. Mais l'histoire des sciences se lit d'abord dans les textes publiés, non ?
Absolument.
Personnellement je ne fais pas beaucoup d'effort pour les exactitudes historiques, je ne fais que picorer pour servir la pédagogie de la physique actuelle quand il est nécessaire de situer quelque chose dans le temps.
J'en profite pour te remercier de cette discussion qui me concerne au plus haut point et je crois que sur Poincaré il y aurait beaucoup de choses à éclaircir pour ce qui me concerne.
Salut,
Idem pour moi.
Je vous remercie aussi beaucoup pour cette discussion entre vous deux que j'ai suivi avec intérêt. J'ai appris beaucoup de choses.
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
@mariposa
Au passage, en rangeant mes fichiers j'ai parcouru rapidement d'autres textes sur Poincaré, d'où une citation de Poincaré de 1880 (il a 26 ans), cité dans un papier de Scott Walter, lui-même citant un manuscrit de Poincaré publié dans "(1997), Trois suppléments sur la découverte des fonctions fuchsiennes, Jeremy Gray et Scott Walter, éds., Berlin : Akadémie Verlag"
-----Qu’est-ce en effet qu’une Géométrie ? C’est l’étude du groupe d’opérations formé par les déplacements que l’on peut faire subir à une figure sans la déformer. Dans la Géométrie euclidienne ce groupe se réduit à des rotations et à des translations. Dans la pseudo-géométrie de Lobachevski il est plus compliqué.
Un autre texte, de 1907 (avant Raum und Zeit, donc), sur la position de Poincaré par rapport à l'espace-temps :
Commentaire de S. Walter, juste après la citation du texte : "Il est clair aujourd’hui que Poincaré a sous-estimé—comme presque tous les relativistes de son temps—l’intérêt pratique d’un formalisme quadridimensionnel pour la physique."Il semble bien en effet qu’il serait possible de traduire notre physique dans le langage de la géométrie à quatre dimensions ; tenter cette traduction ce serait se donner beaucoup de mal pour peu de profit, et je me bornerai à citer la mécanique de Hertz où l’on voit quelque chose d’analogue. Cependant, il semble que la traduction serait toujours moins simple que le texte, et qu’elle aurait toujours l’air d’une traduction, que la langue des trois dimensions semble la mieux appropriée à la description de notre monde, encore que cette description puisse se faire à la rigueur dans un autre idiome.
Bonjour
Et merci à tous les intervenants; c'est toujours passionnant de comprendre comment les idées ont cheminé.
Ces savants étaient des génies impressionnants; depuis 1925 , y a-t-il eu des gens d'une puissance créatrice comparable?
bonjour,
Bien entendu et çà continu aujourd 'hui.
On pourrait citer Witten qui a lui tout seul non seulement développe de nouveaux concepts physico-mathématiques mais entraine à lui tout seul de nouveaux domaines de recherches dans les mathématiques.
Witten aujourd 'hui c'est le Poincaré d'Hier.
Et dans le domaine de la physique , quelles sont les découvertes completement nouvelles? Je veux dire par là, révolutionnaires comme la relativité ou la mécanique quantique .bonjour,
Bien entendu et çà continu aujourd 'hui.
On pourrait citer Witten qui a lui tout seul non seulement développe de nouveaux concepts physico-mathématiques mais entraine à lui tout seul de nouveaux domaines de recherches dans les mathématiques.
Witten aujourd 'hui c'est le Poincaré d'Hier.
Bonjour,
Il n'y a pas de découverte équivalente à la RG et à la MQ par contre il y a de nombreux travaux pour tenter de quantifier la RG (qui est une théorie classique (au sens de non quantique).
Les plus "populaires" sont la théorie des supercordes (ou théorie M) et la théorie de la gravité en boucles (LQG).