Je parcourais avec grand intérêt quelques articles sur la fameuse expérience des fentes d'Young, son implication sur la dualité onde-corpuscule, et du coup sur les différentes écoles d'interprétation des postulats de la mécanique quantique.
Ca ne peut manquer de faire réfléchir à certaines questions.
Je m'en posais donc quelques-unes, et j'espérais trouver des gens plus au fait que moi pour me guider dans la réflexion.
Voici donc quelques idées de profane.
Dans une version "moderne" de l'expérience des fentes d'Young, le dispositif source est capable d'envoyer des électrons "un par un", de tel sorte qu'on voit apparaître des points petit à petit sur le détecteur, ces points formant donc une figure d'interférence au fur et à mesure que les électrons arrivent. Habituellement, on a donc tendance à s'étonner de la conclusion, sans doute pas suffisamment réfléchie, que les électrons sont "à la fois onde et corpuscule".
Face à cette conclusion rapide, je serais tenté par une approche positiviste, surtout le courant wittgensteinien (celle qui dit, d'après le philosophe Wittgenstein, que j'aime beaucoup, que les problèmes sont en fait mal posées à cause des limites du langage, et qu'en fait il n'y a pas de problème)
Ce qui étonne davantage, c'est que lorsqu'on cherche à détecter par quel fente passe l'électron (et l'interféromètre donne effectivement un lieu de passage), alors on perd la figure d'interférence.
Ici, je préfère l'approche de la décohérence; qui permet d'ailleurs un nouveau regard sur la figure d'interférence précédente.
En effet, si la mesure, ou de façon plus générale une interaction avec l'environnement, provoque la décohérence (si j'ai bien compris, l'effondrement de la fonction d'onde décrivant la superposition d'états en un seul état déterminé), alors on peut tout à fait s'attendre à ce que:
1. l'électron avant interaction est un objet quantique "pur", la fonction d'onde le décrit entièrement et il est dans une superposition d'états.
2. Lorsqu'il touche le détecteur, par définition, il interagit et s'effondre donc en un état déterminé, ici avec une position dont la probabilité sera décrite par la fonction d'onde, et on obtient donc bien, avec un nombre suffisamment grand de détections, une figure d'interférence.
3. Lorsque l'électron est mesuré au passage de la fente, il s'effondre également, perd sa superposition d'états, et ne peut plus que continuer dans la direction qui lui a été "imposée" par la mesure. Du coup, la figure d'interférence disparaît.
Tout ça me parait acceptable, avec un peu d'habitude.
Mais ce qui me chipote réellement c'est le fait que, sans interaction avec l'environnement, que ce soit l'interféromètre ou bien l'écran de détection, comment sait-on que l'électron est "là" (c'est-à-dire un peu partout à la fois puisqu'il est en superposition d'états) ?
Peut-on dire, en d'autres termes, que tout ce qui est observable, mesurable, a perdu ses propriétés de superposition?
Est-on capable "d'observer" un objet quantique avant décohérence? Est-ce même possible par définition?
Je ne connais pas la réponse à ces questions, mais j'avais l'impression a priori que mon intuition ne me paraissait pas insensée. Le monde observable est "déterminé" parce qu'un objet quantique "pur" est de toute façon non observable; il ne le sera que lorsqu'il aura interagi avec un instrument de mesure quelconque, lequel lui fera perdre sa superposition d'états, et il deviendra alors un objet déterminé.
Mais un électron quantique pur "existe" quand même. On ne pourrait le voir, le mesurer, mais il a quand même une énergie, une masse. Lui aussi courbe l'espace-temps.
Puisqu'il n'y aurait aucun moyen pour nous de savoir quelle quantité de matière existe toujours sous forme quantique pure (de nouveau, j'entends par là en état "non décohéré", en superposition d'états), ne se pourrait-il pas que la fameuse matière noire, censée rendre compte de la courbure de l'univers, trop grande pour être due uniquement à la matière observée, soit simplement de la matière "quantique pure" ? De la matière qui ne peut être observée par définition (ou qui, si elle l'était, rentrerait automatiquement dans la catégorie "univers observable") mais qui serait quand même là et participerait à la courbure de l'univers...
Que penser de ces élucubrations ?
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