La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?
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La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?



  1. #1
    invitedd8acac8

    La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?


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    La plupart des philosophes et historiens des sciences se plaisent à caractériser « la science moderne », celle apparue avec Galilée et Newton, par la MATHEMATISATION.

    Aristote considérait la mathématisation du monde sublunaire comme impossible, compte tenu de son impermanence. De fait, jusqu’à Newton, on ne sut pas mathématiser la dynamique.

    Mais la science grecque ne s’était pas arrêtée à Aristote. Toute la science hellénistique avait cherché à mathématiser la physique. En particulier, ARCHIMEDE AVAIT MATHEMATISE LA STATIQUE.

    Si Newton réussit à mathématiser la dynamique, c’est grâce à de nouveaux concepts physiques, en particulier l’inertie, découverte par Galilée, et la gravitation, découverte par Newton. C’est en particulier le principe d’inertie qui permit de comprendre qu’il ne fallait pas chercher une relation entre force et vitesse. Le processus de mathématisation de la dynamique put alors reprendre sa progression, et passer de la statique à la dynamique..

    Autrement dit, ce sont les CONCEPTS PHYSIQUES de vitesse instantanée, d’INERTIE, de mouvements inertiels, et d’accélération qui ont permis de mathématiser le mouvement : ce n’est pas la mathématisation, par la seule force des mathématiques, qui a permis d’atteindre ce résultat, mais les nouveaux concepts et principes physiques qui ont permis d’identifier les bonnes variables.

    Stillmann Drake a d’ailleurs montré que, contrairement aux thèses de Koyré, Galilée était arrivé à ses résultats (la chute des corps et le principe d’inertie) par l’expérimentation, voire par l’observation, sans théorie préalable. Poincaré a en outre montré que le principe d’inertie ne résultait d’aucune nécessité logique ou mathématique.

    Certes il fallut aussi l’outil mathématique du calcul différentiel, mais celui-ci apparaît comme l’aboutissement des recherches sur le problème du continu engagées depuis Euclide (proportions d’Euclide, exhaustion d’Archimède, indivisibles de Cavalieri). Par contraste, la découverte des mouvements inertiels, sans moteur, des MOUVEMENTS-ETATS et non pas des mouvements-processus, représente une innovation radicale, physique et non pas mathématique, qui avait d’ailleurs été envisagée mais exclue par Aristote.

    Certes les concepts physiques n’atteignent leur expression la plus claire que sous forme mathématique, mais ce n’est pas le propre de la science moderne, comme le montre le concept de centre de gravité, le principe du levier, de la poussée d’Archimède, etc

    Caractériser la science moderne par la mathématisation, n’est-ce donc pas mettre la charrue avant les bœufs ? Si tel est le cas, pourquoi cette erreur est-elle si répandue, et si rarement dénoncée ? Qui en effet a contesté cette primauté très généralement accordée à la mathématisation de la physique pour caractériser la révolution scientifique du XVIIème siècle ?

    Merci d’avance

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  2. #2
    phys4

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Les concepts mathématiques indispensables pour la physique peuvent arriver avant ou après que les théories en aient besoin.
    Les deux cas ce sont produits dans l'histoire de sciences.
    - les complexes ont été découverts bien avant qu'ils deviennent indispensables pour la mécanique quantique.
    - les exponentielles et fonctions associées semblent aussi être conçues avant leur utilisation pratique.
    - les conceptions de la géométrie de Riemann ont beaucoup aidées le démarrage de la relativité, mais il a fallu la perfectionner.
    - le calcul différentiel a du être découvert en même temps que la cinématique, qui en avait besoin.

    Quel problème cela vous pose, que les concepts mathématiques soient découverts avant leur utilisation ou simultanément ?
    L'oeuvre des mathématiciens a aidé le démarrage de la science.
    Comprendre c'est être capable de faire.

  3. #3
    invitedd8acac8

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Ce n'est pas tant une question de chronologie que de causalité. On ne peut mathématiser la physique que lorsqu'on a dégagé les bons concepts physiques.

    La géométrie de Riemann était là avant qu'Einstein n'en ait eu besoin, mais c'est une foi qu'Einstein a eu l'idée de base, physique, de la relativité générale, l'égalité de la masse pesante et de la masse inerte, qu'il découvrit que la géométrie de Riemann pouvait lui être utile. Autrement dit, c'est un raisonnement physique qui a conduit Einstein à la relativité générale, et non pas un raisonnement mathématique. Les mathématiques ont suivi (même si l'outil était déjà disponible). Même chose en relativité restreinte : elle dérive de l'idée physique de la constance de la vitesse de la lumière, et pas des groupes de Lorentz.

    Or je ne connais pas d'exception à la règle : tous les historiens et les philosophes des sciences (je ne parle pas des scientifiques eux-mêmes, comme Newton, Mach, Einstein) caractérisent la science moderne par sa mathématisation. Je prétends que la mathématisation a commencé à l'époque hellénistique (pour ne pas remonter avant Aristote), et ne caractérise donc pas la science moderne. Mais ce sur quoi tous avaient buté avant Galilée, dans leurs efforts pour résoudre la question du mouvement, c'était le principe d'inertie.

    D'où ma question : connaissez vous des historiens ou philosophes des sciences qui ait contesté cette primauté très généralement accordée à la mathématisation de la physique pour caractériser la révolution scientifique du XVIIème siècle ?

  4. #4
    calculair

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    bonjour,

    je pense que les choses soient plus subtiles.

    La physique anciennes, fait appel a ce que l'on peut appeler " au sens physique" et se construit ainsi concept après concept. On peut avoir une vision des choses et les mathématiques aident à les quantifier.

    Il me semble que la physique moderne échappe de plus en plus au sens " physique naturel" les choses se déroulent dans un espace que nous ne maitrisons plus tout a fait naturellement et les constructions mathématiques permettent de les décrire . L' expérience permet de vérifier que les résultats des équations sont exactes, mais la réalité des phénomènes n'est plus du tout intuitive. La relativité en donne des exemple, la mecanique quantique, semble aussi défier le sens physique naturel.

    Peut être à la longue nos cerveaux évolueront et l'homme retrouvera un sens physique adapté à une réalité encore plus exacte que celle nous pervevons aujourd'hui....
    En science " Toute proposition est approximativement vraie " ( Pascal Engel)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invitedd8acac8

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Merci de votre réponse. Mais il ne faut pas confondre me semble-t-il deux choses : certes la science se bat depuis les origines contre l'intuition courante. Prenez Anaximandre prétendant que la terre n'est pas plate, mais flotte dans l'espace: quoi de plus contraire à l'intuition. Idem avec Galilée et l'inertie : personne n'a jamais vu un mouvement inertiel. Mais ce ne sont pas les mathématiques qui ont guidé Anaximandre, ni Galilée pour la découverte du principe d'inertie (pour toutes ses découvertes d'ailleurs) : c'est l'observation et l'expérience. Les mathématiques ne viennent (causalement) qu'après, comme un outil (même s'il y a eu au XXème siècle parfois d'abord la mathématique : pour l'antimatière, pour la constante cosmologique, ...). C'est ce sens que pour moi la révolution scientifique du XVII, celle qui a résolu la question du mouvement, c'est une révolution physique, et les mathématiques (le calcul différentiel) a suivi.
    Donc oui la physique s'éloigne de plus en plus de notre intuition. Oui elle utilise des mathématiques elles-mêmes de plus en plus abstraites. A partir du XXème siècle, il devient peut-être difficile (encore que j'en doute, sauf exceptions) de savoir si l'idée physique a l'initiative, et si la mathématique suit. Mais au XVIIème, la question me paraît avoir une réponse évidente. Qu'en pensez-vous?

    Et surtout : l'idée de génie de Galilée n'est pas d'avoir appliqué des mathématiques à la physique, las savants hellénistiques l'avaient déjà fait. Les mathématiques de Galilée étaient d'ailleurs très élémentaires par rapport à celles d'Archimède. Le génie de Galilée, c'est d'avoir mesuré une vitesse en fonction du temps,c'est d'avoir pris le temps comme variable (et non plus l'espace), et c'est d'avoir découvert l'existence des mouvements-états, les mouvements inertiels. Tout ça , ce sont des idées physiques, même si leur formulation la plus rapide est la formulation mathématique.

  7. #6
    calculair

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    En effet jusqu'a la fin du 19 ème siècle on peut dire que la vision physique des choses guidait les grandes découvertes.

    Je pense que le 20 ème siècle est celui ou de plus en plus les concepts mathématiques doivent être interprétés par le physiciens pour disposer d'une vision physique de notre univers.

    Einstein imagine un laboratoire en chute libre pour y supprimer l'effet de la gravité et en introduisant le fait que la vitesse de la lumière est une vitesse limite et en s'aidant de mathématicien,, il fini par décrire un univers ou le temps et l'espace sont intimement liés dans un univers déformé par la présence de masse. Cette vision est déjà à mi chemin entre une vision compatible par notre esprit et un univers qui semble échapper à notre comprehension directe. La théorie des cordes nous projette dans un espace à grand nombre de dimensions et la vision ne peur s'interpréter que par des images . Les théories quantiques semblent nous demander encore plus d'effort d'imagination et d'ouverture d'esprit pour comprendre les équations qui décrivent notre univers.

    Maintenant on peut se demander si on utilise d'autre outils mathématiques pour traduire les faits expeimentaux auriont nous une vision similaire de notre univers liés aux découvertes récentes....? tout cela n'est qu'une illusion....
    En science " Toute proposition est approximativement vraie " ( Pascal Engel)

  8. #7
    invitedd8acac8

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Ma question portait sur la révolution scientifique du XVIIème siècle. Vous semblez d'accord avec moi qu'à l'époque c'est la vision physique des choses guidait les grandes découvertes. Or le discours caractérisant la révolution scientifique du XVIIème siècle par la mathématisation,et non pas par la physique, commence avec Descartes et se poursuit jusqu'à nos jours, en passant par les grandes figures de Husserl, Heidegger, Koyré. Je ne connais aucune exception. Comment cela est-il possible? Pourquoi personne ne le conteste-t-il?

    Comme vous dites, Einstein s'est aidé des mathématiques: riemaniennes, tensorielles, etc. Ces théories mathéatiques ont fourni des outils, notamment pour penser un espace-temps dont les caractéristiques varient d'un endroit àl'autre, comme la dérivation a fourni l'outil pour formaliser mathématiquement la notion de vitesse instantanée. La mathématisation suit la notion physique, elle l'aide à la clarifier et à l'exprimer, mais elle n'est pas, même dans le cas d'Einstein (hors sans doute la constante cosmologique, introduite initialement pour des raisons mathématiques et non pas physiques)

  9. #8
    Quarkonium

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Citation Envoyé par JP2C Voir le message
    (hors sans doute la constante cosmologique, introduite initialement pour des raisons mathématiques et non pas physiques)
    Merci pour cet échange très intéressant qui donne à réfléchir. J'espère ne pas me tromper en disant plutôt que l'introduction historique de la constante cosmologique résulte également d'un "feeling de physique" d'Einstein qui n'était pas satisfait de la possibilité d'un Univers instable (pas de bol pour lui, l'ajout de la constante ne donnait qu'un univers méta-stable).

  10. #9
    invitedd8acac8

    Re : La révolution sc. du XVII : ne pas mettre la charrue (la math.)avant les boeufs (la physique)?

    Merci pour cette précision. Reste la question du renversement de priorité entre math et physique pour la révolution galiléenne : merci si vous pouvez trouver une explication, et des exceptions

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