La plupart des philosophes et historiens des sciences se plaisent à caractériser « la science moderne », celle apparue avec Galilée et Newton, par la MATHEMATISATION.
Aristote considérait la mathématisation du monde sublunaire comme impossible, compte tenu de son impermanence. De fait, jusqu’à Newton, on ne sut pas mathématiser la dynamique.
Mais la science grecque ne s’était pas arrêtée à Aristote. Toute la science hellénistique avait cherché à mathématiser la physique. En particulier, ARCHIMEDE AVAIT MATHEMATISE LA STATIQUE.
Si Newton réussit à mathématiser la dynamique, c’est grâce à de nouveaux concepts physiques, en particulier l’inertie, découverte par Galilée, et la gravitation, découverte par Newton. C’est en particulier le principe d’inertie qui permit de comprendre qu’il ne fallait pas chercher une relation entre force et vitesse. Le processus de mathématisation de la dynamique put alors reprendre sa progression, et passer de la statique à la dynamique..
Autrement dit, ce sont les CONCEPTS PHYSIQUES de vitesse instantanée, d’INERTIE, de mouvements inertiels, et d’accélération qui ont permis de mathématiser le mouvement : ce n’est pas la mathématisation, par la seule force des mathématiques, qui a permis d’atteindre ce résultat, mais les nouveaux concepts et principes physiques qui ont permis d’identifier les bonnes variables.
Stillmann Drake a d’ailleurs montré que, contrairement aux thèses de Koyré, Galilée était arrivé à ses résultats (la chute des corps et le principe d’inertie) par l’expérimentation, voire par l’observation, sans théorie préalable. Poincaré a en outre montré que le principe d’inertie ne résultait d’aucune nécessité logique ou mathématique.
Certes il fallut aussi l’outil mathématique du calcul différentiel, mais celui-ci apparaît comme l’aboutissement des recherches sur le problème du continu engagées depuis Euclide (proportions d’Euclide, exhaustion d’Archimède, indivisibles de Cavalieri). Par contraste, la découverte des mouvements inertiels, sans moteur, des MOUVEMENTS-ETATS et non pas des mouvements-processus, représente une innovation radicale, physique et non pas mathématique, qui avait d’ailleurs été envisagée mais exclue par Aristote.
Certes les concepts physiques n’atteignent leur expression la plus claire que sous forme mathématique, mais ce n’est pas le propre de la science moderne, comme le montre le concept de centre de gravité, le principe du levier, de la poussée d’Archimède, etc
Caractériser la science moderne par la mathématisation, n’est-ce donc pas mettre la charrue avant les bœufs ? Si tel est le cas, pourquoi cette erreur est-elle si répandue, et si rarement dénoncée ? Qui en effet a contesté cette primauté très généralement accordée à la mathématisation de la physique pour caractériser la révolution scientifique du XVIIème siècle ?
Merci d’avance
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