Positon : un électron qui remonte le temps ?
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Positon : un électron qui remonte le temps ?



  1. #1
    Scientist_75

    Positon : un électron qui remonte le temps ?


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    Bonjour,

    Je me souviens que dans un examen de physique quantique, on devait calculer l'état quantique de spin d'un positon, dans une base dont j'me souviens plus. La conclusion était que l'état d'un positon est le même que celui de l'électron à ceci près qu'on change le temps t en -t. Donc le temps va dans les négatifs et on entend souvent dire que l'anti-matière remonte le temps.

    Est-ce un artefact mathématique ou ça a une réelle interprétation physique ? Genre les positon viennent du futur ?

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  2. #2
    ThM55

    Re : Positon : un électron qui remonte le temps ?

    J'aurais tendance à dire qu'il s'agit d'un artefact mathématique mais avec des profondes implications physiques.

    Petit rappel préliminaire. En électrodynamique quantique les équations sont trop compliquées, on ne sait pas les résoudre. On a alors recours à un misérable procédé appelé "théorie des perturbations", qui consiste à partir de la théorie libre dans laquelle les électrons et positrons n'ont pas de charge et le photon n'interagit pas avec eux et de considérer leur interaction comme une petite perturbation qu'on va pouvoir développer en série (remarquez que si on devait se contenter de ce procédé en électrodynamique classique, on ne serait pas très loin en électrotechnique ou en techniques radio!). Il y a deux manières de faire les calculs de perturbation. D'abord la méthode traditionnelle, venant de la mécanique quantique non relativiste, par exemple celle qui permet de calculer l'effet Zeeman ou l'effet Stark dans un atome. Cette méthode distingue le temps des autres coordonnées, l'invariance de Lorentz n'est pas manifeste. L'invariance existe, car la théorie est invariante, mais elle se retrouve seulement dans les résultats finaux, elle est brouillée tout au long du calcul. De plus, cette méthode est compliquée, par exemple dans une interaction entre un électron et un muon, il faut distinguer le cas où l'électron émet un photon et le muon l'absorbe, de celui où c'est le muon qui l'émet et l'électron qui l'absorbe. Il y a beaucoup de termes à calculer et on a vite fait d'en oublier. En fait on peut aussi dessiner dans cette méthode des diagrammes de Feynman mais il faut soigneusement distinguer des cas qui seront unifiés dans la méthode covariante dont je vais parler maintenant et ils sont beaucoup moins pratiques.

    L'autre méthode, inaugurée par Feynman, maintient l'invariance de Lorentz du début à la fin. Le photon dont j'ai parlé devient virtuel, il n'est plus sur son cône de lumière ce qui permet de ne pas distinguer les deux cas. Tous ces cas sont unifiées en un seul et il y a beaucoup moins de calculs à faire. Ces calculs sont résumés dans les diagrammes de Feynman où il n'y a plus que deux sortes de particules: le photon et le fermion. Le fermion est représenté par une ligne sur laquelle se trouve une flèche. Cette flèche représente non pas la direction de la quantité de mouvement (comme dans les diagrammes de Feynman qu'on dessinerait dans la méthode non covariante), mais bien la direction du flux de charge négative (on prend l'électron comme base pour des raisons historiques évidentes). Mais cela signifie que dans un diagramme avec une ligne représentant un positron, la flèche sera dans l'autre sens. On a donc l'impression quand on dessine un diagramme de Feynman dans l'espace-temps que le positron est la même chose qu'un électron qui remonte le temps. En fait le positron et l'électron sont deux aspects d'une même chose, qui est le champ fermionique électron-positron, représenté par un spineur de Dirac qui possède une propriété de conjugaison de charge qui les échange.

    J'espère que mon explication montre que cette constatation est bien une sorte d'artefact mathématique mais pas seulement, elle a aussi un contenu physique profond car elle révèle une symétrie fondamentale entre l'électron et le positron.
    Dernière modification par ThM55 ; 15/07/2020 à 23h21.

  3. #3
    Deedee81

    Re : Positon : un électron qui remonte le temps ?

    Salut,

    Rien à redire ni à l'explication ni aux conclusions de ThM55. C'est en effet mathématique mais avec un sens profond. J'aimerais toutefois donner quelques explications complémentaires sans faire appel à la théorie des perturbations.

    Bon, tout d'abord rappelons qu'une particule libre a une fonction d'onde s'écrivant typiquement avec un facteur exponentiel exp(E*t - kx) pour une onde se déplaçant vers les x positifs (à des facteurs comme i*hbar près). Cet argument correspond à une particule d'énergie positive progressant dans le temps normalement. Comme une onde banale.

    Maintenant rappelons aussi que lorsque l'on passe à une formulation relativiste de la mécanique quantique, l'équation de Klein-Gordon ou de Dirac et tout ça, on se retrouve avec un dédoublement des états. Les états d'énergie positive mais aussi les états d'énergie négative (c'est lié au fait qu'on a un carré dans E^2 = p^2 c^2 + m^2 c^4). En physique classique on peut bêtement ignorer les états d'énergie négative car ils sont totalement découplés des autres. Mais en mécanique quantique il y a un couplage. Qu'on peut relier au seul E = 2mc² correspondant à la création d'une paire et qu'on peut même relier à l'effet tunnel (passage du gap 2mc² entre les deux continuum d'états). Ce n'est pas sans poser de soucis (instabilité de l'atome d'hydrogène par exemple) et c'est lié clairement au fait qu'une théorie à nombre variables de particules est nécessaire.

    Quand on passe à la théorie quantique des champs, théorie à nombre variables de particules par nature, on conserve ces états d'énergie négative. Mais, grosse astuce : dans le facteur exponentiel on a E*T. Et donc on peut voir un électron d'énergie négative comme une particule d'énergie positive remontant le temps.

    Maintenant, passons aux symétries. Les symétries discrètes les plus importantes sont P (parité), C (conjugaison de charge) et T (renversement du temps).
    On démontre facilement (enfin, pour une théorie lagrangienne en tout cas, la démonstration axiomatique est un peu plus chiée) que toute théorie quantique et relativiste doit être invariante sous la combinaison CPT. De plus, la conjugaison de charge est une symétrie qui fait correspondre une particule à la même particule mais avec les charges changées de signe. C seul n'est pas toujours respecté (il y a même une violation maximale par l'interaction faible) et CP non plus (violation faible cette fois, mais violation quand même). Donc on utilise CPT pour faire correspondre particule et antiparticule. On prend notre particule remontant le temps, on applique CPT, on a une antiparticule et ohhhh, bonheur, le T la fait rentrer dans le giron : elle se déplace maintenant normalement dans le temps

    Cette symétrie est profonde et en effet comme Thm55 l'explique c'est bien pratique pour les diagrammes de Feynman : électron entrant = positron sortant, calculatruc programastuce.
    Dernière modification par Deedee81 ; 16/07/2020 à 07h54. Motif: LAtex a encore des soucis
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  4. #4
    ThM55

    Re : Positon : un électron qui remonte le temps ?

    Bien sûr, mais je me plaçais dans le cadre de l'électrodynamique quantique, sans interaction faible, et en QED, C, T et P sont conservées séparément. Je pense que dans ce cas on peut dire que "l'électron qui remonte le temps" c'est juste une application de C dans le cadre de cette méthode de calcul. Et c'est équivalent à T dans ce cas puisque ce qui compte c'est le flux de charges: un processus dans lequel une charge négative entre et puis ressort, c'est mathématiquement équivalent à un processus où on remplace tout par des charges positives et où on renverse le temps, donc comme si le positron était comme un électron qui remonterait le temps. Ce que je voulais dire aussi c'est que ce point de vue est lié à la méthode de calcul (celle de Feynman). On peut très bien, comme le faisait Schwinger (qui n'enseignait pas les diagrammes de Feynman dans son cours mais que des étudiants ont surpris à les utiliser en cachette!), appliquer la théorie classique des perturbations, non explicitement covariante, et cette symétrie n'y est plus apparente. C'est en ce sens que je considérais la phrase comme un artefact mathématique, mais évidemment le fait que cela marche reflète une vraie réalité physique: le champ de Dirac représente à la fois des électrons et des positrons, de manière parfaitement symétrique. Mais pour que ce soit clair comme réponse à la question posée: non, le positron ne remonte pas le temps, il ne vient pas du futur comme Marty et Doc, c'est juste une symétrie dans les calculs .

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Deedee81

    Re : Positon : un électron qui remonte le temps ?

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Bien sûr, mais
    Pas de reproche, c'est utile et très complémentaire

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Schwinger (qui n'enseignait pas les diagrammes de Feynman dans son cours mais que des étudiants ont surpris à les utiliser en cachette!)
    Ah tiens, ça je ne savais pas. Amusant comme anecdote

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    il ne vient pas du futur comme Marty et Doc, c'est juste une symétrie dans les calculs .


    Il y a d'ailleurs une chose générale qui est utile à dire. Et qui est vraie autant dans ton explication, que la mienne (ou que dans des trucs que j'ai déjà vu en RG et en MQ pure et dure).

    La variable t n'est qu'une coordonnée. C'est juste une étiquette qu'on colle sur les événements pour les repérer. Kip Thorn utilisait des trucs du style "Evénement A, chez moi le jour de mon anniversaire", "événement B, chez Jules quand il s'est fait licencier"..... etc....

    Et comme telle, sur l'étiquette on met ce qu'on veut. Et si on veut utiliser -t, des valeurs négatives (ou dans "l'autre sens") c'est un droit. Ca ne change rien à la physique. Et les objets ne montent pas dans la DeLorean (faut juste être prudent dans certains changements de coordonnées, faut pas faire la nique à la causalité). Ce qui fixe l'ordre temporel physique est la flèche du temps qui est d'origine thermodynamique et qui..... n'intervient pas du tout ici (plus une grosse louche de causalité mais qui n'intervient pas non plus, enfin, si mais pas dans cette histoire de -t, tant que le changement est global y a pas de soucis. La causalité c'est plutôt en lien avec l'analycité... fabuleux aussi ça)

    Donc définitivement, tout tripotage de ce style est toujours mathématique.

    La chose qui change ici c'est que cette manipulation mathématique n'est pas sans raison et est liée à des raisons profondes de symétrie, qu'elles se manifestent à travers le théorème CPT ou dans les diagrammes de Feynman et l'électrodynamique quantique (où on a même la fabuleuse identité de Ward, très profonde aussi, enfin, moi je trouve, liée au couplage minimal et à l'invariance de jauge locale).

    Je trouve même (ça c'est un avis personnel) que c'est un plaisir quand on étudie ces sujets de percevoir ces aspects profonds. Ca donne l'impression de ne pas faire "juste du calcul".
    Dernière modification par Deedee81 ; 16/07/2020 à 11h30.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

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